La politique commune de l'UE en matière d'asile et de migration
Inquiétudes relatives aux droits humains dans certains Etats membres de l'UE
L'Union européenne a enregistré des progrès vers de meilleures protections des droits au cours de l'année 2009, après que la République Tchèque, dernier Etat membre en date, eut signé en novembre le Traité de Lisbonne. Le traité impose des changements significatifs aux processus décisionnels de l'UE, et donne à la Charte des droits fondamentaux un caractère contraignant dans le droit européen. Il engage également l'UE à adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme.
Les institutions européennes ont fait montre à de nombreuses reprises de leur réticence à demander des comptes aux Etats membres responsables de violations des normes européennes en matière de droits humains. Les propositions faites en juin par la Commission européenne pour la mise en place d'un nouveau programme sur 5 ans pour la justice et les affaires intérieures dans l'UE manquaient de précision. Elles mettaient par ailleurs en avant les droits des citoyens, suscitant des craintes quand à l'attention accordée aux droits humains des immigrés ; le Conseil européen devait adopter ces propositions connues sous le nom de Programme de Stockholm en décembre 2009. Le Parlement européen a par ailleurs adopté en janvier 2009 un rapport déplorant le refus de certains Etats membres de se soumettre à un examen approfondi de leurs résultats en matière de droits humains, et la perte de crédibilité que cela entraîne pour la politique étrangère de l'UE sur les droits humains.
Le Parlement a soutenu en avril une proposition de directive antidiscriminations, visant à lutter contre les discriminations fondées sur la religion, la croyance, l'âge, le handicap ou l'orientation sexuelle dans l'accès aux biens et aux services. Au moment où sont écrites ces lignes, le Conseil n'a pas encore approuvé cette directive.
De nombreux pays de l'UE continuent d'appliquer des mesures antiterroristes qui violent les droits humains. Il s'agit notamment des expulsions pour raisons de sécurité nationale en dépit du risque de mauvais traitements dans le pays de renvoi, des protections insuffisantes en détention, du recours à des mesures administratives pour contourner les procédures normales pour les suspects d'infractions, et des restrictions à la liberté d'expression et au droit au respect de la vie privée.
Les politiques migratoires et d'asile demeurent axées sur le contrôle des frontières, plutôt que sur les droits humains, et plusieurs Etats membres ont adopté des mesures criminalisant l'immigration illégale, allongeant les délais de détention administrative, et restreignant l'accès au statut de réfugié.
La popularité croissante des partis politiques d'extrême-droite, mise en évidence par les résultats des élections au Parlement européen en juin, a accentué les craintes liées au racisme et à la xénophobie, manifestée en particulier à l'encontre des Roms et des Sinti, des migrants, des musulmans, et des juifs.
Mesures antiterroristes et droits humains
Plusieurs décisions de la Cour européenne de justice datées de décembre 2008, juin 2009, et septembre 2009, ont souligné les inquiétudes relatives à l'équité des procédures déterminant l'inscription sur la liste noire du terrorisme de l'UE, et ont conduit le Conseil européen à supprimer l'Organisation des Moudjahiddines du peuple iranien de cette liste en janvier. En avril, la Commission européenne a fait des propositions de réforme de ces procédures.
Des informations ont continué à remonter au cours de l'année 2009, concernant les centres de détention secrets de la CIA sur le territoire de l'UE, à présent fermés. Selon de nouvelles allégations émises en août, notamment, la CIA aurait détenu et interrogé des suspects à Vilnius, la capitale lithuanienne, pendant l'année 2005. En novembre, le parlement lithuanien a initié une enquête parlementaire sur ces allégations. La Roumanie a de nouveau nié avoir abrité une prison secrète de la CIA, en dépit de témoignages crédibles formulés en août, qui situent cette prison dans l'une des rues les plus animées de Bucarest. Le gouvernement polonais n'a pas accordé sa pleine coopération à l'enquête d'un procureur du pays sur une prison secrète présumée qui serait située près de l'aéroport de Szymany.
