Alors que l'économie algérienne a bénéficié de la hausse mondiale sur les prix du pétrole, les libertés civiles des Algériens restent restreintes en raison de l'état d'urgence imposé en 1992, et le gouvernement a maintenu l'impunité pour les abus actuels et passés. Les violences politiques ont diminué considérablement depuis le milieu des années 90, mais le pays a connu une nouvelle vague d'attentats revendiqués par l'Organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique. Le 12 novembre 2008, le parlement a approuvé, sans débat, et par un vote de 500 pour, 21 contre et 8 abstentions, un amendement constitutionnel supprimant la limite maximale du nombre de mandats présidentiels. Cet amendement permet à Abdelaziz Bouteflika de se présenter pour un troisième mandat de cinq ans au printemps 2009.
Liberté d'expression et d'assemblée
Les médias audiovisuels sont contrôlés par l'Etat et intègrent dans leur grille des programmes très peu d'émissions critiques ou d'opinions divergentes sur les politiques gouvernementales ; cependant, ils proposent la retransmission en direct des sessions parlementaires. Les journaux privés bénéficient d'un espace considérablement plus libre, mais les lois répressives sur la presse, leur dépendance vis-à-vis des revenus de la publicité du secteur public et d'autres facteurs limitent leur liberté de critiquer le gouvernement, l'armée et les puissants.
Les lois de la presse prévoient des peines de prison assorties d'amendes pour diffamation et pour insultes aux représentants du gouvernement et aux institutions de l'Etat. Le 4 mars 2008, une cour d'appel à Jijel a confirmé la condamnation pour diffamation d'Ali Chawki Amari, un chroniqueur du quotidien indépendant al-Watan, et d'Omar Belhouchet, son directeur, pour avoir accusé un gouverneur d'avoir acheté une voiture à sa maîtresse avec les deniers publics. Le tribunal a infligé aux deux accusés une peine de deux mois de prison et à chacun une amende de 1 million de dinars (15 000 USD).
En juin 2008, le gouvernement a retiré leurs accréditations de presse au chef du bureau de l'Agence France-Presse et à un correspondant de Reuters basé à Alger, accusant le premier d'avoir surévalué le nombre de victimes causées par un attentat terroriste ce mois-là, et le deuxième d'avoir fait état d'un attentat qui n'avait jamais eu lieu. A la fin-novembre, le correspondant de Reuters n'avait toujours pas d'accréditation et se trouvait donc dans l'impossibilité d'effectuer des reportages pour le compte de médias étrangers.
Les chaînes de télévision pan arabes sont populaires auprès des téléspectateurs algériens. Cependant, depuis 2004, le gouvernement a interdit à la plus populaire, Al Jazeera, d'ouvrir un bureau de presse sur le territoire algérien.
Le 13 avril 2008, un tribunal à Sidi M'hamed a condamné l'avocat spécialisé dans la défense des droits humains Amine Sidhoum pour avoir discrédité dans une interview à la presse une décision de tribunal et insulté les institutions de l'Etat. Le tribunal a condamné l'avocat basé à Kubba à six mois de prison et une amende. Sidhoum est demeuré libre dans l'attente d'un procès en appel, qui n'a pas eu lieu au moment où nous écrivons.
Les autorités ont utilisé les pouvoirs de l'état d'urgence pour interdire la plupart des manifestations publiques et de nombreuses réunions. Le 5 octobre, les autorités ont empêché la tenue d'une table ronde à Alger, organisée par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, sur les émeutes qui ont secoué les principales villes algériennes en octobre 1988.
Liberté religieuse
La liberté religieuse a diminué pour la minuscule minorité non musulmane en Algérie en 2008, avec une application accrue de l'Ordonnance 06-03. La loi de 2006 prévoit des peines de prison pour prosélytisme de la part de non musulmans et elle leur interdit de se rassembler pour prier en dehors des lieux approuvés par l'Etat. Les autorités ont refusé de nombreuses demandes soumises par des groupes chrétiens protestants pour utiliser des bâtiments pour prier, mettant ainsi leurs membres en danger d'être persécutés s'ils prient dans des lieux non autorisés.
