Table des matières || précédent || suivant A la mi-mai 1997, au terme d'une campagne de sept mois, les rebelles de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (A.F.D.L.) parvenaient à mettre fin à trente années de dictature corrompue imposée au Zaïre par Mobutu Sese Seko. La décision de Mobutu de retirer leur nationalité aux Banyamulenge, les Tutsi de la province du Sud Kivu, et de les expulser du pays fut le geste qui finalement le mena à sa perte. Ceux qu'il souhaitait expulser prirent les armes, furent rejoints par d'autres et leur entreprise initiale, assurer la survie ethnique, se métamorphosa en un projet d'une envergure bien différente visant à renverser le gouvernement de la lointaine capitale Kinshasa. En réalité,
la guerre ne fit que marquer la fin "technique" de l'ère Mobutu.
Le pays était déjà en voie de désintégration
bien avant que le conflit n'éclate. L'incapacité de Mobutu
à placer le Zaïre sur les rails de la démocratie, notamment
au cours des sept dernières années de son règne, contribua
à cette désintégration. La situation économique
était catastrophique, l'armée échappait à tout
contrôle, le mandat du président avait expiré depuis
trop longtemps et le parlement siégeant n'avait pas été
élu. Comme l'indique un rapport de Human Rights Watch publié
en avril 1997, c'est en fait l'incapacité des gouvernements successifs
et de la classe dirigeante en général à respecter
les promesses de démocratisation pacifique qui, finalement, créa
le climat propice à l'explosion de la violence.
(3)
Un
ensemble complexe de crises régionales contribua à aggraver
les problèmes internes du Congo. En 1994, le pays dut à contrecoeur
accueillir environ un million de réfugiés rwandais, fuyant
leur pays après la victoire du Front Patriotique Rwandais sur les
forces gouvernementales des Forces Armées Rwandaises (FAR). A ces
réfugiés se joignirent entre vingt et trente mille soldats
de l'armée vaincue (l'ex-FAR), des membres de milices armées,
ainsi que des leaders politiques et membres de l'administration, responsables
d'un génocide qui coûta la vie à plus de 500.000 Tutsi
et à des milliers de Hutu liés aux Tutsi.
Grâce
à la collaboration active du gouvernement de Mobutu, les membres
de l'ex-FAR purent se réarmer et se mirent à recruter et
entraîner des milliers de jeunes, trouvés dans les gigantesques
camps de réfugiés situés le long de la frontière
avec le Rwanda. A partir de 1995, les ex-FAR et les milices purent ainsi,
à partir de ces camps, attaquer des cibles situées au Rwanda.
Des leaders
de l'ex-FAR et d'anciens responsables gouvernementaux se servirent également
des camps pour diffuser des messages incitant à la haine ethnique.
Cette propagande "déborda" des camps et se répandit également
dans les provinces du Kivu, habitées par des communautés
ethniques multiples, notamment des Hutu et Tutsi zaïrois. Les tensions
entre ces groupes ethniques s'intensifièrent de manière évidente.
Le gouvernement de Mobutu fit également de nombreux efforts pour
ne pas coopérer avec le Tribunal International (Rwanda), en refusant
d'appréhender et d'extrader les individus accusés d'avoir
participé au génocide.
Dans un tel
contexte, le soulèvement des Banyamulenge fut pour le gouvernement
rwandais une occasion de disperser les réfugiés des camps
situés à la frontière et de détruire l'ex-FAR
et Interahamwe. Pendant les mois précédant leur mouvement
de révolte, des Banyamulenge s'étaient rendu au Rwanda pour
y suivre une formation militaire. Lorsque les violences éclatèrent,
en octobre 1996, des troupes de l'Armée Patriotique Rwandaise (A.P.R)
appuyèrent l'offensive des rebelles. Ils prirent part aux batailles
décisives et aidèrent l'A.F.D.L. à consolider sa mainmise
sur le pouvoir une fois la victoire acquise.
