newsstand in Abidjan

Pour que la justice compte

Enseignements tirés du travail de la CPI en Côte d’Ivoire

Les unes de plusieurs quotidiens exposées dans un kiosque à journaux d’Abidjan, le 1er octobre 2014, et consacrées en partie à l’audience préliminaire alors en cours dans une affaire dont a été saisie la Cour pénale internationale à la suite des violences post-électorales de 2010-2011 en Côte d’Ivoire. © 2014 Human Rights Watch

Résumé

En octobre 2011, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont autorisé le Procureur de la Cour à ouvrir une enquête sur des crimes commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011 qui a secoué la Côte d’Ivoire. La crise a commencé après que l’ancien président, Laurent Gbagbo, sorti perdant des urnes, a refusé de céder le pouvoir au président élu, Alassane Ouattara. Cinq mois de violence ont suivi ces élections contestées. Au moins 3 000 civils ont été tués dans des attaques perpétrées au nom de la politique et parfois au nom de l’appartenance ethnique et de la religion par des forces affiliées à Gbagbo ou à Ouattara.

À ce jour, le Bureau du Procureur (BdP) de la CPI a engagé des poursuites contre trois personnes, y compris Laurent Gbagbo, pour des crimes prétendument commis par des forces fidèles à Gbagbo. Le BdP continue actuellement de mener ses enquêtes sur les violences postélectorales qui ont frappé le pays.

La mission fondamentale de la CPI est de rendre la justice par le biais de procédures pénales justes. Les bienfaits de la justice sont incommensurables : elle veille à ce que les victimes obtiennent réparation et elle contribue à favoriser le respect des règles de droit, notamment dans des sociétés déchirées par la guerre.

Mais des procédures justes, à elles seules, ne suffisent pas. Les bienfaits de la justice sont difficiles à réaliser à moins que les efforts déployés pour obliger les auteurs de crimes à répondre de leurs actes tiennent également compte des préoccupations des communautés affectées et soient clairement compris par ces communautés. Par conséquent, les représentants de la CPI doivent exécuter leur mission en veillant à ce que la justice rendue par la CPI soit accessible, significative et perçue comme légitime – en d’autres termes, qu’elle puisse avoir un impact – dans les pays dans lesquels la Cour mène ses enquêtes.

Ce rapport examine l’engagement de la Cour en Côte d’Ivoire et, dans une moindre mesure au Mali, où le BdP a ouvert des enquêtes en 2013. Nos recherches qui se sont appuyées sur des entretiens avec des représentants de la société civile et des journalistes ivoiriens et maliens ainsi que sur l’examen des décisions de justice et documents policiers pertinents révèlent que la Cour n’a pas encore saisi toutes les opportunités qui s’offrent à elle pour renforcer l’impact de ses procédures en Côte d’Ivoire.

A. Importance de l’impact

Avant la fin 2015, la CPI, la seule cour pénale internationale permanente au monde, va déménager dans son nouveau siège spécialement construit à La Haye, aux Pays-Bas. Depuis le début de ses activités en 2003, la CPI utilise des installations temporaires situées dans la banlieue de La Haye. Avec ce nouveau siège impressionnant dont la construction touche à sa fin, il est sans doute tentant de considérer la CPI comme une cour exclusivement basée à La Haye. Les salles d’audience et la très grande majorité de son personnel s’y trouvent. Et bien que son cadre légal permette à la CPI de tenir audience sur d’autres sites, il est probable que la plupart des procès aient lieu à La Haye.

Toutefois, la Cour travaille au quotidien dans les pays dans lesquels elle a ouvert des enquêtes. C’est dans ces pays que les crimes à instruire devant la Cour ont été commis et, dès lors, que les enquêtes doivent en grande partie être menées. C’est également là que résident les personnes et les communautés qui ont été affectées par la perpétration de ces crimes au sein de la juridiction de la Cour et qui font face à des conflits permanents ou paient les frais des violations massives des droits humains.

Ces communautés affectées sont au cœur du travail de la Cour. Bien que la CPI puisse compter sur de nombreux soutiens – depuis les gouvernements composant ses 123 États parties jusqu’aux organisations intergouvernementales apportant leur soutien à la CPI en passant par la société civile internationale qui a fait campagne pour la création de la Cour –, les victimes et les communautés qui ont été directement affectées par ces crimes atroces constituent le principal groupe concerné. Dans des situations qui font l’objet d’enquêtes menées par la CPI relativement à des conflits secouant le territoire d’un pays donné ou chaque fois que les personnes accusées de crimes sont des figures nationales – comme c’est souvent le cas -, toute la population de ce pays est susceptible d’être concernée par les affaires portées devant la Cour.

Quant à l’impact de la CPI sur les communautés affectées, il est important que la justice soit rendue mais il est également essentiel qu’elle soit de qualité et que des efforts soient entrepris pour s’assurer que le fait de rendre la justice est visible. À titre d’exemple, les procès de leaders ou anciens leaders peuvent envoyer un message clair pour montrer que personne n’est au-dessus des lois, affirmant ainsi avec force la règle de droit – mais cela ne vaut que lorsque ce message est entendu et compris par les personnes victimes de cette criminalité.

Les efforts déployés par les représentants de la CPI pour garantir l’impact du travail de la Cour – en d’autres termes pour veiller à ce que son travail soit accessible, significatif et perçu comme légitime – au sein des communautés affectées constituent donc une part essentielle de la mission de la Cour.

B. Influencer l’impact

Les organes de la cour ont un certain nombre de missions ou responsabilités autour de l’engagement des communautés affectées et de l’optimisation de l’impact de la CPI. Nombre de ces organes sont soutenus par la présence du personnel de la CPI, qu’elle soit temporaire ou permanente, dans les pays où la CPI mène ses enquêtes.

La sélection des affaires par le BdP est primordiale en termes de justice et d’impact. La CPI n’est pas censée juger toutes les affaires de crime grave découlant d’une situation donnée ; et le BdP dispose d’une grande marge de manœuvre pour décider, sur la base de ses enquêtes, des affaires spécifiques à instruire.

S’agissant de l’intensification de l’impact, toutefois, la sélection et la hiérarchisation des affaires par le BdP doivent refléter des profils sous-jacents de crimes graves – types de crime, lieu de leur perpétration et groupes incriminés – établis à la suite d’enquêtes impartiales et indépendantes sur des allégations avancées à l’encontre de toutes les parties. Le BdP doit chercher à porter des accusations contre les personnes qui sont les plus responsables et les plus représentatives des crimes les plus graves.

D’autres critères permettent d’orienter la sélection des affaires et d’établir un certain ordre de priorité ; et nous ne formulons aucune théorie globale à cet égard dans le présent document. Mais nos observations de l’expérience de la CPI dans les pays dont elle examine la situation montrent que, chaque fois que les affaires ne répondent pas au moins aux critères susmentionnés, la Cour peut perdre de sa légitimité aux yeux des communautés affectées, son impact étant de fait réduit.

Les responsabilités de la Cour quant à son impact s’étendent au-delà de celles assignées au BdP. Elles couvrent notamment les programmes de sensibilisation du Greffe destinés à rendre les procédures de justice accessibles aux communautés affectées ainsi que des initiatives visant à faciliter l’exercice des droits garantis par le Statut de Rome permettant aux victimes de prendre part à des procédures judiciaires et de demander réparation. Les projets d’assistance mis en œuvre par le Fonds au profit des victimes du Statut de Rome dont l’objectif est de proposer une réadaptation physique et psychologique ainsi qu’un soutien matériel peuvent avoir un effet immédiat sur la vie de certaines victimes.

En outre, bien qu’il ait fait l’objet de trop peu d’attention jusqu’à aujourd’hui, le rôle de la CPI, partagé par tous les organes et consistant à engager les autorités judiciaires et les professionnels du pays concerné eu égard aux procès nationaux des crimes relevant de la CPI (une partie de ce qui est appelé la « complémentarité positive »), est essentiel pour son impact à long terme et sa contribution dans les pays dont la situation est examinée par la Cour.

Même si le BdP est indépendant des autres organes de la Cour, la sélection d’affaires par le BdP dans une situation nationale donnée crée le cadre dans lequel ces autres acteurs doivent exécuter leurs propres responsabilités. Ceci se répercute sous diverses formes. La sélection des affaires par le BdP peut être à l’origine de problèmes de perception qui vont affecter la neutralité des informations fournies dans le cadre des programmes de sensibilisation de la Cour. Dans le même temps, les enquêtes du BdP et le choix des affaires déclenchent les procédures judiciaires qui vont être par la suite introduites devant la Cour ; la vitesse des enquêtes du BdP et, plus généralement, la nature imprévisible des développements judiciaires découlant de ces enquêtes, ont une incidence sur les délais dans lesquels les autres acteurs peuvent mettre en œuvre leurs propres activités. Et d’après la jurisprudence de la Cour, la portée des accusations du BdP déterminera quelles sont les victimes autorisées à prendre part aux procédures et même à demander réparation.

L’impact de la Cour – à savoir sa pertinence, son accessibilité et sa légitimité dans les communautés affectées – est susceptible de dépendre, d’un côté, des affaires sélectionnées par le Procureur (et en dernier lieu du caractère équitable ou non de leur instruction) et, d’un autre côté, de la façon dont d’autres acteurs de la CPI gèrent les décisions du BdP sur la sélection des affaires lorsqu’ils s’acquittent de leurs propres responsabilités.

Pour tous les acteurs de la Cour, l’optimisation de son impact n’est pas chose aisée. C’est notamment vrai si l’on tient compte de sa vaste mission qui impose de travailler simultanément dans plusieurs situations nationales avec des ressources limitées.

Considérant l’expérience de la CPI jusqu’à aujourd’hui ainsi que celle des tribunaux qui l’ont précédée, il convient de garder à l’esprit un certain réalisme quant à l’impact que la CPI peut avoir. L’impact n’est pas seulement le produit de facteurs sous le contrôle des représentants de la Cour. Les proches des victimes pourront être davantage préoccupés par le fait d’amener devant la justice les auteurs des crimes plutôt que les commandants, par exemple, alors que la Cour doit se concentrer essentiellement sur les personnes assumant les plus grandes responsabilités dans des abus graves. La CPI va souvent travailler dans des contextes hautement politisés – où le soutien de la justice et le rôle de la CPI, même chez les victimes, ne sont pas nécessairement évidents.

Mais l’optimisation de l’impact de la Cour par le biais de son engagement auprès des communautés affectées doit rester un but stratégique pour les représentants de la Cour, leur attention et leurs efforts constants étant nécessaires pour avancer sur cette voie.