Les pays de l'UE ont tardé à agir pour tenir leur promesse de réinstaller les prisonniers détenus par les Etats-Unis à Guantanamo qui ne pouvaient pas être renvoyé dans leurs pays d'origine pour des raisons de sécurité. Au moment où sont écrites ces lignes, seuls la Belgique, la France, le Portugal et l'Irlande ont accueilli des détenus (six anciens prisonniers au total), tandis que l'Italie, la Hongrie et l'Espagne ont indiqué s'y préparer.
La politique commune de l'UE en matière d'asile et de migration
La Commission européenne s'est mise en défaut de tenir l'Italie et la Grèce pleinement responsables d'avoir traité des demandeurs d'asile et des migrants en violation des normes européennes, ce qui a sapé les efforts pour développer un véritable système commun en matière d'asile. Le Commissaire européen pour la justice, la liberté et la sécurité, Jacques Barrot, n'a exprimé que des critiques réservées des dysfonctionnement du système d'asile de la Grèce, lors de sa visite dans le pays en juin. Barrot a tardé à critiquer la politique entrée en vigueur en mai en Italie, consistant à refouler vers la Lybie les migrants interceptés en mer, sa réponse initiale ayant été au contraire de proposer de relancer une idée pourtant boiteuse, l'externalisation des procédures d'accueil des réfugiés dans l'UE vers des pays comme la Lybie. En septembre, cependant, Barrot a eu des mots plus forts pour déclarer inacceptable la situation des migrants et des demandeurs d'asile en Lybie, et pour rappeler à l'Italie son obligation de ne pas refouler les réfugiés vers le pays qu'ils ont fuit.
Quelques progrès limités ont été réalisés pour consolider et améliorer une politique commune en matière d'asile, et adopter des procédures standardisées dans l'ensemble de l'Union. Suite aux propositions de la Commission, le Parlement européen a adopté en mai un "paquet asile" proposant des amendements à la Directive "accueil", au règlement Dublin II, et à la base de donnée européenne des empreintes digitales des demandeurs d'asile et des immigrés clandestins, et appelant à la création d'un Bureau européen d'appui en matière d'asile. Les négociations pour arriver à des positions communes sont en cours. Les réunions du Conseil "Justice et Affaires intérieures" en juin et en septembre ont confirmé l'absence de consensus sur la réforme du règlement Dublin II, se concentrant au lieu de cela sur la répartition du fardeau grâce à la réinstallation volontaire et aux accords de réadmission avec des pays tiers.
Une baisse significative des nouvelles arrivées par voie maritime a été attribuée à la récession économique mondiale, aux interceptions en mer, et aux patrouilles conjointes menées sous les auspices de Frontex, l'agence des frontières extérieures de l'UE. Dans au moins un cas, Frontex a aidé l'Italie à intercepter des migrants en mer, que l'Italie a ensuite refoulés vers la Lybie.
Inquiétudes relatives aux droits humains dans certains Etats membres de l'UE
Allemagne
Angela Merkel a été réélue chancelière lors des élections de septembre, qui ont donné la majorité parlementaire à son Union Chrétienne - démocrate de centre-droit, et à son nouveau partenaire de coalition, le Parti libéral-démocrate.
Une enquête parlementaire spéciale a conclut en juin que les autorités et les agences de renseignement allemandes n'étaient pas responsables de la restitution par les Etats-Unis de Khaled el Masri, Murat Kurnaz, et Mohammad Zammar, et des mauvais traitements qu'ils avaient subis par la suite. Une minorité a contesté cette décision et affirmé que le gouvernement fédéral avait fait obstruction à l'enquête. La Cour constitutionnelle a jugé en juillet que le gouvernement, en restreignant les éléments fournis à la commission d'enquête sans donner pour cela de justifications suffisantes, avait violé la Constitution.
Le gouvernement fédéral a adopté en septembre de nouvelles réglementations administratives influant sur la loi sur le séjour (Residence Act), qui cautionnent le recours aux assurances diplomatiques pour expulser des individus vers des pays où ils courent des risques de torture ou de mauvais traitements. Les tribunaux allemands ont néanmoins invalidé le recours à de telles assurances, notamment dans deux affaires en janvier et en mars.
Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, dans le cadre de son examen périodique universel en mars, et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme en juillet ont attiré l'attention sur les problèmes persistants de racisme, de xénophobie et de discrimination en Allemagne. Parmi les problèmes clés identifiés figurait les discriminations à l'encontre des migrants dans le logement et l'emploi. Le rapporteur spécial sur le racisme s'est également déclaré préoccupé par la surreprésentation des enfants issus de familles de migrants dans la couche la plus basse du système éducatif de l'Allemagne, divisé en trois filières.
Une femme enceinte a été poignardée à mort et son mari grièvement blessé dans un tribunal de Dresde en juillet par l'homme qu'elle avait poursuivi avec succès pour l'avoir traitée de « terroriste » et d' « islamiste ». La défunte, Marwa el-Sherbini, une résidente allemande de nationalité égyptienne, portait le voile. Son meurtrier a été condamné en novembre à la prison pour meurtre, tentative de meurtre, et coups et blessures ; le bureau du procureur avait cité la haine des non-européens et des musulmans comme mobiles. Le bureau allemand pour la protection de la Constitution a signalé en mai une augmentation significative des crimes d'extrême-droite en 2008.
Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme a remarqué que l'interdiction du port de symboles religieux par les enseignants d'écoles publics dans certains Etats allemands avait eut un impact disproportionné sur les femmes musulmanes voilées. En août, la Cour fédérale du travail a rendu une décision de justice contre une éducatrice de Rhénanie-du-Nord - Westphalie qui avait remplacé son voile par un béret rose. Le tribunal a jugé que le béret montrait la foi religieuse de l'éducatrice, enfreignant ainsi la loi de 2006 de Rhénanie-du-Nord - Westphalie interdisant aux enseignants de porter des vêtements et des symboles religieux dans les écoles publiques.
Espagne
Les mesures de lutte contre le terrorisme en Espagne continuent de lui attirer les critiques de la communauté internationale. Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste en décembre 2008, et le Comité des droits de l'homme en janvier 2009, se sont inquiétés des définitions larges des infractions liées au terrorisme, et du recours persistant à la détention au secret.
L'Espagne a extradé vers la Russie fin décembre 2008 Murat Gasaev, un Tchétchène, sur la base d'assurances diplomatiques garantissant qu'il serait bien traité et bénéficierait d'un procès équitable. Gasaev, dont l'extradition avait été demandée en rapport avec un attentat contre des bâtiments du gouvernement en Ingouchie en 2004, a été relâché en août sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui, après dix mois de détention provisoire.
En juillet, la Cour européenne des droits de l'homme a confirmé, la justifiant comme une entorse légitime et mesurée à la liberté d'association, une interdiction prononcée en 2003 à l'encontre des partis politiques basques Batasuna et Herri Batasuna, au motif qu'ils étaient liés à l'ETA. Le même jour, la Cour s'est prononcée en défaveur des plaignants dans deux affaires liées, jugeant que le fait qu'ils n'aient pu se présenter aux élections en raison de leurs liens avec les partis politiques interdits ne violaient pas leur droit à la liberté d'expression.
La coopération avec la France a conduit à de nouvelles arrestations de membres de l'ETA en 2009, parmi lesquels Jurdan Martitegi Lizaso en avril, le quatrième responsable militaire arrêté depuis mai 2008. L'ETA a revendiqué la responsabilité de trois attentats à la voiture piégée au cours de l'été, qui ont coûté la vie à un officier de police et à deux gardes civils, et détruit une caserne de la Guardia Civil.
En avril, l'Audiencia Nacional a acquitté 10 hommes sur 14, qui étaient accusés d'avoir aidé certains des coupables présumés des attentats perpétrés dans des trains le 11 mars 2004 à Madrid à quitter l'Espagne. L'Audiencia Nacional a jugé le dossier à charge insuffisant après avoir écarté la correspondance électronique qui avait été interceptée sans autorisation appropriée. Les quatre autres inculpés ont été jugés coupables, et condamnés à des peines de prison allant de deux à neuf ans.
