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Le Royaume-Uni ne peut pas se servir d’un texte de loi pour effacer le bilan du Rwanda en matière de droits

Le gouvernement poursuit son projet en dépit de la décision de la Cour suprême et des abus avérés

Le ministre britannique de l'Intérieur James Cleverly (à gauche) et le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta se serraient la main après avoir signé un nouveau traité à Kigali, au Rwanda, le 5 décembre 2023. © 2023 Ben Birchall/PA Wire via AP Photo

La décision du gouvernement du Royaume-Uni d’expulser des demandeurs d’asile vers le Rwanda est passée de l’absurde au grotesque cette semaine, lorsque le gouvernement a présenté au Parlement un nouveau « Projet de loi sur la sécurité du Rwanda (asile et immigration) ».

Pour de nombreuses victimes de la répression du gouvernement rwandais, la lecture de l’article 2.1 doit leur donner la sensation de se prendre un coup de poing dans le ventre : « Chaque décideur doit définitivement traiter la République du Rwanda comme un pays sûr ». Le décret est encore un nouveau signe démontrant non seulement que le Royaume-Uni est déconnecté de la réalité, mais aussi qu’il pervertit les faits.

Le projet de loi est une réponse à la décision rendue le 15 novembre par la Cour suprême sur l’accord du Royaume-Uni avec le Rwanda ; cette décision avait conclu que le Rwanda n’est pas un pays tiers sûr vers lequel envoyer les demandeurs d’asile. La Cour a attiré l’attention sur les menaces contre des Rwandais vivant au Royaume-Uni ainsi que sur les exécutions extrajudiciaires, les décès en détention, les disparitions forcées, la torture, et les atteintes à la liberté des médias et aux libertés politiques.

Après avoir déjà minimisé les éléments de preuve, ignoré les rapports des organisations de défense des droits humains, ignoré ses propres évaluations récentes, et été débouté par la justice, le gouvernement  britannique cherche désespérément désormais à contourner le jugement de la Cour suprême. Au début de cette semaine, le Royaume-Uni et le Rwanda ont signé un traité contraignant dans lequel il est établi que le Rwanda s’engage à ne pas renvoyer les demandeurs d’asile vers leur pays d’origine – une des préoccupations de la Cour suprême.

Toutefois, le traité et le projet de loi ignorent les antécédents bien établis du gouvernement rwandais en matière de répression et de non-respect des obligations internationales relatives aux droits humains. Au Rwanda, les détracteurs font régulièrement l’objet de procès injustes, de mauvais traitement et de torture. Plus d’une douzaine de membres de l’opposition, deux journalistes, et deux commentateurs sont actuellement emprisonnés pour avoir exprimé leurs opinions et critiques du gouvernement. En janvier, un journaliste qui était menacé est mort dans des circonstances douteuses.

Au Royaume-Uni, plusieurs Rwandais interrogés pour un récent rapport sur la répression extraterritoriale du Rwanda ont indiqué que les services de renseignement et la police britanniques étaient en contact régulier avec eux concernant leur sécurité. Certains Rwandais ont déclaré vivre dans la peur de la surveillance et des attaques ou de voir leurs proches au Rwanda être ciblés. « Si on a peur d’ouvrir sa porte… l’insécurité psychologique est un sentiment qui s’installe et qui est aussi terrible que l’insécurité physique », a indiqué une des personnes interrogées à Londres. 

Le Royaume-Uni ne peut pas légiférer en ignorant le fait que le Rwanda répond aux critiques par la violence et les abus, y compris à l’encontre des réfugiés. Le Royaume-Uni se trouve à un carrefour dangereux, le ministre de l’Intérieur ayant reconnu que le projet de loi n’est pas conforme à la loi sur les droits humains du Royaume-Uni. Le Parlement britannique devrait voter contre ce projet de loi et le gouvernement devrait abandonner son accord avec le Rwanda, une fois pour toutes.

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