C. Effet des décisions du Bureau du Procureur sur l’impact en Côte d’Ivoire

À ce jour, suite à ses enquêtes en Côte d’Ivoire, le BdP a engagé des poursuites contre trois personnes: Laurent Gbagbo, son épouse, Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé, ancien ministre de la Jeunesse, proche allié de l’ex-président et leader historique d’une violente milice pro-Gbagbo. Le procès de Gbagbo et de Blé Goudé doit débuter devant la CPI en novembre 2015, alors que Simone Gbagbo se trouve toujours en Côte d’Ivoire, suite au refus des autorités de la transférer à la Cour. Le BdP a indiqué que ses enquêtes en Côte d’Ivoire se poursuivront en toute impartialité mais, quatre ans après avoir demandé la permission d’ouvrir des enquêtes, le BdP n’a toujours pas porté d’accusations devant la Cour pour les crimes commis par les alliés de Ouattara.

L’absence à ce jour d’affaires portant sur des crimes commis par des forces pro-Ouattara signifie que, jusqu’ici, le BdP a manqué l’objectif visant à sélectionner des affaires d’une façon susceptible d’optimiser son impact dans le pays. Cette omission et d’autres décisions du BdP ont également été à l’origine d’un certain nombre de difficultés pour d’autres acteurs de la Cour.

Premièrement, le BdP a avancé rapidement avec ses premières enquêtes ; dans les deux mois qui en ont suivi l’ouverture des enquêtes, la CPI a délivré un mandat d’arrêt contre Gbagbo et ce dernier a été transféré à La Haye. La rapidité des enquêtes initiales du BdP n’est pas en cause ici. Mais cela a fait que d’autres acteurs de la Cour et notamment l’Unité de la sensibilisation ont fait face à d’importants besoins d’informations sur le terrain dans un laps de temps très court.

Deuxièmement, bien que des crimes aient été commis par les forces pro-Gbagbo à Abidjan et dans l’intérieur du pays, notamment à l’ouest, le couple Gbagbo et Blé Goudé sont seulement accusés de quatre ou cinq incidents qui ont tous eu lieu à Abidjan. Par conséquent, à ce jour, les affaires de la CPI ne reflètent pas convenablement l’étendue des violences postélectorales.

Troisièmement – et c’est sans doute là le point le plus important – bien que le BdP ait maintenu sa volonté d’enquêter sur les crimes commis par toutes les parties au conflit, il a déterminé un ordre pour ses enquêtes et a décidé d’examiner en premier lieu les crimes commis par les forces alliées à Gbagbo. La focalisation des affaires de la CPI jusqu’à aujourd’hui sur les exactions d’une seule partie a contribué à la division de l’opinion sur la cour et a affecté les perceptions sur sa légitimité.

Ce démarrage rapide, le nombre limité d’incidents couverts par les affaires de la Cour et l’approche du BdP axée sur les crimes d’une seule partie ont grandement entravé l’exécution de la mission du Greffe consistant à engager les communautés affectées afin que des informations objectives sur les procédures soient fournies et qu’un plus grand nombre de victimes soient engagées dans le cadre des procédures introduites devant la Cour. Et pourtant, les stratégies mises en œuvre par ces autres acteurs de la Cour n’ont pas permis de saisir les opportunités qui auraient pu pallier ces difficultés et permettre à la Cour d’avoir un plus grand impact sur le terrain.

D. Actions d’information et de sensibilisation du public

Afin de garantir que la justice n’est pas seulement rendue mais qu’elle est également perçue comme telle – notamment dans les communautés affectées par les crimes à juger, la CPI a besoin de communiquer clairement sur sa mission, sur les procédures de justice et sur d’autres développements pertinents. À la CPI, « sensibilisation » fait référence à un véritable dialogue dynamique entre la cour et les communautés affectées par les situations examinées par la CPI, dialogue par le biais duquel ces informations sont fournies. Le terme « sensibilisation » pourra inclure la sensibilisation « directe », à savoir des moyens de communiquer directement avec les communautés (ex : conseils municipaux, programmes de radio communautaire, productions théâtrales) ou pourra inclure la sensibilisation par le biais du recours aux médias.

Des ressources limitées ont empêché le Greffe de la CPI de détacher un agent chargé de la sensibilisation à Abidjan avant octobre 2014, soit trois ans après l’ouverture des enquêtes. Les activités visant à fournir des informations sur la Cour et ses procédures étaient supervisées par un agent basé à La Haye et par le biais de missions régulières organisées en Côte d’Ivoire.

Du fait de ces ressources limitées, l’Unité de la sensibilisation du Greffe a donné la priorité, dans son programme de sensibilisation communautaire, à la collaboration avec sa Section de la participation des victimes et des réparations (SPVR) et avec un réseau d’organisations non-gouvernementales en vue de fournir des informations aux victimes qui pouvaient éventuellement prendre part aux procédures de justice. Ceci était nécessaire pour garantir l’accès de ces victimes à leur droit de participation protégé par le Statut de Rome.

Toutefois, d’après la jurisprudence de la Cour, seules les victimes qui ont subi un préjudice suite aux incidents évoqués dans les charges d’une affaire spécifique ont le droit de prendre part à cette affaire (appelées « victimes concernées par les affaires traitées par la CPI »). Compte tenu que les affaires ouvertes contre le couple Gbagbo et contre Blé Goudé concernent seulement quatre ou cinq incidents qui se sont tous produits à Abidjan, ceci signifiait que les efforts de sensibilisation de la communauté se limitaient à un certain segment de la population ivoirienne.

Alors que les recherches de Human Rights Watch indiquent que les victimes concernées par les affaires de la CPI ont eu accès à un grand nombre d’informations – une réalisation importante facilitée par un membre du personnel de la SPVR sur le terrain – la priorité donnée par l’Unité de la sensibilisation aux victimes potentielles concernées par les affaires traitées par la CPI a fait que la cour n’a pas été en mesure, par le biais de son programme de sensibilisation communautaire, d’engager plus largement la population ivoirienne.

S’agissant des victimes d’abus commis par les forces pro-Ouattara, ceci pourra avoir aggravé – plutôt que pallié – les problèmes de perception occasionnés par l’approche du BdP axée sur une seule des parties accusées de crimes.

Toutefois, les efforts de l’Unité de la sensibilisation ne se limitaient pas à la sensibilisation de la communauté. Malgré l’absence à Abidjan d’un responsable en charge de la sensibilisation, l’Unité de la sensibilisation s’est étroitement engagée auprès de journalistes ivoiriens. Mais compte tenu de la politisation de la presse écrite en Côte d’Ivoire, reflétant les divisions sous-jacentes dans le pays et, plus généralement, de la défiance de la population à l’égard des médias, il est peu probable qu’il s’agisse d’un outil de sensibilisation efficace.

Les organisations de la société civile se sont engouffrées dans la brèche pour mettre en œuvre des programmes de sensibilisation de plus grande portée. Mais les ressources réduites ainsi que les limites importantes du rôle que doivent, selon toute attente, jouer les acteurs extérieurs à la Cour dans la diffusion des informations sur les procédures de la CPI ont montré que, malgré ces efforts, la Cour doit poursuivre ses propres activités de sensibilisation.

Le personnel de la Cour semble clairement reconnaître ces lacunes. Un agent en charge de la sensibilisation a désormais été détaché à Abidjan ; et la Cour semble s’orienter vers une expansion de ses activités.

E. Renforcement du rôle des victimes

L’une des innovations les plus significatives du Statut de Rome est le droit des victimes à faire part de leurs « vues et préoccupations » ou, comme il est dit devant la CPI, à prendre part aux procédures. La CPI a été le premier tribunal pénal international à reconnaître ce droit mais la cour a peiné à s’assurer du sens de la participation des victimes, à la fois pour les personnes et pour les procédures de justice.

Comme indiqué plus haut, d’après la jurisprudence de la Cour, les juges ont fait la distinction entre les victimes ayant qualité pour agir dans des affaires spécifiques et les victimes ayant qualité pour agir dans des procédures couvrant la situation plus vaste qui donne lieu à ces affaires. De meilleures opportunités de participation se sont présentées aux victimes ayant qualité pour agir dans des affaires spécifiques ; et des limitations affectant le locus standi formel d’autres victimes ont mené à une impasse. Mais, d’un autre côté, compte tenu du fait que la jurisprudence de la Cour impose aux victimes de démontrer un lien avec les accusations afin de prendre part à une affaire spécifique, l’élaboration de ces accusations pourra éteindre tous droits formels à une participation.

Ceci rend d’autant plus importante la mise en pratique des engagements politiques existants du BdP portant sur la consultation des victimes dans toutes les phases de son travail de façon à veiller à ce que sa sélection et sa hiérarchisation des affaires tiennent compte de l’expérience des victimes, un facteur clé pour garantir l’impact. Human Rights Watch recommande au BdP de mettre en place une stratégie spécifique pour consulter les victimes relativement à ses décisions sur la sélection des affaires.

L’engagement d’un plus grand nombre de victimes dans les procédures de justice reste dans une certaine mesure possible avant l’ouverture des affaires. En Côte d’Ivoire, les juges et le Greffe n’ont toutefois pas saisi toutes les opportunités potentielles.

Premièrement, conformément au paragraphe 3 de l’article 15 du Statut de Rome, les victimes en Côte d’Ivoire avaient la possibilité d’adresser des représentations aux juges de la Cour relativement à la demande formulée par le BdP concernant l’ouverture d’enquêtes dans le pays. Le BdP avait besoin de demander l’autorisation des juges pour enquêter car, même si le gouvernement ivoirien avait fait des déclarations selon lesquelles il acceptait la compétence de la Cour, la Côte d’Ivoire n’était pas encore un État partie au Statut de Rome et ne pouvait pas déférer une situation au Procureur de la CPI. En l’absence de renvoi d’un État ou de renvoi du Conseil de sécurité des Nations Unies, le BdP devait, en vertu de l’article 15 du Statut de Rome, demander la permission des juges pour ouvrir des enquêtes dites « proprio motu ».

