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Ghana : Un accident survenu dans une mine souligne les risques encourus par les enfants

Il faut faire respecter les normes de sécurité et interdire le travail des enfants dans les mines d'or artisanales

(Johannesburg, le 13 juin 2013) – Un récent accident de mine qui a coûté la vie à 16 personnes dans une mine d'or artisanale illégale au Ghana souligne la nécessité de mesures plus sévères pour mettre fin au travail des enfants et assurer la sécurité des orpailleurs adultes, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Human Rights Watch s’est rendu sur le site de l'effondrement de la mine entre le 31 mai et le 2 juin 2013.

Le 15 avril au matin, vers 6h45, un mur de boue s'est effondré dans une grande fosse à ciel ouvert dans une mine d'or où travaillaient plus de 20 personnes près de Kyekyewere,   dans le district de Haut-Denkyira (Est) de la Région du Centre, au Ghana. Quelques-uns des mineurs ont été retirés de la boue avec des blessures, mais 16 sont morts. Parmi les victimes figurait un garçon de 17 ans nommé Abroso Kwabena Donkor, un orphelin qui avait abandonné l'école à 15 ans pour travailler dans les mines.

« L'exploitation minière est l'un des types de travail les plus dangereux du monde », a déclaré Juliane Kippenberg, chercheuse senior au sein de la division Droits de l’enfant à Human Rights Watch. « Le gouvernement du Ghana doit sortir les enfants de ces mines et accorder la priorité à la réglementation de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle de l'ordans le pays. »

Human Rights Watch a interrogé 20 membres de la communauté à proximité du site de l'effondrement de la mine, notamment 8 enfants qui travaillaient à l’intérieur ou près de la mine ainsi que 5 témoins de l'effondrement, de même que des autorités gouvernementales du district de Haut-Denkyira (Est) et de la capitale, Accra.

Les enfants des villages voisins ont travaillé régulièrement sur le site de l'accident. Des enfants dès l’âge de 12 ans ont porté et traité le minerai, et vendu directement aux négociants locaux l'or brut qu’ils ont obtenu.

Un tiers des enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent au Ghana. Une étude réalisée en 2006 par l’Organisation internationale du travail (OIT) a révélé qu'environ 10 000 enfants travaillent dans les mines d'or artisanales du pays. Les enfants qui travaillent dans l’exploitation minière artisanale et à petite échelle de l'orencourent des risques de maladie ou d'accidents suite à des chutes profondes dans des puits, des effondrements de fosses, des roches ou des fragments volants, suite à l’utilisation d’outils et de machines dangereux, à l'exposition continuelle à la poussière, au transport de charges lourdes et à l'utilisation du mercure toxique.

« Ibrahim », âgé de douze ans a décrit à Human Rights Watch comment il a porté de lourdes charges de minerai et les a traitées avec du mercure. Lorsqu’on lui a demandé s'il aimait ce travail, Ibrahim a déclaré : « Je n'aime plus l'orpaillage à cause de la façon dont les gens en meurent. »

Selon la loi ghanéenne, le travail dans les mines est explicitement interdit aux moins de 18 ans. Le Ghana a ratifié les normes internationales sur le travail des enfants, notamment la Convention 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants. Bien que le gouvernement ait élaboré un plan d'action et mis en place un comité de pilotage national pour lutter contre le travail des enfants, ces efforts atteignent rarement les mines artisanales. Les quelques programmes qui traitent du travail des enfants dans les mines sont gérés par des organismes internationaux et des organisations non gouvernementales, et n’ont qu’une portée limitée.

« Le gouvernement devrait inspecter les mines, qu’elles disposent ou non d’une licence, afin de contrôler le travail des enfants », a indiqué Juliane Kippenberg. « Les enfants risquent leur vie dans ces mines. »

En plus des accidents, les enfants encourent des risques pour leur santé ainsi qu’une invalidité permanente en raison de l'exposition au mercure toxique utilisé pour le traitement de l'or. Le mercure attaque le système nerveux central et s'avère particulièrement nocif pour les enfants. Le mercure est ajouté au minerai de façon à créer un amalgame or-mercure, puis brûlé, libérant ainsi des vapeurs toxiques de manière à ce qu’il ne reste plus que l'or brut.

