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Le processus d'amélioration des protections des droits humains dans l'Union européenne s'est enrayé en juin 2008, suite au référendum irlandais qui a rejeté le Traité de Lisbonne. S'il était adopté, le traité permettrait l'adhésion de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme et il conférerait à la Charte des droits fondamentaux de l'UE un caractère contraignant dans le droit européen. À l'heure actuelle, les institutions de l'UE ne sont pas explicitement liées par la convention, contrairement aux États membres de l'Union pris individuellement.

L'Union européenne et ses principaux États membres continuent d'appliquer des mesures antiterroristes qui violent les droits humains. Les expulsions pour des raisons de sécurité nationale en dépit du risque de mauvais traitements dans le pays de renvoi, les protections insuffisantes en détention, ainsi que les restrictions à la liberté d'expression et au droit à la vie privée sont autant de questions préoccupantes.

Les politiques de migration et d'asile demeurent axées sur le maintien hors des frontières de l'UE des migrants illégaux, y compris des enfants, et sur l'expulsion de ceux déjà présents, plutôt que de veiller à la protection de leurs droits. Les incidents et politiques xénophobes, affectant en particulier les populations rom, sinti, juive et musulmane ainsi que les migrants, ont été un problème dans un certain nombre d'États de l'UE.

Mesures antiterroristes et droits humains

En avril, le Conseil de l'UE a approuvé un amendement à la Décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme, incluant de nouvelles infractions : la provocation (destinée à faire entrer en vigueur les dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme) ainsi que le recrutement et l'entraînement pour le terrorisme, y compris lorsqu'ils sont commis au moyen d'Internet. L'infraction que constitue la provocation suscite des inquiétudes quant à la criminalisation de propos ayant peu à voir avec le terrorisme. En septembre, le Parlement européen a recommandé de limiter l'amendement de façon à ce que seuls les propos visant à inciter directement à commettre des infractions terroristes spécifiques soient criminalisés.

Le manque de garde-fous dans la mise en œuvre par l'UE des mesures financières antiterroristes adoptées par les Nations unies a été mis en lumière en septembre lorsque, dans l'affaire Kadi, la Cour européenne de justice a établi que l'incapacité pour les ressortissants non européens dont les avoirs sont gelés de contester effectivement une décision violait le droit à un procès équitable. Cette décision a annulé l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance de l'UE qui avait conclu que la nature contraignante des mesures imposées par le Conseil de sécurité de l'ONU l'emportait sur les obligations en matière de droits humains.

En dépit de l'opposition des tribunaux, des organes des droits humains et des ONG, les États membres de l'Union européenne ont continué de chercher à expulser les personnes soupçonnées de terrorisme, notamment en recourant aux assurances diplomatiques, vers des pays où, en cas de retour, elles risquaient la torture ou autres mauvais traitements interdits. En février 2008, dans son jugement rendu dans l'affaire Saadi c. Italie, qui concernait la tentative faite par l'Italie d'expulser vers la Tunisie une personne soupçonnée de terrorisme en recourant aux assurances diplomatiques, la Cour européenne des Droits de l'Homme a réaffirmé à l'unanimité l'interdiction absolue de tout renvoi en cas de risque de torture ou autres mauvais traitements. Elle a rejeté les conclusions formulées par le gouvernement britannique visant à considérer comme acceptable le risque de mauvais traitements lors du retour pour contrebalancer une menace pour la sécurité nationale. Elle a également rejeté l'idée selon laquelle les assurances diplomatiques constituaient automatiquement une garantie contre la torture.

Suite aux allégations émises antérieurement dans des rapports de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) et du Parlement européen à propos des programmes de restitution de la CIA, lesquels comprenaient l'utilisation de centres de détention secrets en Pologne et en Roumanie, la Pologne a fini par réagir mais la Roumanie n'a adopté aucune mesure significative. En août, à la demande du Premier ministre polonais Donald Tusk, le procureur a ouvert une enquête sur ces allégations. Les critiques s'inquiètent du fait que la portée et les pouvoirs de l'instruction ne suffiront pas pour enquêter sur les graves accusations de torture et autres violations des droits humains.

