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Algérie : Les autorités doivent mettre fin à l’interdiction de rassemblement à Alger

Les services de police ont une nouvelle fois empêché le déroulement d’une marche en vertu d’un décret datant de juin 2001

(Washington) - Les autorités algériennes doivent cesser de bafouer le droit des Algériens de se rassembler pacifiquement à Alger, a déclaré Human Rights Watch après que les services de police ont, le 19 mars, empêché pour la énième fois le déroulement d'une marche à Alger sur la base d'un décret datant de juin 2001 qui interdit tout rassemblement dans la capitale jusqu'à nouvel ordre. Ce matin, un dispositif de plusieurs centaines d'agents de police a été déployé dans le centre d'Alger pour refouler quelques dizaines de manifestants.

« La levée de l'état d'urgence décidée par le Président Abdelaziz Bouteflika le 24 février n'a aucunement restitué au peuple algérien ses libertés fondamentales, telle que le droit de rassemblement », a observé Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

Le matin du 19 mars, un impressionant dispositif des forces de l'ordre a empêché le déroulement d'une marche organisée par le biais d'un appel sur Facebook émis par un groupe de jeunes se revendiquant comme apolitiques et indépendants et se nommant le groupe de la « Marche du 19 mars » (jour commémoratif du cessez-le-feu marquant la fin de la guerre pour l'indépendance de l'Algérie).

Les participants à cette marche devaient partir de la Place de la Grande Poste, dans le centre d'Alger, et aller jusqu'à la Présidence. Mais, à leur arrivée sur la place vers 9 heures du matin, les manifestants ont constaté que des agents des brigades anti-émeutes, des brigades mobiles de la police judiciaire (BMPJ) et même des brigades de recherche et d'investigation (BRI) spécialisées dans les opérations à hauts risques, étaient deployés dans tout le quartier, selon trois témoins présents sur les lieux.

Certains des animateurs de la marche étant connus pour être membres d'associations indépendantes et contestataires, les policiers les ont immédiatement repérés et empêchés d'accéder à la place et de se regrouper.

« Lorsque nous sommes arrivés sur la Place de la Grande Poste, ils nous ont immédiatement encerclés. J'avais une vingtaine de policiers autour de moi qui m'ont repoussé à une centaine de mètres du lieu du rassemblement, et autour d'eux, une centaine d'autres », a raconté à Human Rights Watch Amine Menadi, l'un des animateurs de la marche.

En vertu d'un décret datant de juin 2001, les rassemblements à Alger sont interdits jusqu'à nouvel ordre. L'Algérie d'alors était depuis février 1992 sous état d'urgence, dont le maintien a été justifié par la lutte contre le terrorisme. Le 24 février 2011, cependant, suite à des manifestations dans le pays, et dans le contexte de la contestation qui secouait les pays arabes, les autorités algériennes ont levé cet état d'urgence, mais sans pour autant mettre fin à l'interdiction de se rassembler à Alger. Le même jour, le Ministre de l'intérieur et des collectivités locales Daho Ould Kablia confirmait lors d'une interview à la chaine III de la radio nationale algérienne que « le moment [n'était] pas encore venu » d'autoriser les rassemblements à Alger.

Depuis le début du mouvement de contestation qui a débuté il y a quelques mois en Algérie, la réponse des autorités a systématiquement été d'empêcher les rassemblements pacifiques à Alger, mais également de souvent les gêner ou de les empêcher dans les villes de provinces, où, contrairement à Alger, elles ne sont pas interdites. Là, c'est la Loi 91-19 de 1991 qui stipule qu'une autorisation de se rassembler doit être délivrée au préalable, qui s'applique. Mais, dans les faits, les manifestations critiques du régime ont d'énormes difficultés pour obtenir cette autorisation.

Comparant l'attitude des forces de l'ordre le 19 mars à celle adoptée lors des manifestations précédentes, Amine Minadi a observé : « Ils ont maintenant pour tactique de nous encercler, de nous séparer et de nous repousser le plus loin possible, individuellement. De cette facon, tout rassemblement est impossible. Ils ne procèdent plus à des dizaines d'arrestations comme ce fut le cas lors de la manifestation du 12 février, ou n'envoient plus des contre-manifestants pro-Bouteflika agresser les manifestants et brandir des portraits du Président. »

Le 19 mars, deux des animateurs de la marche ont par ailleurs été brièvement arrêtés avant d'être relâchés.

« L'empêchement par la force du déroulement de la marche du 19 mars montre que malgré la levée de l'Etat d'urgence, les autorités affichent clairement leur volonté, assortie de moyens, de réprimer les mouvements populaires de contestation, ce qui n'a aucun rapport avec de la lutte contre le terrorisme », a renchéri Sarah Leah Whitson.

Le droit de rassemblement est protégé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel l'Algérie est partie. L'article 21 spécifie en effet que « le droit de réunion pacifique est reconnu. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui. »

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