Les syndicats de la police ont dénoncé les pressions subies par les agents pour arrêter les immigrés clandestins sur la base de quotas, et l'utilisation de profils raciaux et ethniques dans les contrôles d'identité. Dans une décision historique, en juillet, le Comité des droits de l'homme a déclaré l'Espagne coupable de discrimination raciale lors du contrôle d'identité en 1992 de Rosalind Williams, une afro-américaine devenue citoyenne espagnole en 1969. C'est la première fois au niveau international qu'une telle décision établit que l'utilisation de « profils » raciaux ou ethniques viole le droit à la non-discrimination.
Les arrivées par voie maritime ont diminué pendant la première moitié de l'année 2009, en partie à cause d'une surveillance accrue et de l'augmentation du nombre des interceptions. Aux îles Canaries, les enfants migrants non-accompagnés étaient toujours hébergés à long terme dans de mauvaises conditions de logement, conçues pour être temporaires. L'Espagne a suspendu les expulsions de mineurs non-accompagnés vers le Maroc en 2008, suite à de nombreuses décisions de tribunaux interdisant de tels retours. En septembre 2009, un tribunal a jugé que l'Espagne devait autoriser le retour sur son sol d'un Marocain expulsé illégalement alors qu'il était mineur en 2006.
France
Une commission nommée par le gouvernement a rendu en septembre ses recommandations pour la réforme du code français de procédure pénale. La commission a recommandé des changements significatifs, notamment la suppression de la fonction de juge d'instruction, mais n'a pas remédié à l'insuffisance des protections contre les mauvais traitements, ni aux obstacles à une défense efficace pour les suspects de terrorisme placés en garde à vue (les suspects pouvant être retenu jusqu'à six jours avec un accès très restreint à un avocat). Le gouvernement français est censé se fonder sur les recommandations de la commission pour légiférer en 2010.
Les tensions autour de la question du voile musulman ont été exacerbées à la suite de la déclaration du président Nicolas Sarkozy que la burqa n'était pas la bienvenue sur le territoire français, et de la nomination en juin par le Parlement d'une commission d'enquête ad-hoc, chargée d'envisager une possible interdiction du port dans l'espace public de voiles dissimulant le visage. En juin, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré irrecevables les plaintes déposées par quatre jeunes filles musulmanes et deux garçons sikhs, expulsés d'écoles publiques en 2004 en vertu d'une interdiction des couvre-chefs religieux à l'école, refusant une nouvelle fois de reconnaître une place à la liberté religieuse des minorités non-chrétiennes.
La cour d'appel de Paris a annulé en février les condamnations pour terrorisme datées de 2007 de cinq anciens détenus de la prison de Guantanamo, après avoir rejeté toutes les preuves provenant des interrogatoires menés dans le centre de détention américain par des agents du renseignement français, invoquant le fait que toutes les pièces n'avaient pas été communiquées à la défenseà la défense et d'autres irrégularités procédurales.
La police française a démantelé un campement de fortune de migrants à Calais en septembre, arrêtant près de 300 personnes, dont de nombreux mineurs non-accompagnés. Toutes les personnes arrêtées ont été libérées un peu plus tard. En octobre, la France a expulsé trois Afghans vers Kaboul, sur un vol charter conjoint avec le Royaume-Uni.
Après son examen périodique de la France en juin, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a déclaré avoir "des inquiétudes sérieuses" concernant la situation des mineurs non accompagnés retenus dans les zones d'attente des aéroports. Ceux qui arrivaient à l'aéroport Charles de Gaulles de Paris étaient régulièrement détenus avec des adultes avant d'être expulsés, y compris vers des pays où ils n'avaient fait que transiter. Les enfants se trouvaient dans l'incapacité de contester efficacement des décisions qui les mettaient en danger. Ceux qui demandaient une protection en tant que réfugié rencontraient de nombreux obstacles pour déposer une demande, et pour faire appel de décisions négatives fondées sur des évaluations dans le cadre de la procédure « accélérée».
