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Le silence opportun du Royaume-Uni sur le Rwanda

Londres minimise les abus atroces commis par le groupe armé M23

Publié dans: Financial Times
L'ex-ministre britannique de l'Intérieur Priti Patel et le ministre rwandais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Vincent Biruta, signent un accord au Palais des Congrès de Kigali, au Rwanda, le 14 avril 2022. © 2022 Simon Wohlfahrt/AFP via Getty Images

Lorsque la ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, s’est rendue au Rwanda en mars pour discuter de l’accord de transfert de demandeurs d’asile entre les deux pays, elle l’a présenté comme une solution progressive à une crise migratoire mondiale « sans précédent ». Le 29 juin, la Cour d’appel du Royaume-Uni a jugé l’accord illégal, concluant qu’il existe un risque réel que les demandeurs d’asile transférés vers le Rwanda soient ensuite envoyés par ce dernier vers leur pays d’origine, bien qu’ils puissent y être persécutés. Pourtant, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel de cette décision.

Pour justifier l’accord, le gouvernement britannique a dû minimiser le bilan consternant du Rwanda en matière de droits humains, ainsi que les risques auxquels les demandeurs d’asile pourraient être confrontés. Des réfugiés y ont été blessés par balle et tués pour avoir manifesté contre la réduction de rations alimentaires. Les personnes critiques à l’égard du gouvernement sont régulièrement emprisonnées, torturées et parfois retrouvées mortes. Le président rwandais lui-même a grossièrement instrumentalisé les droits des réfugiés à des fins politiques. Parallèlement au déroulement de cette affaire, le Rwanda a joué un rôle actif dans l’une des plus grandes crises de déplacement de populations du continent africain en apportant son soutien au M23, un groupe armé responsable d’abus sévissant dans l’est de la République démocratique du Congo.

Au cours de l’année écoulée, le M23 a occupé de vastes pans de la province du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda. L’armée congolaise a réagi en collaborant avec des milices ethniques abusives, aggravant ainsi une situation déjà désastreuse. Human Rights Watch s’est récemment entretenu avec une centaine de personnes pour documenter les terribles violences en cours. Elles nous ont rapporté que le M23 avait commis des meurtres et des viols collectifs alors qu’il s’emparait de villes et de villages. Dans un village, nous avons identifié 14 fosses communes. La situation humanitaire est véritablement catastrophique, avec plus d’un million de personnes déplacées ayant fui leurs foyers pour échapper aux atrocités.

Les preuves du soutien du Rwanda au M23 sont claires. L’ONU a publié des photographies et d’autres informations, et a aussi accusé plusieurs hauts responsables de l’armée rwandaise de diriger des opérations et de fournir des renforts armés.

Kigali est depuis longtemps impliquée dans des déplacements massifs et dans les souffrances humaines en RD Congo. L’armée rwandaise a déjà apporté son soutien au M23 lorsque ce groupe armé est apparu pour la première fois en 2012, après avoir initié une mutinerie contre l’armée congolaise. En réaction, le Royaume-Uni, ainsi que plusieurs autres gouvernements – dont les États-Unis, l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas, la Belgique et l’Union européenne – avaient suspendu ou retardé une partie de leurs programmes d’assistance au Rwanda.

À peine six semaines plus tard, le gouvernement britannique avait toutefois rétabli la moitié de son aide au Rwanda. Andrew Mitchell, alors Secrétaire d’État au développement international, a été interrogé ultérieurement par la Commission spéciale du développement international sur sa décision controversée de restaurer une partie de l’aide pendant ses dernières heures en poste. Si elle a conclu qu’il n’avait pas agi comme un « ministre rebelle », la Commission a néanmoins conclu que l’aide devait cesser.

En 2023, les États-Unis, la Belgique, l’Allemagne et la France ont tous appelé le Rwanda à mettre fin à son soutien au M23. De son côté, l’Envoyée spéciale du Royaume-Uni pour les Grands Lacs a publié une déclaration générale condamnant le soutien « externe » aux groupes armés en réponse au rapport de l’ONU, s’abstenant ainsi de désigner le Rwanda.

Contrer le M23 n’est pas une panacée. L’est de la RD Congo fait face à de nombreux autres problèmes, notamment la collaboration des forces gouvernementales avec de violents groupes armés et une montée inquiétante des tensions ethniques. Cependant, pour mettre fin aux exactions du M23, il est nécessaire de mener une action concertée afin de mettre un terme au soutien militaire apporté par le Rwanda.

Il est encore temps pour Londres de renoncer à cet honteux accord de transfert de demandeurs d’asile, et de retirer ses œillères quant aux horreurs qui se poursuivent dans l’est de la RD Congo. Le Royaume-Uni devrait dénoncer le soutien du Rwanda au M23 et soutenir des sanctions à l’encontre de ses chefs ainsi que des commandants rwandais qui lui fournissent une assistance militaire. Ces mesures sont essentielles pour montrer que le gouvernement britannique peut – et veut – agir de manière décisive sur la scène internationale pour mettre fin aux atrocités.

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