Les enfants dans la région de Kyekyewere ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils manipulaient le mercure de façon courante. Un mineur adulte a décrit le travail des enfants sur le site où s’est produit l'accident :

Les enfants lavent le minerai. Ce sont tous des garçons. Ils s’occupent du traitement au mercure. Ils ont plus de savoir-faire que les plus âgés.

Le commerce et l'utilisation du mercure pour l'exploitation minière sont légaux au Ghana, en dépit des efforts internationaux visant à réduire l'utilisation du mercure. En janvier 2013, les gouvernements du monde entier ont convenu d'un nouveau traité international visant à réduire les effets nocifs du mercure au niveau mondial, la Convention de Minamata. Human Rights Watch a exhorté le gouvernement du Ghana à signer et à ratifier la Convention de Minamata, et à prendre des mesures urgentes pour réduire et, si possible, éliminer l'utilisation du mercure dans l'orpaillage.

Le droit international des droits humains oblige le gouvernement du Ghana à protéger ses citoyens contre les exactions, notamment celles liées à l'activité minière. Partout dans le monde, il a été prouvé que sans réglementation gouvernementale efficace, les entreprises et les opérateurs miniers ne se comporteront pas toujours de façon responsable.

« Cet accident récent démontre comment un gouvernement qui s’abstient de réglementer correctement l'activité minière peut finir par créer un terrain fertile pour les décès, les blessures et les exactions », a conclu Juliane Kippenberg. « Le gouvernement ghanéen doit sanctionner ceux qui emploient des enfants, dirigent des opérations minières dangereuses, ou qui s’abstiennent de remettre les sites en état. »

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Informations complémentaires :

Mines d'or artisanales et à petite échelle au Ghana
On estime à un million le nombre de personnes qui travaillent dans l'exploitation minière artisanale – dite orpaillage ou galamsey, comme on l'appelle au Ghana. Ces dernières années, le pays a connu un boom dans l'exploitation minière illégale artisanale et à petite échelle en raison des prix élevés de l'or et de l'afflux d’investisseurs et de mineurs étrangers, notamment chinois, qui ont contribué à la création de petites mines avec du matériel lourd. Cela a à son tour augmenté les activités d’orpaillage artisanal des habitants locaux – notamment des enfants – qui entrent dans ces mines pour chercher de l'or. L’orpaillage illégal a contribué à la pollution de l'eau du Ghana et à la destruction de sa forêt tropicale.

La Commission des minéraux du gouvernement traite les licences d'exploitation minière et cherche à faire respecter les règlements sur les mines légales autorisées. Cependant, elle n'a pas réussi à freiner l'exploitation minière illégale. Les autorités du district du Haut-district de l'est de Denkyira ont déclaré que souvent elles ne savent même pas où se trouvent les mines. Le gouvernement a récemment décidé de sévir contre les mines illégales et a arrêté début  juin des mineurs chinois dans le cadre de cet effort.

L'accident minier à Kyekyewere est survenu dans une mine illégale – ne possédant pas de licence valide – gérée par un mineur ghanéen et un homme d'affaires chinois. Ils ont utilisé une excavatrice pour creuser profondément dans le sol et ont omis de réhabiliter la mine après son abandon, créant ainsi une fosse à ciel ouvert. Bien que le site ait des gardes de sécurité, les villageois ont pu entrer et commencer l'orpaillage. Le mineur ghanéen a été brièvement détenu par la police après l'accident, mais a été libéré.

Le lieu de l'accident
Des enfants travailleurs ont expliqué à Human Rights Watch leur travail dans l’orpaillage artisanal sur le site de l'accident près de Kyekyewere ou dans d'autres mines voisines. Ils ont transporté le minerai depuis la fosse jusqu’à l'endroit de traitement, filtré et lavé le minerai, et utilisé du mercure pour récupérer l'or. Ils ont indiqué qu'ils s’y rendaient généralement en groupe, de leur propre initiative, et qu’ils utilisaient l'argent pour acheter des articles dont ils avaient envie tels que des vêtements, ou bien donnaient l'argent à leur famille. Heureusement, peu d’enfants étaient présents à la mine le matin de l'accident.

