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Syrie : Les abus perdurent dans un contexte de crise économique

Les efforts internationaux visant l’obligation de rendre des comptes commencent à porter leurs fruits

Une tente détruite lors d’une attaque de missile des forces gouvernementales syriennes qui ciblait un camp pour personnes déplacées, dans la périphérie d'Idlib. © 2023 Anas Alkharboutli/picture- alliance/dpa/AP Images

(Beyrouth) – En 2023, les civils de Syrie ont subi à nouveau une année marquée par de graves abus perpétués par le gouvernement syrien et d’autres parties au conflit, tandis que le pays souffrait d’une forte crise économique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2024.

Dans l’ensemble du pays, les Syriens subissent une grave crise humanitaire, 90 % d’entre eux vivant désormais en-dessous du seuil de pauvreté. Bien que la Syrie reste dangereuse et que les hostilités soient en augmentation, les pays accueillant des réfugiés comme la Turquie et le Liban ont continué à procéder à des expulsions illégales et des retours collectifs de milliers de Syriens vers différentes régions du pays.

« Frappés par un effondrement économique, un séisme dévastateur et les abus persistants de tous les belligérants, les civils en Syrie ont un besoin croissant de protection et d’aide humanitaire », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Aucun pays ne devrait envisager de renvoyer des réfugiés vers la Syrie tant que ces conditions dangereuses sont présentes. »

Dans son Rapport mondial 2024, sa 34e édition qui compte 740 pages, Human Rights Watch analyse les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays. Dans son essai introductif, la directrice exécutive Tirana Hassan affirme que 2023 a été une année lourde de conséquences, non seulement à cause de la répression des droits humains et des atrocités liées aux conflits armés, mais aussi en raison de l’indignation sélective et de la diplomatie transactionnelle. Ces pratiques gouvernementales, indique-t-elle, ont profondément porté atteinte aux droits de tous ceux restés en marge de « deals » inavoués. Une voie différente et porteuse d’espoir est possible, affirme-t-elle cependant, appelant les gouvernements à rester cohérents en respectant leurs obligations en matière de droits humains.

Dans les zones de Syrie contrôlées par le gouvernement, les forces de sécurité ont continué de faire subir aux habitants, y compris aux réfugiés de retour de l’étranger, des arrestations arbitraires, des tortures, des disparitions forcées, des harcèlements et des extorsions, tandis que des millions de personnes  ne pouvaient pas trouver, ou n’avaient pas les moyens d’acheter, suffisamment de nourriture correcte, et ce à cause du détournement de l’aide par le gouvernement syrien, de son incapacité à résoudre la crise économique qui affaiblit le pays et qui découle de la destruction des infrastructures et des crises que traversent les pays voisins, ainsi que des effets de sanctions internationales de grande portée sur les droits économiques des Syriens. Bien qu’elle n’ait ni mis fin aux abus ni entrepris des réformes, les États arabes ont réadmis la Syrie au sein de la Ligue arabe.

 

Début septembre, le président syrien Bachar al-Assad a aboli les tristement célèbres tribunaux militaires au sein desquels on pense que des milliers de personnes ont été condamnées à mort sans procès en bonne et due forme, renvoyant toutes les affaires en cours devant la justice militaire. Cela a suscité l’inquiétude que cette décision n’entraîne la destruction de dossiers judiciaires et d’autres preuves liées aux disparitions forcées.

À Idlib, des attaques sans discrimination lancées par les forces militaires syro-russes à l’encontre de civils et d’infrastructures civiles cruciales ont perduré en 2023, y compris l’usage d’armes prohibées comme les armes à sous-munitions ou les armes incendiaires.

En juillet, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas pu renouveler le mécanisme d’aide transfrontalier en faveur de la Syrie car la Russie a émis un véto contre sa prolongation, ce qui a fermé une voie qui depuis neuf ans permettait d’apporter de l’aide humanitaire dans des régions non contrôlées par le gouvernement du nord-ouest de la Syrie, sans le consentement du gouvernement syrien.

Les forces armées turques ont accentué leurs attaques contre des zones du nord-est contrôlées par les forces dirigées par les Kurdes, détruisant des infrastructures critiques et causant des pannes d’eau et d’électricité pour des millions de personnes.

Les Forces démocratiques syriennes (FDS), un groupe armé dirigé par des Kurdes et soutenu par les États-Unis qui contrôle une grande partie du nord-est de la Syrie, a continué à détenir des civils de façon arbitraire, y compris des journalistes, d’après un  rapport de l’ONU de septembre 2023 qui documentait également les décès de détenus dans les prisons centrales deHassaké et Raqqa.

Même si près de 4 000 rapatriements vers une dizaine de pays avaient eu lieu à la mi-novembre 2023, les FDS et les forces de sécurité régionales d’Asayish détenaient toujours arbitrairement au moins 60 000 membres supposés d’EIIL et leurs proches, originaires de Syrie et d’une soixantaine d’autres pays, dont une majorité d’enfants, dans des conditions dangereuses pour leur vie, dégradantes et souvent inhumaines.

Le 8 juin 2023, les Pays-Bas et le Canada ont déposé plainte contre la Syrie devant la Cour internationale de Justice en avançant que le pays violait la Convention internationale contre la torture. La Cour a tenu des audiences en octobre pour se prononcer sur la demande de mesures conservatoires émise par les Pays-Bas et le Canada. Le 16 novembre, elle a émis sa décision ordonnant au gouvernement syrien à prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir les actes de torture et autres abus.

 
 

 

 

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