Le 2 juillet 2008, un tribunal de la ville de Tissemsilt, dans le sud-ouest du pays, a condamné les protestants Rachid Mohammed Seghir et Jammal Dahmani à des peines de prison de six mois avec sursis et une amende de 100 000 dinars (1 500 USD) pour avoir distribué des publications chrétiennes qui « visaient à affaiblir la foi des musulmans ». Les autorités ont aussi appliqué la loi contre des membres de la communauté catholique établie depuis longtemps dans le pays. Le 30 janvier 2008, à Maghnia, un tribunal a condamné le prêtre Pierre Wallez à un an de prison pour avoir prononcé une messe à l'intention d'immigrants clandestins sub-sahariens dans un lieu « non autorisé », peine réduite par la suite par une cour d'appel à deux mois de prison avec sursis.
En septembre, un tribunal de Biskra a condamné six hommes musulmans à quatre ans de prison et une amende pour avoir mangé pendant les heures de jeûne du Ramadan, en vertu de l'article 144bis (2) du code pénal, qui criminalise les actes qui outragent l'Islam. Une cour d'appel a par la suite annulé le verdict.
Impunité pour les abus passés
Plus de 100 000 Algériens sont morts durant le conflit politique des années 1990. Des milliers d'autres ont « disparu » aux mains des forces de sécurité ou enlevés par des groupes armés luttant contre le gouvernement et n'ont jamais été retrouvés, ni morts ni vivants. Les coupables des atrocités de cette période continuent à bénéficier de l'impunité. Le cadre juridique pour cette impunité est la loi de 2006 dite Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui prévoit une amnistie pour les membres des forces de sécurité pour les actions qu'ils ont menées au nom de la lutte contre le terrorisme, et pour les membres des groupes armés non impliqués dans les actes les plus odieux.
La loi promet une compensation aux familles des personnes « disparues » mais en même temps elle érige en infraction pénale les critiques des institutions de l'Etat ou des forces de sécurité pour la façon dont elles se sont conduites au cours de la période de conflit politique. Les autorités ont à maintes reprises harcelé les associations représentant les familles des « disparus » qui contestent les politiques de l'Etat en continuant à demander justice contre les coupables ou au moins que l'Etat donne des informations sur le sort de leurs parents disparus. Par exemple, le 26 mars 2008, un tribunal de Constantine a condamné Louisa Saker, Rabah Boulagheb et Sofiane Mehamlia, tous parents de « disparus », pour leur rôle dans une manifestation sur cette question. Le tribunal a inculpé Louisa Saker de participation à une manifestation non autorisée, tandis que Rabah Boulagheb et Sofiane Mehamlia étaient inculpés par contumace de ce chef d'accusation et aussi de violence, de vol, et de saper l'autorité d'agents de l'Etat. Leur procès en appel était en cours en novembre.
Torture, détention au secret et peine de mort
L'Algérie a modifié son code pénal en 2004 pour faire de la torture un crime explicite. Néanmoins, Amnesty International « continue à recevoir régulièrement des informations faisant état de détentions secrètes dans des lieux de détention non officiels et d'actes de torture par des membres du DRS [Département du renseignement et de la sécurité] ». Le Comité international de la Croix-Rouge se rend régulièrement dans les prisons en Algérie mais pas dans les lieux de détention gérés par le DRS.
Le Comité de l'ONU contre la torture, dans son examen en mai 2008 du rapport de l'Algérie au comité, a exprimé sa préoccupation à propos d'informations selon lesquelles la limite légale de douze jours en détention préventive dans les affaires de terrorisme « peut, en pratique, être prolongée à plusieurs reprises » et « la loi ne garantit pas le droit à consulter un avocat pendant la période de garde à vue, et le droit d'une personne en détention à être examinée par un docteur et à communiquer avec sa famille n'est pas toujours respecté ».
Les tribunaux algériens ont prononcé des dizaines de peines de mort en 2008, dont beaucoup à l'encontre d'accusés dans des affaires de terrorisme et la plupart par contumace. Bien qu'ayant prononcé des centaines de condamnations à mort au cours des dernières années, l'Algérie a observé de fait un moratoire sur les exécutions depuis 1993.
