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<<précédente | index | suivant>> RecommandationsHuman Rights Watch appelle à nouveau le gouvernement tunisien à libérer tous les prisonniers condamnés pour avoir fait usage de leurs droits à la liberté dexpression, dassociation et de réunion sans recourir à la violence et sans avoir mené dactivité criminelle identifiable. Quant aux autres prisonniers condamnés pour des actes aux motifs politiques à lissue de procédures judiciaires qui ne respectaient pas les normes internationales en matière de procès équitable, nous en recommandons vivement lamnistie ou la libération dans lattente de nouveaux procès respectant les standards internationaux.. Human Rights Watch demande avec insistance aux autorités pénitentiaires tunisiennes daméliorer les conditions de vie et de traitement de tous les détenus de façon à respecter lensemble des normes internationales pertinentes, dont celles de lONU énumérées dans lEnsemble de règles minima pour le traitement des détenus.1 En particulier, nous conseillons vivement que soit immédiatement mis fin à lisolement prolongé des prisonniers politiques tel quil est pratiqué actuellement. Aucun détenu ne devrait être placé en isolement, en dernier ressort. Lorsque lisolement est incontournable, le regroupement des prisonniers concernés dans des cellules ou dans une partie de la prison devrait a priori être préféré à lisolement cellulaire. Conformément aux normes internationales, lisolement cellulaire ne devrait être imposé que pendant des laps de temps relativement courts, au cas par cas et sous strict contrôle, notamment médical. En outre, il devrait être appliqué uniquement pour des raisons disciplinaires ou de sécurité préventive légitimées par des impératifs liés à ladministration du centre de détention. Et lorsquil est utilisé de manière « préventive », lisolement ne devrait pas avoir pour objectif dinterdire les échanges dopinions et dinformations de nature politique entre prisonniers. Il ne peut être en outre justifié que si lindividu est dune violence chronique ou présente une menace sérieuse et avérée pour la sécurité des prisonniers ou du personnel pénitentiaire. Les autorités tunisiennes devraient rendre publics les critères de placement des détenus en isolement et toutes les règles afférentes. Les détenus placés en isolement à titre préventif ou pour des raisons disciplinaires devraient être informés par écrit des raisons précises et personnelles de leur isolement. Ils devraient aussi avoir la possibilité à intervalles réguliers de faire appel de cette décision. Les plus hauts responsables du centre pénitencier devraient réexaminer périodiquement les raisons pour lesquelles chaque détenu se trouve en isolement et leurs décisions devraient à leur tour être réexaminées par une autorité impartiale et indépendante.
Les autorités tunisiennes devraient faire en sorte que les conditions de détention auxquelles sont soumis les prisonniers placés en isolement préventif ne soient pas plus restrictives que ne limpose le souci légitime de maintenir la sécurité. Les règlements devraient encourager les prisonniers à garder des vies équilibrées et tenir compte de leur dignité et de leur qualité dêtre humain. Lorsquun prisonnier est isolé pour des raisons préventives, les autorités pénitentiaires devraient améliorer les conditions de sa détention afin de compenser lépreuve que représente un surcroît de restrictions dans ses déplacements et ses contacts sociaux. Les autorités tunisiennes devraient honorer leur propre engagement de respecter intégralement lEnsemble de règles minima de lONU, notamment en faisant en sorte que tous les détenus : vivent dans des cellules qui ont une fenêtre qui laisse passer lair et une lumière naturelle ; puissent sortir de leur cellule au moins une heure par jour et se rendre dans un endroit assez grand pour quils puissent sadonner à une activité physique vivifiante ; aient accès à des activités enrichissantes et à du matériel de lecture très diversifié ; et puissent envoyer et recevoir du courrier sans que ni le contrôle ni les délais dans lesquels ce courrier est reçu soient arbitraires Human Rights Watch recommande aussi que les autorités tunisiennes garantissent laccès à leurs prisons, y compris à leurs quartiers disolement, aux organisations de surveillance nationales et internationales indépendantes et qualifiées, démarche à laquelle avait fait allusion Béchir Tekkari, Ministre de la Justice et des droits de lhomme, le 20 avril. Le gouvernement tunisien devrait faire en sorte que de telles visites ne subissent aucune entrave, quelles aient lieu fréquemment et sans préavis. La Tunisie devrait devenir partie au Protocole facultatif à la Convention contre la torture. Ce Protocole permet aux organes internationaux indépendants de visiter régulièrement des lieux de détention se trouvant sur le territoire des États parties, dévaluer les conditions de détention et de faire des recommandations pour leur amélioration. Nous recommandons vivement à lUnion européenne, à la Ligue des États arabes, aux États Unis, au Canada et à tous les pays maintenant des relations bilatérales avec la Tunisie dexercer une surveillance sur les conditions carcérales et dencourager les visites dorganes indépendants comme il est conseillé ci-dessus. Il faudrait en outre quils exercent une pression sur les autorités tunisiennes, par des canaux publics et privés, afin quelles réforment leur système pénitentiaire en vue de respecter les normes internationales et afin de mettre un terme au recours arbitraire et injustifié à lisolement cellulaire des prisonniers politiques. Nous recommandons en outre vivement au Groupe de travail sur la détention arbitraire de lONU de se pencher sur la situation critique des prisonniers politiques placés en isolement prolongé en