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République centrafricaine

Événements de 2016

Des combattants du groupe rebelle « Retour, Réclamation et Réhabilitation » (3R) à De Gaulle, dans la sous-préfecture de Koui dans la province d’Ouham Pendé, République centrafricaine, le 25 novembre 2016. 

© 2016 Edouard Dropsy pour Human Rights Watch

Le 30 mars 2016, l’ancien Premier ministre de la République centrafricaine Faustin-Archange Touadéra a prêté serment en tant que président, après plus de deux ans de gouvernement d’intérim. Malgré une passation de pouvoir d’une rare sérénité, et des élections relativement pacifiques, la situation du pays est demeurée précaire, instable et marquée par de graves violations des droits humains.

Les violences sectaires et les attaques contre les civils ont continué à affecter les régions du centre et de l’ouest du pays, en particulier les provinces de Ouaka, Nana-Grébizi, et Ouham-Pendé, où les groupes rebelles principalement musulmans de la Séléka, les milices anti-balaka majoritairement chrétiennes et animistes, ainsi que d’autres groupes armés sont restés actifs. Les civils ont continué à pâtir des combats et les groupes armés ont violé et agressé sexuellement des femmes et des filles. On estime que 467 800 personnes, pour majorité des Musulmans, sont toujours réfugiées dans les pays voisins, tandis que 384 300 autres restent déplacées à l'intérieur du pays.

La mission de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSCA, a déployé environ 10 050 soldats de la paix et environ 2000 policiers dans de nombreuses régions du pays au cours de l’année, mais a peiné à rétablir la sécurité dans les zones clés, et à assurer une protection suffisante aux civils. Les efforts de la MINUSCA ont été entachés par des allégations d’exploitation et d’abus sexuels commis par des soldats de maintien de la paix sur des civils, parmi lesquels des enfants. Des accusations crédibles selon lesquelles des soldats de maintien de la paix de l’Union africaine (UA) auraient tué 12 civils à Boali en 2014 se sont vues renforcées par la découverte d’une fosse commune dans cette ville, au mois de février.

L’impunité pour les exactions et crimes de guerre passés est restée la norme. Le processus de mise en place d’une Cour pénale spéciale au sein du système judiciaire national n’a progressé que lentement. La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a poursuivi ses enquêtes, ouvertes en septembre 2014, sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés commis dans le pays depuis août 2012.

Environ 2,3 millions de personnes, sur une population de 4,6 millions avaient besoin d’aide humanitaire. Sur ces 2,3 millions, seuls 1,9 millions ont pu accéder à une forme d’assistance.

Attaques perpétrées contre des civils

La Séléka, un mouvement rebelle majoritairement musulman composé de différentes factions affiliées de manière peu structurée, a continué à attaquer des civils et à faire de nombreux morts, souvent au prétexte de se protéger contre les anti-balaka. En septembre, les combattants de l’Union pour la Paix en Centrafrique, une faction de la Séléka, ont attaqué des villages sur la route reliant Kouango à Bianga, dans la province de Ouaka.

En octobre, les forces de la Séléka ont attaqué et incendié un camp de personnes déplacées à Kaga-Bandoro, faisant au moins 37 victimes civiles, malgré la présence de Casques bleus de l’ONU. Au moins quatre personnes handicapées figuraient parmi les victimes. L’insécurité croissante dans la province de Nana-Grébizi a entraîné des dizaines d’attaques contre les organisations humanitaires internationales, commises par des groupes armés et des bandits d’août à octobre, entravant ainsi une aide vitale.

Un groupe armé nommé 3R (pour « Retour, Réclamation et Réhabilitation »), composé de musulmans peuls, s’est constitué dans la province de Ouham-Pendé à l’ouest du pays, sous le commandement du Général Sidiki Abass. Les affrontements entre 3R et anti-balaka s’étant intensifiés en 2016, de nombreux civils ont été tués tant parmi les bergers peuls musulmans que les paysans non-musulmans. Des témoignages crédibles indiquent que les deux parties ont commis des viols, illustrant la problématique généralisée des violences sexuelles dans ce conflit, depuis 2013.

Le groupe rebelle ougandais de l’Armée de résistance du Seigneur (Lord's Resistance Army, LRA) est resté actif dans le sud-est, et selon certaines allégations le nombre de meurtres et d’enlèvements de civils a augmenté.