Terrorisme et contreterrorisme
De janvier à septembre 2008, 265 personnes au moins ont été déclarées mortes dans plus de 21 attentats revendiqués surtout par l'Organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique. La principale attaque, un attentat à la voiture piégée devant une école de police à Issers le 19 août, aurait fait 44 tués et 45 blessés. Le 11 décembre 2007, deux bombes ont explosé à quelques minutes d'intervalle à Alger, l'une visant le bureau des Nations Unies et l'autre explosant devant le Conseil constitutionnel. Les bombes ont tué 41 personnes et en ont blessé plus de 177, selon les agences de presse. Le gouvernement algérien a déclaré que les bombes avaient tué 26 personnes.
Les forces de sécurité, probablement le DRS, ont arrêté immédiatement deux Algériens que les Etats-Unis avaient transférés depuis Guantanamo en juillet 2008, les ont détenus au secret pendant 12 jours et les ont accusés d'appartenance à une organisation terroriste et d'usage de faux documents de voyage. Le tribunal a ensuite autorisé leur mise en liberté provisoire. Un tribunal a retenu les mêmes chefs d'accusation contre deux autres Algériens renvoyés par les Etats-Unis depuis Guantanamo au mois d'août, puis a autorisé leur mise en liberté provisoire.
La définition du terrorisme dans le code pénal est si large qu'elle peut être utilisée pour réprimer l'exercice non violent de libertés civiles. Cette définition inclut par exemple, « tout acte visant la sûreté de l'Etat ... par toute action ayant pour objet ... d'attenter aux symboles de la Nation et de la République ... ou de faire obstacle au fonctionnement des institutions publiques ... ou à l'application des lois et règlements ». Le code prévoit aussi jusqu'à dix ans d'emprisonnement pour encouragement ou apologie d'actes terroristes.
Camps de réfugiés gérés par le Polisario en Algérie pour les Sahraouis
Depuis la fin des années 1970, le Front Polisario a gouverné des camps aux confins du sud-ouest de l'Algérie pour les réfugiés sahraouis ayant fui le Sahara occidental, juste de l'autre côté de la frontière. Le Front Polisario autorise les habitants des camps à critiquer sa gestion des problèmes quotidiens, mais il marginalise ceux qui contestent ouvertement son pouvoir ou son orientation politique générale. Il n'y a pas eu, toutefois, d'informations confirmées faisant état de détentions de personnes par le Polisario pour des raisons politiques en 2007 ou dans la première moitié de l'année 2008. En 2008, les réfugiés étaient laissés largement libres de quitter les camps s'ils le souhaitaient, en passant par la Mauritanie.
Le gouvernement algérien n'a pas, à la connaissance de Human Rights Watch, reconnu explicitement sa responsabilité de sauvegarder les droits humains des Sahraouis vivant dans les camps gérés par le Polisario sur le sol algérien.
Acteurs internationaux clés
Bien que siégeant au Conseil des droits de l'homme de l'ONU en 2006-2007, l'Algérie a continué en 2008 de ne pas accéder aux requêtes de longue date pour des visites de pays faites par les rapporteurs spéciaux de l'ONU sur la torture, sur la promotion et la protection des droits humains dans la lutte contre le terrorisme, et sur les exécutions sommaires, arbitraires ou extrajudiciaires. L'Algérie faisait partie du premier groupe de pays examinés dans le cadre du mécanisme de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme de l'ONU en avril 2008.
Les Etats-Unis ne fournissent presqu'aucune aide financière à l'Algérie riche en pétrole, mais les deux pays se sont rapprochés, notamment en tant qu'alliés dans la lutte contre le terrorisme. Dans une rencontre entre les deux pays au plus haut niveau pour l'année 2008, la Secrétaire d'Etat Condoleezza Rice a rendu visite au Président Bouteflika à Alger le 6 septembre, réitérant des « liens d'amitié » et la coopération contre le terrorisme. Condoleezza Rice n'a fait aucune déclaration publique à propos des droits humains mais le 19 septembre, l'Ambassadeur extraordinaire pour la liberté religieuse dans le monde, John Hanford, a critiqué la détérioration du traitement des minorités religieuses en Algérie, quand il a présenté le rapport 2008 du Département d'Etat sur la liberté religieuse dans le monde.