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Rapport mondial 2014: Union européenne

Événements de 2013

Des drapeaux de l’Union européenne flottent devant le siège de la Commission européenne à Bruxelles.

© Reuters 2012

Sur fond de crise économique et de mesures d’austérité très contestées dans de nombreux États membres, la discrimination, le racisme et l’homophobie ont continué de poser de graves problèmes dans les États membres de l’Union européenne. Les Roms, les migrants et les demandeurs d’asile sont particulièrement marginalisés.

Le Conseil de l’Union européenne a reconnu pour la première fois que des mesures supplémentaires étaient nécessaires pour veiller à traiter de façon adéquate les violations des droits de l’homme perpétrées au sein des frontières de l’UE, en menant un débat politique permanent focalisé sur l’amélioration des réponses à apporter aux crises de l’État de droit. Pendant ce temps, les pratiques abusives se sont poursuivies à travers l’UE, sans aucune action adéquate de la part des institutions et des États membres de l’UE.

La politique de migration et d’asile de l’UE

L’UE a franchi les dernières étapes vers la création d’un régime d’asile européen commun avec l’adoption en juin, par le Parlement européen (PE), d’un paquet asile comprenant des versions refondues du règlement de Dublin, de la directive relative aux procédures d’asile et de la directive sur les conditions d’accueil. Bien que le paquet présente certaines améliorations, il prévoit une large palette de motifs pour la détention des demandeurs d’asile, n’oblige pas les États membres à offrir une assistance judiciaire gratuite en première instance, et omet d’exempter des procédures accélérées les demandeurs d’asile particulièrement vulnérables, notamment les victimes de torture et les enfants non accompagnés.

Le règlement de Dublin III, en vigueur depuis juillet, maintient en l’état la règle générale selon laquelle le premier pays d’entrée de l’UE est responsable des demandes d’asile, mais il améliore les protections, notamment le droit à l’information, à un entretien personnel et à interjeter appel d’une décision de transfert. Les États doivent maintenant évaluer le risque de traitement inhumain ou dégradant avant tout transfert vers un autre pays de l’UE. En juin, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a établi que les États membres devaient examiner les demandes d’asile des enfants non accompagnés présents sur leur territoire même en cas d’introduction préalable d’une demande ailleurs.

En novembre, la CJUE a estimé d’une part que l’orientation sexuelle constitue un motif de demande d’asile dans l’UE si le candidat demandeur d’asile provient d’un pays dans lequel des lois criminalisant les rapports entre personnes de même sexe sont en vigueur, et d’autre part que personne ne devrait être tenu de dissimuler son orientation sexuelle. Les États membres de l’UE ont adopté des approches très divergentes à l’égard des demandeurs d’asile syriens. Par exemple, la Suède a déclaré qu’elle octroierait la résidence permanente aux Syriens auxquels elle avait accordé précédemment une protection temporaire, tandis que la Grèce a cherché à les renvoyer en Turquie. L’Allemagne et l’Autriche se sont engagées respectivement à réinstaller 5 000 et 500 réfugiés syriens, mais peu d’autres pays de l’UE ont dépassé le stade d’offres symboliques de réinstallation.

En juin, la Commission européenne (CE) et la haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères ont appelé conjointement à une approche globale à l’égard de la crise syrienne, axée sur l’aide humanitaire aux réfugiés dans les pays voisins, tout en reconnaissant le besoin d’une plus grande convergence dans l’approche des États membres.

La migration par bateau vers l’Europe a connu une hausse, avec l’arrivée de plus de 35 000 migrants et demandeurs d’asile au 31 octobre. Selon les chiffres enregistrés à la mi-octobre, 500 personnes environ avaient péri en mer, dont plus de 360 lors d’un seul naufrage en octobre. En juillet, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a bloqué le renvoi sommaire vers la Libye d’un groupe de Somaliens proposé par Malte.

Au moment où ont été écrites ces lignes, les négociations se poursuivaient autour d’une proposition de nouvelles réglementations pour l’Agence européenne des frontières (Frontex). La proposition de la CE clarifierait le rôle de Frontex dans les opérations de recherche et de sauvetage en mer, ainsi que les questions liées au débarquement, mais elle prévoirait également le retour vers des pays tiers des personnes interceptées en haute mer à la suite d’une évaluation succincte des besoins de protection et de la situation dans le pays de retour. Le médiateur européen en fonction à l’époque a conclu son enquête sur Frontex en avril avec des recommandations destinées à l’agence, l’invitant à clarifier le cadre juridique de ses opérations ainsi que ses responsabilités en matière de violations des droits.

En septembre, le PE a appelé à l’adoption de lignes directrices stratégiques pour mieux protéger les enfants migrants non accompagnés au-delà du Plan d’action de la CE, et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (CdE), Nils Muižnieks, a rappelé aux États la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la mise en œuvre des politiques de migration.

Le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits des migrants, François Crépeau, a critiqué l’approche sécuritaire de l’UE dans la gestion des flux migratoires, laquelle met l’accent sur le renforcement des frontières extérieures, la détention et les expulsions. Dans son rapport publié en avril, Crépeau a recommandé d’accroître les protections, notamment de veiller à mettre en place des alternatives à la détention et à inclure des dispositions relatives aux droits humains dans les accords de coopération conclus avec des pays non membres de l’UE dans le domaine de la migration. Il a par ailleurs appelé la CE à engager des procédures d’infraction à l’encontre des pays de l’UE qui ont violé les droits des migrants.

Discrimination et intolérance

Le sentiment et la violence xénophobes ont suscité l’inquiétude au sein des institutions de l’UE et du CdE. En mars, une résolution du PE a appelé à ce que les crimes haineux soient dûment enregistrés, fassent l’objet d’enquêtes et soient réprimés, et à ce que les victimes bénéficient d’une assistance, d’une protection et d’une indemnisation appropriées. En juin, le Conseil de l’UE a demandé de multiplier les efforts pour contrer les formes extrêmes d’intolérance telles que le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie et l’homophobie. En mai, le Commissaire Muižnieks du CdE a appelé à une formation systématique et continue des policiers, des procureurs et des juges, ainsi qu’à l’adoption de mesures efficaces visant à s’attaquer aux préjugés au sein des forces de l’ordre.

