Le gouvernement burundais s'est engagé à renforcer la protection des droits humains et a fait des progrès dans certains domaines, par exemple en lançant des initiatives pour combattre la violence basée sur le genre. Un débat national de cinq jours sur la justice a mené à l’élaboration d’une série de recommandations en vue d'effectuer des réformes judiciaires. Toutefois, le système judiciaire est demeuré faible et insuffisamment financé, et a souffert d'ingérences politiques et d'allégations de corruption.
L'impunité pour les violations des droits humains, en particulier pour les agents de l'État et les jeunes du parti au pouvoir, a été une source de vive préoccupation. La plupart des affaires d'exécutions extrajudiciaires et d'autres actes de violence politique commis entre 2010 et 2012 n’ont toujours pas été réglées. Des poursuites judiciaires ont été lancées contre un petit nombre d'auteurs présumés de ces crimes, mais les procédures ont été lentes ou gravement défectueuses, et plusieurs policiers compromis dans des affaires de meurtre et de mauvais traitements ont été remis en liberté.
La plupart des personnalités en vue de l'opposition qui avaient fui le pays après avoir boycotté les élections de 2010 sont rentrées au Burundi, encouragées par le gouvernement, à l'approche des élections de 2015. Cependant, des membres des partis d'opposition ont continué d'être confrontés à des manœuvres d'obstruction et de harcèlement.
Des journalistes et des militants de la société civile ont également été la cible d'intimidation de la part du gouvernement, qui les a accusés de prendre le parti de l'opposition. En juin, le président burundais, Pierre Nkurunziza, a promulgué une nouvelle loi sur la presse qui impose de sévères restrictions à la liberté des médias.
Impunité pour des meurtres politiques et d’autres exactions
Bien peu des auteurs des nombreux meurtres politiques commis de 2010 à 2012 ont été traduits en justice, en raison d'un manque de volonté politique et des lacunes du système judiciaire. Dans de nombreux cas, les familles des victimes avaient trop peur pour chercher à obtenir justice.
Dans un petit nombre d'affaires, les autorités judiciaires ont fait arrêter, ont inculpé et ont engagé des poursuites contre des membres de la police, à la suite d'investigations sur des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture effectuées par une commission d'enquête créée en 2012 par le procureur général. Le Tribunal de grande instance de Gitega a jugé Michel Nurweze, surnommé Rwembe (« lame de rasoir » en kirundi), commissaire de police adjoint dans la province de Gitega, pour son implication présumée dans le meurtre, en novembre 2011, de Léandre Bukuru, un membre du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), un parti d'opposition. Nurweze était également jugé pour tentative de meurtre et torture dans deux autres affaires. Son procès aurait pu créer un important précédent dans la lutte contre l'impunité, mais au moins deux témoins à charge ont refusé de témoigner devant le tribunal car ils s'estimaient insuffisamment protégés.
Le 12 août, le tribunal a acquitté Nurweze des accusations de meurtre et de torture, a requalifié le chef d'accusation de tentative d’assassinat en coups et blessures volontaires, et l'a condamné à trois mois de prison. Il a été aussitôt libéré car il avait déjà passé un an en détention préventive. Le ministère public a fait appel du jugement. Les audiences d'appel se sont ouvertes en octobre, puis ont été reportées à janvier 2014.
Les audiences d'appel dans le procès de suspects accusés d'avoir eu une responsabilité dans une attaque commise à Gatumba en septembre 2011, dans laquelle 39 personnes ont été tuées, se sont achevées en novembre. Les procédures ont été compliquées par l'évasion d'un des principaux accusés détenus, Innocent Ngendakuriyo. Le procès en première instance, en 2012, avait été entaché de graves irrégularités, plusieurs prévenus étant déclarés coupables en dépit de leurs affirmations selon lesquelles ils avaient été torturés.
Les partis politiques
La plupart des dirigeants de partis d'opposition qui avaient fui le pays après avoir boycotté les élections de 2010 sont retournés au Burundi, dont Alexis Sinduhije, président du MSD, et Agathon Rwasa, ancien chef rebelle et dirigeant des Forces nationales de libération (FNL). Après leur retour, des membres des partis d'opposition, notamment des FNL et du MSD, ont subi des tracasseries et des actes d'intimidation, en dépit des promesses du gouvernement selon lesquelles les partis politiques pourraient fonctionner librement. Des agents du gouvernement et de la police ont perturbé ou empêché la tenue de réunions de ces partis et arrêté un certain nombre de membres des FNL et du MSD.
