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Les Émirats arabes unis

Événements de 2012

La situation des droits humains s'est détériorée en 2012 dans les Émirats arabes unis (E.A.U.), où les autorités ont arbitrairement arrêté et expulsé des militants de la société civile, tout en harcelant et intimidant leurs avocats. En septembre, une société d'audit indépendante a relevé de sérieux problèmes dans la manière dont sont traités les travailleurs migrants sur le site du projet d'aménagement de l'île de Saadiyat à Abou Dabi, citant parmi les principales préoccupations le paiement de frais de recrutement illégaux.

Liberté d'association et d'expression

Les E.A.U. ont intensifié leur campagne visant à réduire au silence les critiques de leurs élites dirigeantes. Les autorités ont placé en détention 61 défenseurs des droits humains et militants de la société civile, sans même les inculper, prétextant qu'ils visaient à porter atteinte à la sécurité nationale. Les autorités ont détenu deux avocats renommés spécialisés dans les droits humains, Mohammed al-Roken et Mohammed al-Mansoori, et ont arrêté, intimidé et expulsé des avocats étrangers employés par le cabinet de conseil juridique émirien qui avait offert une assistance judiciaire aux détenus.

Tous ces détenus avaient des liens avec al-Islah, un groupe islamiste pacifique plaidant pour des réformes politiques dans les Émirats.

Toutefois, les limites imposées par les E.A.U. à la liberté d’expression ont aussi pris pour cible des personnes sans lien avec al-Islah. Le 16 juin, les Émirats ont expulsé vers la Thaïlande Ahmed Abd al-Khaleq, défenseur des droits de résidents apatrides appelés Bidounes. Les autorités le détenaient sans inculpation depuis le 22 mai et avaient menacé de le maintenir en prison indéfiniment s'il ne quittait pas les Émirats. Abd al-Khaleq fait partie d'un groupe de militants que le gouvernement avait précédemment fait emprisonner pendant plusieurs mois en 2011 pour avoir plaidé pacifiquement en faveur de réformes et posté sur internet des déclarations dans lesquelles ils critiquaient la politique du gouvernement et de ses dirigeants.

En février, des responsables des forces de sécurité ont convoqué pour interrogatoire des centaines de ressortissants syriens soupçonnés d'avoir participé à une manifestation devant le consulat de Syrie à Dubaï. Le gouvernement des E.A.U. a révoqué les permis de résidence d'environ 50 d'entre eux.

En novembre, les Émirats arabes unis ont adopté un décret fédéral relatif à la cybercriminalité qui prévoit des peines de prison pour toute une gamme d'activités politiques non violentes menées sur internet, de la critique des dirigeants des E.A.U. aux appels à participer à des manifestations non autorisées.

Torture, traitements inhumains et disparitions forcées

En juillet, les E.A.U. ont ratifié la Convention des Nations Unies contre la torture. Cependant cette adhésion aux obligations d'interdire, d'empêcher et de pénaliser la torture a eu lieu alors que des informations faisaient état de l'usage de la torture dans les installations de sécurité de l'État.

Un citoyen syrien, Abdulelah al-Jadani, a affirmé à Human Rights Watch que pendant 18 jours en mai 2011, des hommes qui se présentaient comme des agents de la Sécurité d'État l'avaient soumis à des tortures systématiques, en raison de ses liens présumés avec les violences politiques en Syrie. Il a indiqué qu'ils l'avaient frappé et fouetté, l'avaient maintenu de force dans des positions douloureuses et stressantes (« stress positions ») et l'avaient attaché à un mur par les bras et les jambes. Une juridiction des Émirats a ordonné sa libération en janvier 2012 mais a déclaré coupable de terrorisme un de ses amis, Musab Khalil Abood. Al-Jadani a indiqué que durant le temps qu'il avait passé avec Abood à la prison d'al-Wathba, où les autorités les avaient fait transférer après qu'ils eurent tous deux passé trois mois en isolement dans les locaux de la Sécurité d'État, Abood lui avait dit avoir été soumis aux mêmes traitements et méthodes de torture.

