Kamal Ahmad avait 15 ans lorsque les violences ont éclaté en juin 2012 à Narzi, son quartier à Sittwe, la capitale de l’État de Rakhine dans l’ouest du Myanmar. Plusieurs semaines auparavant, il avait commencé à entendre parler d’émeutes près de chez lui, de jeunes hommes armés de lances en fer et d’épées, de quartiers musulmans et bouddhistes en feu. Le 10 juin, le président de l’époque, Thein Sein, avait annoncé l’état d’urgence à Rakhine, y transférant toute l’autorité à l’armée. Le lendemain, des foules hostiles ont déferlé dans les rues de Narzi.

En grandissant à Sittwe, où la rivière Kaladan se jette dans le golfe du Bengale, Kamal a constaté que sa communauté, les musulmans rohingyas, était traitée différemment de ses voisins bouddhistes de l’ethnie rakhine. Ses amis rohingyas issus de familles moins fortunées ne pouvaient pas étudier comme lui, et travaillaient plutôt dans des fermes ou pour des projets de construction avec des salaires dérisoires, voire inexistants. Lorsqu’il avait 11 ans environ, ses camarades de classe bouddhistes ont commencé à le traiter de « bengalais » et de « kalar », qui constituent des insultes pour les musulmans. Pourtant, nous a-t-il expliqué, ils étudiaient tous les uns à côté des autres et leurs parents achetaient et vendaient des marchandises ensemble sur les marchés.

Au début de 2012, Kamal a remarqué que la police patrouillait de plus en plus dans son quartier. Des moines bouddhistes ont commencé à distribuer des magazines qualifiant les Rohingyas de « terroristes » qui allaient prendre le contrôle de l’État avec des taux de natalité « incontrôlables ». « Ils distribuaient des pamphlets qui disaient : "Vous devez anéantir ces gens ou ils prendront vos terres" », a raconté Myat Noe Khaing, une femme rohingya qui vit à Sittwe.

Le 11 juin, les rumeurs de violence plus au nord se sont matérialisées à Narzi. « Ils ont utilisé des machettes, des flèches et des armes à feu, » a déclaré Kamal. « Ils ont mis le feu à nos maisons, puis ils ont attaqué les gens qui s’échappaient des bâtiments en feu. »

Dans l'État d'Arakan en Birmanie en juin 2012, des Arakanais armés s'éloignent d'un village dont plusieurs maisons habitées par des Rohingyas ont été incendiées, sous les yeux d'un soldat (vu de dos, vers la droite) qui assiste passivement à la scène sans intervenir. © 2012 Privé

Des villageois de l’ethnie Rakhine, dont des dizaines sont venus par bus de l’extérieur de la ville de Sittwe, ont lancé des bouteilles d’essence sur des maisons, des magasins et des mosquées, tandis que la police anti-émeute ouvrait le feu sur les Rohingyas qui tentaient d’éteindre les flammes. Narzi, le plus grand quartier musulman et le plus important centre économique de Sittwe où vivaient environ 10 000 Rohingyas, a été entièrement brûlé. Les structures qui restaient debout au milieu des décombres ont été rasées au bulldozer les jours suivants.

Kamal a fui avec sa mère, son frère et sa sœur vers les étendues de boue à l’ouest de la ville. « Je me souviens encore de cette nuit où nous nous sommes abrités, de l’odeur des corps, » a-t-il dit. La veille, un camion du gouvernement avait déversé plus d’une douzaine de corps nus ou à moitié vêtus près de l’endroit où Kamal et d’autres Rohingyas déplacés avaient trouvé refuge. Des photos montrent un groupe d’hommes, de femmes et d’enfants rohingyas morts, les mains liées, couverts de blessures par balle et à l’arme blanche.

Rohingya carry their belongings while fleeing their houses amid violence in Sittwe, June 12, 2012.

© 2012 STR/AFP/GettyImages

 

En juillet 2012, un mois après le début des violences, Thein Sein a publié une déclaration : « Nous prendrons soin de nos propres nationalités ethniques, mais les Rohingyas venus en Birmanie illégalement ne font pas partie de nos nationalités ethniques, et nous ne pouvons pas les accepter ici. » La solution, selon lui, était de les déplacer dans des camps gérés par les Nations Unies ou de les expulser vers l’étranger.

Les violences ont repris en octobre de la même année, planifiées et fomentées par des ultranationalistes rakhines, des responsables locaux et des moines extrémistes. Les forces de sécurité ont assisté aux attaques ou y ont participé. « La police a ouvert le feu sur les Rohingyas qui prenaient la fuite », raconte Khadija Khatun. « Mon mari est mort. L’un de mes fils est mort. Lorsque nous avons quitté notre village, des voisins bouddhistes avec qui nous avions vécu depuis tant d’années nous injuriaient et disaient qu’ils voulaient se doucher avec notre sang ».