Des imbonerakure—membres de la ligue des jeunes du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), le parti au pouvoir—ont commis des actes de violence, y compris des meurtres, des passages à tabac, des viols, des menaces et des actes d’extorsion contre leurs adversaires présumés et contre d'autres citoyens burundais. Malgré le scandale public causé par ces actes et les promesses de représentants du gouvernement et du parti de punir leurs auteurs, les exactions se sont poursuivies tout au long de l'année. Certains membres des partis d'opposition ont menacé de déclencher des actions de représailles par l'intermédiaire de leurs propres groupes de jeunes. Le 6 octobre, un affrontement entre des imbonerakure et des jeunes du MSD à Gihanga, dans la province de Bubanza, a fait des blessés de chaque côté.
Meurtres, mauvais traitements et arrestations arbitraires d'adeptes d'un mouvement religieux
La police a ouvert le feu le 12 mars sur une foule de fidèles d'un groupe religieux près de Businde, dans la province de Kayanza, tuant neuf personnes. Ensuite, la police a fait aligner les fidèles et les a passés à tabac. Parmi les victimes se trouvaient des hommes, des femmes et des enfants. Ces fidèles, qui appartiennent à un mouvement spirituel informel qui organise chaque mois un pèlerinage à Businde, se considèrent comme des catholiques mais ont été rejetés par la hiérarchie de l'église catholique au Burundi et se sont heurtés à plusieurs reprises depuis 2012 au clergé local, à la police et aux autorités locales. La police, agissant sur l'instruction du gouvernement d'empêcher les fidèles de ce mouvement de se rassembler à Businde, les a violemment passés à tabac à plusieurs reprises fin 2012 et en janvier 2013. Certaines des victimes ont souffert de fractures et d'autres blessures graves.
Des centaines d'adeptes de ce mouvement ont été arrêtés arbitrairement fin 2012 et en 2013. La plupart ont été accusés de « rébellion » pour avoir ignoré la décision du gouvernement d'interdire les prières à Businde. Beaucoup d'entre eux ont été remis en liberté sans qu'aucun chef d'accusation n'ait été retenu contre eux mais certains ont été arrêtés de nouveau par la suite. Dans certains cas, la condition de leur remise en liberté était qu'ils s'engagent à ne pas retourner à Businde, ce qui constitue une violation de leur droit à la liberté religieuse. Plus de 200 personnes arrêtées en mars et avril ont été jugées sommairement le jour même de leur arrestation, sans l'assistance d'un avocat, et ont été condamnées à des peines de prison allant jusqu'à cinq ans. En appel, leurs peines ont été réduites à une amende et elles ont toutes été libérées, à l'exception de deux personnes. Trente-trois autres personnes arrêtées fin 2012 sont toujours en détention préventive.
Le 16 mars, le procureur général près la Cour d'appel de Ngozi a ordonné l'arrestation de Bosco Havyarimana, le commandant de police accusé d'avoir ordonné les tirs sur la foule et d'avoir personnellement supervisé les passages à tabac, et de deux autres agents de police, Syldie Nsengiyumva et Innocent Nizigiyimana. Le 29 mai, tous trois ont été remis en liberté provisoire dans l'attente des résultats d'enquêtes en cours. Au moment de la rédaction de ces lignes, ils n'avaient pas encore été jugés.
Harcèlement des militants de la société civile et des journalistes
Le Burundi bénéficie d'organisations de la société civile et de médias indépendants et dynamiques, mais les autorités de l'État ont tenté d’étouffer leurs critiques et les ont accusés de s'être rangés du côté de l'opposition politique. Des autorités gouvernementales et judiciaires ont harcelé, intimidé et pris à partie plusieurs journalistes au sujet de leurs reportages et les ont menacés de poursuites.
Le 27 avril, un policier a menacé Patrick Niyonkuru, journaliste de la Radio Publique Africaine (RPA), alors que celui-ci tentait d'enquêter sur des informations selon lesquelles les chauffeurs de taxi-vélos étaient victimes d'extorsion de la part de la police. Puis le policier a tiré sur Niyonkuru, le blessant à un bras. Le policier a été arrêté, jugé sommairement et condamné à 15 ans de prison le jour même de l'incident.
Le 25 avril, des hommes armés sont entrés par effraction au domicile de Willy Abagenzinikindi, de Radio Télévision Renaissance, l'ont forcé à s'allonger sur le sol, l'ont frappé avec une machette et ont exigé qu'il leur remette des cassettes sonores qu'il avait enregistrées dans le cadre de ses enquêtes.
