Africa - West

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VIII. PROTECTION LÉGALE CONTRE LA TRAITE DES ENFANTS

Droit national

Togo
La traite des enfants n'est pas spécifiquement mentionnée dans le droit togolais. Cependant, au moment de la rédaction de ce rapport, un projet de loi anti-traite était en discussion devant l'assemblée législative togolaise dans le cadre d'un projet de Code des enfants. Le projet de Code des enfants consolide les dispositions appropriées du Code de la famille avec les dispositions des conventions internationales ratifiées par le Togo (par exemple, la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention de la Haye contre l'enlèvement international d'enfants) ainsi que d'autres textes législatifs nationaux. La plupart des dispositions qui incorporent des articles de la Convention relative aux droits de l'enfant se trouvent dans le Titre II du projet de Code des enfants (Droit de l'enfant à une protection spéciale) et le Titre III (Protection pénale des enfants). Le Titre III qui contient les propositions de dispositions contre la traite inclut la protection des enfants aux prises avec la loi (Chapitre I) et aussi celle des enfants victimes de la violence (Chapitre II).

Les propositions de dispositions contre la traite se trouvent dans les Articles 459 à 466 du Titre III, Chapitre II du projet de code. L'article 460 incorpore la définition de la traite des enfants telle qu'elle est présente dans le Protocole sur la traite des Nations Unies, à savoir « le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil » d'un enfant à des fins d'exploitation sexuelle ou par le travail, le travail forcé ou l'esclavage241. La traite des enfants est passible d'une peine de prison de cinq à dix ans et d'une amende de 1 à 10 millions de CFA (U.S.$1 500-$15 000)242. Les participants à des réseaux organisés gérant la traite des enfants peuvent être punis plus sévèrement, d'une peine de prison de dix à vingt ans et d'une amende de 10 à 100 millions de CFA (U.S.$15 000-$150 000)243. L'Article 462 régit « les tentatives de traite d'enfants », un délit passible de cinq à dix ans de prison et d'une amende de 1 à 10 millions de CFA244.

Les Articles 463 et 464 imposent des sanctions aux personnes qui se font les complices de la traite des enfants, y compris les parents. Ceci inclut toute personne qui « intentionnellement aiderait dans la réalisation de la traite des enfants » (Article 463) ainsi que les parents ou membres de la famille qui « abandonne un enfant à la vente » (Article 464). Aucune autre définition de ces pratiques n'est donnée. L'Article 463 impose également une peine de prison de un à cinq ans à tout membre de la famille ou toute autre personne qui, sachant qu'une infraction relative à la traite des enfants est sur le point d'être commise, ne la rapporte pas à l'autorité appropriée245. Le code est ainsi formulé :

ART 463 :
Encourent les memes peines les parents, les intermédiaires, les destinataires et toute autre personne qui auraient intentionnellement aidé a la commission de la traite d'enfants. Seront punis d'un à cinq ans d'emprisonnement les parents jusqu'au quatrième degré246, les voisins et toutes autres personnes qui auront connaissance de la situation d'un enfant victime de la tentative de traite ou de vente alors qu'on pouvait penser qu'une dénonciation empêcherait la consommation de l'infraction ou la commission à nouveau de l'infraction, ne l'auraient pas dénoncés aux autorités compétentes247.

Il est à noter que tout en imposant une peine de prison de une à cinq années aux parents et membres de la famille qui aident les trafiquants d'enfants, le projet de législation ne contient aucune disposition spécifique sur la protection et la réintégration des enfants victimes de la traite et seulement une disposition appelant à des mesures étatiques « appropriées » pour prévenir la traite des enfants (Article 465).