Le BdP a entrepris des missions en Côte d’Ivoire et a parlé publiquement de sa demande d’ouverture d’enquêtes ainsi que du droit des victimes à soumettre des observations écrites à la Cour. Les juges se sont fondés en partie sur les déclarations soumises par les victimes pour rendre leur décision concernant l’autorisation des enquêtes du BdP. En fait, le BdP doit déterminer si, dans le cadre de son engagement constant en faveur de la consultation des victimes, il doit chercher ou non à répliquer les aspects de la procédure de cet article 15 même dans des enquêtes ouvertes suite à des renvois d’un État ou du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Mais les juges n’ont pas ordonné aux deux organes de la Cour, l’Unité de sensibilisation et la SPVR, de mener des activités particulières dans le pays relativement à la procédure de soumission des représentations.

Deuxièmement, les ressources limitées ont empêché la SPVR de pouvoir soutenir en continu des activités ne ciblant pas seulement des victimes potentielles concernées par les affaires traitées par la CPI mais également la population plus vaste de victimes. Cette hiérarchisation est compréhensible ; et il n’est pas facile de communiquer efficacement avec les autres victimes sur ce qui constitue, selon toute vraisemblance, des opportunités très limitées pour agir en justice. Il existe un risque réel de faire naître des attentes irréalisables ; et l’expérience dans certains des premiers pays concernés par l’intervention de la CPI, parmi lesquels l’Ouganda et la République démocratique du Congo, le confirme.

En effet, la différence entre l’attente et la réalité de la participation des victimes avant l’ouverture d’affaires spécifiques a amené un expert à conclure que, alors que les victimes doivent conserver certains droits fondamentaux devant la CPI les autorisant à contester la sélection des charges par le BdP, il est préférable de porter plutôt l’attention sur une plus grande reconnaissance de ces droits dans des mécanismes de responsabilité nationaux.

Toutefois, une approche de la CPI qui, pendant longtemps, est trop étroitement ciblée et déterminée par l’identification des affaires par le BdP pourra manquer de vision. Une stratégie d’information proactive auprès de toutes les victimes est essentielle pour minimiser la mise à l’écart judiciaire de ces personnes.

F. Des réformes prometteuses pour des approches favorables à l’impact

Concernant les efforts de sensibilisation et les activités destinées à faciliter la participation des victimes, le Greffe de la CPI semble avoir suivi de près les choix opérés par le BdP ou les critères définis par les juges. En d’autres termes, les initiatives liées à la sensibilisation et à la participation des victimes ont donné, dans une large mesure, la priorité à la diffusion d’informations aux victimes qui pouvaient potentiellement prendre part aux affaires introduites par le BdP.

Compte tenu des limites des affaires du BdP – qui, à ce jour, concernent uniquement des incidents survenus à Abidjan et qui ne concernent pas encore des crimes commis par toutes les parties impliquées dans les actes de violence – ceci pourra avoir renforcé l’idée que le BdP a adopté une approche sélective plutôt que de s’être efforcé de saisir toutes les opportunités pour engager plus largement les Ivoiriens.

Human Rights Watch recommande au Greffe de prendre des mesures afin de porter davantage d’attention à l’impact. Le Greffe doit notamment envisager d’adopter au sein de tout l’organe des stratégies d’impact spécifiques à chaque pays dans chaque situation relevant de la CPI. Les stratégies mises en place au sein du Greffe doivent chercher à définir, depuis le tout début des activités du Greffe, la façon dont les missions du Greffe peuvent conjointement contribuer à l’impact. Les stratégies du Greffe devront être étroitement liées aux choix du BdP et aux procédures judiciaires, comme l’ouverture des affaires ou l’introduction des procédures en première instance, de façon plus générale. Mais elles doivent donner au Greffe les moyens de répondre aux demandes et de tirer le meilleur parti des opportunités d’impact dans les pays dont la situation est examinée par la CPI, ce qui surviendra souvent indépendamment de ces procédures.

Des réformes récentes concernant le Greffe de la CPI et la présence de la cour sur le terrain doivent donner aux agents et au personnel du Greffe les moyens de tirer le meilleur parti de cette recommandation. La présence de la Cour dans les pays dont la situation est examinée par la CPI a été longue à mettre en place. Sans doute à cause de l’absence d’agrément des États parties concernant les ressources permettant de financer le détachement de responsables compétents vers des bureaux extérieurs dans les pays dont la situation est examinée par la CPI, son approche est devenue, selon nous, excessivement liée aux développements judiciaires.

Dans une nouvelle structure de Greffe, ces responsables de bureau, appelés « Chefs de bureaux extérieurs », seront désormais placés dans un certain nombre de bureaux extérieurs et superviseront des équipes pluridisciplinaires composées de membres spécialisés dans la sensibilisation et la participation des victimes. Ces Chefs de bureaux extérieurs doivent pouvoir être en mesure de contribuer à l’élaboration d’approches plus stratégiques, spécialement adaptées à chaque situation nationale, et de surveiller la mise en œuvre de ces approches sur le terrain. Dans le même temps, il faudra se prémunir contre le risque associé à la combinaison des différentes missions de sensibilisation et de participation des victimes au sein d’une seule et même équipe pluridisciplinaire qui est susceptible d’aboutir à l’affaiblissement de l’une des deux missions.

Recommandations

Au Bureau du Procureur

  • Consulter davantage les communautés affectées en vue de mieux informer les décisions sur la sélection et la hiérarchisation des affaires à la lumière des expériences des victimes ; et
  • Inclure dans l’ensemble des indicateurs performances en cours de développement à l’échelle de la Cour des indicateurs de performances pertinents pour le renforcement des consultations auprès des communautés affectées.

Au Greffe

  • Adopter au sein du Greffe des stratégies d’impact spécifiques à chaque pays, en regroupant les différentes missions en vue d’élargir l’engagement de la CPI dans les pays dont elle examine la situation ; ces stratégies devront être liées aux développements judiciaires mais devront également reconnaître que les opportunités d’impact ainsi que les besoins d’informations au sein des communautés affectées ne seront pas toujours liés à ces développements ;
  • Tirer le meilleur parti des réformes envisagées, y compris la mise en place de « Chefs de bureaux extérieurs » dans les bureaux locaux de la CPI, en vue de développer des stratégies d’impact spécifiques à chaque pays, de garantir une approche coordonnée au sein du Greffe dans la mise en œuvre de ces stratégies et de s’engager auprès des autorités nationales et des partenaires internationaux dans les pays dont la situation est examinée par la CPI relativement aux programmes de renforcement des capacités dans le secteur de la justice nationale qui revêt une pertinence pour l’impact à long terme de la CPI ; et
  • Inclure dans l’ensemble des indicateurs de performances en cours de développement à l’échelle de la Cour des indicateurs de performances pertinents pour augmenter l’impact de la CPI dans le cadre des missions du Greffe.

Aux États parties au Statut de Rome de la CPI

  • Apporter des ressources additionnelles, si nécessaire, au budget de la CPI aux fins de soutenir la mise en œuvre par la Cour de stratégies d’impact plus solides.

Méthodologie

Ce rapport s’appuie sur des recherches effectuées sur le terrain à Abidjan et à Bamako ainsi que sur des entretiens directs ou téléphoniques ou des échanges de courriers électroniques avec des personnes se trouvant à Abidjan, Belfast, Berkeley, Bruxelles, Genève, Kampala, La Haye, Londres et Washington entre août 2014 et juillet 2015.

Human Rights Watch a choisi ces sites en fonction du siège de la Cour pénale internationale (CPI) sis à La Haye et en fonction des pays concernés par les deux affaires objet de l’étude de ce rapport, la Côte d’Ivoire et le Mali.

Human Rights Watch a réalisé des entretiens téléphoniques et directs avec pas moins de 75 personnes, dont 16 membres du personnel de la CPI, des représentants d’au moins 16 organisations de la société civile, des agents des Nations Unies, des membres de la communauté diplomatique dans les deux pays, des journalistes et trois spécialistes de la justice internationale ou transitionnelle.

Les entretiens avec les membres du personnel de la CPI ont été menés dans divers contextes (entretiens individuels ou collectifs). Les entretiens ont généralement duré une heure environ. Nous avons reçu une réponse globale envoyée via courrier électronique par le Greffe de la CPI suite à un questionnaire qui lui a été soumis sur la participation des victimes.

De nombreux entretiens avec des organisations de la société civile ont eu lieu en présence de plus d’un représentant de la même organisation de la société civile.

Nous avons également réalisé des entretiens auprès de neuf journalistes à Abidjan et à Bamako. En novembre 2014, des entretiens téléphoniques ont été réalisés depuis Bruxelles avec trois autres journalistes basés à Abidjan.

La Côte d’Ivoire et le Mali ont été choisis pour représenter les deux études de cas couvertes par ce rapport. Ce choix a été fait compte tenu des contrastes observés au niveau de la situation des enquêtes menées par la CPI dans ces pays. En Côte d’Ivoire, les enquêtes lancées par le Bureau du Procureur (BdP) de la CPI ont abouti à la délivrance d’un mandat d’arrêt et du transfert d’un suspect à La Haye dans les deux mois qui ont suivi le début des enquêtes. Au Mali, des enquêtes ont été ouvertes par le BdP en 2013 mais n’ont pas encore abouti à des mandats d’arrêt publics.

Compte tenu du caractère plus restreint des enquêtes de la CPI au Mali, nous avons choisi d’intégrer nos recherches sur le Mali dans la discussion générale de ce rapport axé autour de la présence sur le terrain de la Cour plutôt que de faire une analyse indépendante plus précise de la situation (voir Partie II ci-dessous).

Le personnel du Greffe de la CPI a aidé à l’identification de certaines des personnes que nous avons interrogées. Human Rights Watch a également examiné les décisions et les déclarations de politique générale de la CPI, ainsi que certains rapports pertinents sur la CPI rédigés par d’autres organisations de la société civile. En outre, le rapport puise abondamment dans les recherches antérieures menées dans le cadre de la rédaction de notre rapport de juillet 2008, Une Cour pour l’Histoire : Les premières années de la Cour pénale internationale à l’examen et se fonde sur les observations tirées du suivi constant de la CPI par l’organisation, y compris dans les six autres pays desquels la Cour examine la situation.

La plupart des entretiens conduits au cours des recherches en Côte d’Ivoire et au Mali, notamment auprès des représentants des organisations de la société civile et des journalistes, ont été réalisés avec l’aide d’interprètes français / anglais. Des entretiens directs et téléphoniques conduits en dehors de la Côte d’Ivoire et du Mali ont été réalisés en anglais, à l’exception des entretiens téléphoniques menés auprès de trois journalistes basés à Abidjan. Ces entretiens ont été conduits en français avec l’aide d’un interprète.