Les autorités des E.A.U. ont orchestré la disparition forcée d'au moins un prisonnier politique, Ahmed al-Suweidi, refusant de révéler où il se trouvait après avoir initialement prétendu l'avoir transféré à la prison al-Sader le 26 avril. Contrairement à d'autres détenus politiques qui étaient autorisés à appeler leurs familles à peu près régulièrement, al-Suweidi n'a pu le faire qu'une seule fois lors de sa détention, cinq mois après son arrestation. Le sort de la plupart de ces prisonniers est resté inconnu pendant toute la période de leur détention. Ils n'ont eu droit à aucune assistance juridique pendant ce temps et n'ont pu avoir que quelques entretiens téléphoniques, intermittents et surveillés, avec leurs familles. Le 6 septembre, des témoins qui ont vu six de ces prisonniers lors d'une audience de la Cour Suprême destinée à prolonger leur détention, ont affirmé qu'ils étaient apparus débraillés, hagards et bouleversés.

Le 12 juin 2012, un tribunal pénal de Dubaï a acquitté 13 membres de la police de Dubaï—un lieutenant-colonel, six lieutenants et six officiers subalternes—accusés d'avoir torturé trois détenus pakistanais pendant leur interrogatoire en 2010. L'un de ces détenus affirmait que les policiers l'avaient frappé à l’aine avec une barre métallique, puis l'avaient déshabillé entièrement et avaient étalé sur son corps du WD40, un lubrifiant industriel nocif pour la peau. Le tribunal a acquitté tous les officiers accusés de torture. Il a condamné cinq d'entre eux à un mois de prison pour « détention illégale » d'un homme mort en détention, mais ne les a pas considérés comme responsables des blessures ayant causé son décès.

Droits des travailleurs migrants

Selon des statistiques gouvernementales de 2011, les étrangers représentent plus de 88,5 % des habitants des Émirats arabes unis et beaucoup d'entre eux sont des travailleurs migrants pauvres. Les lois sur le parrainage en matière d'immigration accordent aux employeurs des pouvoirs extraordinaires sur la vie de ces travailleurs. Ceux-ci n'ont pas le droit de se syndiquer ou de négocier collectivement leurs conditions de travail et sont passibles de sanctions s'ils se mettent en grève. Bien qu'un salaire minimum soit prévu par la loi, le ministère du Travail ne l'a toujours pas mis en place.

À travers le pays, les abus consistent en des conditions de travail dangereuses, la mise sous séquestre des passeports, des salaires trop bas ou leur non-paiement, et ce malgré l'instauration en 2009 d'un système obligatoire de paiement électronique.

En septembre, PricewaterhouseCoopers (PwC), une société d'audit indépendante mandatée pour évaluer les conditions de travail sur l'île de Saadiyat, site d'un important projet de développement parrainé par le gouvernement et géré par la Tourism Development and Investment Company (TDIC) d'Abou Dabi, a fait état de constatations préoccupantes confirmant que des abus dans les conditions de travail étaient commis sur ce chantier: 75 % des travailleurs interrogés ont affirmé avoir versé un droit de recrutement et 77 % d'entre eux ont payé leur visa et leurs frais de transport—alors que selon la loi des E.A.U., ces coûts sont à la charge de l'employeur et la TDIC s'était engagée à les supprimer.

Les frais de recrutement, que les travailleurs mettent souvent des mois, voire des années, à rembourser, sont le principal facteur constitutif d'une situation de travail forcé. PwC a déclaré que la TDIC, maître d'œuvre d'un projet qui accueillera des antennes des musées du Louvre et Guggenheim, rencontrait « d'importantes difficultés » pour appliquer le droit du travail aux E.A.U., à cause de « pratiques et de normes bien établies dans le secteur du bâtiment et travaux publics dans cette région ».

