La guerre civile au Burundi a duré 16 ans. Elle a pris fin en avril 2009, lorsque le gouvernement et le dernier mouvement rebelle en activité, les Forces nationales de libération (FNL), ont trouvé un terrain d'entente sur un grand nombre de questions qui avaient jusque-là entravé la mise en application d'un accord de cessez-le-feu datant de septembre 2006. Les FNL ont déposé les armes pour devenir un parti politique. Leurs combattants et leurs dirigeants politiques ont été intégrés au sein du gouvernement et des forces de sécurité.
Plusieurs crimes et agressions pour des motifs politiques ont eu lieu au début de l'année 2009 et ont pour la plupart impliqué les sympathisants du parti à la tête du pays, le Conseil national pour la défense de la démocratie - Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD). Les cibles étaient des partisans des FNL et des autres partis d'opposition, en particulier le Front pour la démocratie du Burundi (Frodebu). Les avancées du processus de paix n'ont semble-t-il pas réussi à mettre un terme à ces violences, chaque parti cherchant à dominer le terrain politique en vue des élections générales prévues en 2010.
Progression des négociations de paix et démobilisation
Les négociations entre le gouvernement et les FNL, qui avaient repris en mai 2008 après une longue interruption, se sont accélérées au début de 2009. Le gouvernement a offert 33 postes politiques aux chefs des FNL (bien qu'au mois d'octobre 2009, seuls 24 avaient été concrètement proposés et pourvus), et les FNL sont devenues un parti politique officiel après avoir restitué environ 700 armes. Approximativement 3 500 membres des FNL ont été intégrés dans les forces de sécurité, et 5 000 adultes et 340 enfants soldats ont pris part aux programmes de démobilisation financés par la Banque mondiale. Dix mille « militants combattants » (hommes associés aux FNL mais n'ayant pas forcément pris part aux combats de manière régulière) et un millier de « femmes associées » ont bénéficié d'un petit « kit de réinsertion ».
Violences politiques
Malgré la progression du processus de paix, les violences politiques continuent. En janvier 2009, un militant du CNDD-FDD, Anthère Ntarundenga, de la province de Ngozi, a été tué. Deux membres des FNL ont été arrêtés, mais ont été remis en liberté provisoire selon les dispositions de l'accord de paix. En avril, dans le Bujumbura Rural, des membres des FNL ont abattu un membre de premier plan du CNND-FDD, Antoine Barensekera. La police a arrêté l'ancien administrateur de la commune d'Isale, membre du Frodebu, qui a été accusé d'avoir commandité l'assassinat. Au moment où nous rédigeons cet article, ce dernier attend son procès.
En février, les combattants des FNL ont tué un civil membre de leur propre groupe, Abraham Ngendakumana, après que ce dernier ait ouvertement critiqué la politique des FNL. Ils en ont également enlevé et torturé un autre, Jean-Baptiste Nsabimana, pour des raisons similaires, mais cette fois en janvier dernier. La police n'a pas donné suite à l'enquête, concluant à une « question interne aux FNL ».
Quatre membres du Frodebu ont été assassinés à Bujumbura, la capitale, entre janvier et avril. Trois d'entre eux étaient d'anciens combattants du CNDD-FDD qui avaient été recrutés par le Frodebu lors d'une cérémonie publique en janvier. Parmi eux, au moins deux ont été tués par d'autres anciens combattants en lien avec le CNDD-FDD et le Service national de renseignement (SNR). L'enquête policière n'a pas été conduite en bonne et due forme, et aucune arrestation n'a eu lieu. La quatrième victime appartenant au Frodebu a été Emmanuel Minyurano, personnalité locale qui était proche des FNL. La police et les tribunaux ont identifié un agent du SNR, Olivier Ndayishimiye, comme étant le principal suspect. Un mandat d'arrêt a été émis, sans qu'il soit suivi d'une arrestation. Des témoins ont affirmé à Human Rights Watch que Ndayishimiye bénéficiait de la protection du SNR, lequel a nié pendant des mois après l'assassinat que Ndayishimiye comptait parmi ses employés. En octobre, Ndayishimiye a finalement été convoqué pour être interrogé mais n'a pas été arrêté.