La politique commune de l'UE en matière d'asile et de migration

Au cours du second semestre de l'année 2008, le point central du volet migration sous la Présidence française de l'UE a été le « Pacte européen sur l'immigration », adopté par le Conseil européen en octobre. Ce pacte, qui n'a pas force obligatoire, prévoit des contrôles plus stricts en matière de réunification familiale des migrants et appelle les États de l'UE à recourir à l'expulsion, à payer les migrants pour qu'ils rentrent chez eux et à conclure des accords de réadmission avec les pays d'origine afin de procéder à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Le pacte suscite des inquiétudes quant à son impact éventuel sur le droit à la vie familiale et sur l'interdiction de renvoi en cas de risque de persécution ou de mauvais traitements.

La priorité que la politique européenne de migration accorde en permanence au renforcement des frontières plutôt qu'à la protection des droits humains s'est traduite en 2008 par une hausse de 30 millions d'euros du budget destiné à l'agence européenne de contrôle des frontières, Frontex. Au moment de la rédaction du présent rapport, l'opération « Héra » mise sur pied par Frontex en 2008 avait « dissuadé » ou « redirigé » vers l'Afrique de l'ouest 4 373 migrants sans papiers qui avaient mis le cap sur les îles Canaries.

En juin, le Parlement européen a adopté la Directive controversée du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, connue sous le nom de « Directive retour ». La mesure, qui entrera en vigueur en 2010, permet le placement en rétention des migrants sans papiers et des demandeurs d'asile déboutés, y compris des enfants non accompagnés, pendant une période pouvant aller jusqu'à 18 mois, et elle prévoit une interdiction de réentrée de cinq ans. En octobre 2008, la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a critiqué les délais de rétention prévus dans la directive, les jugeant excessifs et les qualifiant d'érosion au droit à la liberté des migrants.

Remarques particulières sur neuf pays membres de l'UE

Allemagne

En février et mars, la Cour constitutionnelle allemande a rendu d'importants arrêts établissant que les lois relatives à la surveillance et au stockage de données téléphoniques et électroniques limitaient exagérément le droit à la vie privée. Les amendements à la loi régissant les opérations de la police criminelle fédérale allemande, adoptés par le Bundestag (assemblée parlementaire) en novembre, autoriseraient les enquêteurs à utiliser des techniques de surveillance importunes à l'encontre de personnes soupçonnées de terrorisme, dans un contexte de suspicion généralisée ; au moment où sont écrites ces lignes, les amendements sont en attente d'examen devant le Bundesrat (conseil fédéral). Même si d'aucuns s'inquiètent du fait que ces mesures entraînent une discrimination basée sur la religion, les restrictions à l'emploi visant les enseignantes et autres fonctionnaires portant le voile sont toujours d'actualité, les tribunaux de trois länder ayant confirmé l'interdiction du voile pour les enseignantes depuis décembre 2007.

En juin dernier, l'ONG European Center for Constitutional and Human Rights (Centre européen pour les droits constitutionnels et droits humains, ECCHR) a intenté un procès au gouvernement allemand devant le Tribunal administratif de Berlin pour s'être mis en défaut de demander officiellement l'extradition de 13 agents de la CIA qui avaient été inculpés en Allemagne d'implication dans l'enlèvement de Khaled el-Masri, un citoyen allemand d'origine libanaise, appréhendé en Macédoine et transféré par avion en Afghanistan, où il a été emprisonné pendant cinq mois et torturé.