Les dispositions susmentionnées sur la complicité parentale étaient incluses dans le projet de législation malgré les objections du président du comité d'élaboration du Code de l'enfant, le Juge Emanuel Edorh. Edorh a affirmé à Human Rights Watch que « tout le monde [au comité] voulait criminaliser l'implication des parents, » y compris « les représentants des ONG internationales248. » Mais selon lui, « cela ne renforce pas les droits de l'enfant de violer les droits humains [de ses parents] de cette façon... Si un père prend un risque avec son enfant, nous savons qu'il a commis une infraction et doit être puni. Mais là où je m'éloigne de mes collègues membres du comité, c'est de savoir si un tel parent doit être emprisonné pour six ans. La sanction devrait être une peine de six mois à un an, pas six ans249. » Suzanne Aho partageait ce point de vue. « Nous devons adoucir ce qui a été écrit [dans le projet de Code de l'enfant] concernant les sanctions contre les parents à cause de la façon dont cela peut affecter les enfants, » a-t-elle affirmé à Human Rights Watch. « Les enfants souffrent également de la réprobation générale lorsqu'ils ont un parent en prison250. »

Les positions d'Edorh et d'Aho contrastent avec celles, nombreuses qui prévalent à l'intérieur du Togo. A Bafilo, un vieux au village a affirmé que pour « certains parents, les enfants sont juste une façon de faire de l'argent. » Un autre a ajouté que « les parents pensent que leurs enfants peuvent rapporter quelque chose de valeur. Beaucoup ne pensent pas que [la traite des enfants] est si mauvaise251. » Waka Cne Arregba, préfet de Bassar, a dit qu'il menaçait parfois les parents de sanctions afin de les dissuader de coopérer avec les trafiquants. « Dans ce travail, je suis en même temps préfet et policier, » a-t-il dit à Human Rights Watch. « Les gens me craignent. Nous devons montrer notre force et dire aux parents que s'ils sont complices, nous les mettrons en prison252. »

Human Rights Watch s'oppose à l'emprisonnement des parents qui coopèrent avec les trafiquants d'enfants, en particulier ceux qui coopèrent simplement en omettant de rapporter à la police des trafiquants connus. Lorsque les parents sont coupables d'abus contre les enfants, de négligence criminelle ou d'offense similaire, ils doivent être poursuivis au maximum dans les limites de la loi. Cependant, les entretiens avec les enfants victimes de la traite ont montré de façon régulière que les parents n'avaient pas intentionnellement exposé leurs enfants à des abus ou négligé ces derniers, au cours des négociations avec les trafiquants d'enfants. Ils s'étaient plutôt résignés à l'idée d'envoyer leurs enfants à l'étranger sur la base de fausses descriptions d'éducation, de formation professionnelle ou de travail rémunéré à l'étranger. Dans ces circonstances, Human Rights Watch recommande que l'implication des parents dans la traite des enfants soit traitée par un système d'éducation publique et de protection spéciale des enfants, plutôt que par des sanctions criminelles.

En matière de protection spéciale pour les enfants victimes de la traite, le projet togolais de Code de l'enfant contient une section générale sur la protection des enfants contre la violence, les abus, la négligence perpétrés par les parents et des tiers. La disposition principale est l'article 401 qui prévoit que si la santé, les m_urs, l'éducation ou la sécurité d'un enfant sont menacés, un juge du tribunal pour enfants peut ordonner le retrait de l'enfant de son environnement familial et son placement dans une institution ou avec un gardien spécifié pour une période pouvant aller jusqu'à vingt-quatre mois253.

Autres pays
Les enfants interrogés par Human Rights Watch ont rapporté avoir été victimes de la traite vers six pays différents d'Afrique de l'Ouest, à savoir le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Gabon, le Niger, le Nigeria ainsi que le Togo. Comme noté plus haut, ces pays disposent de différents niveaux de protection légale contre la traite des enfants, tant en matière de poursuites des trafiquants que de protection et réintégration des enfants victimes de la traite. Certains, comme le Gabon, le Nigeria et le Togo ont élaboré une législation spécifique contre la traite des enfants et au moment de la rédaction de ce rapport, étaient en train de la promulguer. D'autres s'appuient sur des infractions liées à la traite des enfants comme la migration non autorisée d'enfants, le travail forcé, l'entrée frauduleuse sur un territoire national et le rapt254. Dans un cas comme dans l'autre cependant, la poursuite en justice des trafiquants d'enfants s'est révélée sporadique. Alors que le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Nigeria et le Togo arrêtent systématiquement et détiennent les trafiquants, ces pays ne sont pas parvenus à traduire en justice la plupart des cas jusqu'à leur conclusion255. Le Gabon et le Niger font état de peu d'arrestations de trafiquants et encore moins de poursuites qui aboutissent0.