Hassan Ruvakuki, journaliste de Radio France Internationale et de Bonesha FM, condamné à la prison à perpétuité en 2012 pour participation présumée à des actes terroristes après avoir réalisé un entretien avec un groupe rebelle, a été remis en liberté en mars après avoir passé 15 mois en prison. Sa peine avait été réduite à trois ans en appel. Son cas ayant suscité une forte attention internationale, il a bénéficié d'une libération anticipée pour raisons médicales, puis d'une libération conditionnelle en octobre. Le 19 février, la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser des journalistes qui défilaient dans les rues de la capitale, Bujumbura, pour exprimer leur soutien à Ruvakuki.
Le Conseil national de la communication a suspendu pour 30 jours, le 31 mai, le forum des lecteurs en ligne du journal Iwacu, le principal organe de presse indépendant du Burundi, affirmant que les commentaires de certains lecteurs non spécifiés avaient violé des dispositions de la loi concernant « l'atteinte à l'unité nationale, à l'ordre et à la sécurité publique, l'incitation à la haine ethnique, l'apologie du crime et les outrages au chef de l'État».
En juin, le gouvernement a adopté une nouvelle loi restrictive sur la presse, en dépit de l'expression ferme de préoccupations aux niveaux national et international. Cette loi compromet la protection des sources et limite les sujets pouvant être couverts par les journalistes, et ouvre la voie à la pénalisation des reportages et des analyses sur des sujets tels que l'inflation, l'ordre et la sécurité publics et les meurtres politiques. Bien qu'elle élimine les peines de prison prévues par l'ancienne loi, elle impose de nouvelles amendes lourdes.
Un projet de loi sur les manifestations et réunions publiques, adoptée par le parlement mais pas encore promulguée, et un autre projet de loi sur les organisations non gouvernementales, qui doit faire l'objet d'un débat au parlement, ont également suscité des inquiétudes concernant la possibilité de restrictions des libertés d'association et de réunion. Des amendements apportés par l'Assemblée nationale à la loi sur les manifestations et réunions publiques ont pris en compte de nombreuses recommandations faites par les organisations de la société civile burundaises, mais le projet contient toujours une disposition qui confère à un représentant de l’autorité administrative désigné pour assister aux réunions publiques le droit de suspendre celles-ci ou de les interdire afin de maintenir l'ordre public.
Justice transitionnelle
Au moment de la rédaction de ces lignes, le parlement n'avait pas encore adopté un projet de loi créant une Commission vérité et réconciliation afin de traiter les crimes commis depuis 1962, malgré les assurances du président Nkurunziza selon lesquelles cette commission serait mise en place avant la fin de l'année 2012. Le projet de loi ne prévoit pas la création d'un tribunal spécial pour juger les personnes accusées des crimes les plus graves.
Situation des rapatriés burundais
Environ 35.000 réfugiés burundais, dont un grand nombre vivaient en Tanzanie depuis plusieurs décennies, ont été rapatriés au Burundi entre octobre et décembre 2012 à la suite d'un ultimatum émis par le gouvernement tanzanien. Globalement, ces retours se sont déroulés de manière pacifique mais des tensions ont été causées par des litiges immobiliers et fonciers, et certaines décisions de la Commission nationale Terre et autres Biens (CNTB), chargée de régler de tels litiges, ont été controversées.
Principaux acteurs internationaux
L'Examen périodique universel (EPU) du Burundi devant le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, qui s'est déroulé en janvier 2013, a donné lieu à d'importantes recommandations sur la protection des droits civils et politiques, ainsi que des droits sociaux, économiques et culturels. Tout en saluant les progrès accomplis par le Burundi dans certains domaines, de nombreux gouvernements ont exprimé devant le Conseil des préoccupations au sujet des exécutions extrajudiciaires, de l'impunité pour les violations des droits humains et des restrictions imposées à la liberté de la presse, entre autres questions. Le gouvernement burundais a rejeté toutes les recommandations relatives à la lutte contre l'impunité pour les exécutions extrajudiciaires, ainsi que celles concernant la prévention des discriminations basées sur l'orientation et l'identité sexuelles et la dépénalisation des relations sexuelles entre personnes consentantes de même sexe.
Le Bureau des Nations Unies au Burundi (BNUB) a encouragé le dialogue entre les partis politiques et organisé une rencontre entre divers acteurs politiques en mars. Les participants ont convenu de créer un environnement favorable à la tenue d'élections libres, équitables, transparentes et pacifiques en 2015, d’accorder à tous les partis le droit de mener leurs activités sans entraves, et de s’engager à ne pas recourir à la violence.