Des centaines de Rohingyas ont été tués en juin et en octobre, leurs quartiers ont été rasés. Plus de 140 000 personnes ont été déplacées.

 
Des policiers du Myanmar, face à des Rohingyas accroupis qui avaient fui leurs maisons lors des violences à Sittwe, le 12 juin 2012. © 2012 STR/AFP/GettyImages

 

Kamal et d’autres Rohingyas décrivent juin 2012 comme le point de bascule de leur existence. Pour les autorités du Myanmar, la violence a servi de prétexte à une solution de plus long terme au « problème "bengalais" ». Dans les mois et les années qui ont suivi, elles allaient déployer une politique de ségrégation et de cantonnement d’une population qu’ils cherchaient depuis longtemps à écarter de la vie quotidienne dans ce pays majoritairement bouddhiste. « Ce qu’ils ont fait en 2012, c’est écraser la population rohingya », nous a confié un responsable de l’ONU qui travaillait dans l’État de Rakhine à l’époque. « Les coincer, les clôturer, cantonner l’"ennemi". »

Après quelques mois dans une tente de fortune, Kamal et sa famille se sont installés dans le camp de Khaung Doke Khar, qui figure parmi la douzaine de sites mis en place pour les Rohingyas déplacés au nord-ouest de la ville de Sittwe. Ces camps éparpillés ont été fermés par des clôtures en fil de fer barbelé et des postes de contrôle militaires.

 
Un jeune homme rohingya photographié derrière une barrière avec des fils de fer barbelé, dans un camp situé dans la banlieue de Sittwe, la capitale de l’État de Rakhine, dans l’ouest du Myanmar, le 25 novembre 2012. © 2012 Paula Bronstein/Getty Images

 

Les responsables des municipalités et des gardes-frontières ont commencé à rassembler les Rohingyas dont les maisons n’étaient pas touchées par les violences et à les envoyer dans des camps de déplacés surpeuplés. Un pêcheur a raconté comment il avait été contraint de quitter son village en bord de mer pour rejoindre les camps de Sittwe. « Les autorités nous ont demandé de partir », a-t-il expliqué. S’ils restaient, les autorités les prévenaient qu’ils « seraient tués et que leurs villages seraient brûlés ». Partir n’a pas permis d’épargner leurs maisons. « Nous étions à peine partis qu’elle était déjà en feu. Nous pouvions voir la fumée et les flammes qui s’élevaient. »

Le nettoyage ethnique de l’État de Rakhine par les autorités s’est généralisé. Aujourd’hui, dans la ville de Sittwe, il ne reste que 4 000 Rohingyas là où ils étaient 75 000 environ avant 2012 – soit près de la moitié de la population de la ville.

Les violences de 2012 et les déplacements qui en ont résulté ont attisé le sentiment antimusulman dans tout le Myanmar et inauguré une ère marquée par l’intensification de la répression au niveau politique et pratique, qui a jeté les bases d’atrocités militaires plus brutales encore en 2016 et 2017.

Alors que plusieurs milliers de Rakhines déplacés en 2012 se sont depuis longtemps réinstallés ou sont rentrés chez eux, ce sont plus de 135 000 musulmans rohingyas et kamans qui, 10 ans après, restent détenus arbitrairement et indéfiniment dans des camps dans la région centrale de l’État de Rakhine. Des centaines de milliers d’autres ont fui le pays vers des camps au Bangladesh, où les conditions de vie sont précaires et insalubres.

Les autorités du Myanmar ont mis en place un réseau de mesures restrictives pour priver les Rohingyas de leur liberté et diminuer leurs moyens de survie. Ce régime d’oppression s’apparente aux crimes contre l’humanité que sont l’apartheid, la persécution et l’emprisonnement, perpétrés par les autorités successives, qu’elles soient civiles ou militaires.

Au Myanmar, au Bangladesh et dans les camps de détention des services de l’immigration de toute la région, les Rohingyas attendent de rentrer chez eux, pris au piège dans un purgatoire apatride. « Nous voulons la justice », a déclaré Hamida Begum. « Nous voulons retourner sur nos terres. Même les animaux, comme les chiens, les renards ou d’autres créatures de la forêt ont leur propre terre, mais nous, les Rohingyas, nous n’avons pas d’endroit qui soit à nous – même s’il n’en a pas toujours été ainsi. »

© 2022 Maxar Technologies and CNES/Airbus

 

Quand les camps du centre de Rakhine ont été mis en place en 2012 et 2013, les autorités ont commencé à superposer plusieurs dispositifs dans le but de limiter les déplacements des Rohingyas – points de contrôle et clôtures de fil de fer barbelé, couvre-feux, procédures d’autorisation draconiennes et escortes policières, harcèlement et menaces, extorsions et pots-de-vin quotidiens.

