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Canada

Événements de 2015

Un document où figurent des photos de femmes portées disparues dans la région de Vancouver, Colombie-Britannique, au Canada, depuis les années 1990.

 

© 2012 Samer Muscati/Human Rights Watch

Essai principal

 
Afghan refugees in Greece
La double menace

Comment la politique de la peur et la répression contre la société civile compromettent les droits humains

Essais

 
Thirteen-year-old Sifola in the home she shares with her husband and in-laws in Bangladesh. Sifola’s parents, struggling with poverty, took her out of school and arranged for her marriage so that the money saved could pay for her brothers’ schooling. © 20
Ending Child Marriage

Meeting the Global Development Goals’ Promise to Girls

 
Bhumika Shrestha, a transgender woman in Nepal, holds her citizenship certificate, which listed her as male in 2011. Nepal legally recognized a third gender category beginning in 2007, but it took Shrestha and other activists and transgender citizens unti
Rights in Transition

Making Legal Recognition for Transgender People a Global Priority

 
The door of a cell at Lusaka Central Prison. Children are routinely incarcerated in Zambia for minor offenses and frequently held together with adults, putting them at increased risk of sexual violence and other abuses. © 2010 João Silva
Children Behind Bars

The Global Overuse of Detention of Children

La réputation mondiale de défenseur des droits humains dont jouit le Canada a été ternie par la non-adoption par le gouvernement de Stephen Harper, au pouvoir jusqu’en octobre dernier, de mesures essentielles pour résoudre de graves problèmes de droits humains. Les droits des peuples autochtones, le statut juridique du commerce du sexe, les mesures restrictives en matière de lutte contre le terrorisme, l’impact des industries extractives et textiles canadiennes à l’étranger, ainsi que les droits des demandeurs d’asile et des migrants, sont autant de points particulièrement préoccupants.

Violence à l’encontre des femmes et des filles autochtones
Les inquiétudes de plus en plus vives du public à l’égard des disparitions et des meurtres de femmes et de filles autochtones ont poussé les responsables provinciaux, les partis politiques de l’opposition, la société civile et, en 2015, deux comités des Nations Unies, à lancer de nombreux appels en faveur de la mise sur pied d’une commission d’enquête nationale sur ces actes de violence.

Le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a conclu que le Canada avait commis une « violation grave » des droits des femmes autochtones en n’enquêtant pas rapidement et de manière approfondie sur le niveau élevé de violence dont elles sont victimes. Le comité a également attiré l’attention sur les mauvais traitements dont elles font l’objet de la part de la police, un problème que Human Rights Watch avait décrit dans son rapport de 2013 intitulé « Ceux qui nous emmènent ».

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a exprimé la même inquiétude à propos des violences auxquelles sont confrontées les femmes et les filles autochtones, ainsi qu’à propos de l’absence de réponses adéquates et efficaces du Canada. Ces deux comités de l’ONU ont recommandé que le Canada mène une enquête nationale pour examiner ce problème, recommandation que le gouvernement Harper a rejetée mais que le gouvernement libéral de Justin Trudeau récemment élu s’est engagé à mettre en œuvre.

En octobre 2015, huit policiers de la Sûreté du Québec (police provinciale du Québec) ont été suspendus de leurs fonctions en raison d’accusations d’abus commis à l’encontre de femmes autochtones dans la ville minière de Val-d’Or. Au moment où ont été écrites ces lignes, la province ne prévoyait pas d’ouvrir une enquête civile indépendante sur lesdites accusations, mais elle avait nommé un auditeur civil chargé de superviser l’enquête menée par la police de Montréal, un organisme municipal séparé.

Droits des peuples autochtones
Au cours des 19e et 20e siècles, quelque 150 000 enfants autochtones ont été enlevés à leurs familles et communautés pour être placés dans des pensionnats où il leur était interdit de s’exprimer dans leur propre langue ou de pratiquer leur culture. Beaucoup ont également subi des violences physiques et sexuelles.

En 2015, la Commission de vérité et réconciliation, chargée d’offrir aux anciens élèves et aux autres personnes affectées par les pensionnats une possibilité de partager leurs expériences, a établi que le gouvernement canadien avait poursuivi une politique de « génocide culturel », dont l’un des éléments centraux était le système des pensionnats. Selon la commission, l’objectif du gouvernement était de se départir des obligations légales et financières qui lui incombaient envers les peuples autochtones et de prendre le contrôle de leurs terres et de leurs ressources.

La commission a formulé un certain nombre de recommandations pour respecter les droits des peuples autochtones et promouvoir la réconciliation. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a ultérieurement approuvé les recommandations en 2015, mais le gouvernement Harper ne les a pas acceptées.