Tunisie et de demander aux autorités tunisiennes quelles lui permettent davoir accès aux prisonniers maintenus en isolement. Genèse du rapportLe 10 mars 2004, lAssociation Internationale pour le Soutien des Prisonniers Politiques (AISPP) confirmait lexistence de quarante cas de prisonniers politiques placés en isolement, tout en précisant que ce nombre pourrait être plus élevé. Il est difficile dobtenir des chiffres précis et actualisés car le gouvernement ne donne aucune indication chiffrée et a recours à lisolement des prisonniers ou y met fin sans systématiquement en informer les familles. Aucune organisation indépendante de défense des droits humains na obtenu lautorisation dinspecter les prisons depuis 1991, date à laquelle la Ligue tunisienne des droits de lhomme avait pu effectuer une brève visite. Lorsque le problème de laccès aux prisons a été soulevé, les autorités ont mis en avant le fait que des visites surprises étaient effectuées dans les prisons par le Haut comité pour les droits de lhomme et les libertés fondamentales. Or, les résultats des enquêtes menées par ce comité, organe créé en 1991 dont les membres sont nommés par lÉtat, sont transmis au Président de manière confidentielle et ne sont pas rendus publics.2 Le 8 juillet 2003, Human Rights Watch a fait parvenir une lettre à Monsieur Tekkari, Ministre de la Justice et des droits de lhomme, linformant de notre intention de nous documenter afin de rédiger un rapport sur les conditions de détention dans les prisons tunisiennes et demandant que nous soit accordé le droit de visiter ces prisons. Aucune réponse ni aucun accusé de réception ont jamais été reçus. Human Rights Watch a envoyé une nouvelle lettre le 13 avril 2004, par le biais de lAmbassade tunisienne à Washington, sollicitant des informations sur le règlement régissant lisolement cellulaire des prisonniers. Au 10 juin 2004, aucune réponse navait été reçue. En août 2003, Alain Werner, consultant auprès de Human Rights Watch, sest rendu en Tunisie pour réaliser des entretiens avec danciens prisonniers politiques sur leurs conditions de détention en isolement. Il a rassemblé des informations auprès danciens prisonniers, davocats et de familles de prisonniers toujours incarcérés. Me. Werner a pu se déplacer librement dans le pays. En revanche, un ancien prisonnier politique quil avait rencontré et qui sétait entretenu avec lui dans le cadre de sa mission, Abdullah Zouari, a été arrêté le 17 août 2003, une semaine après le départ du consultant, sur des accusations fabriquées de toutes pièces, et a été condamné à neuf mois de prison.3 À lheure quil est, A. Zouari purge cette peine ainsi quune autre de quatre mois infligée pour des accusations antérieures. Il devrait être libéré en septembre 2004. Ce rapport repose sur cette mission denquête et sur des entretiens téléphoniques réalisés en mars et en avril 2004 avec les membres des familles de dix prisonniers qui sont actuellement placés en isolement. Bien évidemment, les prisonniers en isolement nont pas pu être contactés : leurs moyens de communication avec le monde extérieur sont très limités et les visites que leurs familles sont autorisées à faire sont courtes et surveillées par des gardiens. Ils nont le droit ni de posséder ni dutiliser un téléphone. Leurs lettres sont soumises à la censure et natteignent souvent pas leurs destinataires. On peut aussi supposer que les prisonniers qui parlent de leurs conditions de détention omettent de raconter le pire pour éviter des représailles de la part du personnel pénitentiaire et épargner aux membres de leurs familles des angoisses supplémentaires. Toutes les histoires que les familles des prisonniers nous ont racontées se ressemblaient, même si le traitement des prisonniers différait un peu selon la date et le lieu de leur incarcération. Les familles ne connaissaient pas toutes les conditions de détention de leurs proches dans le détail. Certaines ne savaient pas, par exemple, quelle est la qualité de la lumière dans les cellules disolement ou la fréquence à laquelle les détenus ont le droit de prendre des douches. Les personnes interrogées nous ont autorisés à publier leurs noms et les renseignements donnés. Human Rights Watch exprime sa gratitude au consultant Alain Werner pour le travail effectué et à la stagiaire Marie Yared pour les recherches supplémentaires. Nous remercions aussi les anciens prisonniers et les proches des prisonniers toujours incarcérés davoir accepté de nous parler, ainsi que lAISPP à Tunis et la militante indépendante des droits humains Luiza Toscane à Paris pour les informations quelles ont partagées avec nous. Ce rapport a été rédigé par Eric Goldstein, directeur de recherche de la division Moyen Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch. Il a été revu par Joe Stork, directeur adjoint de cette division, Dinah Pokempner, conseillère générale de Human Rights Watch et Widney Brown, directrice adjointe des programmes de Human Rights Watch. Mohamed Abdel Dayem, associé de la division Moyen Orient et Afrique du Nord, a assuré la mise en page du rapport. [1] Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.
[2] Le président du Haut comité a avancé les arguments suivants à propos de ses visites dans les prisons; « [D]es commentaires sont faits sur chaque visite [dune prison] à partir des informations recueillies en toute honnêteté et présentés au Président de la République. Ces rapports ont contribué aux améliorations tangibles des conditions de détention des prisonniers et du système pénitencier. » Lettre du Haut comité pour les droits de lhomme et les libertés fondamentales à Human Rights Watch datée du 30 août 2001. [3] Human Rights Watch, « Tunisie : Le gouvernement intensifie le
harcèlement de militants de droits humains »,
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