Aujourd’hui, dans la région rurale de Sittwe, les autorités du Myanmar ont interné quelques 110 000 Rohingyas dans un réseau tentaculaire de camps délimités par des clôtures en barbelés, situés pour la plupart à quelques kilomètres seulement de l’endroit où ils vivaient avant 2012. Les 30 000 Rohingyas et Kaman qui restent sont cantonnés dans des camps situés dans les municipalités de Pauktaw, Myebon, Kyauktaw et Kyaukpyu, dont l’isolement est renforcé par des terrains et voies navigables difficiles d’accès.

« Chaque jour, c’est comme si nous étions assignés à résidence », a déclaré Myo Myint Oo.

Les contraintes n’ont fait que se renforcer pendant la dernière décennie. « Pendant mes années passées à l’intérieur du camp, la situation ne cessait de se durcir », a déclaré Mohammed Yunus, qui a fui au Bangladesh pour échapper au cantonnement. « C’était comme une condamnation à perpétuité dans une prison à ciel ouvert ».

 

Fatema Amir a également fui les camps pour se rendre au Bangladesh en 2019. « Aucun Rohingya ne pouvait sortir sans permission, il n’y avait pas de liberté de circulation », a-t-elle déclaré. « C’était compliqué d’acheter les choses dont nous avions besoin. Il y avait une crise alimentaire et nous n’avions pas d’emploi. Dans nos villages, nous avions l’habitude de travailler aux côtés des hommes. Mais après notre arrivée dans les camps, nous, les femmes, ne pouvions plus sortir. »

 
Deux soldats myanmarais passaient devant un jeune garçon rohingya dans un camp situé dans la banlieue de Sittwe, la capitale de l’État de Rakhine, dans l’ouest du Myanmar, en mai 2013. © 2013 Gemunu Amarasinghe/AP Photo

 

L’accès aux camps et la circulation à l’intérieur de ceux-ci sont strictement contrôlés par des postes militaires et policiers et les tentatives de sortie « non autorisées » se soldent par des arrestations et des mauvais traitements des forces de sécurité. Les autorités interdisent l’accès aux journalistes et aux observateurs des droits humains. « Ce ne sont pas des camps de personnes déplacées dans leur propre pays, ce sont des centres de détention », a déclaré un membre du personnel des Nations Unies.

L’abri de Kamal se trouvait près des casernes de la police du camp. « La nuit, on entendait souvent des bruits de torture », a-t-il expliqué. « Le soir, personne n’était autorisé à sortir des abris. Les Rohingyas qui sortaient étaient torturés, et parfois, après avoir été torturés, ils étaient envoyés en prison. » Il a entendu des Rohingyas qui souffraient de problèmes respiratoires supplier les policiers de ne pas leur donner de coups de pied dans la poitrine. « Il y a trois ans, j’ai été témoin de la torture à mort d’un jeune Rohingya, simplement parce qu’il était sorti du camp », a-t-il dit.

« La vie dans les camps est si difficile », a déclaré Mohammed Siddiq. « Il est impossible de se déplacer librement. Nous n’avons rien qu’on puisse appeler liberté. »

 

A Rohingya woman walks among debris after a fire destroyed shelters at her camp in Sittwe, May 3, 2016.

© 2016 Soe Zeya Tun/Reuters

 

Alors que les agences humanitaires mettaient en place des opérations dans les camps en 2012 et 2013, les autorités nationales et étatiques du Myanmar ont à plusieurs reprises refusé leurs demandes de terrains et de ressources adéquates pour installer des camps conformes aux normes internationales. Au lieu de cela, le gouvernement a appliqué des lignes directrices techniques strictes qui ont rendu inévitables la surpopulation, les inondations et les incendies. « Le HCR [l’agence des Nations Unies pour les réfugiés] disait que ce terrain pouvait accueillir 800 maisons, mais il nous obligeait à en construire 1 200 », a déclaré un fonctionnaire des Nations Unies impliqué dans la construction de ces camps.

Les restrictions imposées aux groupes d’aide n’ont fait que croître pendant la dernière décennie. Les abris temporaires, conçus à l’origine pour ne durer que deux ans, se sont détériorés au fil des moussons, entraînant des réparations incessantes. Les conditions de vie qui en résultent sont, à dessein, sordides.

« Pour nous, le camp n’est pas un endroit où il est possible de vivre », a déclaré Anwar Islam.

« Il est impossible de décrire la dégradation des conditions de vie dans ces camps », a déclaré Michael McGrath, alors directeur de Save the Children au Myanmar, en 2019. « Je les ai visités à de nombreuses reprises, et ils font partie des pires endroits où vivre et élever des enfants que j’ai vus au cours d’une longue carrière dans l’humanitaire à travers le monde. Les familles s’entassent dans l’unique pièce d’une "maison longue" prévue pour cinq familles, bordée d’interminables rangées de latrines creusées dans une mer de boue ».