Les associations autochtones ont critiqué le Canada pour s’être mis en défaut de respecter les accords sur les revendications territoriales conclus avec les communautés autochtones ou pour ne pas les avoir suffisamment consultées, notamment en ce qui concerne les projets d’extraction des ressources sur les terres traditionnelles. Le gouvernement n’a toujours pas prêté suffisamment attention aux problèmes liés à la grande pauvreté, au logement, à l’eau, aux installations sanitaires, aux soins de santé et à l’éducation dans les communautés autochtones, en particulier celles vivant dans des zones rurales reculées. L’accès insuffisant à l’eau propre et potable continue de poser un grave problème de santé publique dans un certain nombre de communautés autochtones.
 

Commerce du sexe
Suite à un jugement de 2013 de la Cour suprême du Canada invalidant des restrictions antérieures qui, aux yeux de la cour, violaient les droits et la sécurité des travailleurs du sexe, le parlement a adopté, en décembre 2014, la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, laquelle criminalise la communication en vue de vendre des services sexuels dans un endroit public, ainsi que l’achat et la publicité de services sexuels, ou encore le fait de bénéficier de la vente de services sexuels. Comme l’ont souligné des travailleurs du sexe, des chercheurs, ainsi que des associations de défense des droits humains lors de leur témoignage devant le parlement, la loi limite sérieusement la capacité des travailleurs du sexe à prendre des mesures de sécurité vitales, notamment à filtrer les clients. La criminalisation de la communication affecte de manière disproportionnée les travailleurs du sexe basés dans la rue, dont beaucoup sont autochtones, pauvres ou transgenres, les forçant à travailler dans des endroits isolés et plus dangereux.

Lutte contre le terrorisme
En juin 2015, le Canada a adopté la Loi antiterroriste, laquelle met en péril des droits humains consacrés par la constitution, notamment la liberté d’expression et d’association.

Les dispositions vagues et trop générales de la loi habilitent le Service canadien du renseignement de sécurité à se livrer à des opérations qui risquent d’entraver des actes légitimes de contestation, voire de violer la Charte canadienne des droits et libertés, ces opérations n’étant pratiquement soumises à aucun contrôle. En autorisant le libre partage des informations entre 17 agences gouvernementales, la loi invite à violer le droit à la vie privée et les protections procédurales visant à prévenir la torture et les mauvais traitements. Elle prive également les personnes placées sur la liste d’interdiction de vol, ainsi que les non-ressortissants menacés d’expulsion, de procédures équitables dignes de ce nom. Le nouvel acte criminel prévu par la loi, « préconiser le terrorisme », risque de porter atteinte à la liberté d’expression. La loi abaisse aussi considérablement le seuil requis pour détenir un suspect sans inculpation et prolonge la période de détention d’un tel suspect.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a fait part de préoccupations similaires à propos de la loi, appelant le Canada à s’abstenir d’adopter un texte de loi qui impose des restrictions excessives à l’exercice des droits civils et politiques.

Abus dans l’industrie minière
Le Canada est le plus important centre mondial de financement de l’industrie minière, accueillant la majorité des sociétés minières et entreprises d’exploration du monde. Ces firmes ont un impact collectif énorme sur les droits humains des communautés vulnérables partout dans le monde. Pourtant, le gouvernement canadien ne réglemente pas et ne contrôle pas les pratiques en matière de droits humains des sociétés minières canadiennes qui opèrent à l’étranger.

En 2013, Human Rights Watch a recueilli des informations concernant les accusations visant Nevsun Resources, une firme basée à Vancouver, selon lesquelles sa mine d’or phare de Bisha, en Érythrée, avait été en partie construite en recourant au travail forcé de main d’œuvre déployée par un entrepreneur public local, Segen Construction. L’année suivante, trois Érythréens ont déposé une plainte contre Nevsun auprès d’un tribunal canadien, accusant la firme d’être complice du recours au travail forcé par Segen à la mine de Bisha. Les plaignants affirment qu’ils ont travaillé à la mine contre leur gré, qu’ils étaient forcés de travailler de longues heures, et qu’ils vivaient dans une peur permanente engendrée par les menaces de torture et les intimidations.

En 2015, la Commission d’enquête de l’ONU sur les droits de l’homme en Érythrée a rapporté qu’elle avait recueilli des preuves établissant que la plupart des travailleurs de la mine de Bisha étaient en fait des conscrits réalisant leur service national. Nevsun a rejeté toutes ces accusations.

