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Union africaine : Il faut rejeter l'immunité pour les chefs d’État ou de gouvernement

De nombreuses organisations africaines affirment qu'une proposition en ce sens affaiblirait la Cour africaine de justice

(Johannesburg) – Une proposition visant à octroyer aux chefs d'État ou de gouvernement en exercice un statut d'immunité vis-à-vis de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme constituerait un grave revers pour les efforts visant à obtenir justice pour les crimes graves commis sur le continent, ont déclaré des organisations de la société civile de 19 pays africains ainsi que des organisations internationales présentes en Afrique, dans une lettre adressée aux gouvernements africains et publiée aujourd'hui.

Les ministres de la Justice des États membres de l'Union africaine (UA) doivent se réunir les 15 et 16 mai 2014 dans la capitale de l’Éthiopie, Addis Abeba, afin de discuter d'un projet de protocole visant à étendre le champ de compétence de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme pour la doter d'une compétence pénale dans les cas de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Une proposition visant à octroyer aux chefs d'État et aux responsables gouvernementaux de haut rang en exercice une immunité contre toute poursuite judiciaire concernant de tels crimes est incluse dans le protocole devant être examiné.

«Exempter des chefs d'État et des responsables gouvernementaux de haut rang en exercice de toute poursuite devant la Cour africaine pour des crimes graves reviendrait à placer les puissants hors d'atteinte de la loi», a déclaré Sulemana Braimah, directeur exécutif de la Fondation des médias pour l'Afrique de l'Ouest (Media Foundation for West Africa). «Ce serait en contradiction fondamentale avec l'Acte constitutif de l'Union africaine, qui rejette l'impunité.»

L'examen de ce projet de protocole survient alors que la Cour pénale internationale (CPI) est l'objet d'une virulente opposition de la part de certains dirigeants africains, en particulier dans le contexte des procédures engagées par la CPI à l'encontre d'Uhuru Kenyatta et de William Ruto, avant l'élection de ces deux hommes aux postes de président et de vice-président du Kenya, respectivement.

«L'impunité demeure l'une des plus grandes menaces pour la protection des droits humains en Afrique», a déclaré Thuso Ramabolu, spécialiste des droits humains auprès de Transformation Resource Centre, une organisation non gouvernementale basée au Lesotho. «Il est essentiel que les personnes qui se sont rendues responsables d'atrocités massives en rendent compte devant la justice, quelles que soient leurs fonctions officielles. L'octroi de l'immunité causerait une profonde inquiétude et créerait pour les dirigeants en place une incitation à se maintenir indéfiniment au pouvoir.»

Les conventions internationales, dont la Convention contre la torture, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, ainsi que les Conventions de Genève de 1949, reconnaissent la nécessité impérieuse que les individus ayant commis de graves crimes soient amenés à en répondre devant la justice, quel que soit leur rang. La non-pertinence de la qualité officielle devant les tribunaux pénaux internationaux a été progressivement ancrée dans le droit international, depuis les procès tenus juste après la Seconde Guerre mondiale devant le Tribunal militaire international de Nuremberg.

L'immunité en ce qui concerne des crimes graves est également exclue devant certains tribunaux nationaux en Afrique.

«Même les lois nationales du Kenya et de l'Afrique du Sud rejettent l'immunité devant les tribunaux nationaux pour les responsables gouvernementaux en exercice en ce qui concerne les crimes graves», a souligné Stella Ndirangu, directrice de programme à la Section kenyane de la Commission internationale de juristes. «Les gouvernements africains ne devraient pas anéantir les progrès importants qui ont été accomplis afin d'assurer que les auteurs de graves crimes puissent être amenés à rendre des comptes.»

Les organisations suivantes, qui ont cosigné la lettre, sont parmi les membres les plus actifs d'un réseau informel d'organisations africaines de la société civile et d'organisations internationales présentes en Afrique, qui travaillent sur l'Afrique et la Cour pénale internationale :

Amnesty International, Bénin
Coalition burundaise pour la Cour pénale internationale, Burundi
Action des chrétiens activistes des droits de l'Homme à Shabunda, République démocratique du Congo
Ligue pour la paix, les droits de l'Homme et la justice, République démocratique du Congo
Parliamentarians for Global Action, République démocratique du Congo
Synergie des ONG congolaises pour la lutte contre les violences sexuelles, République démocratique du Congo
Synergie des ONG congolaises pour les victimes, République démocratique du Congo
Voix des sans-voix pour les droits de l'Homme, République démocratique du Congo
Women’s Initiative for Gender Justice, Egypte et Ouganda
Amnesty International, Ghana
Fondation des médias pour l'Afrique de l'ouest, Ghana
La rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme, Guinée et Sénégal
Amnesty International, Kenya
Commission internationale de juristes, Kenya
Commission des droits de l'Homme du Kenya, Kenya
Kenyans for Peace with Truth and Justice, KenyaTransformation Resource Centre, Lesotho
Rights and Rice Foundation, Libéria
Civil Liberties Committee, Malawi
Center for Human Rights and Rehabilitation, Malawi
NamRights, Namibie
Civil Resource and Development Documentation Center, Nigéria
Coalition of Eastern NGOs, Nigéria
Gender and Constitution Reform Network, Nigéria
National Coalition on Affirmative Action, Nigéria
Coalition nigériane pour la Cour pénale internationale, Nigéria
Women Advocates' Research and Documentation Center, Nigéria
West African Bar Association, Nigéria
Amnesty International, Sénégal
TrustAfrica, Sénégal
Amnesty International, Sierra Leone
Centre for Accountability and Rule of Law, Sierra Leone
Coalition for Justice and Accountability, Sierra Leone
Programme International Crime in Africa, Institute for Security Studies, Afrique du Sud
Children’s Education Society, Tanzanie
Amnesty International, Togo
Human Rights Network, Ouganda
Coalition ougandaise pour la Cour pénale internationale, Ouganda
Southern African Centre for the Constructive Resolution of Disputes, Zambie
Coalition pour la Cour pénale internationale, avec des bureaux au Bénin et en République démocratique du Congo
Fédération internationale des droits de l'Homme, avec des bureaux en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Kenya et au Mali
Human Rights Watch, avec des bureaux en République démocratique du Congo, au Kenya, au Rwanda et en Afrique du Sud

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