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République démocratique du Congo (RDC)

Événements de 2008

Deux ans après des élections historiques qui étaient censées apporter la stabilité, les violences, l'impunité et les effroyables violations des droits humains se poursuivent en République démocratique du Congo. Début 2008, un accord de paix avait fait naître l'espoir dans l'est du Congo mais les combats entre forces gouvernementales et rebelles ont repris en août. Au cours de l'année, des centaines de civils ont été tués, des milliers de femmes et de filles ont été violées et 400 000 autres personnes ont fui leurs foyers, faisant passer à plus de 1,2 million de personnes le nombre total de déplacés dans le Nord et le Sud-Kivu.

Dans l'ouest du Congo, les autorités gouvernementales ont recouru à la violence et à l'intimidation contre les opposants politiques, tuant plus de 200 contestataires et autres au Bas-Congo et arrêtant des dizaines de prétendus opposants, dont beaucoup originaires de la province de l'Équateur, au chef de complot contre le gouvernement. Les représentants de l'État ont harcelé la presse et la société civile qui critiquaient le gouvernement.

Violences dans l'est du Congo

Les espoirs de paix étaient à leur comble en janvier lorsque le gouvernement et 22 groupes armés ont signé un accord de cessez-le-feu et que le gouvernement a lancé le Programme Amani pour coordonner les efforts de paix. Mais la lenteur des progrès enregistrés dans la mise en œuvre de l'accord, conjuguée à de fréquentes violations du cessez-le-feu, a donné lieu, fin août, à d'intenses combats dans le Nord-Kivu entre l'armée nationale congolaise et les forces du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) du commandant rebelle Laurent Nkunda. En octobre, alors qu'il était sur le point de s'emparer de Goma, le CNDP s'est arrêté sur sa lancée et a déclaré un cessez-le-feu unilatéral, réclamant des pourparlers avec le gouvernement. Le CNDP, qui prétend protéger les personnes d'origine rwandaise et particulièrement les Tutsis, a également combattu la Coalition des Patriotes résistants congolais (PARECO), composée d'autres groupes ethniques congolais et des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe comprenant des Hutus congolais et rwandais, dont certains avaient participé au génocide perpétré en 2004 au Rwanda.

Toutes les parties belligérantes ont commis des violations graves des droits humains, tuant des centaines de civils, recrutant de force des enfants et des adultes pour servir dans les forces armées et se livrant à des pillages généralisés. Les violences sexuelles à l'encontre des femmes et des filles se sont poursuivies à un rythme toujours aussi effroyable, avec plus de 2 200 cas de viol enregistrés de janvier à juin dans la seule province du Nord-Kivu, ce qui ne représente probablement qu'une petite partie du total. Des dizaines d'autres femmes et filles auraient été violées suite à la reprise des combats en août.

Violences au Bas-Congo

En mars, les forces de police et autres agents de l'État ont fait un usage excessif de la force lors de la répression du mouvement de protestation organisé par le Bundu Dia Kongo (BDK), un groupe politico-religieux qui promeut une plus grande autonomie pour la province du Bas-Congo. Certains contestataires, armés de bâtons et de pierres, ont recouru à la violence contre des policiers ou des représentants de l'État. La police a fait usage de la force de manière disproportionnée, utilisant notamment des grenades et des mitrailleuses contre les manifestants. Tout comme lors des opérations de 2007, les policiers ont délibérément tué des personnes qui étaient blessées, qui fuyaient ou qui n'étaient de toute façon pas en mesure de les menacer. Quelque 200 personnes, partisans du BDK ou autres, ont été tuées et les lieux de réunion du groupe politico-religieux ont été détruits. La police a tenté de dissimuler l'étendue du carnage en jetant des dizaines de corps dans le fleuve Congo et en enterrant à la hâte d'autres cadavres dans des charniers. Elle a arrêté plus de 150 personnes soupçonnées de soutenir le BDK et certaines d'entre elles ont été torturées ou ont subi des mauvais traitements. Le 21 mars, le gouvernement a retiré au BDK la licence l'autorisant à opérer en tant qu'organisation socioculturelle, le rendant de ce fait illégal.

