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RD Congo : L'agence nationale de renseignement affirme détenir un activiste

Christopher Ngoyi doit être autorisé à recevoir immédiatement des visites d'un avocat et de sa famille

(Kinshasa, le 27 janvier 2015) – Les autorités de la République démocratique du Congo devraient fournir immédiatement des informations sur l’endroit où se trouve le défenseur des droits humains Christopher Ngoyi Mutamba, et sur des charges éventuelles contre lui, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. On craint que Ngoyi n’ait été victime de disparition forcée depuis son arrestation le 21 janvier 2015.

Un haut responsable des services de renseignements de la République démocratique du Congo a déclaré à Human Rights Watch le 26 janvier que Ngoyi était détenu par les services de renseignement congolais, mais le lieu de sa détention n'a pas été divulgué, et il n'a pas été autorisé à recevoir des visites de sa famille ou d'un avocat. Les autorités devraient le libérer immédiatement, sauf s’il est mis en accusation pour un délit crédible.

« Chaque jour qui passe augmente les inquiétudes pour la sécurité de l’activiste Christopher Ngoyi », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior sur la RD Congo à Human Rights Watch. « Les autorités congolaises devraient immédiatement et publiquement faire connaître l’endroit où il se trouve et le libérer s’il a été détenu illégalement ou pour des raisons politiques. »

Ngoyi, 55 ans, président de l’organisation de défense des droits humains Synergie Congo Culture et Développement, était engagé dans la mobilisation du public en vue des manifestations contre les propositions de modifications de la loi électorale le 12 janvier et pendant la semaine du 19 janvier, dans la capitale, Kinshasa.

Le 21 janvier, vers 20h, plusieurs hommes, dont certains portant des uniformes de la police militaire, ont accosté Ngoyi alors qu’il rencontrait des collègues dans un bar en plein air de la commune de Kalamu à Kinshasa. Ils l’ont contraint à monter à bord d’une jeep blanche non immatriculée et sont partis.

Plus tôt ce jour-là, Ngoyi faisait partie d’une délégation d’activistes des droits humains et de dirigeants de partis d’opposition, dont des membres du parlement, qui se sont rendus à l’Hôpital général de Kinshasa pour apporter leur soutien aux personnes blessées pendant les manifestations. Juste après que la délégation ait quitté l’hôpital, des militaires appartenant à un détachement de la Garde républicaine chargée de la sécurité présidentielle sont entrés dans l’hôpital et ont ouvert le feu sans distinction, blessant trois visiteurs.

Le lendemain matin suivant l’arrestation de Ngoyi, une jeep transportant des hommes vêtus d’uniformes de la police militaire était stationnée devant la maison de Ngoyi dans la commune de Barumbu à Kinshasa vers 4h du matin. Vers 5h30, environ six hommes en civil sont entrés à son domicile et ont montré un mandat de perquisition à des membres de sa famille. Ils ont ensuite fouillé la maison et emporté des documents appartenant à Ngoyi. Ils ont indiqué à la famille de Ngoyi que celui-ci était détenu à l’auditorat militaire du district de Gombe.

Des membres de la famille et des collègues de Ngoyi se sont rendus à l’auditorat militaire de Gombe, ainsi que dans d’autres lieux de détention officiels et prisons de Kinshasa, mais ils n’ont pas réussi à le localiser. Les autorités leur ont déclaré que Ngoyi n’était pas détenu dans ces établissements. Les militants congolais des droits humains ont exprimé leur préoccupation pour  la vie et la sécurité physique de Ngoyi.

Le 26 janvier, l’administrateur général de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), Kalev Mutond, a informé Human Rights Watch que Ngoyi était détenu par l’ANR, mais il n’a pas donné d’autres détails quant au motif de son arrestation ni à son lieu de détention.

Les disparitions forcées sont définies par le droit international comme l’arrestation ou la détention d’une personne par des responsables du gouvernement ou leurs agents, suivie du refus de reconnaître la privation de liberté, ou de révéler le sort de la personne ou le lieu où elle se trouve. Les disparitions forcées violent une série de droits humains fondamentaux protégés en vertu du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, auquel la RD Congo est un État partie, notamment les interdictions d’arrestation et la détention arbitraires, de l’usage de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, et des exécutions extrajudiciaires.

« Le gouvernement devrait immédiatement informer la famille de Ngoyi de l’endroit où celui-ci se trouve et des raisons pour lesquelles il est détenu », a déclaré Ida Sawyer. « Les autorités devraient aussi assurer qu’il n’est ni torturé ni maltraité, et qu’il a accès à un avocat, de la nourriture, et des soins médicaux. »

Ngoyi est le coordinateur national d’un réseau d’organisations congolaises de la société civile. Il est également co-fondateur de Sauvons le Congo, une coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile créée en 2014 pour lutter contre des propositions de modifications de la constitution, dont certaines permettraient au Président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de la limite de deux mandats établie par la constitution.

Le 17 janvier 2015, l’Assemblée nationale congolaise a adopté des modifications de la loi électorale qui exigeraient un recensement national avant les prochaines élections et pourraient ainsi retarder de façon considérable les élections présidentielle et législatives prévues pour 2016. Un tel retard aurait permis à Joseph Kabila de prolonger son mandat.

Le 23 janvier, après une semaine de manifestations publiques à Kinshasa et dans d’autres villes qui ont dégénéré en violences à la suite de la répression policière, le Sénat a adopté une version amendée de la loi, indiquant clairement que les élections ne seraient pas subordonnées à la réalisation d’un recensement et que le calendrier électoral de la constitution serait respecté. Le 25 janvier, l’Assemblée nationale a adopté une version de la loi qui n’exigeait pas qu’un recensement national soit organisé avant les élections. Le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a déclaré après le vote que les membres du parlement avaient écouté le peuple qui les avait élus.

Human Rights Watch a confirmé que 36 personnes au moins ont été tuées durant les manifestations à Kinshasa, dont au moins 21 ont été tuées par balles par la police et par des militaires de la Garde républicaine ayant eu recours à une force meurtrière excessive ou non nécessaire. Human Rights Watch poursuit ses enquêtes sur les circonstances exactes des autres décès ainsi que sur des informations crédibles à propos d’autres meurtres. Human Rights Watch s’entretient avec des témoins, des membres des familles des victimes et des employés d’hôpitaux, et se rend dans des hôpitaux et des endroits à Kinshasa où se sont déroulées des manifestations.

Les autorités ont également arrêté arbitrairement plusieurs dirigeants de l’opposition en lien avec les manifestations.

« La façon dont les autorités ont traité le cas de Ngoyi est extrêmement préoccupante », a conclu Ida Sawyer. « Elle envoie un signal inquiétant selon lequel le gouvernement cherche à réduire au silence les voix politiquement discordantes et les actions en faveur des droits humains plus généralement. »
 

 

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