La ligue des jeunes du CNDD-FDD, Imbonerakure, mène des actions d'intimidation. Dans les provinces de Muyinga, Kirundo, Ngozi et Makamba, les membres d'Imbonerakure ont défilé dans les rues, armés de bâtons et de massues, scandant des slogans de menace contre l'opposition. Des membres d'Imbonerakure et des combattants démobilisés du CNDD-FDD ont illégalement arrêté des partisans de l'opposition et interrompu des réunions du parti. En juillet, à Muyinga, un représentant du CNDD-FDD a frappé un membre des FNL à la tête avec une machette en voulant interrompre un rassemblement. Une enquête a été ouverte par la police mais le suspect n'a pas été arrêté.
Face à l'impunité entourant ces crimes vraisemblablement commis pour des motifs politiques, les militants se déclarent inquiets pour leur propre sécurité alors que des élections générales doivent se tenir au Burundi à la mi-2010.
Répression de l'opposition politique
Les partis politiques ont vu leurs activités entravées par différents obstacles. Human Rights Watch a documenté 120 arrestations pour motif politique entre juillet 2008 et avril 2009, et les incarcérations sont aujourd'hui encore en constante augmentation. De nombreux membres de l'opposition sont arrêtés pour « participation à des rassemblements non autorisés », ce qui selon le droit du Burundi ne constitue pas un crime. La plupart des arrestations sont menées par la police, mais certaines sont effectuées par des représentants administratifs locaux, qui n'ont aucun mandat pour cela.
Alexis Sinduhinje, fondateur du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), a été acquitté en mars après avoir été accusé d'avoir insulté le Président. À la suite de cet acquittement, un juge a été enlevé et passé à tabac par des hommes portant des uniformes de policiers qui l'ont accusé d'avoir influencé la décision. Le juge a par la suite fui le pays.
Une loi imposant aux partis d'informer les autorités locales de leur souhait d'organiser des rassemblements a été fréquemment outrepassée et des administrateurs de communes et des gouverneurs ont arbitrairement interdit des dizaines de réunions de l'opposition à travers tout le pays.
En mai, Hussein Radjabu, ancien dirigeant du CNDD-FDD expulsé du parti en 2007 et condamné à une peine de prison en 2008 (avec sept autres personnes) pour « menace envers la sécurité de l'État », a perdu son procès en appel. Les juges ont refusé d'entendre plusieurs témoins appelés par la défense et ont accepté comme élément de preuve une confession obtenue sous la torture. Radjabu a présenté son cas devant la Cour de cassation, la plus haute instance d'appel. Deux des alliés de Radjabu, Pasteur Mpawenayo et Gérard Nkurunziza, arrêtés en 2008 pour des motifs similaires, sont toujours en prison, dans l'attente de leur procès.
Les défenseurs des droits humains et les journalistes
Le dirigeant syndical Juvenal Rududura et le journaliste Jean-Claude Kavumbagu, tous deux emprisonnés en septembre 2008 et en attente de jugement pour diffamation après avoir accusé les membres du gouvernement de corruption, ont été relâchés : Kavumbagu a été acquitté en mars 2009 et Rududura a été placé en liberté provisoire en juillet après que le tribunal anti-corruption a déclaré que cette affaire ne relevait pas de sa compétence.
Le 9 avril, le militant de la société civile Ernest Manirumva, vice-président de l'Observatoire de lutte contre les malversations économiques (OLUCOME), a été assassiné. Le gouvernement a créé une commission d'enquête et a accepté l'offre des États-Unis qui proposaient le soutien technique du FBI. Toutefois, aucune ressource n'a été allouée à la commission et un procureur, connu pour ses liens étroits avec le SNR et soupçonné par certains groupes de la société civile burundaise d'avoir joué un rôle dans l'assassinat de Manirumva, a été placé à sa direction. En octobre, sous la pression des organisations de la société civile burundaise, le gouvernement a dissout la commission pour en nommer une nouvelle. Depuis, il semblerait que l'enquête avance. À deux reprises, les organisations de la société civile se sont vu refuser l'autorisation d'organiser une marche de protestation contre le meurtre de Manirumva.
En novembre, Pacifique Nininahazwe, représentant du Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC), a reçu des menaces de mort et a été placé sous la surveillance du SNR, vraisemblablement en raison de ses appels à la justice suite au meurtre d'Ernest Manirumva. Le 23 novembre, le ministre de l'Intérieur a révoqué les statuts du FORSC, déclarant pour la première fois une organisation de la société civile hors la loi.
