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Canada

Événements de 2016

Josephine Mandamin, de la Réserve indienne non cédée de Wikwemikong, et connue sous le nom de la Marcheuse de l‘eau, photographiée après une cérémonie de l’eau en présence d’aïeules de la Première Nation de Whitefish River.

© 2015 Samer Muscati/Human Rights Watch

En octobre 2015, le Parti libéral du Canada, dirigé par Justin Trudeau, a remporté les élections générales, marquant un changement politique au niveau national. Néanmoins, le nouveau gouvernement a d’importants problèmes à résoudre dans le domaine des droits humains : la violence à l’encontre des femmes et filles autochtones, l’atteinte aux droits des peuples autochtones, l’impact des industries extractives et textiles à l’étranger, et les enfants en détention.

Violence à l’égard des femmes et filles autochtones

En août 2016, le gouvernement canadien a lancé une enquête publique nationale sur les meurtres et disparitions de femmes et de jeunes filles autochtones un peu partout au Canada. Dotée de cinq membres et d’un budget de 53,86 millions de dollars canadiens (soit 41,13 millions de dollars US), la commission d’enquête est chargée d’examiner les causes premières d’un tel degré de violence ainsi que la réponse des institutions. Bien que les autochtones ne représentent que 4,3 % de la population féminine, on constate que 16 % des femmes victimes d’homicide sont d’origine autochtone.

L'ouverture d’une commission d’enquête fait suite au changement de gouvernement et aux vives critiques de la part des institutions internationales œuvrant pour les droits humains. En 2015, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes avait ainsi déclaré que le Canada « violait gravement » les droits des femmes autochtones en négligeant d’enquêter rapidement et minutieusement sur le degré élevé de violence qui les touche.

Il reste à voir jusqu’où ira l’enquête dans son examen des pratiques policières. Des ministres du gouvernement ont assuré à la population que le mandat de la commission était formulé de façon assez large pour lui permettre d’entreprendre une analyse critique des actions policières, même si cela n’y est pas explicitement mentionné. Cela fait longtemps que les défenseurs des droits humains se battent pour que soit menée une investigation sur les allégations visant les forces de police. Elles sont accusées d’avoir négligé les meurtres et les disparitions, et pour certains policiers, d’avoir commis des abus contre des femmes et des filles autochtones.

Droits des peuples autochtones

Le gouvernement devrait s’intéresser davantage aux problèmes d’extrême pauvreté, de logement, d’accès à l’eau, à l’assainissement, aux soins médicaux et à l’éducation dans les communautés autochtones, particulièrement celles qui sont dans des zones rurales éloignées. L’accès insuffisant à une eau potable de qualité constitue jusqu’à aujourd'hui un problème de santé publique majeur dans un certain nombre de collectivités autochtones.

En juillet, 132 avis sur la qualité de l’eau – indiquant une eau non potable – avaient été émis au sein de 92 collectivités de Premières Nations du Canada (Colombie-Britannique non comprise). Les éléments contaminants trouvés dans l’eau sont connus pour leur impact négatif sur la santé, allant de graves problèmes intestinaux à un risque de cancer accru.

En mars, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU avait exprimé son inquiétude au sujet de l’accès insuffisant des Premières Nations à l’eau potable et à l’assainissement, ainsi que du manque de règlementation des eaux pour les personnes des Premières Nations vivant dans des réserves.

Un rapport publié en juin par Human Rights Watch, intitulé « Make It Safe », a montré que cet accès limité à l’eau potable était néfaste à la santé et l’hygiène des familles des réserves. Pour être sûrs que les enfants et les personnes âgées, notamment, ne soient pas exposés à une eau contaminée, ceux qui s’occupent d’eux doivent assumer des charges supplémentaires.

Enfants migrants en détention

Un rapport de 2016 du programme «Droits humains internationaux » (International Human Rights Program) de l’Université de Toronto a montré que dans les centres de détention pour migrants, des enfants étaient retenus dans ce qui ressemble à des prisons à sécurité moyenne, où ils ne reçoivent pas d’éducation appropriée et n'ont pas assez d’opportunités de loisirs. Si les soins de santé de base sont assurés, par contre les enfants ne reçoivent pas de soutien psychologique. En dehors des provinces de l’Ontario et de Québec, les enfants sont retenus dans des installations encore moins adaptées, et même dans certains cas dans des centres correctionnels pour mineurs.

Au Canada, ni les lois ni les politiques n'interdisent de détenir des enfants migrants. Elles ne fixent aucune limite de durée à leur détention dans des centres pour migrants. En moyenne, ce sont 242 enfants par an qui sont détenus dans les centres pour migrants, d’après les statistiques gouvernementales pour la période 2010-2014, publiées par les chercheurs de l’Université de Toronto.

Ce nombre n’inclut pas les nombreux enfants, dont des Canadiens, qui sans être eux-mêmes soumis à une détention formelle, restent en détention avec leurs parents pour éviter d’en être séparés. Le nombre exact de ces enfants détenus de facto n’a pas été rendu public : en effet, les services canadiens de l'immigration les considèrent comme des « hôtes » des centres de détention.