Grèce
Le parti socialiste Pasok est revenu au pouvoir après avoir obtenu la majorité parlementaire lors des élections d'octobre, devançant le parti Nouvelle démocratie qui dirigeait le pays depuis 2004.
Des manifestations et des émeutes ont éclaté dans le pays en décembre 2008 et en janvier 2009, après qu'un policier ait tué par balles un garçon de 15 ans à Athènes. Des organisations de défense des droits humains ont dénoncé l'usage excessif de la force par la police pendant les opérations de maintien de l'ordre, notamment au cours de manifestations par ailleurs pacifiques. En juin, le Comité européen pour la prévention de la torture a pris note d' allégations répétées dénonçant des violences policières à l'encontre des suspects d'infractions, au cours des arrestations et des interrogatoires.
Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, a critiqué en février "les lacunes structurelles graves "du système du droit d'asile en Grèce. Moins d'un pour cent des demandes d'asiles sont accordées en première instance, et le gouvernement a aboli en juin le droit de faire appel des décisions négatives, sauf dans des conditions très restreintes, conduisant le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à interrompre toute coopération avec la procédure. Le gouvernement a également rallongé la durée maximum de rétention pour les migrants, la portant à 18 mois.
Les migrants sont maintenus dans des conditions de rétention déplorables. La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Grèce en juin, pour avoir détenu illégalement un demandeur d'asile turc en 2007. La Cour a de plus jugé que les conditions de sa détention équivalaient à un traitement dégradant. Le nouveau gouvernement a fermé le tristement célèbre centre de rétention de l'île de Lesbos en novembre.
Les autorités n'ont pas protégé les mineurs non-accompagnés, régulièrement détenus de façon prolongée, souvent avec des adultes, et victimes de mauvais traitements. Les autorités n'ont fourni que peu ou pas d'assistance aux migrants mineurs particulièrement vulnérables face à l'exploitation et au trafic.
La Grèce a lancé une offensive contre les migrants entre juin et août, appréhendant systématiquement les demandeurs d'asile et les autres migrants, et expulsant beaucoup d'entre eux de façon sommaire vers la Turquie, où ils couraient un risque grave de mauvais traitements et de répression.
Italie
L'Italie a commencé en mai à intercepter les embarcations de migrants en mer et à les renvoyer vers la Libye, suscitant de nombreuses critiques au niveau international. Aucun examen n'a été mené pour identifier les réfugiés ou les personnes vulnérables ayant besoin de protection, en violation des obligations internationales de l'Italie. Des témoignages crédibles indiquent que les fonctionnaires italiens ont fait un usage injustifié de la force en appréhendant les migrants, et ont confisqué des effets et des documents personnels. Tous les migrants ont été emprisonnés à leur arrivée en Libye. L'Italie et la Libye ont annoncé la mise en place de patrouille maritimes communes dans les eaux territoriales libyennes, dans le cadre d'un "Traité d'Amitié" entré en vigueur en mars 2009.
Un tribunal sicilien a acquitté en octobre trois membres de l'organisation humanitaire allemande Cap Anamur accusés d'avoir favorisé l'immigration illégale pour avoir porté secours à des embarcations de migrants en 2004. En novembre, sept pêcheurs tunisiens ont été acquittés alors que des charges similaires pesaient sur eux suite à un sauvetage en 2007. Deux d'entre eux ont cependant été condamnés pour résistance à un représentant de l'ordre et pour actes de violence contre un navire militaire.
L'Italie a continué à expulser des suspects de terrorisme vers la Tunisie, en dépit des risques de mauvais traitements, et de dix décisions de justice rendues en 2009 par la Cour européenne des droits de l'homme. Ces décisions établissaient que de tels retours mettaient en danger les personnes. En février, la Cour a condamné l'Italie pour l'expulsion en juin 2008 d'Essid Sami Ben Khemais, en violation des mesures provisoires prises par la Cour et qui exigeaient une suspension de l'expulsion jusque celle-ci ait pu examiner l'affaire. En août, l'Italie a expulsé Ali Ben Sassi Toumi, là encore en violation des mesures provisoires, s'attirant les critiques du Conseil de l'Europe.