I. Influencer l’impact

L’objectif de rendre la justice par le biais de procédures pénales équitables est au cœur du mandat de la Cour pénale internationale (CPI). Toutefois, des procédures équitables ne suffisent pas à garantir que la justice rendue par la CPI soit accessible, significative et perçue comme légitime – en d’autres termes, qu’elle puisse avoir un impact – dans les pays dans lesquels la Cour mène ses enquêtes.[1] Quant à l’impact, il est important que la justice soit rendue mais il est également essentiel qu’elle soit de qualité et que des efforts soient entrepris pour s’assurer que le fait de rendre la justice est visible.

Cette compréhension immédiate de l’impact est susceptible d’être un prérequis nécessaire pour que la Cour, par le biais de ses procédures, réalise des objectifs plus vastes, y compris en regroupant d’autres parquets nationaux en vue de favoriser une responsabilisation totale et en tenant compte des causes profondes de la criminalité en vue de prévenir de futurs crimes. À titre d’exemple, les procès de leaders ou anciens leaders peuvent envoyer un message clair pour montrer que personne n’est au-dessus des lois, affirmant ainsi avec force la règle de droit – mais cela ne vaut que lorsque ce message est entendu et compris par les personnes victimes de cette criminalité.

L’ « impact » de la Cour peut faire référence à ces deux dimensions : premièrement, la pertinence, la signification et la légitimité de la Cour au sein des communautés affectées et, deuxièmement, l’effet que la CPI pourrait plus largement avoir en termes de responsabilisation et de dissuasion. Toutefois, ce rapport traite principalement de la première dimension de l’impact.

Considérant l’expérience de la CPI jusqu’à aujourd’hui ainsi que celle des tribunaux qui l’ont précédée, il convient de garder à l’esprit un certain réalisme quant à l’impact que la CPI peut avoir.[2] L’impact n’est pas seulement le produit de facteurs sous le contrôle des représentants de la Cour. Les proches des victimes pourront être davantage préoccupés par le fait d’amener devant la justice les auteurs des crimes plutôt que les commandants, par exemple, alors que la Cour doit se concentrer essentiellement sur les personnes assumant les plus grandes responsabilités dans des abus graves. La CPI va souvent travailler dans des contextes hautement politisés où le soutien de la justice et le rôle de la CPI, même chez les victimes, ne sont pas nécessairement évidents. Et avoir un impact dans les pays relevant de la compétence de la CPI devient de plus en plus compliqué car les affaires présentées devant la Cour se sont multipliées et ses ressources n’ont pas suivi.

Toutefois, l’impact devrait rester un objectif stratégique central pour les représentants de la Cour.

En effet, compte tenu du fait que la CPI est susceptible de juger seulement quelques affaires dans chaque pays, les représentants de la Cour doivent veiller à optimiser l’effet de ces procédures afin d’augmenter l’impact général de la Cour. À cet égard, les représentants ont un certain nombre de responsabilités différentes qui sont examinées ci-après.

A. Sélection des affaires par le Bureau du Procureur

La CPI n’est pas censée juger tous les crimes ou tous les auteurs de crime et, dès lors, le nombre d’affaires introduites par le Bureau du Procureur (BdP) dans chaque situation sera limité et la portée de ces affaires sera restreinte. Du fait notamment de ces limites et restrictions, la sélection et la hiérarchisation des affaires par le BdP sont essentielles en termes d’impact de la Cour. Pour les victimes, la stratégie de sélection du Procureur donne la première mesure la plus visible de la façon dont la Cour va tenir compte de la souffrance qu’elles ont endurée. La sélection par le Procureur des auteurs de crimes présumés et des accusations a également des implications pratiques pour les victimes : elle détermine quelles sont les victimes qui sont autorisées à faire entendre leur voix en tant que participants aux procédures (voir Partie VI ci-dessous).

S’agissant de l’impact, les affaires du BdP doivent refléter des profils sous-jacents de crimes relevant de la compétence de la CPI – à savoir les types de crime, le lieu de leur perpétration et les groupes incriminés – établis à la suite d’enquêtes impartiales et indépendantes sur des allégations avancées à l’encontre de toutes les parties. Dans la pratique, la CPI jugera les personnes ayant le plus de responsabilité dans les crimes les plus graves sur la base d’accusations représentatives des profils sous-jacents de crimes relevant de la compétence de la CPI.

Ceci impliquera généralement la tenue d’enquêtes et l’instruction de plusieurs affaires dans une situation donnée. Ces affaires doivent être identifiées sur la base d’enquêtes fondées sur une profonde connaissance du contexte dans lequel évolue la CPI, l’accent étant mis sur les auteurs des crimes et les incidents correspondant aux profils de crime sous-jacents et une attention particulière étant portée aux affaires – du fait de leur caractère plus complexe ou du fait des défendeurs de haut rang impliqués – les moins susceptibles d’être efficacement instruites par les autorités nationales.[3]

D’autres critères sont valables pour orienter la sélection et la hiérarchisation des affaires et nous n’élaborons aucune théorie globale à cet égard dans le présent document. Mais, chaque fois que les affaires du BdP ne répondent pas au moins à ces critères, nos observations dans les pays dont la situation est examinée par la CPI montrent que la Cour peut perdre de la légitimité aux yeux des communautés affectées, amoindrissant ainsi son impact.

Bien que l’approche exposée ci-dessus soit largement cohérente avec les engagements politiques du BdP établis à ce jour, un problème particulier a été relevé dans la procédure de sélection et de hiérarchisation des affaires par la CPI : l’incapacité dans certaines situations de porter des affaires en justice chaque fois que plus d’une partie à un conflit a commis des crimes graves (comme en Libye et dans l’enquête dans les Kivus en République démocratique du Congo) ou de minimiser le délai écoulé entre les affaires introduites à l’encontre de différentes parties au conflit (comme dans l’enquête en Ituri en République démocratique du Congo et en Côte d’Ivoire, cette dernière affaire étant examinée plus précisément ci-après) ou de donner des explications adéquates quant aux raisons pour lesquelles aucune poursuite n’est engagée (comme en Ouganda).[4]

B. Actions d’information et de sensibilisation du public

Les opérations d’information et de sensibilisation de la Cour menées par son Greffe – un organe de la CPI neutre en charge des aspects non judiciaires de l’administration de la Cour – visent à établir un dialogue avec les communautés affectées par les crimes jugés devant la CPI, l’objectif étant de rendre ses procédures judiciaires accessibles à ces communautés. En effet, afin de garantir que la justice n’est pas seulement rendue mais qu’elle est également perçue comme telle dans les communautés affectées, la CPI a besoin de communiquer clairement sur sa mission, sur les procédures de justice et sur d’autres développements pertinents. C’est là un enseignement clé qui a été tiré par les cours pénales internationales ad hoc en ex-Yougoslavie et au Rwanda ainsi que par la Cour spéciale pour la Sierra Leone.

Le terme « sensibilisation » pourra inclure la sensibilisation « directe », à savoir des moyens de communiquer directement avec les communautés (ex : conseils municipaux, programmes de radio communautaire, productions théâtrales...), ou pourra inclure la sensibilisation par le biais du recours aux médias.

À l’appui de ces responsabilités, le Greffe a mis en place une Unité de la sensibilisation au sein de la Section de l’information et de la sensibilisation (ancienne Section de l’information et de la documentation, SID). L’Unité de la sensibilisation se compose d’un petit effectif basé à La Haye et dans les bureaux extérieurs de la CPI. Les activités de communication du Greffe doivent être menées en toute neutralité mais peuvent être réalisées en coordination étroite avec les autres acteurs de la Cour pour la diffusion des réponses aux questions posées au BdP par exemple.

Le BdP dispose d’une Unité de l’information publique ; et les représentants et les membres du personnel mènent leurs propres activités de diffusion des informations auprès du public, y compris dans des situations faisant l’objet d’enquêtes, mais ne s’engagent pas dans des activités de « sensibilisation » au sens de la définition donnée par la CPI.

C. Participation des victimes et réparations

Le Statut de Rome prévoit la « participation des victimes » dans les procédures de la Cour ; en d’autres termes, il donne aux victimes certains droits les autorisant à présenter leurs vues et préoccupations à la Cour. Les victimes peuvent comparaître devant la Cour – bien que cette comparution se fasse généralement par le biais d’un représentant légal désigné aux fins d’agir au nom d’un groupe de victimes plutôt que personnellement – de plein droit et non pas simplement comme des témoins appelés par l’une des parties. Même si le système de participation des victimes devant la CPI dérive du système de « partie civile » des juridictions de droit civil, à la CPI, les victimes sont des participants plutôt que des parties à part entière comme l’accusation et la défense. La mise en œuvre de la participation des victimes – y compris les procédures pour que les victimes demandent à participer ou soient enregistrées – est soumise à la décision des juges et a varié selon la phase des procédures et selon les affaires traitées par la Cour.

Le Statut de Rome donne également aux victimes d’autres occasions spécifiques de faire connaître leur point de vue à la Cour. En vertu du paragraphe 3 de l’Article 15 du Statut de Rome, par exemple, les victimes peuvent adresser des « représentations » écrites aux juges dans le cadre des procédures visant à statuer sur l’autorisation d’enquêtes « proprio motu » par le BdP. Les enquêtes « proprio motu » sont celles ouvertes « à la requête » du BdP plutôt qu’à la suite du renvoi d’un État ou du Conseil de sécurité.

Le Statut de Rome prévoit également des réparations judiciaires pour les victimes en cas de condamnation.

La Section de la participation des victimes et des réparations (SPVR) du Greffe est chargée de faciliter les demandes de participation et de réparation des victimes, de donner les avis de décision concernant les intérêts des victimes et d’aider les victimes et la Cour à choisir et désigner les avocats.

D. Procédures in situ

Bien que le siège de la CPI se situe à La Haye, la Cour peut tenir des instances judiciaires dans d’autres lieux, ces instances étant appelées procédures « in situ ». À ce jour, les procédures in situ se sont limitées à une visite des juges de la CPI en République démocratique du Congo ; les juges ont inspecté les scènes de crime dans le cadre des accusations portées dans l’affaire instruite par le Procureur à l’encontre de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui.

E. Fonds au profit des victimes

Le Fonds au profit des victimes (FPV) a été mis en place par l’Assemblée et a été investi d’une double mission. Premièrement, il peut mettre en œuvre les réparations ordonnées par la Cour en cas de condamnation. Deuxièmement, il peut apporter une assistance provisoire – appelée « mandat d’assistance » – aux victimes des pays dont la situation est examinée par la CPI, parallèlement aux procédures judiciaires. Ces projets d’assistance proposent aux victimes une réadaptation physique ou psychologique ou un soutien matériel. Le FPV couvre actuellement des projets d’assistance dans deux des huit pays dont la situation est examinée par la CPI (Ouganda et République démocratique du Congo).

