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Afrique de l’Ouest : guerriers errants recrutés dans de nouveaux conflits

Empêcher de nouvelles atrocités nécessite de mettre un terme au cycle infernal qui pousse les mercenaires de la région à combattre

(New York) – Des milliers de jeunes hommes et de garçons, dont bon nombre ont commis des atrocités alors qu’ils combattaient dans les violentes guerres civiles d’Afrique de l’Ouest, sont confrontés à un nouveau recrutement pour rejoindre les conflits en cours d’émergence dans la région, a déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd’hui. Les efforts internationaux pour désarmer ces combattants doivent leur fournir d’autres options que celle de la guerre. La Côte d'Ivoire et la Guinée, deux pays marqués par une instabilité politique croissante, sont les théâtres actuels vers lesquels sont attirés ces jeunes combattants, selon Human Rights Watch. La vie de ces « guerriers régionaux » est décrite dans un rapport de 66 pages, « Jeunesse, pauvreté et sang : l’héritage mortel des guerriers régionaux d’Afrique de l’Ouest ». Sur la base d’entretiens avec environ 60 anciens combattants ayant franchi les frontières pour se battre au Liberia, en Sierra Leone, en Côte d'Ivoire et en Guinée, le rapport explore les forces qui sous-tendent le phénomène de ces mercenaires transfrontaliers en Afrique de l’Ouest. Depuis les années 80, l’impunité et l’appauvrissement ont alimenté un mécanisme de violence extrême dans des pays comme le Liberia, la Sierra Leone et la Côte d'Ivoire. A maintes reprises, ces combattants – dont la plupart ont débuté leur « carrière » militaire lorsqu’ils étaient enfants après avoir été recrutés de force pour combattre avec un groupe armé – sont attirés par les conflits qui déchirent la région. Nombre de ces combattants commettent ensuite des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité envers des civils. Des politiques gouvernementales corrompues et répressives, ainsi que des marchands d’armes inondant la région de leurs produits, ont entraîné des conflits internes supplémentaires. « Briser le cycle des atrocités en Afrique de l’Ouest dépend du désarmement de ces combattants, de leur démobilisation et de la mise à disposition d’autres options que celle de la guerre, » a déclaré Peter Takirambudde, Directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Prendre des demi-mesures, c’est à coup sûr de nouveaux appels lancés à la communauté internationale pour qu’elle intervienne dans les conflits de la région, bien trop tard pour qu’il soit encore possible d’empêcher de nouvelles atrocités. » Au cours de l’année écoulée, plus des deux-tiers des anciens combattants interrogés par Human Rights Watch ont déclaré qu’ils avaient été sollicités pour se joindre à des « missions » de combat en Guinée et en Côte d'Ivoire. Parmi ceux qui ont été recrutés pour se battre en Guinée voisine, la moitié environ a été approchée par des commandants affirmant représenter une insurrection guinéenne en cours de formation. L’autre moitié avait été contactée par des commandants affirmant soutenir le Président guinéen Lansana Conté. Le mois dernier encore, une mission de Human Rights Watch au Liberia a montré que des centaines de Libériens récemment démobilisés, dont des enfants, avaient de nouveau été recrutés depuis octobre pour se battre en Côte d'Ivoire. Selon ceux interrogées dans le Sud-Est du Liberia, ils sont allés se battre aux côtés des milices associées au gouvernement ivoirien. Ces jeunes combattants sont à la fois victimes et auteurs de graves violations des droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Le rapport décrit comment, après le recrutement initial dans une faction en guerre, ils sont happés par un monde de brutalité, de difficultés physiques, de travail forcé et de consommation de drogues. Le rapport montre également comment ils en ressortent en guerriers prêts à violer, enlever, mutiler et tuer des civils. Tous les combattants interrogés ont combattu avec des groupes qui ont, à des degrés divers, commis de graves crimes contre les droits humains envers les civils, souvent sur une vaste échelle et de façon systématique. Les combattants interrogés par Human Rights Watch ont combattu avec des groupes tels que le Front National Patriotique du Liberia (NPFL) et le Front Uni Révolutionnaire de Sierra Leone (RUF). Bien que ces groupes armés soient responsables des meurtres, des viols et des mutilations de dizaines de milliers de civils, les auteurs de ces actes ont largement bénéficié d’une totale impunité pour les atrocités qu’ils avaient commises. Lorsque les jeunes interrogés ont été de nouveau recrutés dans les guerres qui ont suivi, tous étaient sans emploi ou vivaient dans des conditions économiques précaires. Ils étaient motivés par la promesse de compensations financières et l’opportunité de se livrer à des pillages. « On pensait que les choses se passeraient bien mais tout est encore allé mal. Il n’y avait pas de nourriture, » a déclaré un combattant libérien qui avait combattu dans différentes guerres dans toute l’Afrique de l’Ouest. « Je devais nourrir mes parents. Les commandants ont dit qu’on pouvait se payer nous-mêmes, ce qui veut dire piller. » La plupart des personnes interrogées ont reçu au moins une partie des compensations financières offertes par les recruteurs. Tous ont participé à la mise à sac et au pillage des biens civils et en ont tiré profit – ce qui constitue en soi un crime de guerre. La plupart ont décrit avoir utilisé l’argent pour payer un loyer, des frais de scolarité ou des frais médicaux pour leur famille élargie ou s’être livrés à un petit commerce. « Le fait que la guerre soit devenue la seule porte de sortie économique pour des milliers de jeunes met en évidence les graves défaillances des gouvernements de leur pays, » a déclaré Takirambudde. Les efforts internationaux pour désarmer et réintégrer d’anciens combattants dans leur communauté d’origine n’ont eu qu’un succès limité à ce jour, a déclaré Human Rights Watch. Le rapport met en évidence des problèmes dans les programmes des Nations unies de désarmement, démobilisation et réintégration en Sierra Leone et au Liberia. Le rapport détaille la corruption pratiquée par les commandants et les responsables des programmes de désarmement qui ont détourné à leur profit des fonds destinés à leurs subordonnés. Les jeunes combattants interrogés pour le rapport soulignaient le fait que ces programmes manquent de procédures adéquates pour enregistrer les plaintes pour corruption. Ils ont décrit comment les défauts des programmes de démobilisation ont grandement contribué à leur décision de reprendre les armes dans les conflits ultérieurs. Le rapport montre également comment une grave absence de fonds pour le programme libérien de désarmement a laissé environ 40 000 combattants exposés au risque de ne pouvoir bénéficier de formation et d’éducation, les rendant encore plus vulnérables pour un nouveau recrutement dans de futurs conflits armés.

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