Les propos racistes répétés visant une ministre noire en Italie ont incité dix-sept ministres de l’UE à signer, en septembre, une déclaration condamnant l’intolérance et l’extrémisme.

Des politiciens britanniques et les autorités catalanes (Espagne) ont proposé d’interdire le port du voile intégral musulman, et les électeurs de Ticino, en Suisse (pays non membre de l’UE), ont approuvé son interdiction lors d’un référendum organisé en septembre. En novembre, la CEDH a entendu la cause d’une femme qui s’opposait à l’interdiction française de dissimuler son visage dans l’espace public, invoquant comme motif que cette interdiction violait son droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que sa liberté de religion et d’expression.

Une enquête publiée en mai par l’Agence des droits fondamentaux (FRA) a révélé que 47 pour cent des personnes LGBT interrogées avaient été victimes de discrimination ou de harcèlement au cours des douze mois écoulés, 25 pour cent déclarant avoir été attaquées ou menacées de violence au cours des cinq dernières années. Une enquête de la FRA a signalé en novembre que 21 pour cent des personnes juives interrogées avaient fait l’objet d’insultes antisémites ou de harcèlement au cours des 12 mois précédant l’enquête, 2 pour cent faisant état d’une agression physique au cours de la même période.

Les Roms sont en proie à la discrimination et à la misère sur tout le territoire de l’UE. En juin, la CE a formulé des recommandations visant à orienter les États membres dans la mise en œuvre effective de leurs stratégies d’intégration des Roms. En septembre, le ministre français de l’Intérieur a déclaré que la plupart des Roms ne souhaitaient pas s’intégrer, tandis que des nouvelles rapportaient que la police suédoise tenait des registres illégaux de Roms. En octobre, des allégations qui se sont révélées non fondées selon lesquelles des enfants blonds aux yeux bleus avaient été enlevés par des familles roms en Grèce et en Irlande ont incité le Commissaire Muižnieks du CdE à mettre en garde contre toute couverture médiatique irresponsable.

En février, le Portugal est devenu le premier pays de l’UE à ratifier la Convention du CdE sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. L’Italie lui a emboîté le pas en septembre.

En novembre, la CEDH a jugé que l’exclusion des couples de même sexe des unions civiles en Grèce violait les normes antidiscriminatoires et le droit au respect de la vie privée et familiale.

Lutte contre le terrorisme

Dans sa première décision sur la complicité européenne dans les restitutions organisées par la CIA, la CEDH a établi  en décembre 2012 que, d’une part, la Macédoine avait violé l’interdiction de la torture et les droits à la liberté et à la sécurité, à un recours effectif et au respect de la vie privée et familiale du citoyen allemand Khaled el-Masri en l’ayant placé illégalement en détention en 2003 et transféré aux autorités américaines, et que d’autre part, les autorités macédoniennes avaient failli à leur obligation de mener une enquête effective sur ses accusations de mauvais traitements.

Des affaires similaires concernant des détenus de Guantanamo, à savoir Abu Zubaydah contre la Pologne et la Lituanie et Abd al-Rahim al-Nashiri contre la Pologne et la Roumanie, étaient en instance devant la CEDH au moment de la rédaction du présent rapport. Le Commissaire Muižnieks du CdE et le Parlement européen ont réitéré, respectivement en septembre et en octobre, leurs appels à une obligation de rendre des comptes pour la complicité européenne et à une coopération américaine dans les enquêtes.

En septembre, le PE a ouvert une enquête sur l’impact du programme de surveillance de l’Agence américaine de sécurité nationale (NSA) sur la vie privée des citoyens de l’UE. Le PE devrait adopter des conclusions et des recommandations sur cette question en janvier 2014.

La politique étrangère de l’UE

Bien que certaines initiatives positives aient été entreprises au cours de l’année 2013, dont la création du Fonds européen pour la démocratie et deux nouvelles séries de lignes directrices de l’Union européenne (UE) sur les droits des LGBT et la liberté de religion et de conviction, les États membres de l’UE et les institutions européennes ont été incapables de faire preuve de la même vitalité et de reproduire les efforts conjugués mis en œuvre à la veille de l’adoption par les ministres des Affaires étrangères de l’UE, en juin 2012, du Cadre stratégique de l’UE en matière de droits de l’homme et de démocratie. 

En dépit des appels du Parlement européen en ce sens, il reste encore aux 28 États membres de l’UE et aux institutions de l’Union à exploiter l’effet de levier qu’ils pourraient générer ensemble et à s’unir derrière un message commun et une démarche commune sur la question des droits humains face à des partenaires stratégiques tels que la Russie et la Chine. Certes, la haute représentante de l’UE a bien exprimé certaines préoccupations dans des déclarations, mais une réponse européenne collective, fondée sur des principes, qui permettrait d’inscrire avec détermination les préoccupations de l’UE en matière de droits humains aux plus hauts niveaux des dialogues politiques et des discussions publiques avec la Russie et la Chine, fait encore défaut.

L’UE dans son ensemble est restée le plus important bailleur de fonds humanitaire dans le cadre de la crise syrienne. Néanmoins, en dépit de l’attachement déclaré de l’Union à la Cour pénale internationale (CPI) et à la justice pour les crimes graves, la haute représentante de l’UE n’a pas assuré un discours et une stratégie collectifs forts de l’UE qui renforceraient les chances de saisine de la CPI pour les crimes perpétrés en Syrie. Vingt-sept États membres de l’UE—tous hormis la Suède—se sont joints à une initiative pilotée par la Suisse appelant le Conseil de sécurité des Nations Unies à déférer la situation en Syrie à la CPI.

En réaction à l’occupation du nord du Mali par des groupes islamistes armés, la France a pris l’initiative de répondre à la demande d’assistance militaire émise par le président malien en lançant l’Opération Serval en janvier. Vers la fin janvier, l’UE a mis sur pied une mission chargée de former et de conseiller les forces de sécurités maliennes, avec une composante spécifique sur les droits humains et le droit international humanitaire.