L'Allemagne a tenté d'extrader vers la Turquie, en recourant aux assurances diplomatiques, Hassan Atmaca, un réfugié soupçonné d'entretenir des liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan, et cette action est actuellement en appel devant la Cour européenne des Droits de l'Homme. À l'heure où est rédigé le présent rapport, les procédures d'expulsion engagées à l'encontre de deux suspects tunisiens pour des raisons de sécurité nationale en utilisant les assurances diplomatiques font l'objet d'une contestation devant des tribunaux allemands.

À l'occasion de l'examen du rapport de l'Allemagne réalisé en août, le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale a noté une augmentation du signalement d'incidents à caractère raciste visant des membres des communautés juive, musulmane, rom et sinti, ainsi que des ressortissants allemands d'origine étrangère et des demandeurs d'asile (en particulier des Africains), et il a appelé à des « mesures plus fermes » pour prévenir les actes à motivation raciste et pour en punir les auteurs. L'Allemagne doit faire l'objet d'un examen dans le cadre du mécanisme d'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme de l'ONU en février 2009.

Espagne

Suite à sa réélection en mars au poste de premier ministre, José Luis Rodriguez Zapatero a formé un gouvernement composé pour la première fois d'autant d'hommes que de femmes, dont une femme ministre de la défense.

En septembre, la Cour suprême a annulé les condamnations de quatre des 21 personnes reconnues coupables en 2007 de liens avec les attentats perpétrés dans des trains à Madrid en 2004. Elle a également condamné un Espagnol qui avait été acquitté antérieurement du chef d'avoir fourni des explosifs en vue de l'attaque. En octobre, la même cour a acquitté 14 des 20 hommes condamnés en février pour avoir projeté un attentat à la bombe contre l'Audiencia Nacional, le tribunal espagnol spécialisé dans le contre-terrorisme.

Outre les affaires en cours liées au terrorisme international, pendant l'année 2008, un certain nombre d'attentats ont été perpétrés par le groupement séparatiste basque ETA, des arrestations de membres présumés de l'ETA ont eu lieu et des poursuites judiciaires ont été engagées contre des personnes et des groupes ayant des liens présumés avec l'ETA.

En mai, le rapporteur spécial de l'ONU sur la protection et la promotion des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, Martin Scheinin, a formulé une série de recommandations à l'intention du gouvernement espagnol, mettant l'accent sur le besoin de « supprimer  complètement » le régime de détention au secret et de procéder à une révision des infractions qualifiées d'actes de terrorisme dont les définitions ont une portée trop large. Le Comité des droits de l'homme s'est fait l'écho de ces préoccupations dans ses Observations finales publiées en octobre.

Scheinin a également critiqué le recours aux assurances diplomatiques dans une affaire d'extradition vers la Russie. En février, l'Audiencia Nacional avait approuvé l'extradition du Tchétchène Murat Ajmedovich Gasaev en s'appuyant sur les assurances diplomatiques émises par la Russie selon lesquelles il serait traité humainement. Au moment où sont rédigées ces lignes, Gasaev est toujours en détention dans l'attente d'une décision positive ou négative du Conseil des ministres à propos de l'extradition.

En mai, un juge de l'Audiencia Nacional a enjoint le gouvernement de fournir des informations circonstanciées sur les escales effectuées en Espagne par des avions militaires américains en provenance ou à destination de Guantanamo entre 2002 et 2007. En septembre, le Ministre de la défense a répondu que des vols militaires américains à destination de Guantanamo étaient passés par l'Espagne mais il a affirmé qu'aucun ne transportait de passagers ou de cargaisons pouvant prêter à « controverse ». Le juge a réclamé un complément d'informations.

Une demande sans rapport avec la précédente a été émise par un autre juge du même tribunal pour le transfert de Jamil El-Banna et d'Omar Deghayes du Royaume-Uni aux fins d'être jugés en Espagne pour des infractions liées au terrorisme suite à leur libération de Guantanamo. Cette demande a été retirée en mars.