Le racisme et la xénophobie, manifestés par la violence ainsi que par un discours politique hostile, continuent de constituer un problème grave. Parmi les exemples d'agressions, un immigré indien a été battu, aspergé d'essence et brûlé, et un groupe de nombreux hommes armés de bâtons a attaqué quatre Roumains, en envoyant deux à l'hôpital. Les mesures d'urgence adoptées depuis 2008 ont été rendues permanentes en juillet 2009, quand le parlement a voté le soi-disant Paquet Sécurité: l'entrée et le séjour irréguliers en Italie sont devenu des infractions punis d'une amende pouvant s'élever à 10,000€, et un cadre national pour des "comités de citoyens" officiellement agréés a été créé, faisant craindre les violences qui pourraient être commises par des membres de groupes d'auto-défense soutenus par l'Etat (certain des groupes existants ont des liens étroits avec l'extrême droite). La rhétorique provocatrice de certains élus a poussé le Président en mai, ainsi que l'Eglise Catholique, à exprimer leur inquiétude quand à la montée du discours xénophobe en Italie. En avril, un rapport accablant de Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, a dénoncé le racisme et la xénophobie, la discrimination et les conditions inacceptables de logement que subissent les Rom et les Sinti, ainsi que la législation anti-migrants.
En octobre, un tribunal de Milan a condamné 23 citoyens des Etats-Unis, dont l'ancien chef du bureau de la CIA à Milan, ainsi que deux agents italiens du renseignement militaire, pour l'enlèvement en 2003 et la restitution à l'Egypte de Hassan Mustafa Ossan Nasr (plus connu sous le nom d'Abu Omar). Trois des 26 citoyens américains jugés in absentia, dont le chef du bureau de la CIA à Rome, ont bénéficié de l'immunité diplomatique. Le juge a déclaré être dans l'incapacité de prononcer un verdict à l'encontre des cinq autres accusés italiens, parce que les preuves contre eux étaient couvertes par le secret d'état, suivant un arrêt de la Cour Constitutionnelle en mars.
Malte
Le gouvernement maltais a continué à emprisonner les demandeurs d'asile et les migrants illégaux, y compris les mineurs non-accompagnés, les femmes enceintes, et les personnes en mauvaise santé, pendant des périodes prolongés. Les délais prolongés de traitement des demandes d'asile et le manque d'accès à l'assistance juridique ont persisté. Suite à sa visite de janvier 2009 à Malte, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclut que la politique de rétention de Malte n'est pas conforme au droit international, et a décrit les conditions d'emprisonnement dans deux centres de rétention comme épouvantables. Une manifestation de 500 migrants détenus dans les baraquements de Safi, en mars, s'est terminée par des violences.
Neuf ONGs ont appelé les autorités maltaises à s'attaquer au problème des violences à caractère raciste à Malte, après l'agression de deux migrants somaliens en juillet, l'un d'entre eux ayant du être hospitalisé.
L'Italie et Malte continuent à se renvoyer la responsabilité de secourir les embarcations de migrants en détresse. La mort de plus de 70 migrants africains qui tentaient de rejoindre l'Italie en août a suscité de nombreuses critiques contre Malte pour n'avoir pas secouru les migrants naufragés en mer. La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a accusé le gouvernement maltais de faillir à ses obligations au regard du droit international humanitaire.
Pays-Bas
Les évaluations réalisées au cours de l'année 2009 par Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, et par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, ont permis d'identifier une série de préoccupations relatives aux droits humains aux Pays-Bas, parmi lesquelles des mesures antiterroristes posant de réels problèmes, le manque de protections lors des procédures de demandes d'asile, ainsi que les délais excessifs pour traiter ces demandes.
Le gouvernement a commandité en juillet une évaluation approfondie des mesures antiterroristes, après qu'une commission temporaire ait conclut que les efforts pour lutter contre le terrorisme étaient mal coordonnés et incohérents. En attendant le résultat de l'évaluation, le parlement a suspendu son étude d'un projet de législation qui devrait restreindre les déplacements des suspects de terrorismes et leur imposer des obligations de se présenter régulièrement pour des contrôles.
