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Tunisie : Le gouvernement tente de réduire Human Rights Watch au silence

La police a empêché les journalistes d'assister à une réunion d'information au sujet du nouveau rapport de l'organisation sur la Tunisie

(Tunis, le 24 mars 2010) - Les autorités tunisiennes ont empêché les journalistes d'assister à  une réunion d'information de Human Rights Watch à l'occasion de la publication d'un rapport critique à l'égard du gouvernement, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les 22 et 23 mars 2010, des représentants de l'État ont indiqué qu'ils ne permettraient pas à Human Rights Watch de tenir cette conférence, mais n'ont fourni aucune raison légale à l'appui de cette décision.

 

Human Rights Watch a maintenu son projet de rendre public le rapport « Une prison plus vaste : Répression des anciens prisonniers politiques en Tunisie », mais des policiers en civil ont empêché physiquement des journalistes et des avocats défenseurs des droits humains de parvenir jusqu'au lieu de la réunion. Seuls un diplomate et trois militants des droits humains ont réussi à se rendre à cette réunion, qui était par ailleurs accessible en tant que téléconférence.  L'événement a été organisé pour présenter les conclusions des recherches de Human Rights Watch, selon lesquelles les mesures des autorités tunisiennes infligées aux anciens prisonniers politiques semblent avoir pour but de garantir que les dissidents ne puissent pas reprendre une vie normale à leur libération.

« La tentative du gouvernement tunisien d'empêcher Human Rights Watch de tenir une conférence de presse montre un manque de respect inquiétant envers la liberté d'expression », a remarqué Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Qui est libre de s'exprimer en Tunisie, lorsque le gouvernement essaie de réduire au silence une organisation internationale de défense des droits humains? »

Le 22 mars, le ministre des Communications, Oussama Romdhani, a informé Human Rights Watch que le gouvernement ne voulait pas que la conférence de presse se déroule. Des fonctionnaires des ministères de l'Intérieur et de la Justice ont déclaré qu'ils n'autoriseraient pas son déroulement, parce que le rapport « ternit l'image de la Tunisie, et est partial et biaisé ». Certains journalistes ont reçu des appels téléphoniques des autorités, les informant que l'événement organisé par Human Rights Watch était interdit.

Plusieurs hôtels de Tunis qui avaient préalablement proposé leurs tarifs à Human Rights Watch, pour une salle où se tiendrait la conférence, ont retiré leurs offres.  Le salon réservé dans un hôtel par Human Rights Watch le 23 mars a été inondé trois heures après que les collaborateurs de Human Rights Watch se soient présentés à la réception avant d'aller diner, et l'hôtel s'est avéré incapable de proposer une autre pièce. Par conséquent, la réunion a été déplacée dans les bureaux d'un cabinet juridique de Tunis.

Des policiers en civil à pied, en moto et en voiture ont ouvertement et régulièrement suivi les membres de l'équipe de Human Rights Watch dans leurs déplacements à travers Tunis. Au moins six agents de sécurité en civil arpentaient la rue devant le bureau du cabinet juridique, situé au centre ville, et notaient les numéros des plaques d'immatriculation des voitures stationnées à proximité.

Le rapport de 46 pages documente l'éventail de mesures répressives, dont beaucoup sont arbitraires, que les autorités tunisiennes imposent aux anciens prisonniers. Parmi ces mesures figurent une surveillance et un contrôle étroits, le refus de délivrer des passeports, les menaces de ré-arrêter ceux qui s'expriment sur les droits humains ou la politique, et des restrictions de déplacements. En juillet 2009, Human Rights Watch a écrit aux ministres de l'Intérieur et de la Justice en présentant un résumé détaillé des résultats de ses recherches et a sollicité des commentaires ou des corrections, sans recevoir de réponse. Le gouvernement se plaint maintenant que son point de vue n'est pas exposé dans le rapport.

Human Rights Watch a tenu des conférences de presse en Tunisie en 2004 et 2005, sans incident. Au cours de l'année dernière, Human Rights Watch a tenu de nombreuses conférences de presse dans la région, notamment au Bahreïn, en Egypte, aux Émirats arabes unis, en Israël, en Jordanie, au Koweït, au Liban, en Libye, au Maroc, et au Yémen.

« Il est décevant que l'espace de la liberté d'expression se rétrécisse aussi visiblement en Tunisie », a conclu Sarah Leah Whitson. « Le gouvernement n'a même pas essayé de cacher sa perturbation grossière de notre événement, signe inquiétant du sentiment d'impunité des autorités tunisiennes lorsqu'elles réduisent au silence toute personne qui ose critiquer son bilan en matière de droits humains. »

Parmi les journalistes qui ont indiqué avoir été empêchés par la police de parvenir jusqu'au lieu de la réunion, figurent Rachid Khechana et Mohamed Hamrouni de l'hebdomadaire d'opposition al-Mawqif, Lotfi Hidouri du journal al-Quds, et Slim Boukhdir du quotidien égyptien al-Masriyoun.

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