Dans son rapport de synthèse de 2001 sur la traite des enfants en Afrique de l'Ouest, le BIT-IPEC a passé en revue les différentes protections légales et celles existant en matière de politique pour les enfants victimes de la traite en Afrique de l'Ouest et a conclu « à une absence de législation sur ce thème dans presque tous les pays1. » Tout en reconnaissant que certaines poursuites contre des trafiquants d'enfants ont effectivement été mises en _uvre, le BIT-IPEC notait que les poursuites criminelles sont « compliquées et hors de portée des victimes » et inaccessibles aux parents et aux professionnels du bien être des enfants qui « ne connaissent pas le système judiciaire ou s'en méfient2. » De plus, le rapport notait que malgré l'âge minimum d'admission à l'emploi fixé par la loi, une capacité d'inspection insuffisante de la part des ministères du travail contribue à perpétuer le travail des enfants. Pour finir, en dépit du fait que certains pays, y compris le Togo, exigent que les mineurs soit en possession d'une autorisation spéciale pour traverser les frontières, le rapport du BIT-IPEC notait que la mise en application laxiste des lois sur l'immigration permet aux trafiquants d'échapper aux points de contrôle et de faire passer les frontières à de nombreux enfants.

Efforts régionaux de lutte contre la traite des enfants
Parmi les pays ouest-africains, les efforts combinés de lutte contre la traite des enfants ont pris la forme d'accords bilatéraux sur le rapatriement des enfants victimes de la traite, de négociations pour un protocole régional de lutte contre la traite des enfants et d'efforts pour harmoniser les législations nationales. L'un des accords bilatéraux est celui entre le Mali et la Côte d'Ivoire, établi en 2000 pour interdire la traite des enfants entre les deux pays dans le but de faire travailler ces enfants3. Le Togo a passé un accord quadripartite de rapatriement avec le Ghana, le Bénin et le Nigeria en 1996. La traite des enfants examinée dans ce rapport suggère un besoin d'une coopération similaire avec le Gabon et la Côte d'Ivoire.

En février 2000, des personnalités officielles de vingt-et-un pays se sont retrouvées à Libreville, au Gabon et sont tombées d'accord sur « une plate-forme commune d'action » contre la traite des enfants4. Une consultation de suivi en mars 2002 a produit un fort consensus en faveur d'une convention sous-régionale contre la traite des enfants et a établi un plan pour l'adoption d'une telle convention, d'ici décembre 20045. A la date de rédaction de ce rapport, cette convention n'avait pas encore été élaborée.

Le processus de Libreville a bénéficié d'un certain nombre de rencontres régionales et de déclarations conçues pour augmenter la base de connaissances relatives à la traite des enfants, mobiliser les gouvernements nationaux et harmoniser les législations nationales6. Parmi celles-ci, à noter le Plan initial d'action développé par les quinze états membres de la Communauté économique des états de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à Dakar, en décembre 20017. La traite des enfants a également figuré au programme du Conseil des ministres de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) juste avant que cette organisation ne devienne l'Union Africaine (U.A.) en juillet 2002. Suite aux recommandations de la commission de l'OUA sur le Travail et les Affaires Sociales8, le Conseil des Ministres de l'OUA s'est résolu en juillet 2002 à appeler tous ses états membres à inclure « l'éducation obligatoire, l'élimination du travail des enfants ainsi que les enfants en situation de conflits et la traite des enfants » dans leurs programmes prioritaires sur les enfants9.