Le Fonds au profit des victimes n’est pas encore présent en Côte d’Ivoire. Le directeur du Fonds a expliqué que, jusqu’à une époque récente, un manque de dons volontaires a empêché son expansion au-delà des deux pays dont la situation est examinée par la CPI, l’Ouganda et la République démocratique du Congo, où le Fonds est actuellement actif.[5] Bien que les membres du personnel du secrétariat du Fonds soient financés sur le budget ordinaire de la Cour, le Fonds compte sur des dons volontaires pour financer son mandat d’assistance.[6]

Toutefois la situation financière du Fonds est en train de s’améliorer ; et ses ressources (couvrant à la fois des projets d’assistance et une réserve mise de côté pour financer les réparations ordonnées par la Cour) ont augmenté passant de 4 millions d’euros en 2009 à un peu plus de 10 millions d’euros en juillet 2014.[7] Ainsi, le FPV doit être en mesure de s’occuper de projets d’assistance dans d’autres pays dont la situation est examinée par la CPI. Le Fonds prévoit donc de détacher deux membres de son personnel dans le bureau d’Abidjan début 2016.[8]

F. Complémentarité positive

En vertu du « principe de complémentarité », la CPI est un tribunal de dernier ressort intervenant uniquement dans les cas où les autorités du pays ne sont pas aptes ou disposées à juger des affaires à l’échelle nationale. Mais, même lorsque la CPI a lancé ses propres enquêtes, ses représentants et les membres de son personnel peuvent jouer un rôle en s’engageant auprès des autorités nationales en vue de renforcer leurs capacités et leur volonté politique à l’appui d’autres poursuites et enquêtes. En effet, compte tenu du fait que la CPI est susceptible de porter un nombre limité d’affaires devant la Cour dans chaque pays dont la situation est examinée par la CPI, ses efforts pour encourager les poursuites au niveau national pourraient être un élément essentiel de l’optimisation de son impact et de sa contribution à long terme. La Cour n’est pas une agence de développement mais le personnel de la Cour peut contribuer d’un certain nombre de façons aux efforts de renforcement des capacités, y compris en partageant avec des professionnels nationaux son expertise sur le droit pénal international, sur les enquêtes et sur la protection de témoin.

G. Bureaux extérieurs

Pour faciliter son travail, la CPI doit être présente dans les pays dont elle examine la situation (ou à proximité de ces pays). À ce jour, la présence de la Cour a pris diverses formes : depuis les missions de membres du personnel autrement basés au siège de la Cour à La Haye jusqu’à l’ouverture de bureaux extérieurs officiels gérés par le Greffe de la Cour avec des membres du personnel de la CPI basés en permanence sur le terrain, en passant par des présences temporaires ou informelles.

La mise en place d’un bureau extérieur officiel géré par le Greffe de la Cour peut poser un certain nombre de problèmes en termes de droit, de logistique et de sécurité – et impose la coopération des autorités nationales, un ingrédient clé. Mais s’agissant de l’engagement des communautés affectées et de l’optimisation de l’impact de la Cour, y compris sa contribution à long terme, les bureaux extérieurs de la CPI doivent servir de pivot.[9]

Les membres du personnel sur le terrain auront sans doute une compréhension plus nuancée de l’environnement dans chaque pays ; ils aideront la Cour à adapter ses activités et transmettront cette perspective dans les débats de politique générale de la CPI. Ils peuvent également mener leurs opérations selon un échéancier bien plus cohérent et régulier que si ces opérations incombaient uniquement à du personnel basé à La Haye. Chaque fois que les conditions de sécurité le permettent, les bureaux extérieurs de la CPI à profil public peuvent également jouer le rôle indispensable de « visage de la CPI », à savoir des lieux où les communautés affectées, les médias, les autorités nationales et la communauté internationale peuvent rechercher des informations essentielles sur la CPI. En résumé, ils peuvent donner à la Cour un côté moins abstrait.[10]

En Côte d’Ivoire, la Cour a ouvert un bureau extérieur officiel à Abidjan en septembre 2013. Les représentants de la Cour ont reconnu la nécessité de mettre rapidement en place le bureau extérieur compte tenu, conformément à ce qui est exposé dans la Partie III, de l’introduction de la première affaire de la CPI fin novembre 2011. Un protocole d’accord avec le gouvernement ivoirien a été conclu en février 2012. Mais la Cour a connu un certain nombre de retards dans le cadre de l’ouverture du bureau d’Abidjan. La localisation du bâtiment administratif adéquat, sa mise aux normes de sécurité et le transfert de certains matériels de la Cour, y compris 28 tonnes d’équipement, depuis les bureaux que la CPI a fermés au Tchad (option préférée à l’achat de nouveaux équipements) ont expliqué une partie de ces retards.[11]

Nonobstant ces retards, le bureau extérieur d’Abidjan dispose du potentiel pour contribuer à l’impact du travail de la CPI en Côte d’Ivoire. La Section de la participation des victimes et des réparations du Greffe a détaché un membre de son personnel à Abidjan début 2012, avant même l’ouverture du bureau extérieur. Conformément à ce qui est expliqué ci-après, en octobre 2014, l’Unité de la sensibilisation a détaché un représentant à Abidjan, ouvrant des perspectives pour une approche plus vaste en faveur de l’engagement des communautés affectées.

* * *

Même si le BdP est indépendant des autres organes de la cour, la sélection d’affaires par le BdP dans une situation donnée crée le cadre dans lequel ces autres acteurs doivent exécuter leurs propres responsabilités. Ceci se répercute sous diverses formes. La sélection des affaires par le BdP peut être à l’origine de problèmes de perception qui vont affecter la neutralité des informations fournies dans le cadre des programmes de sensibilisation de la Cour. En attendant, les enquêtes du BdP et le choix des affaires sont le déclencheur des procédures judiciaires qui vont être par la suite introduites devant la Cour. La vitesse des enquêtes du BdP et, plus généralement, la nature imprévisible des développements judiciaires découlant de ces enquêtes ont une incidence sur les délais dans lesquels les autres acteurs peuvent mettre en œuvre leurs propres activités. Et d’après la jurisprudence de la Cour, la portée des accusations du BdP déterminera quelles sont les victimes autorisées à prendre part aux procédures et même à demander réparation.

L’impact de la Cour – à savoir son accessibilité, sa pertinence et sa légitimité au sein des communautés affectées – est susceptible de dépendre, d’un côté, des affaires sélectionnées par le Procureur (et en dernier lieu du caractère équitable ou non de leur instruction) et, d’un autre côté, de la façon dont d’autres acteurs de la CPI gèrent les décisions du BdP sur la sélection des affaires lorsqu’ils s’acquittent de leurs propres responsabilités.

II. Évolution de l’approche du Greffe de la CPI en faveur d’une présence sur le terrain

La présence de la Cour pénale internationale par le biais de bureaux extérieurs officiels dans les pays dont elle examine la situation a mis du temps à se mettre en place.[12]

Les bureaux extérieurs n’ont été pris en compte dans aucun des budgets initiaux de la Cour. Ceci s’explique essentiellement par le fait que, à cette époque, le Bureau du Procureur considérait que les activités d’enquête qui seraient de courte durée pouvaient être menées efficacement en organisant des déplacements depuis La Haye. Le BdP était également préoccupé par le fait qu’une présence permanente sur le terrain puisse remettre en cause le travail confidentiel et sensible d’investigation et de protection des témoins en rendant la Cour trop visible.

La nécessité des bureaux extérieurs est toutefois devenue évidente au moment où le BdP a été aux prises avec la difficulté de conduire des opérations en l’absence d’une présence permanente dans les pays dont elle examinait la situation. Les premiers bureaux extérieurs de la Cour ont été mis en place en 2005.

Bien que les bureaux aient été initialement considérés comme un moyen de soutenir les enquêtes et la protection de témoins, l’acceptation grandissante de l’importance de la sensibilisation du public et de la facilitation de la participation des victimes s’est progressivement accompagnée d’une expansion des bureaux extérieurs avec du personnel dédié ainsi qu’avec, dans certains pays, du personnel du Fonds au profit des victimes.

Toutefois, même avec cette expansion, les bureaux extérieurs ont continué d’être essentiellement considérés comme des plateformes logistiques pour la Cour déployées selon un schéma directeur générique. Ce « modèle générique » a permis un accroissement rapide de la présence de la Cour sur le terrain – le bureau extérieur à Bangui a ouvert en 2007, cinq mois après le début officiel des enquêtes en République centrafricaine – mais ce modèle n’avait pas la capacité d’adapter cette présence à chaque pays particulier dont la situation était examinée par la CPI.

Les choses ont commencé à bouger en 2009 au moment où le Greffe a élaboré des orientations politiques qui ont anticipé le dimensionnement à la hausse ou à la baisse de son engagement sur le terrain, y compris des décisions sur l’ouverture de bureaux extérieurs officiels, conformément à un certain nombre de facteurs stratégiques et opérationnels.[13]

L’un des facteurs identifiés par le Greffe comme un facteur sous-tendant cette nouvelle stratégie consistait à s’assurer que les opérations hors siège étaient « judiciairement justifiées » :

La stratégie des opérations hors siège, dans le droit fil du mandat judiciaire de la Cour, repose sur le principe que lesdites opérations sont, à tout moment, étroitement liées à l’évolution de l’activité de la Cour et à ses différentes phases dans le cadre de chaque situation et qu’elles sont déterminées par ces éléments.[14]

À cet égard, le Greffe a insisté sur l’importance « de [l]’envergure variable, [de la] durée limitée et [de l’adaptation] aux besoins » des opérations sur le terrain, en d’autres termes que « les opérations sur le terrain correspondent au contexte des événements donnés, tenant des compte des phases judiciaires que traversent les situations devant la Cour… ».[15]