L’année 2013 a marqué le début d’une nouvelle ère dans les relations entre l’UE et la Birmanie. En avril, l’UE a levé toutes les sanctions ciblées visant les entités et personnalités de l’armée et du gouvernement birmans, à l’exception de son interdiction d’exporter des armes. Un Cadre global pour la politique de l'Union européenne et son soutien à la Birmanie a ensuite été approuvé par les ministres des Affaires étrangères de l’UE en juillet. En juillet également, le Parlement européen a adopté une résolution condamnant « les graves violations des droits de l'homme et la violence perpétrée contre les musulmans Rohingyas en Birmanie / au Myanmar ». La CE a alloué 14,5 millions d’euros à la Birmanie en assistance humanitaire en plus des 5,5 millions d’euros qu’elle avait alloués en décembre 2012. Les états de Rakhine et de Kachin, ainsi que les zones frontalières de l’est, sont demeurés lespriorités pour l’aide humanitaire. L’UE a continué de parrainer des résolutions cruciales sur la Birmanie au Conseil des droits de l’homme et à l’Assemblée générale de l’ONU.

En juin, les droits humains semblent avoir été laissés en marge de la réunion ministérielle qui a eu lieu au Bahreïn entre l’UE et le Conseil de coopération du Golfe. En dépit des appels répétés du PE et de la société civile pour qu’ils agissent en ce sens, la haute représentante de l’UE et les États membres de l’UE ont omis de peser de leur poids collectif pour pousser activement et publiquement à la libération immédiate et sans condition de militants bahreïnis emprisonnés, dont trois qui possèdent à la fois la nationalité bahreïnie et celle d’un État membre de l’UE.

Au cours de l’année 2013, l’UE a semblé souffrir d’une absence de politique pour garantir des améliorations dans des pays où la répression des droits humains est systématique, tels que l’Éthiopie, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, les EAU et l’Arabie saoudite.

L’UE a déployé des approches différentes, parfois incohérentes, sur les questions des droits humains en Asie centrale, dans le Caucase et dans les États d’Europe de l’est non membres de l’UE. En 2013, l’UE a suspendu l’interdiction de visa imposée en 2011 à l’encontre du ministre biélorusse des Affaires étrangères, lui permettant de se rendre à Bruxelles en juillet pour la première visite de haut niveau d’un responsable biélorusse depuis 2010. Parallèlement, tout au long de l’année, l’UE a réitéré comme condition à une réouverture du dialogue le respect par la Biélorussie des critères de l’UE en matière de droits humains, notamment la libération immédiate des prisonniers politiques.

Problèmes de droits humains dans certains États membres de l’UE

Allemagne

Tout au long de l’année 2013, des demandeurs d’asile et des réfugiés ont lancé des mouvements de protestations et des grèves de la faim contre les conditions dans les centres d’accueil et contre les restrictions à la liberté de circulation et à l’accès au marché du travail.

Le procès d’un membre présumé d’une cellule néonazie accusé d’avoir assassiné neuf immigrés et une policière, et de quatre complices présumés, a débuté en mai. Une commission d’enquête fédérale a émis des recommandations en août préconisant une amélioration des pratiques de la police allemande, entre autres une attention accrue aux crimes haineux, une plus grande diversité au sein de la police et une formation des policiers qui met davantage l’accent sur les droits humains. Le parlement a rejeté des projets de loi visant à alourdir les peines pour les crimes à caractère raciste, ainsi qu’un projet de loi visant à faire des crimes haineux une catégorie spécifique.

En avril, le Bade Wurtemberg a émis un décret exigeant des évaluations individuelles des risques avant de renvoyer les Roms, les Ashkalis et les Égyptiens au Kosovo, mais ce land a expulsé 127 personnes en avril et 90 personnes vers la Serbie et la Macédoine en juillet. Au moins trois länder allemands ont continué de renvoyer par la force au Kosovo des Roms, des Ashkalis et des Égyptiens sans procéder à des évaluations suffisantes des risques et en dépit des craintes exprimées quant à la discrimination et aux mesures d’intégration insuffisantes lors de leur retour.

L’Institut allemand des droits humains a signalé en juin que le profilage ethnique était une pratique policière courante, en particulier dans les principales stations de transports en commun à des fins de contrôle de l’immigration, et il a recommandé des réformes juridiques et politiques.

Bien que certaines fuites d’informations aient laissé entendre le contraire, le gouvernement a démenti les allégations selon lesquelles les services de renseignement et de police allemands avaient tiré parti de la technologie américaine de surveillance massive et collaboré avec les agences de renseignement américaines.

En septembre, l’Allemagne a ratifié la Convention de l’OIT sur les travailleurs domestiques. En décembre 2012, le parlement a adopté un projet de loi précisant que les parents avaient le droit de faire circoncire leurs fils pour des motifs religieux tout en respectant certaines normes médicales.

 

Croatie

La Croatie a rejoint l’UE en juillet sur fond de problèmes persistants sur le plan des droits humains. En mars, la CE a demandé une amélioration de l’efficacité de l’appareil judiciaire, la répression des crimes de guerre devant des tribunaux nationaux, ainsi que la protection des minorités.

Les poursuites pour crimes de guerre aux niveaux national et international ont continué. En janvier, un tribunal local a ordonné à l’État d’indemniser les enfants de victimes serbes pour l’attaque menée sur Varivode lors de « l’Opération Tempête » en 1995.

Les retours volontaires en Croatie ont augmenté, avec 358 retours au cours des cinq premiers mois contre 132 pour toute l’année 2012. La réinsertion des membres de la minorité serbe demeure problématique, avec une discrimination et une hostilité persistantes dans certaines régions du pays et des obstacles sur le plan du droit au logement. En novembre, le conseil municipal de Vukovar a interrompu l’application du bilinguisme à la suite de protestations contre les panneaux de signalisation en caractères cyrilliques.

Les Roms, en particulier les apatrides, se heurtent à des difficultés pour avoir accès aux services publics élémentaires, entre autres aux soins de santé, à l’assistance sociale et à l’éducation.

La Croatie a reçu peu de demandes d’asile—928 selon les chiffres datant de la mi-octobre—, les Syriens constituant le troisième plus grand groupe national. Pourtant, les centres d’accueil sont surpeuplés et selon certaines sources, certains demandeurs d’asile auraient été placés dans des centres de rétention fermés. La protection des enfants non accompagnés demeure problématique, leurs tuteurs peu formés se trouvant généralement loin des centres où les enfants sont placés, souvent dans des logements inadaptés.

