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ONU : Les Nations Unies doivent exiger du Sénégal qu'il démarre sans délai le procès de Hissène Habré

Malgré les jugements et les promesses, le dossier est toujours au point mort

(Genève) - Le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies doit appeler le Sénégal à démarrer le procès de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré exilé à Dakar, ont déclaré aujourd’hui cinq organisations des droits de l’Homme africaines et internationales. Le 6 février, le Conseil examinera le bilan du Sénégal en matière de respect des droits de l'Homme dans le cadre de la procédure d’Examen périodique universel (EPU).

Hissène Habré, qui est accusé d’avoir commis des crimes de masse durant son régime de 1982-1990, vit au Sénégal depuis sa chute en 1990. Il a été inculpé au Sénégal en 2000 pour complicité de crimes contre l'humanité, actes de torture et de barbarie, avant que la justice sénégalaise ne se déclare incompétente pour le juger. Ses victimes se sont alors tournées vers la Belgique. A l'issue de 4 années d'enquête, un juge belge a délivré un mandat d'arrêt international à l'encontre de Hissène Habré et a demandé son extradition en 2005, mais le Sénégal a refusé. En mai 2006, le Comité des Nations Unies contre la torture a condamné le Sénégal pour violation de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et a demandé au Sénégal de juger ou d’extrader Hissène Habré.

En juillet 2006, le Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade, a accepté le mandat l’Union africaine de faire juger Habré au Sénégal « au nom de l’Afrique ». Mais le Sénégal n'a toujours pas engagé de poursuites contre Habré, ont déclaré l'Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense de Droits de l'Homme (ATPDH), l'Association des Victimes de Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP), la Rencontre Africaine pour la Défense de Droits de l'Homme (RADDHO), Human Rights Watch et la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH).

« Le Sénégal se moque de nous depuis 18 ans, et maintenant il se moque des Nations Unies », a déclaré Souleymane Guengueng, fondateur de l'AVCRP et plaignant dans l’affaire qui a abouti à la condamnation du Sénégal par les Nations Unies. « Le Conseil des droits de l'Homme doit rappeler au Sénégal son obligation de se conformer à la décision des Nations Unies et remettre Habré à la justice. »

Le 16 septembre 2008, 14 victimes ont déposé une nouvelle plainte auprès d’un procureur sénégalais, accusant Habré de crimes contre l'humanité et de torture, pour tenter de faire démarrer le procès. Mais les autorités sénégalaises ont refusé d'instruire les plaintes. En novembre 2008, le Comité contre la Torture a rencontré l'ambassadeur du Sénégal à Genève pour exprimer sa préoccupation que le Sénégal n'a toujours pas appliqué sa décision.

Le Sénégal a déclaré qu’il ne débuterait pas l’instruction avant que la totalité des fonds nécessaires au jugement ne lui soit versé par la communauté internationale. Le Sénégal estime le coût du procès à 27.4 millions d’euros pour trois ans, dont 8 millions d’euros pour rénover un palais de justice. Les organisations des droits de l’Homme rappellent que l’Union européenne, le Tchad, la France, la Suisse, la Belgique, ainsi que les Pays-Bas ont déjà consentis à aider le Sénégal à financer le procès mais ils attendent que le Sénégal leur soumette un budget détaillé. En outre, elles constatent que selon la pratique internationale, le financement de ce type de procès est réalisé par étapes, année après année.

« Ce n’est pas l’argent qui manque pour le jugement de Hissène Habré, c’est la volonté politique du Sénégal », a déclaré Dobian Assingar, de la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et Président d'honneur de la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH).

« Subordonner le démarrage du procès à l’obtention de la totalité du budget est inacceptable et déshonorant pour notre pays car à s’y méprendre ça ressemble à du chantage », aajouté Alioune Tine, Président de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO).

L’Examen périodique universel est l’instrument le plus ambitieux et le plus innovant mis en place par le Conseil des droits de l’Homme qui permet d’examiner la situation des droits de l’Homme des 192 Etats membres des Nations Unies tous les quatre ans. Le 6 février, le Sénégal passe son premier examen devant le Conseil.

Dans sa décision de mai 2006 dans l’affaire Souleymane Guengueng contre Sénégal, le Comité des Nations Unies contre la torture a jugé que le Sénégal avait violé par deux fois la Convention contre la torture, tout d’abord, en ayant failli à son obligation de traduire Habré en justice lors du dépôt de plainte par les victimes en 2000, puis, en ne respectant pas son obligation de le juger ou de l’extrader à la suite de la demande d’extradition formulée par la Belgique en septembre 2005. Le Comité a jugé que le Sénégal était « tenu de soumettre la présente affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale ou, à défaut, dans la mesure où il existe une demande d’extradition émanant de la Belgique, de faire droit à cette demande ou, le cas échéant, à tout autre demande d’extradition émanant d’un autre Etat en conformité avec les dispositions de la Convention ».

Historique

Hissène Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, jusqu’à sa fuite vers le Sénégal lors de la prise de pouvoir par l’actuel président Idriss Déby Itno. Son régime de parti unique fut marqué par des violations massives des droits humains perpétrées à travers tout le pays, qui ont compris des campagnes d’épuration ethnique. Les dossiers de la police politique d’Hissène Habré, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), découverts par Human Rights Watch en mai 2001 révèlent l’identité de 1.208 personnes qui sont décédées en détention et font état de 12.321 personnes victimes d'autres violations.

Habré a d’abord été inculpé au Sénégal en 2000, avant que la justice sénégalaise ne se déclare incompétente pour le juger. Ses victimes se sont alors tournées vers la Belgique et, après quatre années d’enquête, un juge belge a délivré, en septembre 2005, un mandat d’arrêt international accusant M. Habré de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture.

Les autorités sénégalaises ont arrêté M. Habré en novembre 2005 et le gouvernement sénégalais a demandé à l’Union africaine de se prononcer sur « la juridiction compétente » pour juger M. Habré. Le 2 juillet 2006, l’Union africaine, s’appuyant sur les recommandations du Comité des Éminents juristes africains, a demandé au Sénégal de juger Habré « au nom de l’Afrique », ce que le Président Wade a accepté.

Le Sénégal a amendé ses lois et sa constitution afin de permettre à ses instances judiciaires de juger les crimes de génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre et de torture commis dans le passé. En même temps, le Sénégal a nommé M. Madické Niang, l’ancien coordinateur de l’équipe juridique de Hissène Habré, Ministre de la Justice. Ce ministère est chargé de l’organisation du procès.

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