La plupart des camps se trouvent sur d’anciennes rizières et des zones côtières de faible altitude. Lors des inondations annuelles, les fosses des latrines débordent, contaminant les pompes à main et les puits et propageant des maladies.

En avril 2022, à l’approche de la mousson, l’ONU a fait état de nouvelles restrictions imposées par la junte sur les projets d’infrastructure dans les camps, qui ont obligé 28 000 Rohingyas à vivre dans des maisons longues inadaptées et nécessitant des réparations urgentes, dont beaucoup « mettent en danger la vie des habitants et des autres résidents ».

 
Une femme rohingya et son enfant, devant des détritus éparpillés sur le sol dans un camp à Sittwe (État de Rakhine), dans l’ouest du Myanmar, le 28 mai 2019. © 2019 Adam Dean/The New York Times/Redux

 

Les agences humanitaires font état de cas d’enfants rohingyas qui se noient dans les fosses de latrines mal sécurisées, des puits et des étangs stagnants. Après de multiples incidents mortels en 2014, les groupes d’aide ont demandé au gouvernement, par le biais du département de l’Irrigation, de les aider à améliorer les conditions de sécurité, sans succès. Un document humanitaire de 2019 note – suite à la mort d’un nouvel enfant dans une latrine – que presque toutes les sources d’eau à ciel ouvert n’étaient toujours pas protégées.

La surpopulation des maisons longues et autres abris de fortune du camp est omniprésente. « Les choses ne se sont pas améliorées », a déclaré Aung Zaw Min. « Nous sommes toujours dans de longs abris, dans la même situation. Dans un abri normal, il n’y a qu’une seule pièce pour tous les membres de la famille, et dans un long abri, il y a huit pièces pour huit familles qui viennent d’endroits différents. Dans ma famille, nous sommes 13 personnes. C’est difficile de tenir dans une seule pièce. Nous n’avons aucune intimité. »

Ces conditions de vie impossibles ont entraîné un nombre croissant de décès qui auraient pu être évités. La Mission d’établissement des faits sur le Myanmar soutenue par les Nations Unies, a conclu que les forces de sécurité avaient « délibérément infligé des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction physique des Rohingyas » – ou « mesures de mort lente » – un acte génocidaire.

Les Rohingyas qui vivent dans les camps sont confrontés à des taux plus élevés de malnutrition, de maladies d’origine hydrique et de mortalité infantile et maternelle que leurs voisins rakhines. Les indicateurs de santé n’ont fait que se détériorer au cours des dix dernières années. Des enfants continuent de mourir d’épidémies répétées de diarrhée aiguë, la dernière ne remontant qu’à février 2022.

Cet homme rohingya portait le corps d’un bébé décédé ; c’était sa nièce, morte quelques heures seulement après sa naissance dans le camp de Dar Paing à Sittwe (État de Rakhine), dans l’ouest du Myanmar, le 27 juin 2014. © 2014 Gemunu Amarasinghe/AP Photo
 
Des médicaments posés par terre dans une clinique de fortune dans le camp de Thae Chaung pour rohingyas à Sittwe (État de Rakhine), dans l’ouest du Myanmar. Avril 2014. © 2014 Minzayar/Reuters

 

L’accès aux établissements de santé se limite le plus souvent à des cliniques de soins de base situées dans les camps et gérées par des organisations non gouvernementales. Pour se rendre à l’hôpital général de Sittwe, le seul établissement de soins complexes qui accepte les Rohingyas, il faut payer des frais excessifs et suivre une procédure d’orientation onéreuse, même pour les cas où la vie est en danger. Les patients musulmans reçoivent des traitements dans une salle séparée, sous surveillance ; les dons de sang sont réservés à l’ethnie rakhine.

« Il est difficile de prévenir les problèmes pendant l’accouchement », a déclaré Myo Myint Oo à propos des risques mortels pour les femmes enceintes et les nouveau-nés. Les femmes de son camp accouchent avec des assistantes qui ne sont pas formées, a-t-il expliqué. « Parfois, il arrive que la mère et l’enfant meurent tous les deux ».

Les craintes vis-à-vis de l’hôpital de Sittwe sont monnaie courante, alimentées par des rumeurs de médecins sans cœur et de décès inexpliqués. Par conséquent, les gens hésitent à se faire soigner avant qu’il ne soit trop tard – engendrant un engrenage mortel.

« Parfois, nous n’emmenions pas nos enfants chez le médecin, persuadés que nous étions que lorsque les nôtres allaient chez le médecin, ils n’en revenaient pas vivants », a déclaré Hamida Begum. « Parfois, nos enfants mouraient sur nos genoux. Nous refusions qu’ils meurent à cause des médecins bouddhistes. Lorsque nos enfants mouraient par manque de traitement médical, nous devions les enterrer sans funérailles. »

 
Une jeune femme rohingya enceinte âgée de 20 ans, allongée dans une tente du camp de Dar Paing, à Sittwe, dans l’ouest du Myanmar, le 25 juin 2014. © 2014 Gemunu Amarasinghe/AP Photo

 

Pour la plupart des 72 000 enfants dans les camps, l’accès à l’éducation se limite à des centres d’apprentissage temporaires disposant de peu de ressources, et dirigés par des enseignants bénévoles.