Human Rights Watch s’est entretenu avec « Paul », âgé de 17 ans, un enfant travailleur qui  travaillait dans les mines d'or artisanales à temps plein, et qui a été témoin de l'accident. Il a décrit la situation ce matin-là :

J’y suis allé tôt le matin. Mais quand je suis arrivé, les gardes de sécurité faisaient de l’orpaillage. Ils ne nous ont pas permis d'y travailler. Alors que nous nous efforcions de les convaincre de nous y laisser travailler, des mineurs plus âgés sont arrivés et les ont convaincus que nous pouvions travailler. Il y a eu un échange entre eux. Nous sommes restés en arrière et avons regardé. Les mineurs plus âgés sont entrés dans la fosse. Tout d'un coup, j'ai vu la boue recouvrir les gens dans la fosse .... Dès que c'est arrivé, la police est venue et a participé au sauvetage. Tous les mineurs ont été renvoyés chez eux.

Parmi ceux qui sont morts figurait Abroso Kwabena Donkor, un orphelin qui vivait avec sa tante maternelle après la mort de sa mère. Abroso avait abandonné l'école après la 6ème année et avait travaillé dans les mines d'or artisanales à temps plein depuis l'âge de 15 ans. Il travaillait à la mine avec sa tante et son oncle, qui ont survécu avec des blessures.

Une autre victime a été Clément Abugiri, 19 ans, un lycéen. Il était allé avec sa mère chercher de l'or pour payer ses frais de scolarité ; tous deux sont morts dans l'effondrement de la mine. La sœur de Clément, en larmes, a déclaré à Human Rights Watch qu'il était un « garçon brillant » qui avait continué ses études plus que n'importe qui d'autre dans la famille. Il avait même sauté une année à l'école secondaire, bien qu'ayant souffert d'une longue maladie.

D'autres habitants, notamment un enfant travailleur âgé de 13 ans, ont confirmé que les enfants travaillent parfois dans l’orpaillage artisanal afin de gagner de l'argent pour payer des fournitures ou des frais scolaires.

Les enfants des villages voisins d’Amoafo et Badoa travaillaient régulièrement à l'endroit où l'accident s'est produit. « Wilson », 14 ans, a décrit son travail avec le mercure toxique :

Parce que l'or est dans la boue, il est dispersé. Je verse le mercure dessus et il attire le minerai. Il se rassemble. Je lave la boue avec l'eau .... Je le fais à mains nues. J’essore l'eau avec un chiffon. Puis je le brûle. Je prends une boîte [vide] de concentré de tomate et la met dans un feu pour brûler [l'amalgame]. Après avoir fini, les couleurs jaunes sortent .... Je ne me protège pas. On m'a dit que quand le mercure pénètre dans votre bouche, il est toxique et vous pouvez mourir.

Un garçon de 12 ans, « Ibrahim », qui a montré à Human Rights Watch le téléphone portable qu'il avait acheté grâce au bénéfice tiré de l'or qu'il avait extrait, a déclaré :

Je suis en 4ème année à l'école primaire. Je collecte la boue. J'apporte une casserole à ceux qui creusent et ils la remplissent de boue, et je l’apporte à ceux qui font le lavage. J’y vais pendant le week-end et les vacances. Je suis payé environ 10 à 15 cedis [environ 5 à 7,50 dollars US] par jour. Je fais aussi le lavage [traitement] parfois. Je travaille avec du mercure. Je le mélange au minerai. J'ai aussi fait le brûlage [de l'amalgame]. Nous achetons le mercure. Ou l'acheteur nous le donne.

« Kofi », âgé de quinze ans, a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait travaillé dans l'orpaillage depuis l’âge de 12 ou 13 ans et qu'il manquait souvent l'école pour aller à la mine à la place. Quand il a commencé à travailler à la mine, il a porté la boue depuis la fosse jusqu’au site de traitement, ce qui a entraîné de graves douleurs de dos. Il a opté pour le traitement du minerai, travaillant régulièrement avec du mercure. Lorsqu’il a été interrogé pour savoir s'il allait poursuivre ce travail après l'accident, il a affirmé : « Je ne peux pas arrêter ce travail. »

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