Bien que ceci puisse changer à la lumière des réformes du Greffe examinées ci-après, les décisions concernant l’éventuelle mise en place et le calendrier de mise en place de la présence du Greffe sur le terrain ainsi que le type de présence ont été coordonnées par le biais de la Section des opérations hors siège du Greffe. La section regroupe les sections du Greffe menant des opérations sur le terrain ainsi que le personnel du Greffe responsable des relations extérieures et de la coopération. Ces sections identifient leurs besoins opérationnels dans le pays, y compris l’affectation sur le terrain de tout membre du personnel. Des consultations ont également été organisées auprès du BdP et du Fonds au profit des victimes autour des services du Greffe qui pourront s’avérer nécessaires dans le pays. Ces besoins sont alors considérés à la lumière d’autres facteurs, notamment la faisabilité et les ressources, en vue d’aboutir à une décision sur l’ouverture d’un bureau extérieur ou sur la mise en place d’une présence sur le terrain.[16]

Cette approche semble définir des besoins opérationnels, là encore, avec une référence étroite à la phase judiciaire donnée d’une situation. Le personnel du Greffe joint dans le cadre de la rédaction de ce rapport a confirmé que les développements liés aux procédures judiciaires sont un facteur clé dans les décisions portant sur l’affectation de personnel dans des pays dont la Cour examine la situation.[17]

La question de la mesure dans laquelle la Cour doit lier l’établissement de sa présence sur le terrain à l’évolution de son activité est démontrée de la façon la plus évidente par les situations examinées par la CPI qui sont marquées par de longues périodes d’inactivité judiciaire. En effet, le Comité du budget et des finances, comité spécialisé de l’Assemblée des États parties de la CPI en charge de l’examen annuel du budget proposé de la Cour, dans une volonté d’identifier des économies de coûts, a semblé inciter encore davantage la Cour à associer la présence sur le terrain à l’évolution de ses activités lorsqu’il a demandé un examen de la dotation en personnel et de l’éventuelle réduction d’effectif du bureau extérieur de Kampala. Le Comité a cité l’absence de développements judiciaires dans la situation examinée dans le nord de l’Ouganda compte tenu de la non-exécution des mandats d’arrêt délivrés contre les leaders de l’Armée de résistance du Seigneur.[18] Et là où la Cour doit encore mettre en place un bureau extérieur ou mener des activités publiques régulières dans le pays, la question se pose quant à déterminer le moment où la CPI doit chercher à augmenter sa visibilité, même en l’absence d’une évolution de ses activités.

Compte tenu de l’importance centrale que revêt l’engagement auprès des communautés affectées, Human Rights Watch a préconisé la mise en place, dans les meilleurs délais, de bureaux extérieurs dans les pays dont la situation est examinée par la CPI. Nous reconnaissons toutefois que la mise en place de bureaux extérieurs et l’exécution des opérations de sensibilisation du public et de facilitation de la participation des victimes comportent un certain nombre de difficultés en termes de logistique et de sécurité ainsi que des répercussions en termes financiers. Par conséquent, la Cour fait face à des décisions difficiles quant à l’ouverture éventuelle de ces bureaux et à leur mode de mise en place.

Au Mali, par exemple, les enquêtes du BdP ont été ouvertes en janvier 2013 mais n’ont pas abouti à l’introduction d’affaires spécifiques devant la CPI.[19] La Cour ne dispose actuellement d’aucun bureau extérieur au Mali même si elle a demandé les fonds pour en ouvrir un en 2015.[20]

Toutefois, l’absence de bureau extérieur ne veut pas dire qu’aucune activité de sensibilisation du public ou de facilitation de la participation des victimes n’a été menée au Mali.

En décembre 2013, l’Unité de la sensibilisation a amené 30 représentants des organisations de la société civile malienne et 20 membres des médias maliens en Côte d’Ivoire pour un séminaire de trois jours. La session avec les organisations de la société civile a été organisée conjointement avec la SPVR, l’objectif étant de fournir des informations sur la participation des victimes.

En outre, en décembre 2014, l’Unité de la sensibilisation a amené un groupe de cinq journalistes et cinq représentants de la société civile à La Haye pour une formation de trois jours, la possibilité ayant été offerte aux journalistes de travailler directement depuis le centre presse de la Cour. Dorénavant, l’Unité de la sensibilisation envisage d’organiser deux missions similaires chaque année qui rassembleraient la société civile et les médias sur des sites hors du Mali.[21]

Bien que le personnel de la Cour interrogé dans le cadre de la rédaction de ce rapport se soit généralement déclaré favorable à la mise en place d’initiatives solides en matière de sensibilisation aussitôt que possible après le début d’une enquête, des préoccupations légitimes sur l’insécurité dans le pays semblent être une des principales limitations. Outre l’insécurité au nord du Mali, les enquêtes du BdP pourraient impliquer d’enquêter sur des groupes armés dont certains sont liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique. Ces groupes continuent d’opérer dans le nord mais, comme l’ont prouvé le bombardement de mars 2015 à Bamako et l’émergence début 2015 d’un nouveau groupe armé islamiste dans les régions de Mopti et Segou, leur champ d’action s’est étendu vers de nouvelles zones d’opération.[22] Cette insécurité crée des risques à la fois pour le personnel de la Cour et pour ceux avec lesquels la Cour va interagir au Mali.[23]

Au moment de la rédaction de ce rapport, la section de la sécurité de la Cour qui statue sur les éventuelles missions du personnel de la Cour dans des pays dont la CPI examine la situation n’a pas approuvé les activités de sensibilisation dans le pays. L’approche actuelle vise donc à fournir à distance certaines informations essentielles aux acteurs, y compris les médias, tout en établissant des réseaux de partenaires à activer au moment où la Cour sera en mesure d’étendre sa visibilité.[24]

Les journalistes maliens interrogés dans le cadre de la rédaction de ce rapport ont fait part du grand intérêt du public pour la CPI et d’un vif désir de suivi de la Cour pour les aider à mieux faire leur travail de reportage autour des activités de la Cour.[25] D’autre part, les représentants des organisations de la société civile que nous avons interrogés ont noté l’importance de fournir des informations sur la CPI à la population mais, compte tenu des problèmes de sécurité et du désir de faire avancer les enquêtes avant que la Cour ne devienne plus visible, ils ont fait part de leur soutien en faveur de l’approche discrète de la Cour.[26] Dans d’autres situations relevant de la compétence de la CPI, c’est précisément cette absence d’informations dans les premières phases des opérations de la Cour qui a fait naître des malentendus et des perceptions erronées.[27]

La présence sur le terrain de la Cour devra toujours être étroitement liée aux procédures judiciaires. Comme l’expliquent les documents de la Cour sur la stratégie des opérations hors siège, chaque phase judiciaire implique un ensemble différent d’activités judiciaires imposant différents niveaux de soutien opérationnel.[28] Mais une approche mettant trop l’accent sur les décisions concernant le dimensionnement de la présence sur le terrain et la dotation en personnel associée en lien avec des développements judiciaires concrets risque d’empêcher la Cour de saisir toutes les opportunités pour approfondir son engagement et informer les perceptions et les attentes. Ces opportunités ne sont pas exclusivement déterminées par l’évolution des activités de la Cour mais peuvent également naître de développements dans les pays mêmes dont la situation est examinée par la CPI. Elles couvrent, par exemple, les opportunités se présentant à la Cour pour coordonner des activités avec des mécanismes nationaux tenant également compte de la situation des victimes dans le pays.

En outre, des développements sur le terrain peuvent créer des besoins en information ou autres demandes auxquel(le)s la Cour doit répondre afin de situer sa mission au cœur de ces développements et informer les attentes sur cette mission. Ces développements pourront être totalement indépendants des propres procédures de la Cour et pourront inclure des développements en parallèle, des procédures judiciaires nationales, des élections disputées par des personnes accusées par la CPI, des déclarations politiques sur la Cour par des autorités nationales ou régionales et même un regain de violence.

En mars 2013, par exemple, Uhuru Kenyatta et William Ruto, deux accusés de la CPI à l’époque, ont disputé les élections au Kenya et ont été élus respectivement président et vice-président. Les procès de Kenyatta et Ruto devaient encore commencer à la CPI mais la politisation des procédures de la Cour par les défendeurs et leurs alliés s’est accrue au cours de la campagne électorale et après leur prise de fonction. Les attaques politiques répétées du gouvernement à l’encontre de la CPI et les efforts déployés devant l’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations Unies pour mettre fin aux affaires a posé de sérieuses difficultés eu égard à la perception de la Cour au Kenya.

Une tendance apparente en faveur de l’établissement d’un lien entre la présence de la Cour sur le terrain et les développements judiciaires pourra s’expliquer par son incapacité à mettre pleinement en œuvre l’approche stratégique qu’elle a dessinée en 2009-2010. Les États parties, sur les conseils du Comité du budget et des finances de l’Assemblée, ont approuvé les ressources pour 2010 à affecter à la création d’une nouvelle Unité de coordination et de planification stratégiques au sein du Greffe.[29] Cette unité a donné un certain nombre d’orientations pour les opérations hors siège de la Cour, y compris pour un examen annuel visant à identifier si les opérations sur le terrain doivent être augmentées ou réduites afin de garantir la « structure efficace la plus économique ». Dans le cadre de cet examen, les fonds peuvent circuler entre les pays dont la situation est examinée par la CPI.[30]

Mais les États parties, là encore sur les conseils du Comité de budget et de finance, n’ont pas approuvé un investissement correspondant sur le terrain pour la mise en place de « chefs des services du Greffe » (tels qu’ils ont été désignés au départ dans la demande de budget de 2010) ou « coordinateurs des opérations hors siège du Greffe » (tels qu’ils ont été désignés dans la demande de budget de 2011), et la Cour n’a pas de nouveau sollicité ces postes dans les demandes de budget suivantes.[31] Un « chef de services du Greffe » ou un « coordinateur des opérations hors siège du Greffe » aurait amélioré la coordination sur place, et Human Rights Watch avait publiquement appelé les États parties à soutenir la création de ce poste.[32] Le poste aurait également apporté une source d’orientation stratégique s’agissant des décisions sur le type de présence sur le terrain et sur le niveau d’affectation du personnel dont la Cour a besoin dans une situation donnée.

En l’absence de contribution de haut rang depuis ses bureaux extérieurs, la Cour semble avoir eu du mal à mettre en œuvre une approche totalement stratégique eu égard à sa présence sur le terrain. Par conséquent, nous pensons que le Greffe pourra donner trop d’importance aux développements judiciaires dans ses décisions concernant le dimensionnement à la hausse ou à la baisse de cette présence.

Une grande restructuration du Greffe de la Cour, appelée Projet ReVision et menée entre janvier 2014 et juin 2015, semble destiné à créer les conditions qui pourraient permettre de remédier à ce problème.