L'A.F.D.L.
put aussi compter sur l'aide militaire et diplomatique de certains gouvernements
de la région désireux de régler leurs comptes avec
Mobutu, celui-ci ayant en effet fourni des bases arrières, du soutien
logistique et de l'aide militaire directe à certains groupes dissidents
étrangers. L'Ouganda, par exemple, souhaitait contenir les assauts
de l'Alliance des Forces Démocratiques (AFD) qui, depuis 1996 et
à partir de ses bases de l'est du Congo, avait intensifié
ses attaques dans la région du Kasese. Le gouvernement angolais
fournit également des soldats à l'A.F.D.L., notamment dans
l'espoir de pouvoir ainsi attaquer les bases congolaises de l'UNITA (Union
Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola). Les angolais
renvoyèrent également chez eux des congolais installés
en Angola depuis trente ans, notamment d'anciens gendarmes katangais et
autres séparatistes qui dans les années 1960 avaient fui
le Congo et Mobutu. A l'époque, ces katangais s'étaient rendu
en Angola après que l'armée de Mobutu, qui avait bénéficié
du soutien décisif de certains mercenaires et de l'appui logistique
des ses alliés occidentaux, avait réduit à néant
leurs espoirs de faire de leur province, riche en minerais divers, une
nation indépendante.
Les leaders
érythréens et éthiopiens, au pouvoir après
des guerres de libération livrées contre des dirigeants despotes,
décidèrent qu'il était stratégiquement opportun
de soutenir les efforts militaires et diplomatiques de l'A.F.D.L. Le Burundi,
la Zambie et le Zimbabwe arrivèrent à la même conclusion.
Le soutien le plus significatif, à la fois au niveau politique et
militaire, fut fourni par le Rwanda.
La faillite
économique et morale du régime Mobutu fit d'un pays extrêmement
riche en ressources naturelles une nation en quasi perdition. La chute
de Mobutu, cependant, raviva l'espoir de voir le Congo repartir sur la
voie de la reconstruction économique et de voir l'ensemble de la
région renaître économiquement et politiquement. Les
puissances régionales qui aidèrent Kabila à renverser
Mobutu étaient également motivées par les perspectives
de relance économique qu'un Congo plein d'une nouvelle vigueur ne
manquerait pas d'offrir à l'ensemble des sous-régions d'Afrique
Centrale et Australe. La guerre au Congo marqua ainsi le début d'un
nouveau chapitre dans l'histoire post guerre froide de l'Afrique, caractérisé
par l'abandon du principe de non-intervention dans les affaires intérieures
d'un pays voisin prêché par l'Organisation de l'Unité
Africaine (O.U.A).
Les combats
forcèrent environ 600.000 réfugiés à retourner
au Rwanda. Des centaines de milliers d'autres s'enfoncèrent davantage
à l'intérieur du Congo, y compris plusieurs dizaines de milliers
d'exilés armés utilisant les camps de réfugiés
et l'aide humanitaire pour promouvoir leurs ambitions politiques et leurs
projets de conquête militaire. L'UNHCR estimait à 213.000
le nombre de réfugiés dont le sort restait inconnu au quatrième
trimestre 1997. Des recherches réalisées par Human Rights
Watch et d'autres organisations ont montré que de nombreuses violations
des droits de l'homme ont été commises à l'encontre
de réfugiés en fuite, et ce par l'ensemble des parties au
conflit
(4)
.
Les
soldats des anciennes Forces Armées Zaïroises, connus pour
leurs abus, se livrèrent à de nombreux pillages et viols
de civils alors qu'ils fuyaient l'avancée des troupes de l'A.F.D.L.
Ils sont responsables de la destruction d'écoles, d'églises
et de cliniques sur l'ensemble du territoire. Des soldats armés,
membres de l'armée hutu de l'ancien gouvernement rwandais et des
milices tuèrent un nombre encore inconnu de civils pendant leur
fuite, dans le but d'empêcher d'autres réfugiés de
retourner au Rwanda et de forcer les civils congolais à leur donner
de la nourriture et autres objets de valeur. Il semble également
que les troupes de l'ancien gouvernement se servirent de réfugiés
comme boucliers humains lors de confrontations avec les rebelles, provoquant
ainsi la mort de nombreux civils, tués lors de fusillades.