Le code du travail des Émirats arabes unis exclut les employées domestiques de son champ d'application, ce qui les prive de protections fondamentales telles que la limitation du nombre des heures de travail et un jour de congé hebdomadaire. En mai, un journal local a obtenu la copie d'un nouveau projet de loi pour les employées domestiques. Ce projet, selon ce journal, prévoirait une journée de congé hebdomadaire, deux semaines de congés payés par an et 15 jours de congés de maladie rémunérés. Mais il renerait passible de poursuites et de sanctions pouvant aller jusqu'à six mois de prison et une amende de 100.000 dirhams (27.000 dollars) toute employée domestique qui divulguerait les « secrets » de son employeur. Le projet de loi prévoirait également l'imposition de lourdes peines aux personnes qui « encourageraient » une employée domestique à abandonner son travail ou lui offrirait un hébergement. Il n'a pas été précisé si cette dernière clause exclut les personnes qui recueilleraient une employée domestique fuyant des employeurs abusifs. Les autorités n'ont pas rendu public le projet de loi.

De nombreuses employées domestiques dans les E.A.U. souffrent du non-paiement de salaires, de la privation de nourriture, d’heures de travail excessivement longues, de confinement sur les lieux de travail et de sévices physiques et sexuels. Le contrat de travail modèle pour les employées domestiques, instauré en avril 2007, prévoit des « périodes de pause adéquates », mais ne limite pas le nombre d'heures de travail et ne comprend ni un congé hebdomadaire, ni le paiement d'heures supplémentaires, ni une indemnité en cas d'accident.

Droits des femmes

Aux E.A.U., les questions relatives au droit de la famille et au statut de la personne pour les musulmans sont soumises juridiquement aux interprétations de la loi islamique, sans possibilité pour la personne d’obtenir un jugement en vertu d’un code civil. La loi comporte des clauses discriminatoires à l'égard des femmes, notamment en accordant aux hommes un statut privilégié dans les questions de divorce, d'héritage et de garde des enfants. Les femmes des Émirats peuvent obtenir un divorce par la procédure dite khul’a (divorce sans faute) mais cela leur fait perdre leurs droits pécuniaires. Elles ne peuvent demander le divorce que dans des circonstances exceptionnelles. Les femmes ne peuvent hériter que d'un tiers du patrimoine, alors que les hommes ont droit à deux tiers.

La loi est également discriminante à l'encontre des femmes en ce qu'elle permet aux hommes émiriens, et à eux seuls, de pratiquer la polygamie en ayant jusqu'à quatre épouses et interdit aux femmes musulmanes, mais pas aux hommes, d'épouser des non-musulmans. En conséquence d'une proposition de 2011 visant à autoriser des femmes émiriennes mariées à des étrangers à transmettre leur nationalité à leurs enfants, le ministère de l'Intérieur a accordé la nationalité émirienne à plus de 2.000 enfants de femmes émiriennes en 2012 et a recensé un total de 5.000 personnes pouvant prétendre à cette nationalité.

Malgré l'existence de refuges et de lignes téléphoniques spéciales destinées à aider à protéger les femmes, la violence conjugale reste un problème omniprésent. Le code pénal donne aux hommes le droit de discipliner leurs femmes et leurs enfants, y compris en usant de la violence physique. La Cour suprême fédérale a confirmé le droit d'un mari de « réprimander » sa femme et ses enfants par la force physique.

Principaux acteurs internationaux

Des alliés essentiels tels que les États-Unis et le Royaume-Uni se sont abstenus de critiquer publiquement la répression par les E.A.U. de la liberté d'expression et de la société civile, même si les responsables américains affirment avoir soulevé la question en privé. En 2012, les États-Unis ont signé avec les E.A.U. un contrat de 3,48 milliards de dollars pour leur fournir un système de défense anti-missiles. En juin, des « sources industrielles » à Abou Dabi ont partiellement attribué à des critiques des E.A.U. parues dans la presse britannique la décision de ne pas inviter la compagnie britannique BP à soumissionner pour des concessions pétrolières prévues dans les Émirats pour 2014.