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Maroc: Des hebdomadaires censurés à cause d’images de Dieu et du prophète Mahomet

Le code de la presse sape les garanties constitutionnelles de la liberté d’expression

(Rabat, le 10 février 2012) – Le Maroc devrait cesser d’interdire certaines publications sous prétexte qu’elles « portent atteinte à l’islam », a déclaré Human Rights Watch dans une lettre adressée aujourd’hui au ministre de la Communication, Mustapha Khalfi.

Khalfi a déclaré le 3 février 2012 qu’il avait fait interdire l’édition du 2 février de l’hebdomadaire français Le Nouvel Observateur parce qu’elle contenait des illustrations représentant Dieu, ce qui, a-t-il ajouté, est interdit par la loi marocaine. Khalfi a aussi interdit un hors-série du magazine Le Pèlerin qui contenait des images représentant le prophète Mahomet.

« Ces interdictions violent le droit des Marocains de lire – ou ne pas lire – des publications de leur choix, quelques mois seulement après qu’ils ont approuvé une nouvelle constitution qui est supposée garantir la liberté d’expression et de la presse », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

La nouvelle constitution marocaine, validée par les électeurs le 1er juillet 2011, énonce dans l’article 28 : « la liberté de la presse est garantie et ne peut être limitée par aucune forme de censure préalable ». Pourtant, l’article 29 du code de la presse continue à donner pouvoir au ministre de la Communication d’interdire l’import de publications qui « portent atteinte à la religion islamique, au régime monarchique, à l’intégrité territoriale [du Maroc], au respect dû au Roi ou à l’ordre public ».

Ces dernières années, le gouvernement a souvent utilisé cette disposition pour interdire des numéros de publications étrangères. Comme ce cas le démontre, les articles de la constitution proclamant une garantie de la libre expression ont bien peu de valeur tant que les législateurs n’auront pas révisé les dispositions du code pénal et du code de la presse que le gouvernement utilise pour restreindre l’expression, a déclaré Human Rights Watch.

Le numéro interdit du Nouvel Observateur contenait une image extraite du film d’animation Persépolis, montrant l’héroïne en conversation avec Dieu, dépeint comme un homme à la barbe blanche. Le hors-série du Pèlerin, intitulé « 50 clés pour comprendre l’islam », reproduisait plusieurs miniatures turques et perses du XVIe au XVIIIe siècle représentant le prophète Mahomet avec le visage caché.

Membre du parti islamiste PJD (Parti de la justice et du développement), Khalfi est devenu ministre de la Communication après les élections législatives du 25 novembre, au cours desquelles son parti a remporté une majorité. « Il y a une décision de l’ONU qui interdit toute atteinte aux religions », a déclaré Khalfi aux médias pour justifier la censure touchant les hebdomadaires français.

Pourtant, a déclaré Human Rights Watch, cette assertion dénature le droit international régissant la liberté d’expression, qui n’autorise pas les gouvernements à restreindre ce droit simplement parce que les membres d’une confession pourraient se sentir offusqués.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Maroc a ratifié, énonce dans l’article 19(2) : « Toute personne a droit à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». Même si ce Pacte interdit bien « tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence », la stricte définition de cette interdiction ne peut correspondre aux exemples cités ci-dessus.

 

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