Le rapport
publié par Human Rights Watch en octobre, intitulé "What
Kabila is Hiding: Civilian Killings and Impunity in Congo," fournit
de nombreuses informations montrant que les troupes de l'A.F.D.L. et leurs
alliés au sein du gouvernement rwandais ont, de manière systématique
et à grande échelle, perpétré des massacres
de réfugiés, après les avoir poursuivis alors qu'ils
fuyaient ou pendant qu'ils se trouvaient dans des camps temporaires.
(5)
Dans
de nombreux cas, les populations locales, témoins involontaires
de ces meurtres, étaient ensuite forcées par les soldats
à nettoyer les sites où avait eu lieu le massacre.
A
la mi-1997, la guerre civile avait repris au Nord et au Sud Kivu. Les opposants
de l'A.F.D.L., jouant sur des ressentiments ethniques profondément
ancrés dans l'esprit des populations, présentèrent
le changement de gouvernement comme une occupation par des "forces étrangères",
à savoir l'armée à dominante tutsi de l'A.F.D.L. et
ses alliés au sein du gouvernement rwandais. Ce qui restait de l'armée
de Mobutu se joignit à l'armée hutu rwandaise en exil et
aux milices locales afin de s'attaquer à la fois aux soldats de
l'A.F.D.L. et aux populations tutsi locales.
La Charte de
l'A.F.D.L. fut présentée comme la base légale sur
laquelle reposaient à la fois l'exercice du pouvoir et le gouvernement
provisoire de salut national créé juste après l'accession
de l'Alliance au pouvoir (voir ci-dessous). Il est donc important de s'intéresser
à la composition de l'A.F.D.L., à ses règles de base
et à l'idéologie politique qu'elle propage avec une certaine
agressivité. Ces éléments peuvent en effet durablement
affecter l'avenir des droits politiques et de l'homme dans le pays.
Quatre partis
de l'est du Congo formèrent l'A.F.D.L., le dix-huit octobre 1996,
à Lemera (province du Sud Kivu):
La
charte proclame l'adhésion de l'A.F.D.L. à toutes les dispositions
relatives aux droits de l'homme inscrites dans la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme et la charte de l'Organisation de l'Unité
Africaine (O.U.A.).
L'Article
huit définit la base idéologique de l'A.F.D.L., à
savoir la conviction que le pouvoir émane du peuple et se fonde
sur l'inaliénabilité des droits de l'homme. Dans l'Article
23, l'A.F.D.L. se donne le droit de gérer l'ensemble des possessions,
fonds et capitaux de l'état, ainsi que tout ce qui se trouve sur
et sous le territoire national, y compris les ressources minérales
et naturelles de l'ensemble des territoires libérés.
Directives
de politique générale
Les membres
de l'Alliance signèrent le seize octobre 1997 un document intitulé
"Ligne de Politique Générale de l'Alliance", qui présente
aux membres une série de directives relatives à la politique
de l'Alliance.
(7)
En
matière de politique interne, ce document recommandait aux membres
d'adopter une attitude positive vis-à-vis des partis politiques
de l'opposition et des individus qui avaient lutté pour un changement
radical de régime. Les opposants de l'alliance devaient être
considérés comme ayant choisi le camp de Mobutu. En ce qui
concernait le référendum électoral, l'alliance informait
ses membres qu'elle ne se sentait pas obligée de respecter les décisions
prises par la Conférence Nationale Souveraine ou le Haut-Conseil
de la République -le parlement de transition-, dont les membres
avaient, selon l'A.F.D.L., été cooptés par Mobutu.
L'A.F.D.L. optait pour des élections libres et démocratiques,
à organiser en dehors du système de pouvoir en place à
l'époque. Le choix entre un état fédéral ou
unitaire devait être fait par le peuple, après la libération.
(8)
La
"Déclaration de Prise de Pouvoir" de l'A.F.D.L.