Les groupes humanitaires affirment que les familles sont de moins en moins motivées pour trouver le minimum d’éducation informelle existant. Elles ne voient pas quelles sont les opportunités pour leurs enfants, a déclaré un travailleur humanitaire. « Elles se disent : "A quoi bon envoyer mon enfant à l’école ? Que peuvent-ils faire ?" »

« Mes deux fils allaient dans les centres d’apprentissage temporaires car il n’y avait pas d’installations scolaires », a déclaré Hamida Begum. « Là-bas, il n’y a pas d’avenir. »

Plus de 40 000 enfants sont nés dans les camps et ne connaissent aucune vie en dehors du cantonnement.

Ces enfants rohingyas lisaient et priaient dans le camp de Baw Du Pha à Sittwe (État de Rakhine), dans l’ouest du Myanmar, le 18 décembre 2021. © 2021 Aung Naing Soe/Anadolu Agency via Getty Images
 
Ces enfants rohingyas assistaient à un cours dans un camp à Kyaukpyu, dans l’ouest du Myanmar, le 17 mai 2017. © 2017 Soe Zeya Tun/ Reuters

 

En privant les Rohingyas d’éducation, on marginalise définitivement la communauté et on empêche les jeunes générations d’imaginer un avenir autonome et digne. Forcer les enfants à grandir sans apprendre les langues rakhine ou birmane, en ne parlant que le rohingya, c’est durcir la barrière de la ségrégation.

Kamal n’est jamais retourné à l’école après les violences qui ont éclaté en 2012. À la place, il a trouvé un travail occasionnel avec un groupe d’aide qui le payait 30 000 kyats (20 dollars américains) par mois.

La plupart des Rohingyas ont été contraints d’abandonner les métiers qu’ils exerçaient avant 2012. D’anciens enseignants et commerçants se sont retrouvés à devoir chercher un travail ponctuel comme journaliers pour un salaire moyen de 3 000 kyats (2 dollars) par jour, qui dépend largement de l’aide étrangère.

« Avant 2012, je me rendais au port principal de Sittwe avec mon bateau », a déclaré Nur Kamal, qui travaillait comme pêcheur avant d’être envoyé dans les camps. « J’ai perdu mon bateau pour toujours. La vie est devenue très dure. Il n’y a pas de liberté de mouvement, pas d’opportunités de travail. Depuis que j’ai perdu mon bateau, je n’ai plus rien. »

Le manque de travail a poussé un nombre important de Rohingyas à tenter des évasions à haut risque. Depuis 2012, environ 170 000 demandeurs d’asile rohingyas ont embarqué sur des bateaux de passeurs dans le golfe du Bengale et la mer d’Andaman, la plupart en espérant rejoindre la Malaisie où la présence d’une communauté rohingya relativement importante laisse entrevoir la promesse d’un travail.

Ces hommes indonésiens aidaient des réfugiés rohingyas à débarquer au large de la côte nord de la province indonésienne d’Aceh, située au sud du Myanmar, le 25 juin 2020. © 2020 Antara Foto/Rahmad via Reuters
 
La police du Myanmar ramenait des Rohingyas, dont cette jeune fille, vers le camp de Sittwe qu’ils avaient tenté de fuir en montant sur un bateau qui devait les emmener en Malaisie, le 30 novembre 2018. © 2018 AFP via Getty Images

 

En avril 2014, des agents du recensement du Myanmar sont arrivés au camp de Kamal, flanqués de policiers et de militaires. Pour les Rohingyas, qui ont été exclus du recensement à l’échelle nationale à moins qu’ils ne s’identifient comme « Bengalais », les questions des enquêteurs ont été brèves. « L’équipe du recensement m’a demandé : "Quelle est votre ethnie ?" », a déclaré un homme du camp de Dar Paing. « Quand j’ai répondu "Rohingya", ils sont partis. »

Le droit des Rohingyas à la nationalité et à l’identité n’a cessé d’être érodé au cours des décennies. En 1982, le gouvernement militaire a adopté une nouvelle loi sur la citoyenneté fondée sur l’appartenance ethnique qui a effectivement privé les Rohingyas de la citoyenneté, faisant d’eux la plus grande population apatride au monde. Les autorités ont collecté puis annulé les cartes d’identité, pour les remplacer par une succession de pièces d’identité de plus en plus restrictives et réglementées.

