Skip to main content

Affaire Habré : Le président sénégalais Wade déclare que l’ancien dictateur tchadien sera « très probablement renvoyé en Belgique »

(N’Djaména) – La déclaration du président sénégalais Abdoulaye Wade que « très probablement Hissène Habré va être renvoyé en Belgique » pour répondre aux accusations de crimes contre l’humanité, crimes de guerre, et torture suscite l’espoir des victimes, a déclaré le Comité international pour le jugement équitable de Hissène Habré. La déclaration, retransmise aujourd’hui, a été faite lors d’une interview avec Radio France internationale et France 24 le 4 janvier 2012 au Palais présidentiel de Dakar.

Le président Wade, qui avait catégoriquement refusé que Habré soit jugé au Sénégal, a déclaré que la Cour d’appel de Dakar, actuellement saisie d’une demande d’extradition belge, va « incessamment trancher la question ». Il a ajouté que « si la Cour d’appel décide de l’extrader, je l’extraderai » car il a désormais « l’aval » de l’Union africaine.

« Nous sommes rassurés de voir que les tribunaux vont bientôt traiter la demande d’extradition belge et que le gouvernement sénégalais tient à respecter la décision de la cour », a déclaré Jacqueline Moudeïna, avocate des victimes et coordinatrice du Comité international pour le jugement équitable de Hissène Habré qui comprend notamment l’Association tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme (ATPDH), l’Association des Victimes des Crimes du Régime de Hissène Habré (AVCRHH), la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO), Human Rights Watch et la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH). « Si l’indépendance judiciaire est respectée au Sénégal, il n’y a pas d’autre solution que l’extradition en Belgique car le Sénégal est obligé soit de le juger, soit de l’extrader ».

Les victimes de l’ancien dictateur tchadien luttent depuis plus de vingt-et-un ans pour le traduire devant un tribunal mais se trouvent devant une impasse depuis que le Sénégal, pays d’exil de Habré, a décidé de ne pas le juger, sans pour autant l’extrader vers la Belgique qui demande son extradition depuis 2005. La Convention contre la torture oblige les Etats parties à juger ou extrader toute personne accusée de torture.

En juillet 2006, le Sénégal a accepté le mandat de l’Union africaine de juger Habré « au nom de l’Afrique ». Au moment où les dernières modalités se mettaient en place l’année dernière, le Sénégal s’est retiré des discussions avec l’Union africaine et a déclaré qu’il ne jugerait jamais Habré. En juin 2011, l’Union africaine a fait le bilan de l’affaire et a envisagé d’autres solutions, y compris son extradition vers la Belgique. Le 22 juillet 2011, le gouvernement tchadien s’est prononcé officiellement en faveur de l’extradition de Habré en Belgique.

La Belgique a déposé une troisième demande d’extradition le 5 septembre 2011. La demande est toujours pendante.

En novembre dernier, le Comité des Nations unies contre la torture rappelait au Sénégal son obligation « de soumettre la présente affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale ou, à défaut, dans la mesure où il existe une demande d’extradition émanant de la Belgique, de faire droit à cette demande ».

« L’extradition de Habré vers la Belgique constitue l’option la plus concrète et la plus rapide pour s’assurer qu’il réponde effectivement des accusations portées contre lui dans le cadre d’un procès juste et équitable », a ajouté Maître Moudeina. « Les victimes continuent de s’éteindre tous les jours et n’ont plus le temps d’attendre. La Belgique a déjà enquêté sur les accusations et est prête à juger Habré rapidement une fois qu’il sera sur son territoire ».

Le refus du Sénégal de juger Habré sera à l’ordre du jour au sommet de l’Union africaine à la fin du mois de janvier. Dès mars prochain, les audiences débuteront à la Cour internationale de Justice dans l’affaire qui oppose la Belgique au Sénégal visant à obliger le Sénégal à s’acquitter de ses obligations internationales.

Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, jusqu'à ce qu'il soit renversé par l’actuel président tchadien Idriss Déby Itno. Son régime à parti unique a été marqué par des atrocités commises à grande échelle, notamment par des vagues d'épurations ethniques. Une commission d’enquête nationale a estimé en 1992 que le régime était responsable de 40 000 assassinats politiques et de torture systématique.

Interview du Président Wade :

Rfi : Alors justement, Monsieur le Président, en janvier l’Union africaine aura à se pencher à nouveau sur le dossier Hissène Habré, vous savez qu’il y a deux solutions actuellement à envisager : l’extradition vers la Belgique, un éventuel départ vers le Rwanda. Quelle solution recueillerait plutôt votre avis ?

Wade : La Cour d’appel de Dakar, [est] actuellement saisie d’une demande de la Belgique, et incessamment elle va trancher la question. Mais très probablement Hissène Habré va être renvoyé en Belgique. Je ne l’aurais pas fait avant si je n’avais pas l’aval de l’Union africaine. Mais l’Union africaine nous dit, me dit, que c’est une possibilité et donc si la Cour d’appel décide de l’extrader, je l’extraderai.

Rfi : Donc juste en deux mots, vous êtes prêt si les formes sont respectées à ce qu’il aille en Belgique ?

Wade : Absolument ! Parce que j’ai le couvert de l’Union africaine. Auparavant je ne l’aurais pas fait.

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.

Région/Pays