Suite au Projet ReVision, le Greffe a mis en place une nouvelle Division des affaires extérieures au sein de laquelle sont regroupés tous les pans de sa mission en lien avec l’extérieur. Le directeur de la Division des affaires extérieures – placé sous la responsabilité directe du greffier et siégeant dans la nouvelle Équipe de direction du Greffe – surveillera la Section de l’information et de la sensibilisation, la Section d’aide aux victimes et aux témoins (ancienne Unité des victimes et témoins qui exécute les programmes de soutien et de protection des victimes et témoins mis en place par la Cour) et les bureaux extérieurs de la Cour. Le directeur supervisera également la Section de la coopération et des relations externes avec des unités séparées en charge des relations externes et de la coopération nationale, de l’analyse de sécurité au niveau du pays, des médias, de la conjoncture politique et des renseignements directs ainsi que du soutien aux bureaux extérieurs et aux missions locales.

Des changements importants sont également prévus pour les bureaux extérieurs. Un nouveau poste, celui de « Chef de bureau extérieur », sera créé dans certains bureaux sur le terrain. Le Chef de bureau extérieur qui sera recruté à l’échelon P-5 supervisera tout le personnel affecté dans un bureau extérieur donné. Ce poste est similaire à celui que Human Rights Watch suggérait de créer, comme indiqué plus haut.[33] Outre un responsable de l’administration et des opérations et un responsable de la sécurité sur le terrain, les bureaux extérieurs disposeront d’un « effectif travaillant au sein d’une équipe pluridisciplinaire qui se consacre essentiellement aux questions liées à la sensibilisation et aux victimes ». À la différence du personnel de l’Unité de la sensibilisation et de la SPVR actuellement basé dans les bureaux extérieurs, le personnel de cette équipe pluridisciplinaire ne serait plus placé sous la responsabilité directe de l’Unité de la sensibilisation ou de la SPVR à La Haye mais plutôt sous celle du Chef de bureau extérieur, des opportunités positives de meilleure coordination entre les missions du Greffe étant ainsi créées.[34] Comme expliqué ci-après (voir Partie VII.B), il conviendra de veiller à ce que le regroupement des fonctions au sein d’une seule et même équipe ne nuisent pas aux prestations du Greffe eu égard à ses missions de sensibilisation et de facilitation de la participation des victimes.

Ces réformes semblent s’inscrire dans un processus de revitalisation positive plus vaste de la présence de la Cour sur le terrain. La Section des victimes et témoins du Greffe a fait part de son intention de disposer de plus de personnel sur le terrain que de personnel travaillant à La Haye.[35] Et le BdP a souligné, dans son plan stratégique actuel, l’importance pour la Cour de développer sa présence sur le terrain et pour ses enquêteurs de bien connaître le pays.[36] Le BdP a désormais détaché un enquêteur permanent en Côte d’Ivoire avec un profil semi-public,[37] un tournant par rapport aux pratiques passées où les enquêteurs de La Haye étaient envoyés à tour de rôle en mission.

Nos recommandations pour l’optimisation des contributions du Greffe à l’impact de la CPI (voir Partie VII.B) cherchent à tirer le meilleur profit de ces changements d’approche.

III. Affaires du Bureau du Procureur de la CPI
en Côte d’Ivoire

En octobre 2011, les juges de la Cour pénale internationale ont autorisé le Procureur de la Cour à ouvrir une enquête sur des crimes commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011 qui a secoué le pays. La crise a commencé après que l’ancien président, Laurent Gbagbo, sorti perdant des urnes, a refusé de céder le pouvoir au président élu, Alassane Ouattara.[38] Cinq mois de violence ont suivi ces élections contestées. Au moins 3 000 civils ont été tués dans des attaques perpétrées au nom de la politique et parfois au nom de l’appartenance ethnique et de la religion par des forces affiliées à Gbagbo ou à Ouattara.[39]

Trois semaines après l’ouverture des enquêtes, le 25 octobre 2011, le Procureur de la CPI a déposé une demande confidentielle pour un mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de l’ex-Président Gbagbo.[40] Le mandat a par la suite été délivré sous scellés le 23 novembre 2011 mais son existence n’a été rendue publique que lorsque le gouvernement du Président Ouattara – qui avait arrêté Gbagbo en avril 2011 – a remis Gbagbo à la CPI le 30 novembre 2011.[41]

Après une longue phase préparatoire au procès – qui, à la CPI, comprend une procédure des juges visant à statuer sur le renvoi devant la Cour, appelée « audience de confirmation des charges » – Gbagbo est désormais traduit en justice sur quatre chefs d’accusation : crimes contre l’humanité, viols, autres actes inhumains et persécution relativement à quatre ensembles d’incident,[42] à savoir

  • Les attaques qui se sont produites lors des manifestations pro-Ouattara au siège de Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), le diffuseur national, et à la suite de ces manifestations entre le 16 et le 19 décembre 2010 ;
  • L’attaque qui s’est produite lors d’une manifestation de femmes à Abobo le 3 mars 2011 ;
  • Le bombardement sur le marché d’Abobo et dans les alentours le 17 mars 2011 ; et
  • Une attaque sur la commune de Yopougon le 12 avril 2011 ou aux alentours de cette date.[43]

La CPI a également délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de deux autres personnes – l’épouse de Gbagbo, Simone et Charles Blé Goudé, ancien ministre de la Jeunesse de Gbagbo, proche allié de l’ex-président et leader de longue date d’une violente milice pro-Gbagbo.[44] Simone Gbagbo et Blé Goudé font l’objet des mêmes accusations que Laurent Gbagbo mais Blé Goudé est également jugé pour un cinquième incident :

  • Une attaque sur la commune de Yopougon perpétrée entre les 25 et 28 février 2011.[45]

Blé Goudé a été transféré à La Haye en mars 2014, suite à son extradition du Ghana vers la Côte d’Ivoire en janvier 2013.[46] Les procédures préparatoires au procès, à savoir l’audience de confirmation des charges, se sont achevées fin 2014. Les juges ont joint l’affaire de Blé Goudé à celle de Laurent Gbagbo et ont fixé la date de début du procès au 10 novembre 2015.[47]

Simone Gbagbo se trouve toujours en détention en Côte d’Ivoire. La CPI est un tribunal de dernier ressort et n’a pas compétence pour connaître des affaires jugées devant des tribunaux nationaux sous réserve que les enquêtes ou poursuites soient véritablement menées à bien.[48] Les autorités ivoiriennes ont contesté la compétence de la CPI sur l’affaire Simon Gbagbo affirmant qu’elles avaient l’intention et la capacité de la juger en Côte d’Ivoire pour les crimes en question.[49]

Une chambre préliminaire de la CPI a jugé en novembre 2014 que, même s’il existait éventuellement des actions contre Simone Gbagbo en instance devant des tribunaux nationaux qui pourraient écarter la compétence de la CPI (à savoir, des accusations de soi-disant « crimes de sang » plutôt que les accusations de « délits à l’encontre de l’État » par rapport auxquelles Gbagbo a été condamnée en Côte d’Ivoire en mars 2015[50]), les autorités ivoiriennes n’avaient pas présenté assez de preuves concrètes et tangibles montrant que ces enquêtes avançaient suffisamment pour rendre l’affaire contre Simone Gbagbo irrecevable devant la CPI. La décision a été confirmée par la chambre d’appel de la CPI en mai 2015.[51]

La Côte d’Ivoire reste tenue de transférer Simon Gbagbo à la CPI. Toutefois, au moment de la rédaction du présent rapport, rien n’indique que le gouvernement compte la transférer à La Haye.

IV. Effet des décisions du Procureur de la CPI sur l’impact

A. Un démarrage rapide

En Côte d’Ivoire, les acteurs de la Cour pénale internationale autres que le Bureau du Procureur ont fait face à un calendrier exceptionnellement serré dès le début. Alors que la rapidité des enquêtes n’est pas en cause dans ce rapport, cela a signifié, dans la pratique, qu’il a été difficile pour l’Unité de la sensibilisation de la Cour de communiquer efficacement sur l’évolution des activités de la Cour préalablement au transfèrement de Gbagbo à La Haye.

L’engagement de la CPI en Côte d’Ivoire n’a pas débuté avec la crise électorale de 2010. Suite à la déclaration soumise en 2003 par le gouvernement de l’époque de Laurent Gbagbo en application du paragraphe 3 de l’article 12,[52] le BdP avait soumis la situation dans le pays à ce qui est appelé un « examen préliminaire » afin d’évaluer si une enquête formelle était appropriée.

À l’époque de la crise électorale de 2010-2011, le BdP n’était toujours pas parvenu à une décision sur l’ouverture de cette enquête. Avant la crise de 2010, des organisations de la société civile dans le pays soutenaient la CPI et demandaient la tenue d’enquêtes. Mais le Greffe de la Cour n’a pas été en mesure de mener des activités de sensibilisation pendant cette période.[53] Ceci s’explique par le fait que, à la CPI, les activités d’information auprès du public dans des situations soumises à un examen préliminaire relèvent de la responsabilité du BdP alors que la mission de l’Unité de la sensibilisation commence une fois que les situations font l’objet d’une enquête formelle.[54] Dans le cas de la Côte d’Ivoire – qui n’était pas encore un État partie au Statut de Rome de la CPI – les autorités, bien qu’elles aient référé la situation dans le pays à la Cour et accepté en principe d’autoriser le BdP à se rendre dans le pays, n’ont finalement jamais pris les dispositions nécessaires pour faciliter cette visite. Le BdP a réalisé une seule mission avant les violences post-électorales de 2010-2011 et cela après avoir obtenu une invitation via la Coalition ivoirienne pour la Cour pénale internationale (CI-CPI), une organisation de la société civile.[55]

Le BdP a publié une déclaration pendant la crise postélectorale dans l’espoir de décourager les abus[56] et a entrepris deux missions dans le pays peu de temps après avoir annoncé qu’il demandait l’autorisation d’enquêter, notamment pour informer les victimes de la possibilité d’adresser des représentations aux chambres relatives à cette demande (voir Partie VI.A ci-dessous).[57] Le BdP a continué de maintenir ses propres activités d’information auprès du public notamment en organisant des conférences de presse ou des briefings pour les médias pendant ses missions dans le pays et en mettant son personnel à disposition pour répondre aux questions de la presse. Etant donné l’absence de responsable de la sensibilisation détaché par le Greffe sur le terrain pendant les trois années qui ont suivi l’ouverture des enquêtes, comme cela est expliqué ci-après, le BdP a même intensifié ses propres efforts afin d’encourager de façon proactive la couverture des développements liés à la CPI dans les médias ivoiriens et internationaux.[58]

Ce n’est qu’avec le démarrage des enquêtes en octobre 2011 que l’Unité de la sensibilisation du Greffe pouvait formellement commencer son travail dans le pays. Toutefois, en l’espace de trois semaines, l’accusation avait déjà demandé un mandat d’arrêt et, un mois plus tard, Laurent Gbagbo était transféré à La Haye (voir plus haut). L’ouverture d’enquêtes, la délivrance de mandats d’arrêt et le transfèrement d’un ancien chef d’État sont des développements extrêmement importants, qui nécessitent des efforts de communication intenses de la part de la Cour auprès des communautés affectées. Le délai limité entre l’ouverture des enquêtes et le transfèrement de Gbagbo à La Haye a compliqué la mise à exécution par le Greffe de la Cour de ses programmes de sensibilisation et met de nouveau l’accent sur l’importance de tenir compte des opportunités de conduire la sensibilisation tôt, même avant l’ouverture des enquêtes (voir Partie VI.A ci-dessous).