Répression politique

Les forces de sécurité ont pris pour cible des opposants, en particulier ceux de la province de l'Équateur, la région natale de l'ex-candidat présidentiel, Jean-Pierre Bemba. Elles ont tué au moins cinq personnes et en ont arrêté illégalement plusieurs dizaines d'autres, dont beaucoup ont été torturées ou ont subi des mauvais traitements. Au moment où sont écrites ces lignes, au moins une dizaine de détenus sont toujours portés disparus. Les détenus ont souvent été accusés d'avoir comploté un coup d'État mais en octobre 2008, aucune affaire n'avait encore débouché sur un procès.

Le 6 juillet, des Gardes républicains ont tué Daniel Boteti, vice-président de l'assemblée nationale de Kinshasa et membre du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Bemba. En mai et juin, des agents de la sécurité ont arrêté au moins quinze personnes originaires de l'Équateur. Celles-ci ont été maintenues au secret pendant plusieurs mois avant que douze d'entre elles ne soient transférées à la prison centrale de Makala, certaines présentant des marques visibles de torture. En juillet, huit autres personnes de l'Équateur ont été arrêtées, incarcérées illégalement et sauvagement passées à tabac. Les représentants du gouvernement ont refusé de répondre aux questions que les observateurs des droits humains des Nations unies posaient à propos du lieu de détention d'autres personnes.

En juillet, le gouvernement a libéré 258 détenus de la prison centrale de Makala, dont beaucoup étaient incarcérés illégalement depuis mars 2007. Cette décision a été prise pour résoudre les problèmes de surpopulation dans cette prison et ne semble pas s'être fondée sur un examen judiciaire des dossiers. Au moment de la rédaction du présent rapport, au moins 200 autres prisonniers politiques se trouvaient toujours en détention sans procès.

Menaces contre des journalistes et des défenseurs des droits humains

Le 7 mars, Nsimba Embete Ponte, rédacteur en chef de L'Interprète, a été incarcéré illégalement à la prison de l'Agence nationale de renseignements (ANR) à Kinshasa pour avoir critiqué le Président Kabila dans ses écrits. Son collègue, Davin Ntondo Nzovuangu, a été arrêté quelques jours plus tard. Après que la chaîne télévisée privée Global TV eut diffusé une conférence de presse du parlementaire de l'opposition Ne Muanda Nsemi, le chef spirituel du BDK, des agents de l'État ont effectué une descente dans les bureaux de la chaîne le 12 septembre. Ils ont alors arrêté le journaliste de Global TV Daudet Lukombo, l'ont accusé d'incitation à la rébellion pour son rôle dans la diffusion de l'émission et ont confisqué du matériel de télédiffusion indispensable. Deux autres journalistes qui couvraient la même conférence de presse ont également signalé avoir reçu des menaces de mort.

En Ituri, dans le nord-est du Congo, des militants travaillant pour l'organisation locale des droits humains Justice Plus ont été menacés et ont fui le pays après avoir réclamé justice pour les crimes commis dans le district. Au Nord-Kivu, une militante des droits des femmes a fait l'objet de menaces lorsqu'elle a cherché à obtenir justice pour une attaque perpétrée contre sa famille par des soldats congolais.

Justice et responsabilité

L'impunité presque totale pour les violations graves du droit international humanitaire se poursuit, très peu d'auteurs de violations ayant été arrêtés et poursuivis par les autorités nationales. Dans un rapport publié en février 2008, le rapporteur spécial de l'ONU sur la violence à l'égard des femmes concluait que « grâce aux ingérences politiques et à la corruption, ils [les auteurs de viol] échappent à toute sanction, en particulier s'ils appartiennent aux forces de sécurité de l'État ». Dans ce qui constitue un cas d'exception, un tribunal militaire du Katanga a poursuivi la procédure engagée à l'encontre de Gédéon Kyungu Mutanga et de 25 autres personnes, tous accusés d'avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité entre 2004 et 2006. Il s'agit de l'un des plus grands procès pour crimes de guerre de toute l'histoire du Congo.