Droit international

Panorama d'ensemble
La traite des enfants est interdite par le droit international comme étant à la fois « une pratique analogue à l'esclavage » et l'une « des pires formes de travail des enfants10 ». La Convention relative aux droits de l'enfant, le traité le plus complet sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des enfants, oblige les états parties à « prendre toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit11. » La Convention relative aux droits de l'enfant oblige encore les états à s'assurer que les enfants ne sont pas séparés de leurs parents contre leur gré ; à prendre des mesures pour lutter contre les transferts illicites et les non-retours d'enfants à l'étranger et à protéger l'enfant contre l'exploitation économique, contre un travail comportant des risques, contre l'implication dans le trafic de stupéfiants, l'exploitation sexuelle et les abus et toute autre forme d'exploitation12.

D'une pertinence accrue pour la traite des enfants est la garantie de protection contre les abus et la négligence au sein de la famille, contenue dans la Convention relative aux droits de l'enfant. L'Article 20(1) prévoit « qu'un enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'Etat13. » Cette disposition est particulièrement pertinente pour les enfants qui ont déjà été victimes de la traite, en particulier dans les cas où les parents étaient complices des trafiquants. Le principe guide pour interpréter l'Article 20 est celui de l'intérêt supérieur de l'enfant14, un principe qui peut, dans certains cas, militer contre l'incarcération des parents qui se sont préalablement entendus avec les trafiquants d'enfants. Par exemple, l'Article 5 de la Déclaration de l'Assemblée Générale des Nations Unies de 1986 sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des enfants tient compte du besoin de l'enfant d'avoir un contact continu avec ses parents. Il est affirmé que « pour toutes les questions relatives au placement de l'enfant auprès de personnes autres que ses parents naturels, l'intérêt bien compris de l'enfant, en particulier son besoin d'affection et son droit à la sécurité et à des soins continus, doit être la considération primordiale15. »

Le Togo a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant en 1990. En 1997, le Comité sur les droits de l'enfant, l'organe de surveillance des traités responsable du suivi de la mise en _uvre de la convention ; affirmait dans ses observations de conclusion sur le Togo qu'il jugait « très inquiétante la généralisation de la vente et de la traite d'enfants qui aboutissent à leur exploitation économique et sexuelle16. » Commentant la mise en _uvre, par le Togo, des dispositions relatives à la protection des enfants contenues dans la Convention relative aux droits de l'enfant, le Comité a exprimé son inquiétude sur « la persistance des abus contre les enfants, y compris les mauvais traitements dans la famille et l'absence au niveau de l'administration d'un mécanisme approprié pour prévenir et combattre ce phénomène17. »

Depuis 1999, trois traités spécialisés relatifs à la traite des enfants ont été négociés. Le Protocole des Nations Unies à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2000, connu sous le nom de Protocole sur la traite) fournit une définition modèle de la traite des enfants qui a été incorporée dans le projet togolais de Code des enfants18. Bien que ce protocole n'ait pas encore été ratifié par le Togo et qu'il ne soit pas encore entré en vigueur mondialement, le Protocole sur la traite a été signé par le Togo et reflète un vaste effort international pour codifier une définition de la traite des enfants. Le Protocole sur la traite isole les trois éléments de la traite qui sont : (1) le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil19 ; (2) de toute personne âgée de moins de 18 ans20 ; (3) dans le but de l'exploitation sexuelle ou par rapport à leur travail ou du travail forcé ou de l'esclavage 21. Parce que les pays ayant négocié le Protocole sur la traite ont été incapables de se mettre d'accord sur une définition du terme « exploitation », le protocole définit le terme comme comprenant au minimum « l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes22. »