La loi de 1982 place les Rohingyas en situation de vulnérabilité, sans aucune protection juridique de leurs droits. En liant l’ethnicité à la citoyenneté, et la citoyenneté à la liberté de circulation et à d’autres droits fondamentaux, les autorités ont créé un système d’oppression à plusieurs vitesses.

Des agents du recensement escortés par des policiers du Myanmar collectaient des informations dans le camp de Rohingyas de Dar Paing à Sittwe, le 2 avril 2014. © 2014 Khin Maung Win/AP Photo
 
En juin 2018, cet homme rohingya dans l'État de Rakhine, dans l’ouest du Myanmar, montrait sa carte d’identité comprenant cette phrase : « La possession de cette carte d'identité ne prouve pas que le titulaire de la carte est un citoyen du Myanmar. » © 2018 AFP via Getty Images

« Ils disent que nous sommes des colons étrangers », a déclaré un homme rohingya. « Mon grand-père avait une carte de citoyenneté. Ma mère. Mon père. Mon frère aîné. Mais ils prétendent que je ne suis pas un citoyen. » Pendant les violences de 2012, des responsables et des villageois rakhines ont confisqué et brûlé les documents de nombreux Rohingyas. Certains ont conservé d’anciennes pièces d’identité qui ne sont plus reconnues, seul lien tangible avec leur identité, dont le déni se retrouve dans tout ce qu’ils ont perdu.

Après les violences de 2012, l’influence des groupes ultranationalistes bouddhistes s’est accrue, exploitant le récit nationaliste qui présentait les musulmans comme une menace existentielle pour l’État bouddhiste. La rhétorique déshumanisante s’est répandue dans tout le pays.

Dans tout l’État de Rakhine, l’infrastructure de l’apartheid a érodé la communication entre les Rohingya et les Rakhine, favorisant une profonde méfiance et solidifiant l’idée d’un « Autre rohingya ».

 
Des partisans du groupe ultranationaliste bouddhiste Ma Ba Tha, transportant des bannière épelant en énormes lettres le message « No Rohingya », manifestaient contre la livraison d'aide humanitaire aux Rohingyas lors d’un rassemblement à Yangon, au Myanmar le 9 février 2017. © 2017 Lauren DeCicca/Getty Images

Bien que privés de leurs droits lors des élections législatives de 2015, de nombreux Rohingyas ont gardé l’espoir qu’Aung San Suu Kyi et son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, après avoir remporté une victoire écrasante, mettraient fin à leur internement et endigueraient la propagande haineuse qui pullule dans les rues mais aussi, avec une intensité croissante, en ligne.

« Après les élections de 2015, il y a de l’espoir dans les camps », a déclaré Myat Noe Khaing, qui avait fui l’État de Rakhine l’année précédente. « Ils pensent que les choses vont changer. Un an après, ils réalisent que la Dame [Aung San Suu Kyi] ne fera rien pour nous. »

En 2016, Aung San Suu Kyi, alors dirigeante du pays, a demandé à l’ONU et aux gouvernements étrangers de ne pas utiliser le terme « Rohingya ».

Myat Noe Khaing s’interroge sur le sort qui lui est réservé simplement parce qu’il est Rohingya. « Ai-je tort ? D’être Rohingya, d’être originaire de Rakhine ? Je me demande ce que j’ai fait de mal. Chez moi, il n’y a rien de mal. »

 
Des moines bouddhistes participaient à une manifestation contre la minorité musulmane Rohingya à Yangon, au Myanmar, le 10 juillet 2016. © 2016 Ye Aung Thu/AFP via Getty Images

 

En octobre 2016, un groupe armé de l’ethnie Rohingya appelé Harakah al-Yaqin, qui s’était formé en réaction aux violences de 2012, a attaqué trois postes de police dans le nord de Rakhine. Les forces de sécurité ont répondu par des opérations dites de nettoyage, tuant et violant des Rohingyas et incendiant leurs villes.

En août 2017, après de nouvelles attaques du groupe armé, rebaptisé depuis l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA), l’armée a lancé une campagne méthodique de massacres, de viols et d’incendies criminels. Des milliers de personnes ont été tuées. Plus de 730 000 Rohingyas ont fui ces actes génocidaires pour se réfugier au Bangladesh.

La région centrale de l’État de Rakhine a été de plus en plus militarisée. Dans les camps, les autorités ont mis en place de nouveaux points de contrôle et prolongé les couvre-feux. Les descentes de police dans les abris sont devenues plus fréquentes, « même pour vérifier s’il y a un couteau dans la cuisine », selon des Rohingyas.

Lors d’un incident survenu en octobre 2016, la police a rassemblé un groupe de jeunes hommes rohingyas des camps de Sittwe. « Ils nous ont dit de ne pas leur faire de problèmes et nous ont demandé de leur dire s’il y avait des personnes de l’ARSA à l’intérieur de nos camps de déplacés », a déclaré un homme. « Ils ont continué à nous frapper. »

Rohingya refugees continue their walk after crossing the Naf River that separates Myanmar and Bangladesh, September 4, 2017.