Le droit de vote des personnes souffrant d’un handicap mental ou intellectuel a été rétabli en décembre 2012. Des propositions visant à supprimer la tutelle légale dont bénéficient à part entière des milliers de personnes permettraient encore aux tribunaux de restreindre fortement la capacité juridique. La mise en œuvre en 2011 d’un plan de désinstitutionalisation pour les personnes souffrant d’un handicap mental ou intellectuel a progressé lentement, avec deux projets amorcés en mai et visant quelque 400 personnes, mais près de 9 000 personnes restent placées en institution.

Suite à un jugement prononcé par la Cour suprême en décembre 2012, la  journaliste turque Vicdan Özerdem a été libérée immédiatement et est retournée en Allemagne où elle bénéficie de l’asile politique. Özerdem avait été arrêtée à la mi-2012 en vue de son extradition vers la Turquie où elle est recherchée pour terrorisme, suscitant de nombreuses critiques internationales.

Espagne

En janvier, le rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, Mutuma Ruteere, s’est inquiété de l’aggravation de la situation des migrants, entre autres du chômage, des restrictions à l’accès aux soins de santé et de la ségrégation de facto des quartiers de migrants, ainsi que du sentiment anti-Roms. En octobre, le Commissaire Muižnieks du CdE a exprimé sa préoccupation à propos de l’impact des coupes budgétaires sur les groupes vulnérables tels que les enfants et les personnes souffrant d’un handicap, et à propos de l’impunité dont jouissent les fonctionnaires de police pour les mauvais traitements et les actes de torture infligés.

Rejetant un projet de loi promu par la société civile en faveur d’une annulation de la dette hypothécaire, le parlement a adopté des réformes limitées en mai pour s’attaquer à la crise du logement. Ces réformes améliorent la révision judiciaire des contrats hypothécaires, faisant suite à un jugement rendu en mars par la Cour de justice de l’Union européenne selon lequel la loi en vigueur violait les règles de l’UE en matière de protection des consommateurs, elles prolongent légèrement le moratoire sur les expulsions et incluent des mesures visant à alléger la dette hypothécaire.

En mai, le médiateur national a appelé la police à introduire des formulaires de contrôle enregistrant l’origine ethnique, la race et/ou la nationalité ainsi que le motif du contrôle d’identité. En juin, le représentant du gouvernement central à Lleida, en Catalogne, a déclaré que la police appliquait des critères ethniques lorsqu’elle effectuait des contrôles liés à l’immigration.

En octobre, un juge argentin a exercé la compétence universelle et demandé l’extradition de deux ex-responsables du régime franquiste pour des actes de torture. En novembre, le Comité de l’ONU sur les disparitions forcées a instamment demandé à l’Espagne d’ouvrir une enquête sur toutes les disparitions forcées indépendamment de leur date de perpétration, et il a conclu que la détention au secret violait l’interdiction de ce type de détention prévue aux termes de la Convention de l’ONU sur les disparitions forcées.

En février, la Cour suprême espagnole a annulé l’ordonnance édictée par la ville de Lleida, en Catalogne, interdisant le port du voile intégral, stipulant qu’elle violait la liberté de religion. Le gouvernement régional a annoncé en juillet son intention d’interdire de se couvrir le visage en public pour des raisons de sécurité, tandis que selon certaines informations circulant en août,  la police catalane collectait des renseignements sur les femmes portant le voile intégral.

En avril, le CPT s’est inquiété des accusations de mauvais traitements infligés aux personnes soupçonnées de terrorisme et détenues au secret et aux personnes placées en garde à vue, ainsi que des conditions carcérales. Le comité a également critiqué l’atmosphère « de type carcéral » régnant dans les centres de rétention de migrants.

En octobre, la CEDH a confirmé son jugement de 2012 selon lequel la prolongation rétroactive des peines d’emprisonnement, limitant la possibilité de libération conditionnelle des personnes condamnées pour des délits liés au terrorisme, violait les normes de procès équitable. À la mi-novembre, 31 prisonniers—dont 24 membres de l’ETA —ont été libérés conformément à ce jugement.

En septembre, le Ministère de l’Intérieur a signalé que près de 3 000 migrants avaient tenté de pénétrer dans l’enclave espagnole de Melilla depuis janvier, soit près de deux fois plus qu’au cours de la même période en 2012. Plus de trois quarts de ces migrants ont été empêchés d’entrer, sur fond d’accusations selon lesquelles les forces de l’ordre espagnoles avaient renvoyé sommairement les migrants au Maroc, les exposant aux brutalités de la police marocaine.

 

France

Le Centre européen pour les droits des Roms et la Ligue des droits de l’homme ont signalé que plus de 13 400 Roms avaient été expulsés de campements sauvages entre janvier et septembre, contre 9 400 pour toute l’année 2012. En août, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a qualifié les notifications massives d’expulsion de « harcèlement administratif » des Roms et elle a invité le gouvernement à suspendre les évacuations de bidonvilles et de squats en l’absence de solution alternative adéquate de relogement et à respecter les règles de l’UE en matière de libre circulation.

En octobre, la CEDH a jugé que la France avait violé le droit d’un groupe de gens du voyage français au respect de la vie privée et familiale en ordonnant leur évacuation d’un terrain qu’ils occupaient depuis de nombreuses années.

Lors de son Examen périodique universel en juin, la France a accepté les recommandations visant à mettre un terme au profilage ethnique, et a annoncé des modifications au code d’éthique de la police et de la gendarmerie. Aucune mesure supplémentaire n’a été prise pour mettre fin aux contrôles d’identité discriminatoires. En octobre, un tribunal parisien a statué à l’encontre de plaignants qui affirmaient être victimes de profilage ethnique, arguant que les normes antidiscriminatoires n’étaient en l’occurrence pas applicables.

En mai, le Comité des disparitions forcées de l’ONU s’est inquiété du fait que l’absence de recours suspensif pour les demandes d’asile placées en procédure prioritaire créait la possibilité de renvoyer le demandeur vers un pays où il risquait de faire l’objet d’une disparition forcée. Il a également exprimé sa préoccupation quant au recours trop fréquent à la garde à vue en France.