Après
la prise de la capitale Kinshasa, à l'aube du dix-sept mai 1997,
l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du
Congo rendit public un message solennel intitulé "Déclaration
de Prise de Pouvoir", depuis son siège temporaire de Lubumbashi.
Etant donné le vide laissé au sommet de l'état par
la fuite de Mobutu et la déroute de son armée, le "Grand
Conseil de l'A.F.D.L." déclarait qu'il "avait pris le pouvoir sous
la direction de son président, Laurent Désiré Kabila."
(9)
Se
référant à la charte de l'A.F.D.L., qualifiée
d'autorité statutaire, la déclaration en neuf points prévoyait
notamment:
De plus, la
reconnaissance des accords internationaux de la république signifiait
clairement que le Congo respecterait les lois et traités relatifs
aux droits de l'homme et au droit humanitaire auxquels était partie
le Zaïre.
Le
Décret-loi Constitutionnel N° 97-003
Le 28 mai 1997,
la veille de sa prise de fonction en tant que chef d'état, Kabila
signait le Décret-loi Constitutionnel N° 97-003, relatif à
l'organisation et l'exercice du pouvoir pendant la période précédant
l'adoption, par l'assemblée constituante, d'une nouvelle constitution.
Le décret-loi entrait en vigueur le même jour. Il se compose
de trois chapitres et cite comme texte de référence la "Déclaration
de Prise de Pouvoir" de l'A.F.D.L. du dix-sept mai.
Le premier
chapitre, intitulé "Dispositions Générales", fixe
le calendrier d'application du décret-loi, qui restera en vigueur
jusqu'à l'adoption par l'assemblé constituante d'une constitution
de transition. L'Article deux stipule: "En République Démocratique
du Congo, l'exercice des droits individuels et collectifs est garanti,
sous couvert du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs."
(11)
Cet
article est le seul à réaffirmer le respect des droits de
l'homme mais, contrairement à l'ancienne constitution, il ne fournit
aucun détail quant aux droits spécifiques à garantir.
Le
chapitre deux définit en tant qu'institutions de l'état le
président de la république, le gouvernement, les cours et
tribunaux, et présente leurs pouvoirs respectifs dans trois sections
séparées. Le décret-loi accorde au président
des pouvoirs considérables dans les domaines législatif et
exécutif, et l'investit également d'un rôle clé
dans le domaine judiciaire.
L'Article cinq
assigne au chef de l'état l'autorité législative:
"(...) [il] exerce le pouvoir législatif par le biais de décrets-lois
discutés par le conseil des ministres. Il est le chef de l'exécutif
et des forces armées (...)". L'Article six l'autorise à nommer
et destituer ministres, officiers, fonctionnaires et juges, sur recommandation
du Conseil Suprême du Judiciaire, malgré les dispositions
prévoyant l'indépendance du judiciaire.
Les "Dispositions
Finales" du décret-loi stipulent que les lois et règlements
préexistants qui ne sont pas en conflit avec les dispositions du
décret-loi restent en vigueur, et révoquent les lois et règlements
qui le seraient.
(12)
Discours
d'investiture de Kabila
Dans son discours
d'investiture, Kabila souligna sa détermination de ne pas être
le président d'un régime qui ne serait que la continuation
de la deuxième république de Mobutu. L'A.F.D.L., dit-il,
ne faisait pas partie de "la soi-disant Conférence Nationale Souveraine"
et la République Démocratique du Congo qu'elle venait de
faire renaître ne pourrait être gouvernée qu'en vertu
d'une constitution rédigée par une assemblée constituante.
(13)
Il
ajouta que "lancer le processus de démocratisation en organisant
des élections législatives, comme l'auraient souhaité
nos détracteurs, aurait des conséquences tragiques à
plusieurs points de vue. Cela équivaudrait à une prolongation
de l'ancien régime, avec tout ce que cela implique."