L'Article 3(c) du Protocole sur la traite affirme que là où des enfants, en opposition à des adultes, sont concernés, la traite peut exister en l'absence de contrainte, enlèvement, fraude ou tromperie. La disposition a conduit à l'observation que « [le] concept de `volonté' n'est plus accepté en droit international depuis l'adoption du [Protocole sur la traite] .... Le Protocole exclut spécifiquement la possibilité « d'un consentement » à la traite par toute personne de moins de 18 ans23. » Le Protocole sur la traite appelle les états à prendre des mesures pour prévenir et punir la traite des enfants, y compris la promulgation de lois pénales ; à fournir assistance et protection aux personnes victimes de la traite et à coopérer au niveau ministériel et gouvernemental à la réalisation de ces objectifs.

La Convention No. 182 du BIT concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (1999) situe la traite des enfants dans le contexte plus large du travail des enfants24. La Convention 182 oblige les états à lancer des actions urgentes et immédiates pour éradiquer la traite des enfants. Elle caractérise la traite des enfants comme « une pratique analogue à l'esclavage », une pratique appartenant à la même catégorie que le travail forcé25. La Convention 182 souligne le travail du Programme focal sur le travail des enfants : IPEC, un programme du BIT conçu pour mobiliser connaissances, plaidoyer et services autour du thème du travail des enfants. Ayant ratifié la Convention 182 en 2000, le Togo est mandaté pour travailler avec l'IPEC afin de créer et mettre en _uvre un plan national d'action contre les pires formes de travail des enfants, y compris la traite des enfants. La Convention est renforcée par tout un ensemble de conventions sur le travail forcé, la discrimination à l'emploi et le travail des enfants, tous ratifiés par le Togo26.

Un troisième traité récent contre la traite des enfants est le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant qui porte sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2000). Le Togo a signé le Protocole facultatif en novembre 2001 mais ne l'a pas ratifié. Il est entré en vigueur mondialement en janvier 2002. Les parties au Protocole doivent promulguer des lois pénales contre « le fait d'offrir, de remettre ou d'accepter » un enfant à des fins d'exploitation sexuelle ou de travail forcé27. Ces pays doivent également établir les compétences pour ces infractions, extrader les contrevenants quand nécessaire, se fournir mutuellement une assistance légale et prévoir la confiscation des biens interdits ou des produits du crime. Au delà des poursuites, les états sont tenus de fournir des services de soutien et de protection des témoins aux enfants victimes de la traite, de prendre des mesures pour prévenir les infractions listées dans le protocole et de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre la traite.

En plus d'ordonner l'éradication progressive de la traite des enfants, les quatre traités mentionnés ci-dessus garantissent les droits des enfants victimes de la traite en matière de réadaptation sociale et de réintégration. L'Article 39 de la Convention relative aux droits de l'enfant oblige les états parties à prendre « toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de ... toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices28. » Cette garantie est encore étoffée dans l'Article 6 du Protocole sur la traite, l'Article 7 de la Convention No. 182 et l'Article 8 du Protocole facultatif29. Des conseils en matière de protection des enfants victimes de la traite sont également disponibles dans le Programme d'action du Premier Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (1996), connu sous le nom de Programme de Stockholm, qui a été considéré comme capital par le Comité sur les droits de l'enfant30. Parmi les recommandations du Programme de Stockholm applicables à la traite des enfants se trouvent l'offre de services d'aide sociale, médicale et psychologique aux enfants victimes de la traite ; une formation prenant en compte les différences sexuelles pour le personnel médical, les enseignants, les travailleurs sociaux et les ONG ; des actions pour prévenir et supprimer toute stigmatisation par la société des enfants victimes de la traite ; la promotion de moyens alternatifs de vie aux enfants victimes de la traite et à leurs familles et des mesures pour créer des changements de comportement chez les coupables de tels crimes31.