En juillet, des émeutes ont éclaté à Trappes, en banlieue parisienne, après que la police eut interpellé une femme portant un voile intégral. Un adolescent de 14 ans a perdu un œil suite apparemment à un tir de flash-ball par la police. Des associations de défense des droits humains ont fait état d’une augmentation du nombre d’agressions à l’encontre de musulmans, en particulier de femmes.

En avril, le Défenseur des droits a exprimé sa préoccupation à propos des quelque 3 000 enfants migrants isolés présents à Mayotte, un département français d’outremer, dont des centaines qui sont livrés à eux-mêmes.

En juillet, le parlement a abrogé le délit d’offense au Président de la République suite à un jugement de la CEDH en mars qui établissait que ce délit violait la liberté d’expression.

Le parlement a légalisé le mariage pour couples de même sexe en avril. SOS Homophobie,  une association à but non lucratif qui a pour objet de lutter contre la discrimination et la violence homophobes, a enregistré 3 200 témoignages d’incidents homophobes de janvier à novembre, contre 2 000 pour toute l’année 2012. En mai, le gouvernement a promis de commencer à publier des statistiques sur les violences homophobes en 2014.

En août, une nouvelle loi a instauré dans le code pénal le crime de « réduction en esclavage », criminalisant également le travail forcé, la réduction en servitude et l’exploitation de personnes réduites en esclavage.

Dans deux affaires séparées, la CEDH a jugé en septembre et en novembre que le renvoi au Sri Lanka par la France d’un demandeur d’asile tamoul débouté et le renvoi en République démocratique du Congo d’un ressortissant congolais enfreindraient l’interdiction de la torture.

Sur fond d’interception massive de données par les agences de renseignement américaine et britannique, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a rejeté les accusations parues dans un article du Monde en juillet selon lesquelles les services de renseignement français collectaient systématiquement des données sur les communications en France. Au moment où ces lignes ont été écrites, le parlement examinait un projet de loi visant à accroître modérément la surveillance des agences de renseignement.

Grèce

La troisième année de crise économique en Grèce a été marquée par l’incertitude politique.  En mai, l’expert indépendant de l’ONU sur la dette extérieure et les droits de l’homme a mis en garde contre le fait que les conditions de sauvetage financier minaient les droits humains. La fermeture soudaine de la radio-télévision publique nationale grecque en juin a soulevé des inquiétudes quant à la liberté des médias et donné lieu à un remaniement gouvernemental.

En dépit de la création en janvier d’unités de police antiracisme et de quelques arrestations, les attaques contre les migrants et les demandeurs d’asile se sont poursuivies, un réseau d’ONG ayant répertorié 104 incidents de janvier à la fin août. Les agressions contre les LGBT semblent s’être multipliées. En septembre, le médiateur grec a prévenu que les violences racistes et l’impunité pour les responsables portaient atteinte à la cohésion sociale et à l’État de droit. En novembre, le gouvernement a déposé un projet de loi visant à sanctionner les propos haineux et l’incitation à la violence, omettant de remédier aux problèmes constatés dans la législation et la pratique en vigueur en matière de violence raciste. En novembre, dans le premier cas connu de condamnation depuis l’application de la loi en 2008, deux personnes ont été jugées coupables de délits aggravés par des motivations raciales.

Le meurtre d’un militant antifasciste poignardé par un membre présumé d’Aube dorée en septembre à Athènes a déclenché une répression à l’égard du parti et l’arrestation du dirigeant du parti et de cinq parlementaires pour conduite d’organisation criminelle. Une enquête policière interne a établi en octobre que 10 policiers grecs étaient liés à Aube dorée.

En novembre, deux membres d’Aube dorée ont été assassinés devant un local du parti à Athènes et un troisième homme a été grièvement blessé. Au moment de la rédaction du présent rapport, aucune arrestation n’avait été opérée.

En avril, trois contremaîtres grecs ont été arrêtés après avoir tiré sur 100 à 200 cueilleurs de fraises bangladeshis qui réclamaient leurs salaires non payés. Les 35 blessés se sont vu octroyer des visas humanitaires tandis que les contremaîtres et le propriétaire de l’exploitation agricole se trouvaient en détention provisoire au moment où étaient écrites ces lignes.

En juillet, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida a exprimé son inquiétude après que le gouvernement eut réintroduit une réglementation en matière de santé utilisée dans le passé pour justifier la détention de travailleurs présumés du sexe et leur soumission au dépistage forcé du VIH. Une loi séparée autorisant la police à placer en détention des étrangers pour des motifs de santé publique trop généraux était encore en vigueur.

En octobre, la CEDH a jugé que la non-condamnation par la Cour suprême grecque d’une entreprise privée qui avait licencié un employé parce qu’il était séropositif était constitutive d’une violation de son droit à la protection contre toute discrimination ainsi que de son droit au respect de la vie privée.

Les mesures de sécurité accrues le long de la frontière terrestre avec la Turquie ont réorienté les flux de migrants clandestins et de demandeurs d’asile, dont des Syriens, vers les îles de la Mer Égée. Les traversées maritimes ont été marquées par au moins dix morts. Le HCR a exprimé son inquiétude à propos des allégations de refoulement vers la Turquie, entre autres de personnes fuyant la Syrie.

Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, le rapporteur spécial de l’ONU François Crépeau, et le Commissaire Muižnieks du CdE ont critiqué les contrôles abusifs et les détentions arbitraires de migrants en situation irrégulière effectués dans le cadre de l’opération Xenios Zeus. Ils ont par ailleurs constaté les piètres conditions auxquelles sont confrontés les migrants et les demandeurs d’asile lors de leur détention souvent systématique et prolongée. Dans trois affaires séparées, la CEDH a condamné la Grèce pour traitements inhumains et dégradants lors de la détention d’immigrants. En août, une émeute de détenus a éclaté au centre de rétention d’Amygdaleza.

En juin, le nouveau service d’asile a commencé à traiter les demandes à Athènes mais l’accès à l’asile dans le reste du pays, et en rétention, demeure difficile. Les données publiées en 2013 montrent que la Grèce a enregistré le taux de protection le plus bas de l’UE en première instance (0,9 pour cent en 2012).