© 2017 Adam Dean/Panos

 

Les rations d’aide ont diminué ; les marchés ont été fermés. « Après les violences de 2017, tous les mouvements ont cessé », a déclaré un travailleur humanitaire dans les camps. Pendant que des Rohingyas du nord de Rakhine étaient décapités et brûlés vifs lors d’opérations militaires, les décès dus aux maladies et aux mauvais soins de santé dans les camps d’internement ont grimpé.

Aujourd’hui, il reste environ 600 000 Rohingyas au Myanmar, prisonniers d’un système d’apartheid et de persécution qui n’attire guère l’attention de la communauté internationale. Ceux qui vivent en dehors des camps sont soumis à des restrictions tout aussi punitives et sont cantonnés dans des villages dispersés dans l’État de Rakhine.

De l’autre côté de la frontière, au Bangladesh, près d’un million de réfugiés rohingyas vivent dans des camps surpeuplés et exposés aux inondations. La junte affirme qu’elle met en place des plans pour leur rapatriement, mais les réfugiés savent que ni leur sécurité, ni leur liberté ne sera garantie de ce côté-là de la frontière. « Nous savons que des milliers de Rohingyas qui sont rentrés au Myanmar se trouvent toujours dans des camps de détention », nous a expliqué un réfugié. « Si ces personnes sont libérées et retournent dans leurs villages, alors nous saurons qu’il est possible de rentrer en toute sécurité. »

Personne n’a été tenu pour responsable des violences de 2012, ni de l’État d’apartheid qui en a découlé, ni des atrocités commises depuis.

Les premières années, la mise en place de ces camps a coïncidé avec le début de la transition du Myanmar vers un régime civil démocratique. À partir de 2012, les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres gouvernements ont semblé plus préoccupés par leur soutien à Aung San Suu Kyi et à l’ouverture politique et économique du pays que de faire pression sur le gouvernement au sujet des camps d’internement dans l’État de Rakhine, et de la discrimination et de la violence croissantes à l’encontre des musulmans.

Ainsi, malgré toute l’attention internationale portée sur le Myanmar, notamment de la part des Nations Unies et des gouvernements étrangers, les mises en garde concernant les risques imminents pour les Rohingyas n’ont pas été entendues.

Lorsque les violences ont éclaté en octobre 2016, toutes les sanctions internationales qui visaient le gouvernement et l’armée du Myanmar avaient été levées. Les gouvernements européens ont accueilli le commandant en chef des armées birmanes, le général Min Aung Hlaing, pour des missions de bons offices. Même les atrocités de 2017 n’ont suscité qu’une réponse fragmentée et hésitante, les gouvernements continuant à privilégier une diplomatie discrète plutôt que des mesures stratégiques visant à demander des comptes à l’armée.

Les agences humanitaires qui travaillent dans les camps ont de plus en plus été confrontées à des questions liées à leur propre complicité avec le régime d’apartheid de l’État. Une note de discussion interne de l’ONU datant de 2018 a conclu que « même guidée par les meilleures intentions, la vision humanitaire à très court terme a résulté en un soutien de facto à la politique de ségrégation et aux camps de détention du gouvernement. »

Le 1er février 2021, Min Aung Hlaing et d’autres généraux responsables d’atrocités commises contre les Rohingyas ont arrêté Aung San Suu Kyi et d’autres dirigeants civils, replaçant le pays sous un régime militaire complet. Depuis lors, la junte a mené une répression sanglante contre le mouvement pro-démocratie, avec le même mépris de la vie qui a motivé ses opérations de terre brûlée à Rakhine et dans d’autres régions ethniques pendant des décennies. Les forces de sécurité ont tué plus de 1 900 manifestants et autres civils et arrêté plus de 14 000 personnes.

 

Protestors defend their makeshift barrier as soldiers and police attempt to clear the roadblocks near Bayint Naung junction in Yangon, March 2021.

© 2021 Private

 

Since the coup, the military junta has imposed new movement constraints and blockages on aid to the camps, part of its widening restrictions on assistance that have created a nationwide humanitarian catastrophe. Aid agency memorandums of understanding with the civilian government have expired, while junta officials have delayed or denied visas for foreign aid workers. The requisite travel authorization process for humanitarian staff has grown even more erratic and constrained, impeding aid delivery to an estimated 440,000 people in Rakhine.

Rising tensions over control of the region between the Myanmar military and Arakan Army, the ethnic Rakhine armed group, have often left Rohingya caught in the middle. Some Rohingya describe eased restrictions on travel in areas under Arakan Army control, though the fraying ceasefire and contested administration offsets any benefit to their vulnerability.