La Cour pénale internationale (CPI) a suscité un peu d'espoir chez les victimes qui cherchent à obtenir justice. Le 6 février, Mathieu Ngudjolo Chui, chef de guerre d'Ituri accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, a été remis à la CPI. Le 26 septembre, la cour a confirmé les charges contre Ngudjolo et Germain Katanga, un autre chef de guerre d'Ituri arrêté en 2007. L'affaire devrait passer en jugement en 2009. Le 28 avril, la cour a levé les scellés sur le mandat d'arrêt délivré à l'encontre de Jean-Bosco Ntaganda, chef d'état-major du CNDP de Nkunda, pour des crimes qui auraient été perpétrés en Ituri. Des erreurs procédurales commises dans le cadre des poursuites engagées contre Thomas Lubanga Dyilo, le premier Congolais arrêté par la cour, ont retardé la procédure et ont suscité, dans l'esprit de certaines victimes, des questions quant à l'efficacité de la justice rendue par la CPI.

En mai, à la requête de la CPI, les autorités belges ont arrêté Bemba, qui est accusé d'être responsable de crimes de guerre et de crimes qu'auraient perpétrés ses forces lors du conflit de 2002-2003 en République centrafricaine. La CPI enquêtait également sur la conduite des troupes de Bemba au Congo mais à ce jour, elle n'a pas engagé de poursuites dans cette affaire.

Les acteurs clés au niveau international

L'intensification de la crise dans l'est du Congo a incité les diplomates de l'Union européenne, de l'Union africaine, des États-Unis et de l'ONU à intervenir pour faciliter l'accord de paix de janvier et aider à sa mise en œuvre. Après que les intenses combats eurent repris et que les troupes de Nkunda se furent rapprochées de Goma en octobre, les responsables internationaux se sont rendus en masse au Congo et au Rwanda, cherchant à mettre un terme aux affrontements et à la crise humanitaire qui en découlait.

La MONUC, la force de maintien de la paix de l'ONU, a rempli le mandat qui lui incombait de protéger les civils à certains endroits, mais dans bon nombre de situations, sa capacité et ses effectifs limités l'ont empêchée d'assurer une protection efficace. Lorsqu'elles se sont trouvées confrontées à des violations du cessez-le-feu, les troupes de la MONUC ont tenté de stopper la progression du CNDP de Nkunda mais pas celle des soldats de l'armée congolaise, poussant certains Congolais à douter de la neutralité de la MONUC. Dans certains cas, des civils en colère ont jeté des pierres sur les casques bleus, estimant qu'ils avaient pris parti dans le conflit.

Les violations des droits humains dans l'ouest du Congo ont fait l'objet de moins d'attention que les exactions commises à l'est dans le cadre des combats. Peu d'acteurs internationaux ont critiqué publiquement l'usage excessif de la force par la police au Bas-Congo ou la détention illégale et la torture d'opposants politiques. En avril, le gouvernement belge a exprimé quelques préoccupations en ce sens. En guise de protestation, le Congo a rappelé son ambassadeur en poste à Bruxelles.

En mars, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU n'a pas renouvelé le mandat de l'expert indépendant sur la situation des droits humains au Congo en dépit du besoin évident de poursuivre la surveillance. Après que le gouvernement congolais eut exprimé clairement son opposition à la prolongation du mandat, les États de l'UE se sont mis en défaut d'honorer leurs promesses de soutien au poste. En septembre, les principaux pays bailleurs de fonds ont accepté de créer le poste de conseiller spécial indépendant sur les droits humains en lien avec le processus de paix dans l'est du Congo mais en novembre, ils n'avaient encore proposé personne pour ce poste.

En décembre 2009, le Congo doit faire l'objet d'un examen dans le cadre du mécanisme d'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme de l'ONU.