La forte diminution d'arrivées de migrants clandestins par voie maritime s'est poursuivie - 8 pour cent de moins au cours des huit premiers mois de 2008 par rapport à la même période en 2007 et 64 pour cent de moins depuis 2006, selon le Ministère de l'intérieur espagnol. En septembre-octobre 2008, les autorités espagnoles ont toutefois intercepté deux bateaux au large des côtes canariennes transportant au total 329 migrants clandestins, dont des enfants.

Le médiateur espagnol a confirmé les nouvelles faisant état de mauvais traitements et a critiqué les infrastructures inadaptées de prise en charge des enfants migrants non accompagnés aux îles Canaries. Le gouvernement espagnol a continué de pousser au renvoi des enfants non accompagnés vers le Sénégal et le Maroc sans protections suffisantes. Plus d'une vingtaine d'arrêts judiciaires ont bloqué le rapatriement d'enfants car les décisions de rapatriement n'étaient pas conformes au droit espagnol ou international.

France

Les examens effectués par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU en mai dans le cadre de l'Examen périodique universel et par le Comité des droits de l'homme en juillet ont identifié de sérieux problèmes de droits humains engendrés par la politique et la législation antiterroristes françaises. Le Comité des droits de l'homme a appelé la France à mettre un terme à une pratique consistant, d'une part, à refuser aux personnes en garde à vue soupçonnées de terrorisme d'avoir accès à un avocat pendant les 72 heures suivant leur arrestation et, d'autre part, à ne pas les informer de leur droit à garder le silence.

L'absence d'un recours automatiquement suspensif contre l'expulsion dans les cas liés à la sécurité nationale a été jugée particulièrement problématique car elle peut déboucher sur l'éloignement de suspects exposés à un risque de torture ou de mauvais traitements avant qu'un quelconque recours ait pu faire l'objet d'une décision (un problème similaire se pose dans les affaires d'asile soumises à des procédures accélérées). En avril, la Cour européenne des Droits de l'Homme a enjoint la France de suspendre l'éloignement pour des raisons de sécurité nationale de Kamel Daoudi vers l'Algérie, mettant l'accent sur le besoin d'instaurer une procédure automatiquement suspensive.

Il faut saluer la ratification par la France, en juillet, du Protocole facultatif à la Convention de l'ONU contre la torture suite à la nomination, en juin, de son premier contrôleur général des lieux de privation de liberté (honorant ainsi une obligation du protocole).

Une loi adoptée en février autorise le maintien en détention de certains délinquants violents après l'exécution de leur peine, et ce pour des périodes de détention provisoire d'un an, renouvelables. Ladite loi met à mal la présomption d'innocence, le droit à la liberté et le droit de ne pas être puni deux fois pour un même délit.

En juin, le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative de France, a refusé d'accorder la nationalité française à une musulmane marocaine mariée à un Français, au motif que la pratique « radicale » de sa religion (entre autres le port du niqab) était incompatible avec les valeurs françaises, notamment le principe d'égalité des sexes.

Grèce

En avril, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a formulé de vives critiques au sujet des politiques d'asile et de détention de la Grèce et a recommandé que les autres États européens ne renvoient pas les demandeurs d'asile vers ce pays. Il s'agit d'un coup dur pour les réglementations de l'UE qui stipulent que les demandes d'asile devraient généralement être entendues dans le premier pays de l'UE où les requérants entrent, et que les conditions d'accueil et les procédures d'asile doivent répondre à des normes communes. Le HCR a relevé qu'en Grèce, « les droits les plus élémentaires des demandeurs d'asile sont rarement respectés, comme le recours à un interprète et à une aide juridique afin de garantir que leurs demandes soient examinées de manière adéquate par les instances d'asile ». En 2007, la Grèce n'a reconnu que 1,2 pour cent des demandes d'asile en première instance.