Le gouvernement a annoncé en avril des mesures visant à dissuader les migrants expulsés de déposer des demandes de dernière minute, y compris en supprimant le droit de rester dans le pays pendant l'étude d'une seconde demande d'asile, en l'absence de nouveaux faits ou circonstances. De plus, tous les demandeurs d'asile dépourvus de papiers d'identité devront convaincre les autorités qu'ils ne les ont pas détruits, sous peine de voir leur demande rejetée. D'autres projets de réforme du droit d'asile présentés au parlement en juillet pourraient étendre le temps de traitement des demandes dans le cadre de la procédure accélérée de cinq à huit jours, afin d'augmenter le nombre de demandes traitées suivant cette procédure. Hammarberg et le Comité des droits de l'homme se sont inquiétés de ce que la procédure actuelle et les changements proposés ne donnent pas aux demandeurs d'asile l'opportunité de défendre correctement leur requête.
En avril, le gouvernement a annoncé qu'il n'accorderait plus automatiquement l'asile aux Somaliens. Le Conseil d'Etat hollandais a refusé la demande de séjour temporaire d'un couple irakien en mai, au motif que la situation en Irak ne présentait pas de risques d'actes de violence indiscriminée. La décision faisait suite à un jugement prononcé en février par la Cour européenne de justice dans le cadre du renvoi de la même affaire, établissant que la directive de l'UE sur la reconnaissance du statut de réfugié (Directive qualification) n'exige pas d'un demandeur qu'il prouve qu'il ou elle est menacé en particulier quand le niveau de violence aveugle dans un pays atteint un certain niveau de gravité.
Le gouvernement a annoncé en octobre son intention d'imposer des tests de langues et d'intégration plus stricts pour les épous(es) potentiels de résidents hollandais originaires de pays non-occidentaux. Le caractère discriminatoire de ces conditions envers les migrants marocains et turcs a été critiqué.
Pologne
La Commission européenne a renvoyé la Pologne devant la Cour européenne de justice en mai, pour non-respect de la date limite fixée pour la mise en œuvre de trois directives de l'UE concernant la discrimination par le genre. La dernière version d'une loi nationale globale contre la discrimination a suscité des inquiétudes quand à l'insuffisance des protections contre les discriminations multiples, et contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Le Bureau du Plénipotentiaire pour l'égalité hommes-femmes , organe gouvernemental créé en 2008, manque d'autonomie et n'a pas de mandat pour recevoir des plaintes ou assister les victimes individuelles. Le gouvernement n'a cependant pas accédé aux demandes qui lui étaient faites d'établir un organisme indépendant de lutte contre les discriminations.
Dans une décision historique prise en août, un tribunal régional a condamné une femme à payer une amende pour avoir prononcé des paroles haineuses à l'encontre de son voisin gay, ce qui avait incité d'autres personnes à le harceler. La discrimination fondée sur l'orientation sexuelle reste cependant un problème grave, les discours de haine semblant en recrudescence.
La législation polonaise sur l'avortement reste l'une des plus restrictives d'Europe, et l'accès à la contraception et aux tests prénataux est limité. Au cours d'une visite en mai, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé a observé que les femmes en Pologne étaient confrontées à des obstacles importants pour avoir accès à des avortements légaux, et aux autres services de santé de la reproduction. En septembre, un tribunal a contraint un magasine catholique à indemniser une femme qu'il avait publiquement vilipendée pour avoir voulu avorter sur conseil médical.
Royaume-Uni
Des allégations de complicité des services de renseignement britanniques dans des cas d' "extraordinary rendition" (restitutions extraordinaires) et d' actes de torture commis sur des suspects de terrorisme, parmi lesquels des citoyens du Royaume-Uni, ont empoisonné le gouvernement tout au long de l'année. Le Comité parlementaire conjoint des droits humains (« Joint Committee on Human Rights », ou JCHR) et la Commission des affaires étrangères de la Chambre des communes britannique ont rendu des rapports décisifs en août. Le comité conjoint et les organisations de défense des droits humains ont demandé que soit ouverte une enquête indépendante sur l'ensemble de ces allégations, demande rejetée par le gouvernement.