(14)
Une
assemblée législative ordinaire aurait, selon le président,
été synonyme de chaos politique, avec une multitude de groupes
politiques s'opposant les uns aux autres. L'alternative qu'il proposait
était donc de lancer le processus de démocratisation en élisant
une assemblée constituante. Cette option avait pour avantage, selon
lui, de donner aux nouvelles autorités le temps nécessaire
pour établir une nouvelle administration et pour "organiser la première
consultation électorale non pas dans une ambiance de confrontations
et de divisions mais dans le cadre d'un effort concerté... Tout
ceci n'est possible que si l'A.F.D.L. joue un rôle de cadre fédérateur
et de réceptacle de la cohésion nationale nécessaire
à ce stade."
(15)
Le
discours d'investiture du président fut le premier indice tangible
de la volonté de l'A.F.D.L. d'organiser un scrutin unipartite, au
lieu des élections pluralistes attendues par les groupes politiques
congolais et les partisans de la démocratisation du pays. Dès
le début de l'ère A.F.D.L., le président fit allusion
au chaos que provoqueraient les "300 partis politiques" dans les rues de
Kinshasa, si on leur offrait la possibilité de faire campagne dans
le cadre d'une législature ordinaire. De même, il qualifia
immédiatement la classe politique de monde "décadent" et
"intéressé".
Ayant défendu
avec passion l'approche de la démocratisation prônée
par l'A.F.D.L., le président proposa un calendrier clairement défini
visant à l'organisation d'élections législatives et
présidentielles avant le 1er avril 1999, après l'adoption
d'une constitution provisoire:
Il
conclut en disant que les priorités de son gouvernement seraient
la reconstruction de l'appareil d'état, la réhabilitation
de l'infrastructure sociale et économique dans son ensemble, particulièrement
le secteur des transports, l'augmentation de la production agricole et
la construction d'une industrie alimentaire solide, la fin du chômage,
la réunification de la devise nationale.
La
force des promesses faites par le président et le haut degré
de précision du calendrier qu'il proposait poussèrent un
journal de Kinshasa, la
Référence Plus, à reproduire quotidiennement,
sur une demi-colonne en première page, le calendrier proposé
ainsi que la promesse finale du président. Aucun autre commentaire
n'était ajouté. Cette technique journalistique originale
permit au journal de faire passer son message: toutes les dates prévues
en juin, juillet, août et septembre passèrent sans qu'aucune
des mesures prévues dans le calendrier et devant mener aux élections
promises n'ait été mise en oeuvre.
Le 23 octobre,
un décret-loi présidentiel établissait la commission
constitutionnelle, composée de 42 membres, y compris un comité
directeur de sept personnes. Selon les organisations de la société
civile et les partis politiques, aucune consultation ne fut organisée
afin de garantir la représentativité de la commission. Les
militants non-membres de l'A.F.D.L. ne purent participer ni au processus
de création ni aux travaux de la commission. L'A.F.D.L. nomma à
la commission ses propres leaders, alliés politiques et ministres,
y compris le ministre de l'information et le ministre de la justice. Le
fait que les pères de ces derniers furent également nommés
en surprit plus d'un. Le 24 octobre, dix groupes de défense des
droits de l'homme et de promotion du développement publièrent
une déclaration invitant le gouvernement à garantir la transparence
et la participation des forces sociales et politiques au processus de démocratisation
et à l'élaboration des bases législatives de l'autorité
de la loi. La manière dont avait été mise en place
la commission menaçait, selon eux, l'indépendance et la crédibilité
de cette institution.
Le mouvement
démocratique, au Congo, bénéficie d'un enracinement
populaire très profond. Après plusieurs tentatives manquées,
il était parvenu en 1990 à convaincre Mobutu de la nécessité
d'organiser des "consultations populaires" afin de définir le chemin
à suivre pour arriver à la démocratie.