La police grecque arrête systématiquement les migrants qui se trouvent sur son territoire, dont une grande proportion d'Irakiens, les maintient en détention pendant de nombreux jours sans procéder à l'ouverture d'un dossier comme le requiert pourtant la loi, et dans certains cas, les policiers les passent à tabac ou leur infligent d'autres mauvais traitements. Les migrants sont régulièrement expulsés vers la Turquie par la force et dans le plus grand secret, sans que leurs besoins de protection soient pris en considération.

Près de 1 000 enfants non accompagnés sont entrés en Grèce en 2008, la majorité en provenance d'Afghanistan. Dans de nombreux cas, ces enfants ont été battus ou frappés à coups de pied par les garde-côtes, les policiers et les agents de la police portuaire grecs lors de leur interception à la frontière ou au moment de leur arrestation et détention. Les enfants sont souvent incarcérés avec les adultes. La plupart ne demandent pas l'asile, n'ont pas de statut et risquent l'expulsion. Beaucoup vivent sans bénéficier d'aucune prise en charge et sont exploités en étant soumis à des conditions de travail dangereuses. Les filles non accompagnées sont particulièrement exposées au risque élevé de tomber entre les mains de réseaux de trafiquants.

Italie

Silvio Berlusconi a été réélu au poste de premier ministre en avril, remportant une nette majorité aux deux chambres du parlement. En juillet, son gouvernement a décrété l'état d'urgence national pour faire face à l'immigration clandestine. En conséquence, le fait d'être un immigré clandestin constitue aujourd'hui en Italie un délit passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à quatre ans et constitue également une circonstance aggravante pour les auteurs d'autres délits, augmentant ainsi les peines de prison cumulées.

Dans un mémorandum publié en juillet, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, a critiqué la multiplication des incidents à caractère raciste et xénophobe en Italie ainsi que la discrimination accrue à l'encontre des Roms et des Sintis dans les politiques gouvernementales.

Avec en toile de fond des incidents provoqués par des groupes d'autodéfense, notamment deux attaques au cours desquelles des camps roms ont été détruits par des cocktails Molotov en mai, et l'inquiétude de la population par rapport à plusieurs délits violents qu'auraient perpétrés des Roms, le gouvernement a décrété l'état d'urgence pour les « communautés nomades » (sous-entendu les Roms) dans les régions de la Campanie, du Lazio et de la Lombardie, octroyant aux autorités locales des pouvoirs spéciaux, notamment celui de procéder à des recensements ainsi que d'effectuer des descentes et de démanteler des camps roms. En juillet, un procès a été intenté en Italie pour contester la légalité de ces mesures et le Parlement européen a adopté une résolution appelant l'Italie à cesser de relever systématiquement les empreintes digitales des Roms, y compris des enfants. La Commission européenne a quant à elle mis une sourdine à ses critiques vis-à-vis de cette politique après que le gouvernement italien lui eut assuré qu'il ne recueillait pas de données ethniques.

Le procès de 26 citoyens américains et de 7 citoyens italiens pour l'enlèvement à Milan et la restitution à l'Égypte du religieux égyptien  Hassan Moustafa Oussama Nasr, connu sous le nom d'Abou Omar, a repris en mars, au milieu d'allégations selon lesquelles le gouvernement avait agi de manière « déloyale » en déposant plainte auprès de la Cour constitutionnelle contre le parquet de Milan pour violation du secret d'État lors de la conduite de l'enquête. En octobre, la Cour a accepté d'entendre les arguments relatifs à la plainte pour violation du secret d'État lors d'une audience à huis-clos prévue en mars 2009. Également en octobre, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de Rabei Osman pour ses liens avec les attentats perpétrés dans des trains à Madrid en mars 2004.