Droit relatif à l'esclavage des enfants
Les abus décrits par les enfants interrogés par Human Rights Watch constituent des pratiques analogues à l'esclavage comme défini à la fois par la Convention supplémentaire des Nations Unies relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage (1956) et à la Convention No 182 du BIT. Ratifiée en 1980 par le Togo, la Convention relative à l'esclavage définit comme pratique analogue à l'esclavage « toute institution ou pratique en vertu de laquelle un enfant ou un adolescent de moins de dix-huit ans est remis, soit par ses parents ou par l'un d'eux, soit par son tuteur, à un tiers, contre paiement ou non, en vue de l'exploitation de la personne ou du travail dudit enfant ou adolescent32. » La définition englobe nombre de situations décrites par les enfants interrogés par Human Rights Watch et recoupe considérablement la définition de la traite des enfants trouvée dans le Protocole des Nations Unies sur la traite. La Convention No. 182 du BIT va un pas plus loin, classant explicitement la traite des enfants dans la catégorie des « pratiques analogues à l'esclavage33. » Si la Convention No. 182 ne définit ni la traite des enfants, ni l'esclavage, il est clair d'après la Convention relative à l'esclavage et le Protocole sur la traite que la combinaison d'un déplacement et de l'exploitation d'un enfant est ce que ces deux documents ont en commun.

Même en dehors du contexte de la traite, le travail domestique des enfants a été reconnu comme une pratique analogue à l'esclavage lorsqu'il est accompli dans certains conditions. Dans les entretiens avec des filles victimes de la traite à des fins de travaux domestiques ainsi qu'avec des experts locaux, Human Rights Watch a recueilli des informations sur de longues heures de travail non rémunérées, des abus physiques, des abus sexuels, le refus d'une éducation pendant la période de travail domestique et des responsabilités excédant l'âge et les capacités des filles. De nombreuses filles se sont souvenues de négociations entre leurs parents et des intermédiaires impliquant fraude, tromperie ou échange d'argent34. Soulignant nombre de ces dangers, l'UNICEF a affirmé en 1999 que « l'exploitation, les abus et la discrimination endurés par les enfants travailleurs domestiques ... doivent être déplorés et ... sont une violation de [la Convention relative à l'esclavage] de 195635. »

241 République Togolaise, « Projet de Code de l'Enfant », (Lomé : Novembre 2001), p. 79.

242 Ibid., art. 460.

243 Ibid., art. 461.

244 Ibid., art. 462.

245 L'accusé doit également avoir envisagé que rapporter l'infraction pourrait l'avoir évitée. Voir le projet de code, art. 463.

246 Ceci inclut les membres de la famille immédiate de l'enfant ainsi que ses grand-parents, tantes, oncles et cousins au premier degré.

247 Ibid., art. 463. Traduit du français par Human Rights Watch.

248 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Emanuel Edorh, Lomé, 13 mai 2002.

249 Ibid.

250 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Suzanne Aho, Lomé, 6 mai 2002.

251 Entretien conduit par Human Rights Watch avec des villageois, Bafilo, 2 mai 2002.

252 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Waka Cne Arregba, préfet de Bassar, Bassar, 3 mai 2002.

253 République du Togo, « Projet de code de l'enfant », p. 69. Traduit du français par Human Rights Watch.

254 Voir de façon général, BIT-IPEC, « Synthesis report », pp. 39-40 ; Département d'Etat américain, Country Reports on Human Rights Practices for 2001 ; Département d'Etat américain, 2002 Trafficking in Persons Report.

255 Ibid.

0 Ibid.

1 BIT-IPEC, « Synthesis Report », p. 17.

2 Ibid.

3 « Accord de Coopération entre la République du Mali et la République de Côte D'Ivoire en Matière de Lutte Contre le Trafic Transfrontalier des Enfants » (2000).

4 « Common Platform for Action of the Sub-Regional Consultation on the Development of Strategies to Fight Child Trafficking for Exploitative Labour Purposes in West and Central Africa » (Libreville: February 22-24, 2000).