En 2011, Human Rights Watch avait décrit les brutalités généralisées, dont des cas de viols collectifs brutaux, perpétrées par des employés du géant minier canadien Barrick Gold sur le site minier de Porgera, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. La firme a pris de nombreuses initiatives visant à prévenir de nouvelles brutalités et en 2015, elle a permis à une centaine de femmes victimes de violences infligées par des employés de la société de bénéficier d’un ensemble de mesures de réparation. Elle a par ailleurs commandé une évaluation indépendante chargée de déterminer le degré de conformité de ce programme aux normes internationales et de mesurer son impact positif sur les femmes concernées.

En 2015, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a appelé le Canada à renforcer l’efficacité des mécanismes existants afin de s’assurer que les firmes canadiennes respectent les normes en matières de droits humains lorsqu’elles opèrent à l’étranger, à envisager de mettre en place un mécanisme indépendant habilité à enquêter sur les atteintes aux droits humains perpétrées par ces firmes à l’étranger, et à élaborer un cadre juridique qui offre des voies de recours aux victimes.

Abus dans l’industrie textile
Le Canada est l’un des quatre principaux marchés pour les vêtements et textiles du Cambodge, où les ouvriers du secteur textile travaillent souvent dans des conditions de discrimination et d’exploitation. Les travailleurs, dont la plupart sont des jeunes femmes, ont des difficultés à faire valoir leurs droits et disposent de contrats de courte durée qui facilitent leur licenciement et leur contrôle, tandis que les inspections et les mesures gouvernementales visant au respect de la loi se révèlent médiocres et que des tactiques agressives sont utilisées à l’encontre des syndicats indépendants.

Les marques de vêtements canadiennes ont la responsabilité de promouvoir le respect des droits des travailleurs par chaque maillon de leurs chaînes d’approvisionnement, qu’il s’agisse de leurs fournisseurs directs ou d’usines sous-traitantes. Comme expliqué dans le rapport de 2015 de Human Rights Watch intitulé « Work Faster or Get Out », toutes les firmes canadiennes n’assument pas pleinement leurs responsabilités.

En dépit des abus, le Canada n’a pas adopté de réglementations créant des mesures incitatives ou obligeant les marques internationales de vêtements domiciliées au Canada à divulguer des informations non financières relatives aux droits humains, telles que le nom de leurs fournisseurs et sous-traitants, afin de favoriser le respect des droits des travailleurs tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Droits des demandeurs d’asile et des migrants
En 2012, le parlement a adopté le Projet de loi C-31, lequel autorise le gouvernement à désigner l’arrivée d’un groupe de migrants au Canada comme une « arrivée irrégulière », soumettant ces personnes à une détention obligatoire avec des possibilités limitées d’examen de leur dossier et un risque de détention prolongée pour les réfugiés et les enfants de 16 ans et plus. Le Projet de loi C-31 a créé une Section d’appel des réfugiés mais les demandeurs d’asile de 27 « pays désignés » qui ont pour pratique de respecter les droits humains ne sont pas autorisés à faire appel du rejet de leurs demandes devant ladite section, la Cour fédérale pouvant toutefois procéder à un examen du rejet de ces demandes. Le Projet de loi C-31 interdit également aux « arrivées irrégulières » de présenter une demande de résidence permanente avant un délai de cinq ans, compromettant le droit des familles de réfugiés séparés à être réunifiées.

En juillet, la Cour fédérale a jugé que le fait de priver les demandeurs originaires de « pays désignés » du droit de faire appel en cas de refus de leur demande violait le principe d’égalité des droits au regard de la Charte canadienne des droits et libertés. Trois personnes avaient contesté la constitutionnalité de cette politique : un homosexuel de nationalité croate et un couple d’homosexuels de nationalité hongroise, qui craignaient tous trois d’être persécutés en partie en raison de leur orientation sexuelle. Le gouvernement a fait appel de la décision.

En 2012 également, le Canada a modifié le Programme fédéral de santé intérimaire, limitant l’accès aux services de santé essentiels pour de nombreux demandeurs d’asile, décision qu’un tribunal canadien a par la suite déclarée être une forme de « traitement cruel et inhabituel », et dès lors inconstitutionnelle. En réaction, le gouvernement fédéral a mis en place un programme de santé temporaire offrant une couverture partielle des soins de santé à certains réfugiés.

En 2015, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a appelé le Canada à s’abstenir de maintenir en détention des « migrants irréguliers » pendant des périodes indéterminées, de veiller à ce que la détention soit utilisée comme mesure de dernier ressort, et de prévoir un droit de recours pour les demandeurs d’asile de « pays désignés ». Le comité a également recommandé que le Canada réinstaure l’accès aux services de santé essentiels pour tous les demandeurs d’asile, indépendamment de leur statut.