En dépit de l'arrêt rendu dans l'affaire Saadi c. Italie, l'Italie a expulsé Essid Sami Ben Khemais vers la Tunisie en juin, en violation des mesures provisoires émises par la Cour européenne des Droits de l'Homme demandant que l'Italie suspende l'expulsion jusqu'à ce que le tribunal ait examiné l'affaire. Cette situation a suscité les critiques du Commissaire Hammarberg. Les autorités italiennes ont justifié l'expulsion au motif qu'elles avaient obtenu des assurances diplomatiques du gouvernement tunisien garantissant que Ben Khemais ne serait pas torturé et bénéficierait d'un procès équitable. Au moment de la rédaction du présent rapport, l'affaire était en instance devant la Cour européenne des Droits de l'Homme.

Des migrants continuent de trouver la mort en tentant de rejoindre l'Italie par la mer dans des embarcations qui ne sont pas en état de naviguer. Les procès de sept pêcheurs tunisiens accusés d'avoir facilité l'immigration clandestine de 44 migrants après les avoir secourus et déposés en sécurité sur l'île de Lampedusa, au large des côtes siciliennes, sont en cours à l'heure où sont écrites ces lignes. D'aucuns craignent que ces poursuites judiciaires découragent les sauvetages en mer et aggravent les dangers auxquels s'exposent les migrants qui entreprennent la traversée.

Malte

Les critiques ont continué de s'abattre sur Malte pour le non-sauvetage des migrants en détresse en mer et son refus d'autoriser l'entrée dans ses ports des bateaux transportant des migrants secourus en mer. Plus d'un millier de migrants ont rejoint Malte en 2008. En août, 71 migrants se sont noyés dans la Méditerranée lorsque leur canot a chaviré ; huit rescapés ont été secourus par un bateau de pêche. Le gouvernement maltais a appelé à un « partage du fardeau » de l'immigration clandestine entre les États de l'UE.

Les migrants, y compris les enfants, qui arrivent à Malte sont retenus dans des centres de détention fermés pendant une période pouvant aller jusqu'à 18 mois, le temps que leurs demandes soient traitées. Les établissements de détention pour migrants à Malte ont été critiqués dans un rapport de l'APCE publié en mai. Une enquête ordonnée par le gouvernement maltais sur les allégations de mauvais traitements à l'encontre de détenus impliqués dans des troubles au centre de détention de Safi en mars a conclu que des membres du personnel avaient recouru à la force de manière excessive mais le rapport n'a pu identifier les responsables de ces actes.

Pays-Bas

Un projet de loi relatif aux mesures administratives liées à la sécurité nationale et visant à prévenir les actes de terrorisme a été adopté à la Chambre des députés en mars 2007 et est à l'examen au Sénat au moment où sont écrites ces lignes. Il contient des dispositions qui limitent sévèrement la liberté de circulation et le droit à la vie privée des personnes soupçonnées d'être « liées à » des activités terroristes ou de soutenir des activités terroristes. Le projet de loi a été critiqué par les associations de défense des droits humains pour son manque de définitions claires et l'absence de contrôle judiciaire de ces mesures.

En janvier 2008, la Cour d'appel de La Haye a refusé de qualifier le réseau activiste Hofstad de « groupe terroriste », disculpant sept hommes, dont Mohammed Bouyeri, l'assassin du réalisateur néerlandais Theo Van Gogh, du chef d'appartenance à un groupe terroriste. En octobre, la Cour d'appel d'Amsterdam a confirmé la condamnation de Samir Azzouz et de quatre autres personnes pour des chefs d'accusation liés au terrorisme.

Dans un rapport publié en février, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a exprimé son inquiétude au sujet du placement des personnes soupçonnées de terrorisme dans des « quartiers terroristes » spéciaux de haute sécurité au sein des prisons, considérant que les conditions étaient à ce point strictes qu'elles équivalaient à un isolement de fait.