The coup has also triggered widespread infrastructure collapse and a severe devaluation of the kyat, Myanmar’s currency. Humanitarian agency documents detail rising water scarcity and food shortages across Rakhine. Rohingya families reported facing starvation after the World Food Programme halted its monthly cash allowance and food distributions in June 2021. Disease and malnutrition have spread.

As pressures to leave Rakhine State mount, so too do punishments for attempting escape. Security forces arrested more than 1,400 Rohingya, hundreds of them children, for trying to flee during the 2021-2022 dry season. Junta courts have sentenced hundreds to the maximum five years in prison for attempting to “illegally migrate.”

Junta authorities have continued rolling out the National Verification Card process as part of its Pan Khin (Flowerbed Project) “citizenship scrutiny” exercise, coercing Rohingya to accept IDs that mark them as foreigners in their own country. “You take that card with that name,” Myat Noe Khaing said, “now you are not Rohingya, you are Bengali.”

Since the coup, people across Myanmar have sought to atone for past anti-Rohingya hostility and their support, explicit or passive, for the military’s persecution of Muslims. The opposition National Unity Government committed to ending Rohingya’s statelessness. Activists from the ethnic Bamar majority are carrying out solidarity campaigns, reimagining Myanmar as a state strengthened by its multi-ethnic, multi-religious makeup.

 

Myanmar protesters hold a message for Rohingya at an anti-coup demonstration in February 2021. © 2021 Twitter/@TheRohingyaPost

 

Rahima, from Say Tha Mar Gyi camp in Sittwe, told us that a Rakhine friend was able to visit her this year during Eid. But as long as the military is in power, she said, nothing will change.

Every Rohingya we interviewed said they want to return to their homes and land, as long as they can be safe and free. “We want to go back to our places of origin and work our jobs again and live again with our neighbors in peace, like before 2012,” Myo Myint Oo said.

No reparation has been made for lost lives, homes, and property. “Nobody has been able to return, nobody has been compensated,” said Hla Sein, a Muslim community leader. “We keep asking, even still we are asking for our land.”

Much of the Rohingya’s former land was taken over by the authorities or ethnic Rakhine. Officials have sold some stretches, like Sittwe’s waterfront, to developers. “During the conflict, most of our documents were destroyed,” Aung Zaw Min said. He owned two properties before 2012. “One [piece of] land is already occupied by Rakhine neighbors and another one is taken by the local authority for the new city project areas. So I can’t get back those two lands.”

In 2017, the National League for Democracy-led government announced it would begin closing the camps, a process the junta is now carrying forward. But the “closures” only entail replacing the temporary longhouses with permanent structures built near the existing sites.

 

 

“Nothing has changed,” said Myo Myint Oo, who lives in one of the “closed” camps. “We have had individual shelters since August 2018, but everything else has stayed the same as it was since June 2012. We don’t have freedom of movement, and still have major challenges for livelihood, income, and health.”

In Kyaukpyu, south of Sittwe, the junta is building permanent houses for Muslims from the Kyauk Ta Lone camp on flood-prone farmland next to the current site. Most lived in in Kyaukpyu town before 2012, only a few kilometers away, where they’ve long sought to return. “Their houses were not burned, but they are not allowed to go back,” Hla Sein said. “Now there are Rakhine living in their houses.”

After 10 years of detention, the sense of hopelessness in the camps is pervasive. Not one Rohingya said they believed their indefinite detention would end or that their children would one day live, learn, and move freely. “I think the system is permanent,” Myat Noe Khaing said of the camps’ future. “A long time ago they took our money. Nothing will change.”

 

 

Rohingya children play under one of the few lamps at a camp in Sittwe, June 5, 2015.

Recommendations

Concerned governments should recognize the atrocities against the Rohingya and the post- coup military junta as intersecting crises that require a cohesive international response. The Rohingya’s freedom depends on the military being excised from the vast control it wields in every layer of Myanmar life.

The UN Security Council should end its inaction borne of anticipated vetoes by China and Russia and urgently pass a resolution that institutes a global arms embargo on Myanmar, refers the military’s grave crimes to the International Criminal Court, and imposes targeted sanctions on the junta and military-owned conglomerates. If China and Russia continue to oppose council action on Myanmar, other governments should bring concerted global pressure against them for upholding the junta’s widespread abuses.

The US, UK, EU, and other governments should work together to strengthen international sanctions to cut off the Myanmar military from the revenue funding its abusive operations, including its apartheid regime in Rakhine State. Governments should target the junta’s gas revenues, its largest source of foreign income, totaling about US$1 billion in annual profits. Broad coordination and enforcement are crucial for these to have an effective influence on the military.

All governments should explore every avenue for justice and accountability for the Myanmar security forces’ crimes against humanity, war crimes, and acts of genocide, including by formally supporting the case under the Genocide Convention brought by Gambia against Myanmar before the International Court of Justice and by actively pursuing investigations and prosecutions under the principle of universal jurisdiction.

 

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