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Tunisie: Il faut enquêter sur l’assassinat d’un leader de l’opposition

Le meurtre de Chokri Belaïd a été commis à la suite de nombreuses agressions, notamment contre des militants, qui sont restées impunies

(Tunis) – Les autorités tunisiennes doivent s’assurer que soient traduits en justice les responsables de l’assassinat, le 6 février 2013, de Chokri Belaïd, une figure politique majeure de l’opposition. Elles devraient immédiatement enquêter sur les circonstances du meurtre et poursuivre les responsables.

Bien que les motifs des meurtriers ne soient pas encore connus, il pourrait s’agir du premier assassinat politique depuis que les Tunisiens ont évincé du pouvoir le président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.

« Cet assassinat est l’incident le plus grave qui se soit produit à ce jour, dans un climat de violence croissante », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Depuis la révolution en Tunisie, de nombreuses attaques contre des journalistes, des militants de partis politiques, des artistes et de simples citoyens ont été perpétrées. La plupart n’ont pas fait l’objet d’une enquête, sans même parler de poursuites judiciaires. »

Le meurtre de Chokri Belaïd est survenu dans un contexte d’incidents récurrents de violence politique et d’agressions contre des personnes, apparemment en raison de leurs opinions politiques ou culturelles, commises par des individus ou des groupes qui semblent poussés par des motifs liés à l’islamisme. Dans de nombreux cas, les autorités semblent avoir pris des mesures insuffisantes pour enquêter sur ces agressions et poursuivre leurs auteurs, ainsi que pour prévenir les dangers supplémentaires pesant sur la vie et la sécurité des victimes. Human Rights Watch a ainsi détaillé plusieurs affaires où les victimes ont déposé plainte auprès des postes de police locaux ou devant les tribunaux, mais n’ont jamais reçu aucune nouvelle d’un suivi de leur dossier.   

Les assassins ont tiré sur Belaïd à bout portant, à plusieurs reprises, au moment où il entrait dans sa voiture, le matin du 6 février, dans le quartier de Tunis « Menzah 6 », avant de s’enfuir en motocyclette, a déclaré le ministère de l’Intérieur. Belaïd avait 48 ans, était marié et père de deux enfants.

Chokri Belaïd était le secrétaire général du Mouvement des patriotes démocrates, un parti de gauche. Il critiquait ouvertement le gouvernement, où le parti islamiste Ennahda est majoritaire au sein d’une coalition avec deux autres partis, Ettakatol et le Congrès pour la République. Il s’était exprimé le 5 février lors d’une conférence de presse à Tunis, dénonçant le « climat de violence, qui est devenue organisée et systématique » et appelant à un « dialogue national pour endiguer la tendance à la violence ».

Le 2 février, un groupe de personnes avait violemment interrompu un meeting que tenait au Kef le Front populaire, la coalition de partis gauchistes que Belaïd avait cofondée. Belaïd avait accusé les agresseurs d’appartenir aux Ligues de protection de la révolution, une association impliquée dans des affrontements avec les partis d’opposition partout dans le pays, notamment celui qui avait causé la mort d’un militant de l’opposition, violemment passé à tabac à Tataouine en octobre 2012.

En réaction à l’assassinat de Chokri Belaïd, la foule a attaqué des sièges locaux du parti Ennahda dans plusieurs villes, comme Sidi Bouzid, Sfax et Monastir, causant des dégâts matériels.

« Le meurtre de Belaïd a bouleversé un pays qui est fier de sa culture politique non violente, et où aucune personnalité politique n’avait été assassinée depuis un demi-siècle », a conclu Eric Goldstein. « Afin de mettre fin à la spirale de violence, les autorités devraient procéder avec fermeté et célérité à l’enquête et aux poursuites concernant ce meurtre, mais aussi les récentes agressions à motif politique envers les personnes et les biens. »
 

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