En mars, le Ministre de la Justice a ordonné une enquête judiciaire sur la complicité présumée d'agents du Service de sécurité (le Security Service - MI5) dans la torture et les mauvais traitements infligés à Binyam Mohamed, un Ethiopien résidant au Royaume-Uni, qui avait été libéré de Guantanamo et renvoyé au Royaume-Uni en février. La police enquête également sur une autre affaire impliquant la complicité présumée de membres du Service des renseignements (le Secret Intelligence Service - MI6) dans les abus commis sur un étranger dont le nom n'est pas connu. La Haute Cour de justice du Royaume-Uni a déclaré en février être dans l'impossibilité de publier les compte-rendu de documents confidentiels du renseignement américain, qui corroboraient les allégations de Mohammed suivant lesquelles il aurait été torturé au Pakistan, en raison des risques que cela aurait fait peser sur la coopération entre les services de renseignement des Etats-Unis et du Royaume-UNi.
En juin, les Lords juridiques (Law Lords) ont jugé que le fait que le gouvernement se fonde sur des preuves secrètes pour imposer des ordonnances de contrôle aux suspects de terrorisme, restreignant ainsi leur liberté, constituait une violation de leur droit à un procès équitable. La décision faisait suite à un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme condamnant le Royaume-Uni, pour sa politique (supprimée depuis) de détention à durée indéterminée, dans lequel la Cour avait souligné que refuser aux suspects de terrorisme le droit de connaître le dossier à charge constituait une violation de leurs droits.
Depuis le mois de juin, la Haute Cour de justice a annulé trois ordonnances de contrôle - dont deux en novembre, rejetant alors l'argument du gouvernement suivant lequel d'autres ordonnances moins restrictives ne nécessitait pas de dévoiler les preuves sur lesquels elles étaient fondées - et à obligé le gouvernement à en modifier une autre. Ce dernier a préféré lever une dernière ordonnance plutôt que d'accepter de dévoiler toutes les preuves. En septembre, le gouvernement a demandé à l'Expert indépendant sur la législation antiterroriste de réaliser une évaluation du régime des ordonnances de contrôle.
Trois hommes ont été condamnés à la prison à vie en septembre, pour avoir projeté de tuer des milliers de personnes en 2006 en utilisant des bombes liquides artisanales pour faire sauter des avions volant de Londres vers les Etats-Unis. Un quatrième homme a été condamné à une peine de 22 ans minimum.
Des suspects de terrorisme continuent à être expulsés sur la base d'assurances diplomatiques peu fiables quand à la garantie d'un traitement humain. En février, les Lords juridiques ont autorisé le gouvernement à déporter deux Algériens ainsi le Jordanien Omar Othman (plus connu sous le nom d'Abu Qatada), aux conditions d'assurances données par les gouvernements de leurs pays d'origine respectifs. Abu Qatada a fait appel du jugement auprès de la Cour européenne des droits de l'homme qui, à l'heure où sont écrites ces lignes, n'a pas encore examiné son cas. Le gouvernement britannique a signé un Protocole d'accord avec l'Ethiopie en décembre 2008, incluant de telles assurances diplomatiques.
Le gouvernement a annoncé en avril 2009 une augmentation prochaine du nombre de centres de rétention pour les demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée, et pour ceux dont la demande suit la "procédure accélérée en rétention" ("detained fast-track"). Des demandeurs d'asile particulièrement vulnérables, dont les demandes sont complexes, et en particulier des femmes qui ont survécu à des violences sexuelles, ont été orientés vers cette procédure accélérée et se sont vues placés en centre et expulsés sans que leurs demandes soient correctement prises en compte. Le Royaume-Uni continue à détenir les migrants mineurs avec leurs parents, en dépit de l'impact négatif avéré sur leur santé mentale et physique.