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Une explosion de violence entre partisans et opposants du président Pervez Musharraf ont fait une quarantaine de morts le week-end dernier à Karachi, la ville la plus populeuse du Pakistan. Pour mieux comprendre cette crise, La Presse a joint hier à Londres Ali Dayan Hasan, analyste de Human Rights Watch, qui rentre tout juste d'un séjour dans ce pays.

La Presse : Qu'est-ce qui a provoqué l'explosion du week-end?

Ali Dayan Hasan (Human Rights Watch) : La confrontation entre les opposants et les supporteurs du président Musharraf couvait depuis longtemps. Mais le déclencheur des événements du week-end, c'est le limogeage du juge en chef de la Cour suprême du Pakistan, il y a deux mois. Les Pakistanais ont pu voir à la télévision leur président, en tenue de général, signifier au juge Iftikhar Mohammed Chaudhry qu'il devait démissionner sur-le-champ. Le juge a rejeté publiquement ce congédiement. Pour de nombreux Pakistanais, c'était un exemple de résistance à la dictature militaire.

La Presse : Pourquoi le président a-t-il décidé de congédier le juge Chaudhry, le 9 mars dernier?

Ali Dayan Hasan : Nous sommes dans une année électorale. Selon la Constitution pakistanaise, un président ne peut exercer simultanément le rôle de chef de l'armée du pays. Musharraf veut garder les deux casquettes et cette histoire aurait fatalement abouti devant la Cour suprême. Le président a donc besoin d'un juge en chef très conciliant. Or, le juge Chaudhry a montré beaucoup de signes d'indépendance, en dénonçant la corruption et en instruisant des cas de disparitions. En le congédiant, le président n'avait pas prévu que ce geste se retournerait contre lui. Les avocats pakistanais ont lancé un mouvement dans tout le pays pour renverser cette décision. Et les événements du week-end ont éclaté alors que le juge Chaudhry venait tout juste d'arriver à Karachi pour un meeting politique.

La Presse : Sa visite a dérapé dans la violence. Qui en est le principal responsable?

Ali Dayan Hasan : C'est le gouvernement. Le groupe qui a ouvert le feu est allié avec l'armée. Le président lui-même a déclaré que si on voulait faire cesser la violence, il fallait mettre fin à ces rassemblements politiques.

La Presse : Qui appuie les avocats qui protestent contre le congédiement du juge en chef?

Ali Dayan Hasan : À peu près tous les partis de l'opposition se sont joints au mouvement. Le président Musharraf est de plus en plus isolé. Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, les gens pensaient qu'il allait réformer le pays. Aujourd'hui, il est de plus en plus perçu comme un général assoiffé de pouvoir. Les sondages lui accordent à peine de 20 à 25% d'appuis. À mon avis, c'est fini pour lui. Il restera peut-être à la présidence pendant encore quelque temps, peut-être même deux ans. Mais les événements du week-end montrent que Musharraf a épuisé son crédit de confiance.

La Presse : En cas de départ de Musharraf, les partis islamistes risquent-ils de prendre le pouvoir au Pakistan?

Ali Dayan Hasan : Les partis islamistes ont obtenu 11% des voix aux élections de 2002. C'est le maximum d'appuis qu'ils peuvent espérer. Leur force actuelle vient de l'appui qu'ils reçoivent de la part du président et de l'armée, qui prétendent vouloir contrôler les islamistes mais qui, en fait, sont alliés avec eux pour combattre les grands partis laïques, comme le PPP de Benazir Bhutto.

La Presse : Y a-t-il un risque de guerre civile au Pakistan?

Ali Dayan Hasan : Tout dépend de ce que fera le gouvernement face au mouvement de protestation, la manière dont le pouvoir actuel jouera ses cartes.

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