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RD Congo : Il faut arrêter le candidat recherché pour viols de masse

Un chef de milice Maï Maï, Ntabo Ntaberi Sheka, fait campagne alors qu'un mandat d’arrêt à son encontre n’est toujours pas exécuté

(Kinshasa, le 2 novembre 2011) – Les autorités de la République démocratique du Congo devraient immédiatement arrêter un leader de groupe armé se présentant à une fonction politique et qui est recherché pour crimes contre l’humanité, notamment des viols perpétrés en masse, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le leader de milice Maï Maï, Ntabo Ntaberi Sheka, se présente comme candidat à l’Assemblée nationale aux élections prévues le 28 novembre 2011.

Un mandat d’arrêt congolais pour viols de masse émis contre Sheka le 6 janvier 2011 n’a toujours pas été exécuté.

« Les autorités congolaises devraient procéder à l’arrestation de Sheka pour viols de masse, qu’il soit candidat à un mandat ou pas », a déclaré Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior au sein de la division Afrique à Human Rights Watch. « Ne pas arrêter un homme qui est tranquillement en train de faire campagne pour gagner des voix envoie le message que même les crimes les plus insignes ne seront pas punis. »

Sheka est le leader d’une milice connue sous le nom de Maï Maï Sheka, qui opère dans le territoire reculé de Walikale, dans la province du Nord-Kivu, à l’est du Congo. En juillet 2011, les Nations Unies ont publié un rapport détaillé décrivant les viols d’au moins 387 civils – 300 femmes, 23 hommes, 55 filles et 9 garçons – perpétrés entre le 30 juillet et le 2 août 2010, dans 13 villages situés le long de la route reliant Kibua à Mpofi en territoire de Walikale. Le rapport de l’ONU indiquait que la milice Maï Maï Sheka faisait partie d’une coalition de trois groupes armés responsables de ces viols en masse et désignait nommément Sheka comme l’un des leaders qui portaient la responsabilité du commandement.

Les enquêteurs de l’ONU ont conclu que Sheka et deux autres leaders de groupes armés avaient« une bonne connaissance de la planification et de l’organisation de cette opération [militaire], lancée contre toute une population civile et se sont répartis le butin des pillages au terme desdites attaques.» Il s’agit d’un des cas de viols massifs les plus importants documentés dans l’est du Congo au cours des dernières années.

Le rapport de l’ONU mentionnait aussi le Capitaine Sérafin Lionso, des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une milice essentiellement composée de Hutus rwandais, et le Lieutenant Colonel Emmanuel Nsengiyumva, commandant d’une petite unité de déserteurs de l’armée congolaise, comme portant la responsabilité du commandement.

Suite à une vaste levée de bouclier dans les médias contre les viols massifs, Sheka a remis l’un de ses commandants, Sadoke Kikunda Mayele, aux autorités de l’ONU et de l’armée congolaise le 6 octobre 2010, peut-être dans une tentative de se mettre lui-même à l’abri des poursuites.

Les procureurs militaires congolais, avec l’assistance de l’ONU, ont ouvert une enquête judiciaire peu après les attaques. Par la suite, les autorités militaires ont émis huit mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité, notamment pour violences sexuelles, entre autres crimes graves, contre Sheka, Mayele, deux commandants rebelles des FDLR, dont le Capitaine Lionso, et quatre déserteurs de l’armée congolaise. Nsengiyumva, l’un des organisateurs présumés de l’opération, a été tué lors d’un incident distinct avant qu’un mandat d’arrêt n’ait pu être lancé à son encontre. En dehors de Mayele, aucun n’a été arrêté à ce jour.

En juillet, Sheka s’est rendu à Goma, au Nord-Kivu, apparemment pour des raisons médicales. Les autorités judiciaires congolaises, avec l’appui de la mission de maintien de la paix de l’ONU, la MONUSCO, ont tenté de l’arrêter à la résidence privée d’un officier de l’armée congolaise où Sheka passait la nuit. Mais Sheka a réussi à s’échapper, averti semble-t-il par un membre de l’armée congolaise qui avait une relation étroite de travail avec lui. Human Rights Watch n’a connaissance d’aucune autre tentative pour arrêter Sheka ou ses co-accusés.

À la fin du mois d’octobre, les autorités congolaises ont décidé d’ouvrir le procès, même si un seul des huit accusés se trouve en détention. Human Rights Watch considère que les procès in absentia violent les droits de l’accusé à présenter une véritable défense, comme le prévoit le droit international.

Human Rights Watch a appelé les autorités congolaises, ainsi que la mission de maintien de la paix de l’ONU et d’autres entités internationales, à garantir une protection suffisante pour les victimes et les témoins dans cette affaire. Le rapport de l’ONU du mois de juillet indiquait que des victimes qui avaient parlé aux autorités judiciaires avaient fait l’objet de menaces et tentatives d’intimidation de la part de membres de milices suspectés d’avoir participé à l’attaque.

« Si le gouvernement congolais veut réellement mettre fin aux violences sexuelles, il doit faire preuve de volonté politique et arrêter les personnes impliquées dans des viols massifs », a ajouté Anneke Van Woudenberg. « C’est une parodie de justice que d’ouvrir un procès avant même que les principaux suspects ne soient en détention et alors que l’un des accusés fait ouvertement campagne pour un mandat électif. »

En septembre, Sheka s’est inscrit comme candidat indépendant aux élections législatives dans la circonscription du Walikale. Lorsque la liste officielle des candidats a été publiée en octobre, son nom est apparu comme le candidat numéro 18 sur la liste des 65 candidats briguant les deux sièges parlementaires du Walikale.

La loi électorale au Congo n’interdit pas à une personne accusée d’un crime de briguer une fonction élective ; elle ne disqualifie un candidat que s’il a été reconnu coupable à l’issue d’un jugement irrévocable de crimes graves, notamment de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, viol, torture ou assassinat. Toutefois, les membres de l’Assemblée nationale bénéficient de l’immunité contre les poursuites pénales, à moins que cette immunité ne soit levée par un comité parlementaire spécial.

Le gouvernement congolais a fait quelques tentatives pour arrêter et poursuivre des combattants recherchés pour viol et autres atrocités, mais peu d’entre eux étaient des officiers supérieurs ou des leaders de groupes armés. De même, Bosco Ntaganda, un général de l’armée congolaise recherché pour crimes de guerre par la Cour pénale internationale, demeure en fuite et a continué d’ordonner des attaques contre des civils et de commettre d’autres graves exactions. Ntaganda vit sans se cacher à Goma et joue un rôle important dans les opérations militaires dans l’est du Congo.

« La campagne de Sheka pour les élections, en dépit du mandat d’arrêt lancé contre lui, montre l’inaction du gouvernement congolais contre ceux qui portent le plus de responsabilités dans les violences sexuelles et autres atrocités massives », a conclu Anneke Van Woudenberg. « Les candidats aux prochaines élections devraient prendre l’engagement ferme de mettre un terme à la culture d’impunité au Congo. »

 

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