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Ouganda : Un défenseur des droits humains kenyan fait l’objet de poursuites liées aux attentats à la bombe à Kampala

L’affaire laisse craindre que les poursuites visant Al-Amin Kimathi soient de caractère politique

(Kampala, le 1er décembre 2010) ­­- L'éminent défenseur kenyan des droits humains Al-Amin Kimathi est parmi les 17 accusés dont les affaires ont été envoyées devant la Haute cour ougandaise le 30 novembre 2010, pour le procès des attentats à la bombe perpétrés à Kampala en juillet, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Le 30 novembre, 17 autres personnes ont été libérées, après que le bureau du procureur a abandonné les poursuites contre elles. Trois d'entre elles ont ensuite été remises en garde à vue, bien que les accusations à leur encontre demeurent floues. Le procureur a également demandé des mandats d'arrêt contre deux autres suspects qui ne sont pas en garde à vue.

« La décision du gouvernement ougandais d'abandonner les poursuites contre le premier groupe de 17 hommes, qui selon toutes les apparences sont innocents, a été une mesure positive », a déclaré Rona Peligal, directrice de la division Afrique à Human Rights Watch. « Toutefois la décision de maintenir les accusations portées contre Al-Amin Kimathi laisse craindre que ces poursuites ne soient en réalité qu'une tentative de museler un critique reconnu des exactions commises par les gouvernements de la région dans leur lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Est. »

Al-Amin Kimathi est le président du Forum musulman des droits de l'homme, une organisation non gouvernementale qui a maintes fois soulevé des préoccupation au sujet des transferts illégaux de suspects kenyans en Ouganda dans le cadre des attentats à la bombe de Kampala, qui ont fait 76 morts.

Le 15 septembre, la police ougandaise a interpellé Al-Amin Kimathi et Mbugua Mureithi, un avocat kenyan, qui s'étaient rendus à Kampala pour organiser la représentation juridique et observer les procédures contre les suspects kenyans. Mbugua Mureithi a été libéré et expulsé le 18 septembre, mais Al-Amin Kimathi a été maintenu pendant six jours en détention secrète à Kampala, puis inculpé le 21 septembre de meurtre et de terrorisme.

Le résumé de l'acte d'accusation, qui a été consulté par Human Rights Watch, affirme qu'Al-Amin Kimathi a fourni des fonds pour aider à réaliser les attentats à la bombe de Kampala. Mais ces allégations sont en contradiction flagrante avec le travail réputé d'Al-Amin Kimathi, a indiqué Human Rights Watch.

Depuis 2007, Al-Amin Kimathi a dirigé le Forum musulman des droits de l'homme dans ses efforts pour documenter et demander justice pour la détention arbitraire, l'expulsion secrète et la restitution illégale de dizaines d'hommes, femmes et enfants qui ont fui la Somalie pour le Kenya en 2006 et début 2007. Il a été profondément critique de la manière illégale dont le gouvernement kenyan, en particulier, a mené des opérations de lutte antiterroriste.

Après les attentats à la bombe de juillet à Kampala, Al-Amin Kimathi et le Forum musulman des droits de l'homme ont publié une ferme condamnation de l'attaque visant des civils, en déclarant : « Il ne pourrait y avoir aucune justification possible pour ôter la vie à des civils innocents qui ne faisaient que socialiser en paix... Cet assassinat odieux, barbare et insensé de personnes innocentes ne peut être toléré nulle part dans une société saine. » La déclaration a également exhorté les autorités ougandaises à mener des enquêtes et des poursuites contre les responsables dans les limites de la loi.

En août, le Forum musulman des doits de l'homme a critiqué publiquement le transfert illégal de plusieurs suspects kenyans du Kenya à l'Ouganda. Il a déclaré que le transfert n'avait pas respecté les procédures d'extradition, qui exigent des mandats d'arrêt réciproques dans les deux pays et des procédures judiciaires. Les autorités kenyanes ont omis de respecter le droit à une demande d'habeas corpus - visant à contester la détention d'une personne devant un tribunal - pour ces suspects, a indiqué le groupe.

La Haute cour du Kenya a rendu deux jugements les 28 et 30 septembre, qui concluent que le transfert de suspects du Kenya à l'Ouganda était illégal et constitue une violation de la nouvelle constitution du Kenya. Des avocats en Ouganda ont déposé un recours auprès de la Haute cour ougandaise demandant la révision judiciaire de l'extradition des suspects kenyans. L'affaire doit être entendue le 2 décembre.

Dans le cadre de son travail, Kimathi est entré et sorti légalement de l'Ouganda à la fin août, puis il y est retourné le 15 septembre pour observer la procédure judiciaire concernant les six suspects kenyans qui avaient à l'époque été accusés et détenus en relation avec les attentats à la bombe. Kimathi a été arrêté à Kampala par des agents de la sécurité ougandais, cagoulé, menotté et détenu au secret au siège de l'Unité d'intervention rapide à Kireka, Kampala, avant d'être inculpé le 21 septembre.

Aucune date n'a été fixée pour le procès du deuxième groupe de 17 hommes devant la Haute cour à Kampala. Human Rights Watch a exhorté la Haute cour à accorder à Kimathi sa demande de libération sous caution, qui sera examinée le 9 décembre.

« Al-Amin Kimathi est une voix cruciale et rare mettant en évidence la façon dont les gouvernements régionaux ont piétiné les doits humains - et leurs propres lois - au nom de la lutte antiterroriste », a déclaré Rona Peligal. « Sa détention et son procès, alors même que les tribunaux kényans partagent ses préoccupations sur les extraditions illégales, soulèvent de sérieuses questions quant à l'éventualité que les gouvernements de la région tentent de le réduire au silence. »

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