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APPEL AU RECRUTEMENT PAR LE RCD-GOMA

        Plusieurs résidents de Goma ont affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch qu'ils avaient entendu sur les ondes de la radio locale, mi-novembre 2000 et plus tard encore, des appels des représentants du RCD-Goma demandant aux parents d'envoyer leurs enfants dans les forces armées. Dans une déclaration de début décembre, le Secrétaire Général des Nations Unies fait mention de messages radiophoniques, le 15 et le 16 novembre, par le chef du DRC-Goma, demandant aux parents de permettre à leurs enfants d'être recrutés dans les forces armées du mouvement. Il cite un appel similaire en provenance du Gouverneur de la province du nord Kivu exhortant à l'enrôlement des enfants pour la "défense locale".4 Lorsque les personnalités officielles des Nations Unies ont soulevé la question de ces diffusions radiophoniques avec les autorités du RCD-Goma, celles-ci ont prétendu, selon ce qui a été rapporté, qu'elles ne visaient pas les enfants dans le sens des moins de dix-huit ans, mais plutôt les "enfants" dans le sens métaphorique des enfants du Congo.5 Dans cette région du Congo, les jeunes gens non mariés âgés de plus de dix-huit ans peuvent encore être désignés par le terme "d'enfants".
        Les personnalités officielles du RCD-Goma devaient aussi apparemment conduire des campagnes de recrutement pour le mouvement dans leurs régions natales.6 Selon des résidents locaux, des autorités comprenant des chefs traditionnels, des administrateurs, des responsables de villages ou de quartiers furent convoqués à Kigali, au Rwanda pour une réunion, fin 2000. Là bas, un officiel de haut rang du Front Patriotique Rwandais (FPR), le parti politique dominant au Rwanda, promit apparemment des promotions à toute personne qui amènerait un nombre élevé de nouvelles recrues dans les forces armées du RCD-Goma et menaça de rétrogradation ou de renvoi tous ceux qui échoueraient dans cette tâche.7
        Malgré les primes et les menaces, toutes les autorités ne se conformèrent pas à l'ordre. Selon les résidents de Masisi, certains des chefs traditionnels de leur région étaient à Goma à la mi-décembre 2000 et refusaient d'apporter leur aide à la campagne de recrutement. Un résident déclara ainsi "qu'il n'y avait personne [c'est à dire, pas d'autorité civile] pour maintenir l'ordre au niveau local. C'est l'armée qui fait la loi."8
        Comme en attestent de nombreux témoignages, un nombre important de gens ordinaires s'opposent à cette campagne de recrutement. Un résident de Goma a déclaré à Human Rights Watch :

      On sait que personne ne partirait volontairement. Maintenant, quand ils viennent pour nous convaincre de laisser l'un de nos fils rejoindre l'armée, la première question que les parents posent est : où sont les fils que nous vous avons déjà donnés ? Et qui combattez vous ? Et pourquoi ?9

          Les autorités ont admis et cherché à justifier la campagne de recrutement. Dans un interview diffusé le 24 janvier 2001 sur la radio du RCD-Goma, Radio Goma, les journalistes ont demandé au Commandant Obert Rwibasira de la division militaire G5 du RCD-Goma les raisons pour lesquelles le mouvement continuait d'enrôler de très jeunes recrues. Il répondit que le RCD-Goma avait besoin d'une armée jeune et dynamique.10 Un étudiant a déclaré à Human Rights Watch : "La campagne actuelle de recrutement est publique. Ils l'ont annoncée à la radio et tout. Mais on s'inquiète du recrutement forcé. La justification qu'ils nous en donnent, c'est l'insécurité généralisée dans les régions rurales et le manque de progrès de ce côté là. Il y a un manque de sécurité même aux abords de Goma."11 Selon des résidents locaux, le RCD-Goma prétend avoir besoin de recrues pour construire une armée nationale afin de remplacer les troupes étrangères, ce qui désigne vraisemblablement les Rwandais généralement considérés avec hostilité par les Congolais et qui sont, de toute façon, supposés se retirer du Congo. Le chef du Département des Affaires Etrangères du RCD-Goma a donné la même explication aux chercheurs de Human Rights Watch.12
          Certains résidents de Goma suggérèrent que le RCD-Goma essayait aussi de remplacer les troupes perdues dans des batailles récentes. L'un d'entre eux affirme : "Ça ne va pas avec la guerre. Ils ont besoin de faire nombre au front. Ils disent que cela se fait volontairement. Mais si vous n'êtes pas d'accord, on vous considère comme hostile au RDC et vous êtes un ennemi."13 Un autre résident de Goma fait le commentaire suivant : "Le recrutement forcé a commencé [au début de novembre 2000]. Ils n'ont pas trouvé assez de jeunes qui étaient volontaires alors ils ont dû utiliser la force."14 Un résident de Masisi fait le commentaire suivant :

          Ils disent que tout le monde entre quinze et quarante ans devrait être dans l'armée. Pourquoi ? On demande. On ne sait pas quelle est la raison de cette guerre. Ils disent qu'ils nous prendront d'une façon ou d'une autre. Jusqu'à maintenant, il y a eu des menaces que si vous n'y alliez pas volontairement, ils vous prendraient par la force. Personne n'y va volontairement.15

4 Nations Unies, Secrétaire Général, Cinquième Rapport sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies dans la République Démocratique du Congo (MONUC) (S/2000/1156, 6 décembre 2000, paragraphe 73).

5 Anonymat conservé afin de protéger l'auteur de cette remarque, communication écrite à Human Rights Watch, 19 janvier 2001.

6 Interviews Human Rights Watch. Goma, décembre 2000.

7 Interview Human Rights Watch, Goma, 7 décembre 2000.

8 Interviews Human Rights Watch, Goma, 19 décembre 2000.

9 Ibid.

10 Anonymat conservé afin de protéger l'auteur de cette remarque, communication écrite à Human Rights Watch, janvier 2001

11 Interview Human Rights Watch, Goma, 7 décembre 2000.

12 Interview par Human Rights Watch de Joseph Mudumbi, Goma, 19 décembre 2000.

13 Interview Human Rights Watch, Goma, 7 décembre 2000.

14 Ibid.

15 Interview Human Rights Watch, Goma, 19 décembre 2000.

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