5 Voir UNICEF, « Deuxième Consultation Sous-Régionale Sur le Trafic Transfrontalier des Enfants » (Abidjan : UNICEF-WCARO, 2002) ; « West and Central Africa: Region to establish child trafficking legislation in 2004 », IRIN News, 20 mars 2002.

6 Voir par exemple, Secrétariat exécutif, « ECOWAS Initial Plan of Action against Trafficking in Persons (2002-2003) » (Dakar: ECOWAS, 2001) ; Première réunion spécialisée sur le traffic et l'exploitation des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre, « Rapport de Synthèse » ; Déclaration de Yamoussoukro sur le trafic d'enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre (2002); Première réunion internationale pour l'harmonisation de la législation nationale contre l'exploitation des enfants dans la région francophone et dans d'autres pays africains, « Déclaration des ministres » (Bamako : 28-29 mars 2002). Voir aussi UNICEF, « Child Trafficking in West Africa: Policy Responses », Innocenti Insight (Florence: Innocenti Research Centre, 2002), pp. 3-4.

7 Voir « ECOWAS Plan of Action », ibid. Les états membres sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cap Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinea-Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo.

8 R. Salah, « Child Trafficking », p. 6.

9 Conseil des ministres de l'OUA, « Décision sur le report de la vingt-cinquième session ordinaire de la Commission du travail et des affaires sociales de l'OUA /Conférence ministérielle sur l'emploi et la réduction de la pauvreté en Afrique » (Durban : 28 juin-6 juillet 2002).

10 Voir par exemple, BIT, Convention No 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (1999), art. 3(a).

11 Convention relative aux droits de l'enfant, art. 35. Bien qu'elle interdise la traite des enfants, la Convention relative aux droits de l'enfant ne propose aucune définition de cette pratique.

12 Convention relative aux droits de l'enfant, art. 9, 11, 32-34.

13 Cette disposition renforce l'article 24(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1976) garantissant à l'enfant « le droit aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur » ainsi que l'article 19(1) de la Convention relative aux droits de l'enfant qui garantit la protection contre « toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux. »

14 L'Article 9(1) de la Convention relative aux droits de l'enfant prévoit que « l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. » L'Article 3(1) de la Convention relative aux droits de l'enfant oblige les états à faire de l'intérêt supérieur de l'enfant une « considération primordiale » dans « toutes les décisions qui concernent les enfants ».

15 Assemblée générale des Nations Unies, Déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des enfants, envisagés surtout sous l'angle des pratiques en matière d'adoption et de placement familial sur les plans national et international. (1986), art. 5.

16 Nations Unies, « Observations de conclusion du Comité sur les droits de l'enfant : Togo », para. 27.

17 Nations Unies, « Observations de conclusion du Comité sur les droits de l'enfant : Togo », para. 22.

18 Protocole sur la traite, art. 3. Le Protocole sur la traite sert de fondation au « Programme mondial contre la traite des êtres humains », une étude de trois ans du Bureau des Nations Unies pour le contrôle des stupéfiants et la prévention du crime. Avant l'adoption du Protocole sur la traite, la définition de la traite la plus fréquemment citée était une définition de l'Assemblée générale en date de 1994 : « le mouvement illicite et clandestin de personnes au delà des frontières nationales et internationales, principalement des pays en développement et des pays dont les économies sont en transition, qui a pour objectif final de contraindre les femmes et les fillettes à des situations d'oppression à des fins d'exploitation sexuelle ou économique, au profit des recruteurs, des trafiquants et des syndicats du crime ainsi que dans d'autres activités illégales liées à la traite, telles que le travail domestique forcé, les faux mariages, l'emploi clandestin et les fausses adoptions. »

19 Protocole sur la traite, art. 3(a).

20 Ibid., art. 3(c)-3(d).

21 Ibid., art. 3(a)

22 Ibid.

23 End Child Prostitution and Trafficking (ECPAT), « Trafficking in Children for Sexual Purposes: An Analytical Review" (Bangkok: ECPAT, 2001), note 1.