En mai,  la CEDH a jugé pour la troisième fois depuis 2008 que la ségrégation des élèves roms dans les écoles grecques était constitutive de discrimination. Le Commissaire Muižnieks du CdE a fait part de sa préoccupation quant aux informations persistantes faisant état de mauvais traitements infligés à des Roms par les forces de l’ordre. Au cours des neuf premiers mois de 2013, la police grecque a mené 1 131 opérations dans des campements roms à travers le pays, suscitant des inquiétudes quant au profilage ethnique.

En mars, le Comité de l’ONU pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) a exprimé sa préoccupation à propos de la réaction de la Grèce face à la violence faite aux femmes, notant l’absence de données statistiques, et il a vivement recommandé aux autorités de faire en sorte que les victimes aient accès à des moyens immédiats de réparation et de protection et que les auteurs des violences soient poursuivis et punis.

Hongrie

Les changements juridiques introduits par le gouvernement ont continué de menacer l’État de droit et d’affaiblir les protections en matière de droits humains. Les modifications apportées à la constitution en mars ont davantage encore compromis l’indépendance de l’appareil judiciaire, privé la Cour constitutionnelle de pouvoirs importants, et introduit plusieurs dispositions juridiques jugées auparavant inconstitutionnelles. 

En dépit des modifications fragmentaires apportées aux lois sur les médias en mars, la principale instance de régulation des médias, le Conseil des médias, continue à manquer d’indépendance politique. Les amendes qui peuvent être infligées aux journalistes restent excessives et les critères de réglementation du contenu restent imprécis. En mars, la station d’information indépendante Klubradio a pu renouveler sa licence après quatre décisions judiciaires en sa faveur.

En réaction aux critiques internationales, dont un avis détaillé de la Commission de Venise du CdE et un rapport accablant du PE mettant en avant son inquiétude, à propos entre autres de l’indépendance du système judiciaire, du statut juridique des Églises et de la publicité politique, le gouvernement a procédé, en septembre, à quelques changements superficiels dans la constitution qui n’ont pas mis fin à la discrimination à l’encontre de certains groupes religieux et n’ont que partiellement remédié aux restrictions visant la publicité politique dans les médias privés.

Les Roms continuent à être victimes de discrimination et de harcèlement. Le maire d’Ozd, une ville du nord du pays, a coupé l’approvisionnement en eau publique des campements roms, affectant quelque 500 familles. En janvier, la CEDH a jugé que la Hongrie avait soumis deux élèves roms à une discrimination en les inscrivant dans l’enseignement spécial et en juillet, elle a confirmé l’interdiction prononcée par un tribunal hongrois à l’encontre de la Garde hongroise, un groupe anti-Roms et antisémite. En août, un tribunal de Budapest a condamné quatre hommes pour le meurtre de six Roms, dont un enfant, commis lors d’attaques racistes en 2008 et 2009.

L’antisémitisme demeure un problème. La police enquête sur l’agression perpétrée en avril contre le président de l’Association Raoul Wallenberg après un match de football au cours duquel des supporters avaient scandé le slogan nazi Sieg Heil.

En mars, le Comité CEDAW de l’ONU a vivement recommandé aux autorités hongroises de renforcer les protections juridiques des victimes de violence domestique et d’accroître le nombre de places dans les centres d’accueil. Le délit de violence domestique introduit en juillet a instauré des peines plus sévères et étendu le champ des poursuites pénales mais il exclut les partenaires non cohabitants qui n’ont pas d’enfants communs et n’est applicable qu’en cas de violences répétées. En septembre, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU a demandé à la Hongrie d’abroger une disposition de la constitution restreignant le droit de vote des personnes placées sous tutelle et de réinscrire six de ces personnes sur les listes électorales.

En juillet, le gouvernement a réinstauré la détention pour les demandeurs d’asile pour des motifs trop généraux. En octobre, le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a instamment demandé à la Hongrie d’adopter des mesures efficaces pour prévenir la détention arbitraire des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière. De janvier à fin août, 15 069 personnes, dont 588 Syriens, avaient demandé l’asile, soit une augmentation considérable par rapport aux 1 195 demandes introduites l’année dernière au cours de la même période.

En septembre, le parlement a adopté une loi permettant aux autorités locales de criminaliser le sans-abrisme, le rendant passible d’amendes, de travaux d’intérêt général, voire de prison.

Italie

Plus de 35 000 personnes ont rejoint l’Italie par voie maritime entre janvier et octobre, ce qui constitue une augmentation significative par rapport à l’année précédente ; plus d’un quart étaient des Syriens. Des informations ont fait état de l’ordre donné par l’Italie aux navires commerciaux de ramener les migrants secourus en mer dans des ports situés en Libye s’ils se trouvaient être plus près de ces ports, suscitant des questions à propos du refoulement. 

Après plusieurs prolongations, le plan d’urgence pour l’Afrique du Nord relatif à l’accueil des migrants, lancé en 2011 lors du conflit libyen, a officiellement pris fin le 31 mars, et les centres d’accueil d’urgence ont été fermés. Les demandeurs d’asile déboutés ont eu la possibilité de réintroduire une demande ou de recevoir un permis de séjour d’un an et 500 euros ; beaucoup sont partis ailleurs en Europe. En septembre, le gouvernement a annoncé une augmentation du nombre de places dans les centres d’accueil spécialisés  pour demandeurs d’asile et réfugiés, passant de 3 000 à 16 000 places. En juillet, le HCR, qui a salué cette démarche, a souligné le besoin d’une réforme complète du système d’accueil afin d’améliorer les mesures de soutien aux réfugiés largement insuffisantes.

En avril, le rapporteur spécial de l’ONU François Crépeau a critiqué le système italien de rétention des migrants, notamment les conditions déplorables et l’accès inadapté à la justice. Les détenus ont mené des mouvements de protestation dans plusieurs centres, entre autres à la suite du décès d’un Marocain dans le centre de Crotone au mois d’août. Crépeau a réitéré son inquiétude au sujet des renvois expéditifs automatiques vers la Grèce, et à propos des protections insuffisantes prévues dans les accords de « renvoi rapide » conclus avec la Tunisie et l’Égypte. Crépeau et le HCR ont appelé l’Italie à mettre en place une procédure efficace de détermination de l’âge afin de garantir que les enfants jouissent des protections appropriées.