Si la situation de la capitale, Bangui, s’est stabilisée fin 2015 après les violences des mois précédents, des milices armées ont violé ou agressé sexuellement au moins 25 femmes et filles dans le camp de personnes déplacées de M’poko et aux environs, entre septembre et décembre 2015. Dans certains cas, les auteurs de ces agressions ont affirmé violer les femmes et les filles pour les punir de leurs liens présumés avec des personnes de la communauté ennemie selon le clivage sectaire. Les survivantes de violences sexuelles sont restées confrontées à la stigmatisation, au rejet et à d’autres obstacles pour accéder aux services de base et à la justice.

Réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur du pays

La situation des déplacés internes et des réfugiés est restée difficile. Beaucoup de personnes déplacées, comme celles des provinces de Ouaka et de Ouham, n’ont pas reçu d’aide humanitaire, ou très peu. Dans les camps de déplacés internes, les personnes handicapées ont été confrontées à des obstacles pour accéder à des installations sanitaires, à l’alimentation et à une aide médicale. Environ 20 000 personnes vivaient dans le camp de déplacés de M’poko, à Bangui, à la fin de l’année.

Dans le sud-ouest du pays, de petits groupes de Musulmans vivaient dans des enclaves protégées par des Casques bleus de l’ONU. Au centre et au nord-ouest du pays, les violences ont provoqué une augmentation du nombre de personnes déplacées. Les attaques de la Séléka dans la province de Ouaka, au sud, ont entraîné le déplacement de 3 500 personnes, et les combats dans la province de Ouham-Pendé ont provoqué le déplacement de 5 000 à 10 000 personnes. Environ 20 000 personnes ont été déplacées suite à l’attaque par la Séléka du camp de déplacés internes de Kaga-Bandoro, au mois d’octobre.

Élections

Lors d’un référendum organisé en décembre 2015, les électeurs ont approuvé massivement une nouvelle constitution. Des élections législatives et présidentielles ont eu lieu deux semaines plus tard, et Faustin-Archange Touadéra a remporté ce dernier scrutin le 14 février 2016.

Au moins huit dirigeants des anti-balaka ont participé aux élections parlementaires, dont trois ont obtenu des sièges, et notamment Alfred Yékatom, également connu sous le nom de « Rombhot ». Amnesty International a accusé Alfred Yékatom d’avoir participé à et commandité des meurtres de civils en 2014, et l’ONU a imposé des sanctions à son encontre en 2015. Le Groupe d’experts des Nations Unies sur la République centrafricaine a identifié Alfred Yékatom comme responsable d’actes d’intimidation contre des électeurs et de harcèlement contre des adversaires politiques à Mbaïki, sa circonscription, au cours de la campagne électorale de 2016. Un autre candidat victorieux, le chef de milice Éric Pogola, a menacé l’équipe d’un rival politique et aurait envoyé des combattants armés dans des bureaux de vote, le jour des élections, dans la province de Sangha-Mbaéré.

Violations commises par des soldats de maintien de la paix

Début février, Human Rights Watch a publié un rapport détaillant les actes d’abus et d’exploitation sexuels commis par les Casques bleus de la MINUSCA sur au moins huit femmes et filles, entre octobre et décembre 2015, aux environs de Bambari dans la province de Ouaka. Parmi les cas documentés figuraient le viol d’une fille de 14 ans et le viol en réunion d’une femme de 18 ans. En réaction à ces allégations, la MINUSCA a immédiatement renvoyés chez eux 120 Casques bleus originaires de la République du Congo.

Le contingent de soldats de la paix de la République démocratique du Congo, qui faisait également l’objet de plusieurs autres allégations d’exploitation et d’abus sexuels, a été rapatrié fin février, pour non-respect des normes de l’ONU en matière de matériel et de préparation. Une procédure pénale a été engagée à Kinshasa par les autorités de la RDC, concernant les accusations d’abus sexuels et d’exploitation commis par des Casques bleus de ce pays, mais a été ajournée en juin pour étudier la possibilité d’interroger les victimes.

En mars, des médias internationaux ont signalé de nouvelles allégations d’abus et d’exploitation sexuels commis par des Casques bleus de la MINUSCA. Cette dernière a alors annoncé l’ouverture d’une enquête sur ces affaires, et son intention de prendre des mesures contre les coupables.

Le procès militaire à Paris de cinq Casques bleus français, accusés d’avoir passé à tabac un Centrafricain, s’est ouvert en septembre. Les procès militaires en cours de soldats de la paix français accusés en 2015 d’abus sexuels se sont poursuivis.

En juin, le gouvernement de la République du Congo a annoncé qu’une procédure judiciaire était en cours contre un nombre non précisé de Casques bleus congolais de la MINUSCA, basés à Mambéré, qui auraient battu à mort deux hommes en 2015.