(17)
Suite
à de nouvelles pressions populaires, notamment l'organisation d'une
manifestation à laquelle participèrent un million de personnes,
Mobutu cédait finalement en 1992 et autorisait la création
de la Conférence Nationale Souveraine (CNS). Ouvert à des
représentants de l'ensemble des secteurs de la société,
ce forum débattit des difficultés passées et présentes
du pays, de l'avenir de la nation, et rédigea les textes qui devaient
servir de base au processus de transition démocratique. Les actes
et conclusions de la CNS sont toujours considérés par beaucoup
comme une base légitime du processus de transition, malgré
les nombreux efforts faits par Mobutu afin de les maintenir dans l'ombre,
notamment par le biais de mesures agressives visant à bloquer leur
publication et diffusion. Ils sont le fruit de la réflexion collective
des congolais et ne peuvent être purement et simplement oubliés
aujourd'hui, dans le cadre du nouveau processus de démocratisation
lancé par l'A.F.D.L.
Les
consultations du CNS ont en particulier permis de définir des dispositions
constitutionnelles claires et détaillées visant à
garantir les droits fondamentaux de la personne humaine inscrits dans l'Acte
Constitutionnel de la Transition. Ces dispositions furent annulées
avec l'abrogation de l'Acte et remplacées, dans l'article deux du
Décret-Loi Constitutionnel 003/97, par une simple référence,
très succinte, à la nécessité de protéger
ces droits. Le Protocole d'Accord, autre document clé de la transition
mobutiste, présentait lui les conditions de base à respecter
afin de garantir une transition pacifique vers la démocratie. Etaient
citées, entre autres conditions, la réforme des forces armées,
la dépolitisation de l'administration estatale et l'ouverture du
champ politique, afin de permettre une véritable participation à
la vie politique.
(18)
La
situation actuelle, reflétée dans le présent document,
n'a pas véritablement évolué et les mêmes obstacles
à une véritable démocratisation sont encore très
présents.
En
février 1997, alors que l'A.F.D.L. n'était encore qu'un mouvement
rebelle de l'est du Congo, on demanda à Raphaël Ghenda, alors
"commissaire" de l'information (aujourd'hui ministre de l'information),
si l'A.F.D.L. accepterait la constitution adoptée suite aux travaux
de la CNS. Il répondit qu'il existait plusieurs projets de textes
constitutionnels. Il promit que des groupes spécialisés seraient
créés afin d'étudier ces différents textes
et de déterminer lequel s'adaptait le mieux à la nouvelle
situation.
(19)
A
la date où nous rédigeons le présent document, rien
ne permet d'affirmer que la commission constitutionnelle ait pour mandat
de baser son travail sur les résultats acquis par la CNS.
3.Voir
"Zaire: Transition, War and Human Rights," A
Human Rights Watch/Africa Short Report, Vol.9, N°.2(A), Avril 1997
(version française disponible).
4.
Pour
obtenir davantage de détails, cfr. Ibidem et cfr. les rapports Human
Rights Watch suivants: "Attacked by All Sides: Civilians and the War in
Eastern Zaire,", mars 1997; "Forced to Flee: Violence Against the Tutsi
in Zaire," Juillet 1997.
5.
"What
Kabila is Hiding: Civilian Killings and Impunity in Congo," A Human Rights
Watch Short Report, Vol.9, N°5 (A), octobre 1997.
6.
Alliance
des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo, Statuts,
Préambule.
7.
Alliance
des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo, "Ligne
de Politique Générale de l'Alliance," octobre 1996.
9.
"Déclaration
de Prise de Pouvoir," Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération du Congo (A.F.D.L.), Lubumbashi, 17 mai 1997, Agences
de presse.
11.
Décret-Loi
Constitutionnel N° 003 du 27 mai relatif à l'Organisation et
l'Exercice du Pouvoir en République Démocratique du Congo,
Art. 2.
12.
Ibidem,
Chapitre III, Articles 13 à 15.
13.
"Discours
d'Investiture du Président de la République," Le
Potentiel, N°. 1032, p. 2, Kinshasa, Vendredi 30 mai 1997.
17.
Cfr
rapport Human Rights Watch "Zaire: Transition, War and Human Rights."
19.
Collette
Braeckman, "Interview with Raphael Ghenda, General Information Officer
of Laurent Kabila," Le
Soir, Bruxelles, 25 février 1997.
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