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Sasha Skochilenko se tient derrière les barreaux dans la salle d'audience du tribunal du district de Vasileostrovsky à Saint-Pétersbourg, Russie, le 16 novembre 2023. © 2023 Dmitri Lovetsky/AP Photo

Bien que j'écrive depuis plus de vingt ans sur les régimes autoritaires et leur façon d'agir, en particulier en temps de guerre, j'ai toujours du mal à comprendre un aspect de leur comportement qu’ils ont tous en commun.

Ils ont du pouvoir et veulent le montrer – à leurs citoyens et au monde entier. Mais il leur arrive de s'en prendre à la dissidence d'une manière ridiculement inutile, comme s'ils étaient inquiets de leur mainmise sur le pouvoir.

La semaine dernière, nous en avons vu un exemple typique en Russie, lorsqu'un tribunal a condamné l'artiste Aleksandra Skochilenko à sept ans de prison. Qu'a-t-elle fait pour mériter une peine aussi sévère ? Un acte de violence, peut-être ? Une menace sérieuse envers le Kremlin ?

Non, tout ce qu’Aleksandra Skochilenko a fait, c'est remplacer cinq étiquettes de prix de supermarché par des informations sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

C'est tout. Sept ans de prison pour cinq petits bouts de papier.

Le chef d'accusation formel était la diffusion de « fausses » informations sur la guerre. Ses bouts de papier indiquaient comment des décennies de mensonges télévisés de Poutine avaient conditionné certains Russes à justifier la guerre. Elle a également attiré l'attention sur le bombardement par la Russie du théâtre abritant des civils à Marioupol, en Ukraine. Elle a déclaré que la Russie envoyait des conscrits au combat, ce que le ministère de la Défense a admis. Enfin, elle a appelé à la fin de la guerre.

Une condamnation à une peine de prison pour cela – sans parler d'une peine de sept ans – est ridicule. Si vous voyiez cela dans un roman ou une série, vous penseriez que l'auteur est allé trop loin en vous demandant de suspendre votre incrédulité à un degré aussi ridicule.

Mais on ne rigole pas en Russie, où l'absurdité des autorités entraîne des conséquences terribles.

Compte tenu de l'état de santé de Mme Skochilenko et de la sévérité de l'emprisonnement en Russie, sa condamnation à sept ans de prison risque de devenir une condamnation à mort. La cruauté des autorités s'est déjà manifestée au cours des 19 mois de procédure judiciaire. Les responsables de la prison lui ont confisqué ses médicaments et, lors de son transfert depuis la détention provisoire, elle a été laissée sans nourriture pendant des jours.

Les actions des autorités russes dans cette affaire représentent une injustice flagrante, et ce n'est que l'exemple le plus récent. Plus de 200 personnes ont été poursuivies pour avoir diffusé de « fausses » informations sur la guerre menée par la Russie en Ukraine, et les autorités ont jeté des centaines de personnes derrière les barreaux pour s'être opposées à la guerre en appliquant d'autres lois draconiennes.

Comme dans beaucoup d'autres cas, la folie totale de la persécution des autorités à l'encontre de la pacifiste Aleksandra Skochilenko a été révélatrice à d'autres égards, comme elle l'a fait remarquer dans sa déclaration finale au tribunal. Si elle n'avait pas été arrêtée, a-t-elle déclaré, les bouts de papier « n'auraient été connus que d'une mamie, d'une caissière et d'un agent de sécurité du [supermarché] ».

En effet. Les autorités ont transformé un minuscule acte de dissidence en une manifestation internationalement connue contre l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Quelle que soit la psychologie des régimes autoritaires, les résultats sont tristement clairs en termes de droits humains. À l'intérieur de la Russie, les atteintes aux libertés fondamentales ne cessent de se multiplier.

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