Les actions intentées pour contester les lois et politiques discriminatoires restreignant la possibilité des résidents légaux de faire venir des membres de leurs familles de pays non occidentaux vers les Pays-Bas ont, dans certains cas, abouti. En juillet, le tribunal du district d'Amsterdam a conclu qu'il était illégal d'exiger que les migrants de certains pays désireux de rejoindre des proches aux Pays-Bas réussissent un examen d'intégration prouvant leur connaissance de la langue et de la société néerlandaises avant d'être autorisés à entrer dans le pays. Le tribunal n'a toutefois pas établi si cette politique violait les principes régissant les droits humains. L'examen, qui touche de façon disproportionnée les migrants musulmans marocains et turcs, a été critiqué par des ONG et des parlementaires néerlandais. Quelques jours plus tôt, un tribunal de Roermond avait annulé une disposition de la même veine qui exigeait que les résidents souhaitant faire venir aux Pays-Bas un conjoint non néerlandais disposent d'un revenu au moins égal à 120 pour cent du salaire minimum. Le Ministère de la Justice a interjeté appel de ces deux décisions et ces politiques sont en cours de réexamen par le gouvernement.

Pologne

Les manifestations d'homophobie du gouvernement posent toujours problème. En mars, à l'occasion d'un discours télévisé au niveau national, le Président Lech Kaczynski a menacé de bloquer la ratification du Traité de Lisbonne, déclarant que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne forcerait la Pologne à reconnaître légalement les relations homosexuelles.

Les droits liés à la reproduction demeurent extrêmement limités, avec un manque d'éducation sexuelle et un accès restreint aux contraceptifs. L'accès à un avortement légal en toute sécurité est sévèrement limité par la loi qui, dans la plupart des cas, criminalise l'avortement. La loi protège également le droit d'un médecin à refuser de fournir des services en matière d'avortement pour des raisons de « conscience ». En conséquence, on constate une incidence élevée des avortements illégaux pratiqués dans des conditions généralement dangereuses, mettant en péril la santé et la vie des femmes.

Royaume-Uni

Au cours de l'année 2008, des organismes internationaux, dont le Comité des droits de l'homme de l'ONU, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU dans le cadre de son Examen périodique universel, ainsi que le Conseil de l'Europe, ont exprimé leur profonde inquiétude à l'égard de la législation et de la pratique antiterroristes britanniques.

Suite à une cinglante défaite à la Chambre des Lords, le gouvernement a retiré d'un projet de loi antiterroriste des mesures qui prolongeaient le délai de garde à vue des personnes soupçonnées de terrorisme, le faisant passer de 28 à 42 jours. Il a également supprimé une proposition visant à autoriser les enquêtes criminelles secrètes pour des raisons de sécurité nationale. Le gouvernement a déclaré qu'il pourrait à nouveau incorporer ces deux propositions, largement critiquées pour leur incompatibilité avec les principes régissant les droits humains, dans de futurs projets de loi. Au moment où sont écrites ces lignes, le projet de loi inclut le pouvoir d'imposer à vie aux personnes condamnées pour des infractions terroristes au Royaume-Uni ou à l'étranger l'obligation absolue de déclarer leur présence ; le non-respect de cette obligation serait constitutif d'infraction pénale.

La Cour d'appel a annulé un certain nombre de condamnations pour infractions terroristes. En février, elle a cassé un verdict rendu en 2007 à l'encontre de cinq étudiants condamnés en vertu de la section 57 de la Loi de 2000 relative au terrorisme pour avoir téléchargé et partagé des documents considérés comme étant liés au terrorisme. La cour a établi que pour qu'il y ait infraction, il fallait prouver l'intention d'utiliser lesdits documents dans un but terroriste. En juillet, la cour a annulé le jugement rendu en novembre 2007 à l'encontre de Samina Malik, condamnée en vertu de la section 58 de la Loi de 2000 relative au terrorisme pour possession d'informations utiles aux terroristes. Cet arrêt faisait suite à une décision séparée rendue par la Cour d'appel en février 2008 établissant que la section 58 ne s'appliquait pas à la simple propagande.