24 Voir aussi, BIT, Recommandation 190 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (1999).

25 BIT, Convention No 182, art. 3(a).

26 La Convention 29 de l'BIT sur le travail forcé ou obligatoire (1930) ratifiée par le Togo le 7 juin 1960) et la Convention 105 sur l'abolition du travail forcé (1957) (ratifiée par le Togo le 10 juillet 1999) ont pour objectif d'éradiquer « tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré. » La Convention 11 concernant la discrimination (emploi et profession) (1960) (ratifiée par le Togo le 8 novembre 1983) contrôle la discrimination contre les femmes sur le lieu de travail, notamment la violence fondée sur le sexe et l'exploitation des femmes dans la sphère de l'emploi. La question du travail des enfants est abordée par la Convention 138 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (1976) (ratifiée par le Togo le 16 mars 1984) qui oblige les états parties à « à élever progressivement l'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail à un niveau permettant aux adolescents d'atteindre le plus complet développement physique et mental » (art. 1). La Convention concernant l'âge minimum fixe à dix-huit ans l'âge minimum d'admission à « tout type d'emploi ou de travail qui, par sa nature ou les conditions dans lesquelles il s'exerce, est susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité des adolescents » (art. 3(1)).

27 Comme noté plus haut, « l'exploitation » n'est pas définie par le droit international et le « travail forcé » est défini dans l'Article 2.1 de la Convention No 29 du BIT sur le travail forcé comme « tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré. »

28 Convention relative aux droits de l'enfant, art. 39.

29 Il est à noter que le Protocole sur la traite contient une formulation plus faible sur la protection des enfants victimes de la traite (voir Articles 6 et 7) que sur les poursuites des trafiquants (Article 5).

30 En 1997, par exemple, le Comité sur les droits de l'enfant a attiré l'attention du Togo sur le Programme de Stockholm. Voir Nations Unies, « Concluding Observations of the Committee on the Rights of the Child: Togo », para. 53. Pour d'autres sources non-juridiques sur des mesures de protection des enfants, voir le Conseil Economique et Social, « Recommended Principles and Guidelines on Human Rights and Human Trafficking: Report of the United Nations High Commissioner for Human Rights to the Economic and Social Council », U.N. Doc. E/2002/100 (New York: U.N. Publications, May 20, 2002), pp. 3, 10-11, 12-13 ; « Human Rights Standards for the Treatment of Trafficked Persons », à www.hrlawgroup.org/initiatives/trafficking_persons and wagner.inet.co.th/org/gaatw/index.html (consulté le 3 septembre 2002) et A.D. Jordan, « The Annotated Guide to the Complete U.N. Trafficking Protocol » (Washington, D.C.: International Human Rights Law Group, 2002).

31 Premier congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, « Déclaration et agenda pour l'action », (1996), art. 5.

32 Convention supplémentaire des Nations Unies relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage (1956), art. 1(d).

33 BIT, Convention No 182, art. 3(a).

34 Ces entretiens sont évoqués en détail dans la Section, « Les filles victimes de la traite pour travailler comme domestiques et sur les marchés, » ci-dessus.

35 UNICEF, « Child Domestic Workers », p. 2. L'UNICEF notait également que le travail domestique accompli dans ces circonstances violait les droits des filles à une identité indépendante, une individualité et à la liberté (Convention relative aux droits de l'enfant, Articles 8, 13, 15 et 37) ; à être élevé et guidé (Convention relative aux droits de l'enfant, Articles 7, 8 et 9) ; au bien-être physique et psychologique (Convention relative aux droits de l'enfant, Articles 19 et 27) ; le droit au développement par l'éducation (Convention relative aux droits de l'enfant, Article 28) et la protection contre l'exploitation, y compris l'exploitation à des fins sexuelles, la vente et la traite (Convention relative aux droits de l'enfant, Articles 32, 34 et 35).

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