Système pénal et justice de transition
Au mois d'avril 2009, le président Pierre Nkurunziza a ratifié un nouveau code pénal. Ce dernier contient de nombreuses avancées dans le domaine des droits humains : la peine de mort est abolie, la torture interdite, les peines punissant toute forme de violence sexuelle ont été alourdies et l'âge de la responsabilité pénale des mineurs passe de treize à quinze ans. Toutefois, et pour la première fois dans l'histoire du Burundi, ce nouveau code pénalise la conduite homosexuelle.
Même si des membres de la police et de l'armée ont été arrêtés pour des crimes de droit commun tels que le viol ou l'agression, les membres des forces de sécurité se rendent encore coupables d'abus sur les prisonniers en toute impunité. Trois officiers de police accusés en 2007 d'avoir torturé au moins treize détenus n'ont toujours pas été jugés ; deux d'entre eux exercent toujours leurs fonctions en dépit de la gravité des accusations portées contre eux. Le troisième a été emprisonné à la suite d'un incident en mai 2009, lorsqu'il avait ordonné à la police de tirer sur un groupe de Scouts. Human Rights Watch a recueilli plusieurs autres déclarations de prisonniers qui ont dénoncé les mauvais traitements dont ils ont été victimes en 2009 sans qu'aucune arrestation n'ait lieu. Le 5 novembre, Salvator Nsabiriho est mort après avoir été violemment passé à tabac en octobre. Avant de mourir, il a déclaré à des militants burundais des droits humains qu'il avait été violenté par la police sur les ordres du gouverneur de Kayanza, avec qui il était en conflit pour une question de terres. Le gouverneur a été interrogé la semaine suivante mais n'a pas été arrêté.
En juillet, après des mois de retard, un comité tripartite formé de délégués du gouvernement, des Nations Unies et de la société civile ont débuté une série de consultations nationales sur la justice transitionnelle financées par le Fonds de consolidation de la paix de l'ONU. Le but de ces consultations est de solliciter l'opinion des Burundais sur les caractéristiques d'une possible Commission Vérité et Réconciliation et d'une chambre spéciale du système juridique burundais. Cette dernière, qui pourrait être composée de juges internationaux et burundais, aurait pour mission d'instruire les affaires de crime de guerre, de crime contre l'humanité et de génocide. Aucun calendrier n'a cependant été arrêté pour la mise en place de ces deux mécanismes. Les crimes graves commis par les FNL, le CNDD-FDD et l'ancienne armée burundaise restent impunis.
Acteurs internationaux clés
En septembre 2008, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a renouvelé le mandat de l'expert indépendant sur la situation des droits humains au Burundi. Le gouvernement burundais a accepté l'extension de ce mandat jusqu'à la mise en place d'une Commission nationale indépendante des droits de l'homme (CNIDH), qui n'était toujours pas effective à la fin de 2009. L'ONU a établi que l'expert indépendant ne présenterait pas de rapport lors de la réunion du Conseil de septembre 2009 en raison d'une clause sur laquelle a insisté le Burundi. Cette clause précise que l'expert devra « faire rapport sur ses activités à la session du Conseil qui suivra cette mise en place, » ôtant toute substance au mandat de l'expert étant donné le manque évident de volonté politique de la part du gouvernement burundais de mettre en place cette commission.
Les facilitateurs sud-africains et le Bureau intégré des Nations Unies au Burundi (BINUB) ont contribué à l'avancée des négociations entre le gouvernement et les FNL. Un « Directorat politique » composé de délégués du gouvernement, des FNL et d'acteurs internationaux de premier plan est resté en place pour suivre la progression du processus de paix jusqu'à fin 2009.
En août, l'Afrique du sud, la Tanzanie, l'Union européenne, les États-Unis et les Nations Unies ont unanimement fait part de leur inquiétude face au manque de dialogue entre les partis politiques autour de la proposition d'une loi électorale. Cette déclaration a montré que les acteurs internationaux suivaient de près la préparation des élections de 2010 et quelques jours plus tard, un compromis a été trouvé sur le projet de loi.
Les acteurs internationaux ont vigoureusement condamné le meurtre de Manirumva, vice-président de l'OLUCOME, mais se sont montrés plus réservés sur les meurtres et le harcèlement dont sont victimes les militants politiques de second plan.