En mai, un membre du personnel et un étudiant de troisième cycle de l'Université de Nottingham, Hicham Yezza et Rizwaan Sabir, ont été arrêtés pour possession d'un document extrêmement facile à trouver sur Internet (« Le manuel d'Al-Qaïda »). Ils ont été maintenus en garde à vue pendant six jours avant d'être libérés sans qu'aucun chef d'accusation ne soit retenu contre eux. L'affaire suscite des inquiétudes quant à l'impact de la législation antiterroriste sur la liberté de l'enseignement.

En septembre, une enquête judiciaire a été ouverte sur la mort de Jean Charles de Menezes, un innocent tué par des policiers lors d'une opération antiterroriste menée en juillet 2005.

Les tribunaux  britanniques ont continué de bloquer les tentatives d'expulsion de personnes soupçonnées de terrorisme qui se basaient sur des assurances diplomatiques. En avril 2008, la Cour d'appel a établi qu'Omar Othman (connu sous le nom d'Abou Qatada), ne pouvait pas être expulsé vers la Jordanie, au motif que des éléments de preuve arrachés sous la torture seraient retenus contre lui lors de son procès. Il a par la suite été libéré sous caution d'une prison de haute sécurité, sa libération étant assortie de conditions de sécurité strictes, notamment d'un couvre-feu de 22 heures. En octobre, les juges siégeant à la Chambre des Lords ont examiné l'arrêt de la Cour d'appel dans l'affaire Othman, ainsi qu'un second appel relatif à des expulsions vers l'Algérie utilisant les assurances diplomatiques. Au moment où sont écrites ces lignes, ils doivent encore rendre un jugement dans les deux affaires.

En avril, la Cour d'appel a suspendu l'expulsion de deux Libyens vers la Libye, établissant qu'un protocole d'accord avec la Libye n'était pas fiable et estimant que les deux hommes seraient exposés à un déni « total » de procès équitable s'ils étaient renvoyés dans leur pays. Le gouvernement britannique n'a pas interjeté appel de la décision sur la Libye.

L'utilisation du territoire britannique de l'Océan indien Diego Garcia dans le cadre du programme américain de restitutions a été confirmée. En février, le Directeur de la CIA, Michael Hayden, a reconnu que les États-Unis avaient utilisé Diego Garcia à deux reprises en 2002 pour ravitailler en carburant l'appareil qui transportait vers Guantanamo et vers le Maroc des personnes soupçonnées de terrorisme. Le gouvernement britannique soutient qu'il n'avait pas donné son assentiment ni été informé de cette utilisation de Diego Garcia.

En août 2008, la Haute Cour a établi que le Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth devrait, en principe, divulguer des documents en sa possession susceptibles d'aider les avocats de Binyam Mohamed, un ex-résident du Royaume-Uni déféré devant une commission militaire à Guantanamo, à démontrer que les aveux utilisés comme éléments à charge avaient été arrachés sous la torture et étaient par conséquent irrecevables lors du procès. Au moment où sont écrites ces lignes, une nouvelle audience prévue pour examiner les arguments relatifs à la sécurité nationale et invoqués pour s'opposer à la divulgation a été ajournée dans l'attente du résultat des procédures en cours aux États-Unis, dans le cadre desquelles le gouvernement américain a été enjoint de remettre les documents. En octobre, le Ministre de l'intérieur a demandé au Procureur général d'enquêter sur d'éventuelles infractions pénales commises par les services de sécurité britanniques et la CIA dans la façon dont ils ont traité Mohamed.

Lors de l'examen du rapport du Royaume-Uni par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU en septembre, le gouvernement britannique a annoncé qu'il allait retirer la réserve formulée à l'égard de la Convention relative aux droits de l'enfant dans les affaires d'immigration. Le comité s'est réjoui de cette annonce mais a regretté que l'intérêt supérieur de l'enfant ne soit pas une considération prioritaire dans les domaines de la justice pour mineurs, de l'immigration, ainsi que de la liberté de circulation et de réunion pacifique.