Trois experts de l’ONU ont exprimé leur inquiétude quant à l’expulsion illégale de Rome de l’épouse et de la fille de Mukhtar Ablyazov, un détracteur du gouvernement kazakh, au mois de mai, déclarant que cette expulsion s’apparentait à une « restitution extraordinaire ».  Reconnaissant l’implication inopportune des autorités kazakhes, le gouvernement a annulé l’ordre d’expulsion en juillet, mais la mère et la fille se trouvent toujours au Kazakhstan et leurs déplacements sont soumis à restrictions.

En novembre, un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a critiqué la surpopulation carcérale et les mauvais traitements infligés par la police et les carabiniers, en particulier aux étrangers.

En septembre, la chambre basse du parlement a approuvé un projet de loi visant à étendre les protections contre les crimes haineux aux lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT). Les organisations de LGBT ont critiqué un amendement apporté au projet de loi, qui doit être adopté par le Sénat, exonérant une série d’organisations de toute responsabilité pénale pour des propos haineux.

En février, une cour d’appel a condamné trois ressortissants américains, dont un ex-chef de bureau de la CIA à Rome, pour leur rôle dans l’enlèvement en 2003 d’un religieux égyptien à Milan, annulant le verdict d’immunité diplomatique rendu par une juridiction inférieure. Séparément, la cour a reconnu coupables cinq agents des services de renseignement italiens dont l’implication avait été tenue secrète.

En janvier, l’Italie est devenue le premier pays de l’UE à ratifier la Convention de l’OIT concernant un travail décent pour les travailleurs domestiques. En octobre, le parlement a converti en loi un décret gouvernemental du mois d’août créant de nouvelles mesures contre la violence domestique et le harcèlement, notamment des peines plus sévères dans certains cas, ainsi que des visas humanitaires pour les victimes sans papiers. En septembre, l’experte de l’ONU Joy Ngozi Ezeilo a appelé le gouvernement à veiller à l’application d’une approche nationale à l’égard de toutes les formes de traite d’êtres humains, y compris à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle.

Pays-Bas

Les préoccupations concernant la politique d’immigration et d’asile persistent. En juin, le Comité de l’ONU contre la torture (CCT) a exprimé son inquiétude à propos de la rétention au-delà du délai légal de 18 mois de demandeurs d’asile mineurs non accompagnés et de familles avec des enfants dont l’âge doit encore être déterminé, ainsi qu’à propos des conditions et du traitement pendant la rétention. Le comité a recommandé l’utilisation effective d’alternatives à la rétention. À Rotterdam et à l’aéroport de Schiphol, des détenus ont mené des grèves de la faim en mai pour protester contre le piètre traitement auquel ils étaient soumis.  

Au moment où sont écrites ces lignes, le parlement procède à l’examen d’un projet de loi visant à rendre un séjour irrégulier passible d’amendes pouvant atteindre 3 900€ et d’une peine de prison pouvant atteindre les six mois pour les récidivistes. Le Ministère de la Sécurité et de la Justice a fixé comme objectif pour la police 4 000 arrestations de migrants en situation irrégulière au cours de l’année.

Depuis le mois de juin, les demandeurs d’asile mineurs non accompagnés font l’objet d’une procédure accélérée ; ceux qui sont âgés de plus de 16 ans et dont les demandes d’asile ont été rejetées peuvent être renvoyés immédiatement à moins qu’une prise en charge adéquate ne puisse leur être assurée dans leur pays d’origine ou que l’enfant ne soit pas en mesure de subvenir à ses besoins. Le médiateur néerlandais des droits de l’enfant s’est inquiété du fait que la procédure ne tenait pas suffisamment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le gouvernement a reconnu en avril que près de 300 personnes avaient été classées erronément dans la catégorie des « expulsables » alors qu’elles étaient en instance d’appel pour leur demande d’asile, dont un Russe qui s’est suicidé en janvier alors qu’il était en rétention dans l’attente de son expulsion. En septembre, le gouvernement a annoncé des mesures visant à réduire la durée de la rétention des demandeurs d’asile.

En septembre, le gouvernement a octroyé la résidence permanente à 620 enfants (et 690 membres de leurs familles) qui vivaient aux Pays-Bas depuis au moins cinq ans et avaient introduit une demande d’asile, soit moins de la moitié des candidats au programme.

Fin 2012, les Pays-Bas ont décidé qu’ils pouvaient expulser les demandeurs d’asile somaliens déboutés mais tout au long de l’année 2013, les appels interjetés devant des tribunaux ont suspendu les expulsions. En septembre, peu après que la CEDH eut jugé (dans une affaire impliquant la Suède) que l’amélioration de la sécurité dans la capitale somalienne permettait le renvoi des demandeurs d’asile, le gouvernement a commencé à procéder aux renvois. En novembre, un Somalien a été blessé dans une explosion à Mogadishu trois jours après son expulsion des Pays-Bas.

Au moment où ont été écrites ces lignes, le Sénat examinait un projet de loi, déjà voté par la chambre basse en février, visant à supprimer le critère de la chirurgie de réattribution sexuelle pour les personnes transgenres qui souhaitent de nouveaux documents d’identité.

Pologne

L’enquête entamée il y a cinq ans sur les détentions secrètes de la CIA en Pologne s’est poursuivie sur fond de manque de transparence. En novembre, le Comité de l’ONU contre la torture a recommandé à la Pologne de conclure l’enquête dans un délai raisonnable. Selon certaines informations qui ont circulé au début de l’année, les charges, jamais confirmées officiellement, pesant contre l’ex-chef des services de renseignement polonais, allaient être abandonnées. En octobre, dans le cadre de cette affaire, le procureur général a accordé le statut de victime à un ressortissant yéménite détenu à Guantanamo.

En janvier, une cour d’appel a acquitté l’éditeur du site web tykomor.pl inculpé pour diffamation à l’encontre du président. Sa condamnation en première instance en septembre 2012 avait incité l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe à appeler à la dépénalisation de la diffamation en Pologne.

En février, la CEDH a estimé que la Pologne violait l’interdiction de traitements inhumains et dégradants en détenant un paraplégique dans une prison non adaptée aux personnes souffrant d’un handicap.

Au moment de la rédaction du présent rapport, le Parlement examinait un projet de loi visant d’une part à protéger contre toute discrimination liée à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, et d’autre part à élargir la définition légale du harcèlement.