En février, une fosse commune découverte à Boali est apparue révéler les restes de 12 personnes qui auraient été tuées par des soldats de la paix de l’UA, originaires de République du Congo, en 2014. En décembre 2013, des Casques bleus de l’UA également originaires de République du Congo auraient battu à mort deux combattants anti-balaka, qu’ils avaient placés en détention à Bossangoa. En février 2014, ils auraient également exécutés deux combattants anti-balaka à Mambéré. En juin 2016, le gouvernement de la République du Congo a annoncé qu’une procédure judiciaire était en cours concernant les évènements de Boali et de Bossangoa. A l’heure où nous écrivons, aucune action n’a été engagée concernant les meurtres commis à Mambéré en 2014.

Efforts nationaux et internationaux pour la justice

L’impunité est restée l’un des principaux défis à relever pour faire face aux atrocités passées et à celles qui se perpétuent. En août et en septembre, la cour pénale de Bangui a jugé 55 affaires, dont certaines concernaient des crimes graves tels que des viols ou des meurtres. La cour n’a cependant pas traité les exactions ou crimes de guerre présumés liés au conflit.

Les ressources limitées et les obstacles administratifs ont freiné la mise en place de la Cour pénale spéciale, un tribunal hybride comprenant à la fois des juges et des procureurs nationaux et internationaux, et qui se concentrera sur les graves crimes internationaux commis depuis 2003. Dans ce qui représente une avancée positive, le Ministre de la Justice a annoncé en juillet que le procureur spécial de ce tribunal serait nommé avant la fin de l’année 2016. En août, l’ONU et le gouvernement ont signé un document précisant leurs missions et responsabilités relatives à ce tribunal.

Le Bureau du Procureur de la CPI a poursuivi tout au long de l’année son enquête sur les crimes graves commis par la Séléka et les anti-balaka. La CPI n’a émis aucun mandat d’arrêt en 2016.

Une enquête précédente de la CPI a conduit à la condamnation de Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien vice-président de la République démocratique du Congo. Les forces du Mouvement pour la Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba étaient intervenues en République centrafricaine en 2002 et 2003, sur ordre du Président de l’époque, Ange-Félix Patassé, pour réprimer une tentative de coup d’état menée par François Bozizé, qui était alors général.

Le 21 mars 2016, les juges de la CPI ont jugé Jean-Pierre Bemba coupable de viol, de meurtre et de pillages, aux termes du principe juridique de « responsabilité de commandement ». Le 21 juin, la Cour l’a condamné à 18 ans de prison. En septembre, les avocats de Jean-Pierre Bemba ont fait appel. La Procureure, qui avait requis une peine de 25 ans, a indiqué que son bureau ferait appel de la sentence pour qu’elle « reflète intégralement la culpabilité de Bemba ». Le 19 octobre, les juges de la CPI ont jugé Jean-Pierre Bemba et quatre complices coupables de subornation de témoins, après qu’ils aient tenté d’acheter des témoins.

Principaux acteurs internationaux

La France a entamé le retrait de ses forces de maintien de la paix en octobre. Elle devrait garder environ 300 soldats dans le pays.

Lors de la Conférence internationale de Bruxelles pour la République centrafricaine, le 17 novembre, l’Union européenne, principal bailleur du pays, s’est engagée à verser 409 millions d’euros (450 millions de dollars US) sur cinq ans pour les efforts de réconciliation, de développement et l’aide humanitaire. L’ensemble des dons promis lors de la conférence a atteint 2,06 milliards d’euros au total (2,28 milliards de dollars).

En 2016, les États-Unis ont apporté 95 millions de dollars d’aide humanitaire (soit 88 millions d’euros). La totalité de la réponse humanitaire n’a permis de couvrir que 32,2 pour cent des besoins financiers du pays. Les Pays-Bas, les États-Unis et l’ONU étaient les principaux bailleurs de la Cour pénale spéciale, mais le budget sur cinq ans de cette instance n’était toujours que partiellement assuré.

En avril, l’UE a autorisé la mise en place d’une mission de formation militaire, l’EUTM RCA, opérationnelle pour une période initiale de deux ans, afin de former deux bataillons de l’armée nationale. En août, l’armée ougandaise a entamé le retrait de ses troupes engagées dans une offensive coordonnée par l’UA contre la LRA, au sud-est. A l’heure de la rédaction de ce chaptire, les États-Unis avaient décidé de poursuivre leurs opérations contre la LRA dans le pays.