Ces enfants ne sont pas légalement obligés d’être en détention, mais si leurs parents sont détenus, la seule autre alternative serait d’être confiés aux services de protection de l’enfance. En 2014-2015, cette catégorie d’enfants a passé en moyenne trois fois plus de temps en détention que les enfants formellement détenus, a déclaré l’Agence des services frontaliers du Canada aux chercheurs de l’Université de Toronto.

Le gouvernement fédéral canadien et l’Agence des services frontaliers du Canada se sont montrés disposés à réformer le système des centres de détention pour migrants, mais n’ont pas annoncé de mesures concrètes en ce sens à l’heure où nous écrivons.

Human Rights Watch et d’autres organisations ont appelé les autorités canadiennes à garantir que les enfants, et les familles avec enfants, ne soient pas détenus du seul fait de leur statut migratoire ; à développer des politiques et des recommandations sur l’usage des différentes alternatives à la détention ; et à revoir leurs pratiques de telle sorte qu’elles répondent au meilleur intérêt de l’enfant dans toutes les décisions qui l’affectent.

Abus commis dans l’industrie minière

Étant donné que le Canada est le plus important pôle mondial de l’industrie minière, l’impact collectif des sociétés minières canadiennes sur les droits humains est énorme. Ces dernières années, nos recherches ont dévoilé des pratiques récurrentes de viol en réunion répandues chez les employés de Barrick Gold en Papouasie-Nouvelle Guinée, ainsi qu’une forme de travail forcé à la mine de Bisha en Érythrée, exploitée par Nevsun Resources. De nombreuses atteintes aux droits humains liées aux sociétés minières canadiennes ne font pas l’objet de rapports et de réponses suffisantes car le gouvernement ne fournit pas d’effort soutenu pour surveiller, sans parler de réguler, la conduite des compagnies canadiennes à l’étranger en termes de droits humains.

Suivant la politique de son prédécesseur, le gouvernement Trudeau a exprimé à Human Rights Watch que ce domaine ne nécessitait pas de prendre de nouvelles mesures de supervision ou de règlementation, se référant partiellement à l’existence du Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises, établi par le gouvernement. Cet organisme, toutefois, ne peut pas, et de fait ne prétend même pas, s’attaquer au plus urgent : mener à bien une surveillance extraterritoriale ou une observation indépendante des pratiques des compagnies canadiennes.

En novembre 2016, le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises a proposé un projet de loi qui pourrait créer un « Bureau de l’ombudsman » pour entendre et enquêter sur les plaintes d’atteintes aux droits humains commises par les sociétés minières canadiennes opérant dans le monde entier.

Soins palliatifs

En juin 2016, suite au jugement de février 2015 de la Cour suprême, le Canada a adopté une loi permettant aux personnes souffrant d'une « maladie grave et incurable », causant des souffrances persistantes et insupportables, de demander l’assistance d’un médecin ou d’un/e infirmier/ère praticien/ne pour mettre fin à leurs jours.

Tandis que le gouvernement a débattu d’un certain nombre de mesures possibles pour atténuer les écarts importants d’accès aux soins palliatifs hospitaliers dans le pays, il ne s’est pas encore engagé clairement à le faire, ou à prendre des mesures urgentes pour garantir que les Canadien/nes qui mourront de causes naturelles – certainement la majorité d’entre eux – pourront vivre les derniers moments de leur vie dans la dignité.

Politique étrangère

L’administration de l’ancien Premier ministre conservateur, Stephen Harper, avait commencé à négocier un accord de production et de vente d’armes entre le Canada et l’Arabie saoudite en 2012. L’entente finale avec General Dynamics Land Systems Canada prévoyait un contrat de 15 milliards de dollars sur 15 ans pour produire un nombre non spécifié de Véhicules blindés légers (VBL), soit le plus gros contrat de fabrication/export de l’histoire canadienne. Le 8 avril 2016, le ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion a approuvé six permis d’exportation couvrant plus de 70% du contrat.

Or, le droit canadien fixe des limites à l’exportation de technologie militaire aux pays connus pour violer les droits humains de leurs citoyens. Une loi canadienne sur l’exportation d’armes exige qu’il n’y ait « aucun risque raisonnable » que ces armes soient utilisées contre des civils. Pourtant les Saoudiens ont utilisé de tels blindés pour réprimer violemment des manifestations pacifiques dans l’est de l’Arabie saoudite en 2011 et 2012.

En outre, depuis qu’une coalition menée par l’Arabie saoudite a lancé, le 26 mars 2015, une campagne militaire contre les forces houthistes au Yémen, au moins 3 799 civils ont été tués et 6 711 blessés, selon le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH). De plus, l’Arabie saoudite arme les forces yéménites, menées par un commandement militaire controversé qui a été accusé d’utiliser des enfants soldats, dans le cadre des combats visant à reprendre le nord du pays aux forces houthistes et à celles fidèles à l’ex-président Ali Abdullah Saleh. L’Arabie saoudite leur fournit notamment ce type de blindés.