Le Sénat examinait un projet de loi visant à créer un établissement de haute sécurité pour les condamnés considérés comme une menace pour la vie, la santé ou la liberté sexuelle d’autres personnes ou pour les enfants.  Bien que le projet de loi prévoie certaines garanties, des préoccupations subsistent quant au fait que la mesure pourrait déboucher sur la détention illimitée d’individus ayant déjà purgé leur peine.

Roumanie

En janvier, la Commission européenne a conclu que la crise constitutionnelle de 2012 avait été évitée suite à la mise en œuvre de ses recommandations, mais elle a attiré l’attention sur la persistance de problèmes sur le plan de l’État de droit ainsi que sur le plan de l’indépendance et de la stabilité du système judiciaire, en partie dus à l’intimidation et au harcèlement des juges.

La discrimination et les expulsions forcées de Roms, à bref délai et sans logement alternatif, se poursuivent. En août, les autorités ont démoli 15 maisons dans le campement rom de Craica à Baia Mare. Au moment où sont écrites ces lignes, les 15 familles restantes du campement risquent l’expulsion. En septembre, les autorités locales d’Eforie Sud ont expulsé 100 Roms, dont 60 enfants. Également en septembre, le secrétaire d’État en charge des minorités a déclaré qu’il n’enverrait pas son enfant dans une école comptant de nombreux étudiants roms, alimentant les stéréotypes négatifs et justifiant la ségrégation dans l’éducation.

Royaume-Uni

Des ministres de premier plan ont régulièrement attaqué la loi sur les droits humains et la CEDH, et la Secrétaire d’État à l’Intérieur, Theresa May, a déclaré que s’il était réélu en 2015, le Parti conservateur abolirait cette loi et se retirerait peut-être de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’obligation de rendre des comptes pour les actes commis dans le cadre du contre-terrorisme et à l’étranger a enregistré un recul. Une loi adoptée en avril a prolongé la possibilité de tenir des audiences secrètes devant les tribunaux civils pour des raisons de sécurité nationale. Le gouvernement n’a pas mis sur pied de nouvelle commission d’enquête sur l’implication britannique dans les restitutions et actes de torture à l’étranger, et il n’a publié aucune partie du rapport intérimaire de la commission d’enquête Gibson qui avait tourné court.

En mai, le Comité de l’ONU contre la torture (CCT) a recommandé au Royaume-Uni de mener une enquête approfondie sur les accusations de torture et autres mauvais traitements infligés lors de l’intervention militaire britannique en Irak entre 2003 et 2009. Le même mois, la Haute Cour a déclaré qu’aucune enquête appropriée n’avait été menée sur la mort d’Irakiens détenus par le Royaume-Uni à l’exception d’un cas, et dans le cadre d’un deuxième jugement rendu en octobre, elle a ordonné l’ouverture d’enquêtes publiques sur les meurtres présumés d’Irakiens commis par les forces britanniques. Une enquête publique dirigée par un juge et examinant les tortures et exécutions présumées de jusqu’à 20 Irakiens par des soldats britanniques en Irak en 2004 a débuté en mars. En novembre, un tribunal militaire a jugé un marine britannique coupable du meurtre d’un prisonnier afghan blessé en septembre 2011 en Afghanistan.

Le religieux jordanien Abou Qatada a été extradé vers la Jordanie en juillet pour y répondre de chefs d’accusation de terrorisme en vertu d’un traité garantissant le droit à un procès équitable, mais des inquiétudes subsistaient quant à l’utilisation de preuves arrachées sous la torture.

Le mariage des couples de même sexe est devenu légal en juillet.

En novembre a débuté le procès de deux hommes accusés du meurtre brutal du soldat britannique Lee Rigby commis à Londres en mai. Les attaques à l’encontre de centres musulmans et islamiques, entre autres les incendies criminels, se sont multipliées au cours des mois qui ont suivi le meurtre de Rigby. À Londres, la police métropolitaine a enregistré, entre novembre 2012 et octobre 2013, une hausse de 51 pour cent de la criminalité antimusulmane par rapport à l’année précédente.

En juillet, le Comité CEDAW a recommandé au Royaume-Uni d’atténuer l’impact de la réduction des financements alloués aux services fournis aux femmes, en particulier aux femmes souffrant d’un handicap et aux femmes âgées. En septembre, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit au logement, Raquel Rolnik, a critiqué l’incidence des mesures d’austérité, relevant par ailleurs des témoignages relatifs à la discrimination au logement à l’encontre des communautés roms et de gens du voyage, des migrants et des demandeurs d’asile.

Les associations de défense des droits humains ont fait état d’une aggravation de la violence à l’égard des travailleurs domestiques migrants depuis que leur droit à changer d’employeur a été supprimé en 2012.

En septembre, les rapporteurs spéciaux de l’ONU sur la liberté d’expression et sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme ont réclamé des informations complémentaires à propos de la détention en août de David Miranda, le partenaire d’un journaliste du quotidien Guardian qui a rédigé des articles sur les programmes de surveillance américains, à l’aéroport d’Heathrow pendant neuf heures, soit le délai maximal autorisé en vertu de la loi antiterroriste britannique. Miranda a contesté la légalité de sa détention devant la Haute Cour en novembre. En octobre, le Premier Ministre David Cameron a spécifiquement mentionné le Guardian lorsqu’il a mis en garde contre le fait que le gouvernement pourrait prendre des mesures non précisées à l’encontre de journaux si ces derniers ne faisaient pas preuve de « responsabilité sociale » dans leurs articles relatifs à la surveillance de masse.

En mai, le CCT de l’ONU a appelé à un « cadre global pour la justice transitionnelle » en Irlande du Nord. Un groupe multipartite au sein de l’exécutif d’Irlande du Nord devait formuler des recommandations sur les questions controversées pour la fin de l’année.

En février, la Haute Cour a suspendu les expulsions de Tamouls vers le Sri Lanka dans l’attente d’un examen des orientations du tribunal de l’immigration sur le Sri Lanka. Les nouvelles orientations sur les pays datant de juillet reconnaissent que la torture, la corruption et la disponibilité de traitements de santé mentale au Sri Lanka constituent des facteurs importants, mais elles réduisent la catégorie de personnes dont les demandes d’asile sont susceptibles d’aboutir.