B. Portée limitée des affaires en cours

Au moment de l’ouverture des enquêtes en Côte d’Ivoire, le BdP suivait une politique selon laquelle les enquêtes devaient être « ciblées ».[59] Le Bureau a depuis adopté une approche très différente vis-à-vis des enquêtes, passant d’enquêtes ciblées à des enquêtes plus vastes.[60] Cette approche devrait renforcer non seulement la qualité des preuves mises à disposition de la Cour mais également offrir au Bureau un éventail plus large d’options s’agissant de la sélection des incidents à poursuivre.

En ce qui concerne la formulation des charges, toutefois, il est encore probable que le BdP compte adopter une approche ciblée, c’est-à-dire que les accusations dans une affaire donnée se concentreront sur un petit nombre d’incidents.[61]

En effet, étant la seule institution enquêtant dans plusieurs pays en même temps et avec des ressources limitées, on ne peut attendre de la CPI qu’elle poursuive tous les incidents dans le cadre desquels des crimes internationaux ont été commis dans les pays de situation. Une certaine sélection des incidents est peut-être aussi utile afin de garantir l’efficacité des procès. En effet, nos recherches sur les « enseignements tirés » de l’affaire Milosevic instruite par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ont souligné l’importance d’une telle approche afin de s’assurer que les procès soient tout à la fois gérables et significatifs.[62] L’accusation doit également être guidée par les preuves disponibles, y compris les mesures requises pour limiter l’exposition des témoins à des risques et, dans une certaine mesure, la faisabilité de poursuivre des affaires spécifiques.

Toutefois, un équilibre doit être trouvé dans la définition des accusations dans une affaire particulière afin de s’assurer que les affaires de la CPI prennent en compte les expériences des victimes.[63] Ceci signifie que la formulation des charges doit inclure des incidents qui sont représentatifs des crimes les plus graves et les comportements criminels sous-jacents commis dans la situation, c’est-à-dire le type de crimes, le lieu de leur perpétration et les groupes incriminés.

Une telle approche est cohérente avec les déclarations de politique générale du BdP formulées jusqu’à ce jour qui indiquent que, dans le cadre de la sélection des incidents à poursuivre, l’objectif établi du BdP est d’ « offrir un échantillon représentatif des faits les plus graves et des principaux types de persécution ».[64] Les déclarations de politique générale du BdP mentionnent également un certain nombre d’engagements à dialoguer et consulter les victimes au sujet des décisions du BdP.[65] Human Rights Watch continue de préconiser des ressources suffisantes dans le budget de la Cour, y compris pour permettre au BdP d’atteindre cet objectif.[66]

En ce qui concerne les affaires contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, elles reflètent des incidents survenus à Abidjan. Au cours de l’audience de confirmation des charges concernant Gbagbo, le BdP a indiqué qu’il avait « choisi quatre incidents représentatifs des crimes commis par les forces pro-Gbagbo dans le cadre d’une série d’attaques lancées par M. Gbagbo pendant la violence postélectorale ».[67] Le BdP a également cité un total de 32 autres incidents survenus à Abidjan dans les affaires Gbagbo et Blé Goudé qu’il a mis en avant afin de justifier l’élément contextuel d’une « attaque » que l’article 7 du Statut de Rome impose pour un crime contre l’humanité.

Toutefois, cette attention exclusive portée sur Abidjan va à l’encontre de la demande d’autorisation d’enquêter du BdP, de l’autorisation d’enquêter accordée par la chambre préliminaire et de la demande de mandat d’arrêt du BdP à l’encontre de Gbagbo qui se fondaient toutes sur des allégations de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis par des forces alliées à Gbagbo dans un certain nombre de sites situés dans l’ouest du pays.[68] (Les forces pro-Ouattara auraient également commis des abus violents dans l’ouest du pays.[69])

Par exemple, dans sa demande de mandat d’arrêt à l’encontre de Gbagbo, le BdP faisait référence à une attaque perpétrée par des forces fidèles à Gbagbo contre la population civile dans des quartiers d’Abidjan « mais également dans d’autres villes et villages du pays notamment dans la partie occidentale de la Côte dIvoire, y compris Irobo, Grand Lahou, Fresco et la région de Sassandra ainsi que Duékoué et Kouibly ».[70] Toutefois, lorsqu’il a présenté une version amendée des charges pour confirmation, le BdP a seulement fait référence en passant aux événements survenus en dehors d’Abidjan.

D’après les recherches de Human Rights Watch – également citées par le BdP et par la Chambre préliminaire – alors que les Forces républicaines fidèles à Ouattara ont enregistré des victoires militaires dans l’extrême ouest du pays, les milices et les groupes mercenaires fidèles à Gbagbo qui se repliaient ont perpétré des massacres et meurtres à grande échelle alors qu’ils soumettaient les Ivoiriens du nord et les migrants d’Afrique de l’Ouest à une dernière vague de violence.[71]

Selon des membres du personnel de la Cour, le BdP avait commencé par analyser la situation de façon globale afin de préparer ses enquêtes pendant que sa demande d’autorisation d’enquêter en application de l’article 15 était sous examen devant les juges ; mais le choix de se concentrer sur les incidents à Abidjan dans les demandes de mandat d’arrêt s’expliquait par une volonté de faire avancer les choses rapidement. Comme expliqué ci-après, alors que Gbagbo était déjà en détention et craignant son éventuelle libération, le BdP a choisi d’aller de l’avant avec le dossier qui était prêt à ce moment-là, basé sur des preuves facilement accessibles à Abidjan. En outre, d’après le personnel de la Cour, mener des enquêtes sur d’autres incidents aurait augmenté les difficultés en termes de logistique, de sécurité et de protection.[72] Dans une certaine mesure, ceci reflète les réalités opérationnelles et financières auxquelles le BdP est confronté. Mais la conséquence est que les affaires du BdP en Côte d’Ivoire ne représentent pas bien la portée des crimes commis par les forces alliées à Gbagbo.

Les recherches menées pour ce rapport ne visaient pas à mesurer spécifiquement et de façon isolée l’effet que cette limitation des charges dans les affaires devant la Cour pourra avoir sur son impact en Côte d’Ivoire. Mais, comme nous l’expliquons aussi plus bas, selon la jurisprudence de la Cour, seules les victimes ayant un lien avec les incidents spécifiques identifiés dans les charges auront qualité pour participer dans les procédures ultérieures suite à l’introduction d’une affaire particulière devant la CPI. Compte tenu des décisions du Greffe de la CPI selon lesquelles, étant donné les contraintes financières, il allait limiter les activités de sensibilisation et, dans une moindre mesure, les activités destinées à informer les victimes de leurs droits, à la portée des affaires du BdP, l’approche restreinte à Abidjan a contribué à limiter l’empreinte de la Cour en Côte d’Ivoire.

Nous ne prenons pas position ici sur la question de savoir si le BdP devrait choisir les incidents explicitement de façon à donner à davantage de victimes la possibilité de comparaître dans le cadre des procédures. Le BdP devrait toutefois garantir que sa sélection de charges tienne compte et soit représentative des expériences des victimes dans le cadre d’un conflit, ce qui permettra également au Greffe de pouvoir plus facilement hiérarchiser ses activités de sensibilisation. Nous formulons des recommandations dans la Partie VI.A concernant le renforcement des actions de consultation du BdP auprès des victimes.

C. Image de partialité

La décision du BdP de faire avancer rapidement une affaire à l’encontre de forces alliées à Gbagbo et centrée sur des incidents à Abidjan est allée de pair avec sa décision de ne pas procéder simultanément à des enquêtes contre les forces pro-Ouattara. Ceci a eu un effet profondément dommageable sur l’image de la CPI en Côte d’Ivoire.

Une décision de s’occuper uniquement des forces alliées à Gbagbo était cohérente avec une politique d’enquêtes « successives » que le BdP a appliquée dans les premières années de son existence. En vertu de cette politique, les groupes choisis pour les enquêtes étaient sélectionnés sur la base de la gravité des crimes présumés ainsi que de l’éventuel impact préventif de l’enquête. À la fin des enquêtes sur un groupe particulier, choisi en fonction de ces critères, le Bureau examinait alors si d’autres groupes méritaient aussi de faire l’objet d’une enquête.[73] Le BdP s’est ensuite éloigné d’une politique stricte d’enquêtes successives ; en 2010, par exemple, avant d’ouvrir les enquêtes en Côte d’Ivoire, il avait mené des enquêtes simultanées sur des groupes impliqués dans les violences postélectorales au Kenya. L’approche des enquêtes « successives» a toutefois été l’approche adoptée en pratique dans la situation en Côte d’Ivoire.[74]

La décision du BdP de s’occuper en priorité d’affaires dirigées contre les forces alliées à Gbagbo a résulté de sa capacité à préparer l’affaire rapidement, compte tenu de la disponibilité de preuves clés et de témoins intérieurs. Confronté à l’incertitude de savoir si la possibilité d’un transfèrement de Gbagbo à la Cour allait durer, le BdP a considéré qu’il valait mieux avancer afin de de s’assurer du traitement de l’affaire qu’il avait préparée.[75]

La décision du BdP à cet égard peut être remise en question. Le gouvernement de Côte d’Ivoire souhaitait désespérément le retrait de Gbagbo de la scène politique ivoirienne. Pourtant, plutôt que d’agir contre les deux parties simultanément et de se servir du transfèrement de Gbagbo à La Haye comme d’un moyen de s’assurer une coopération sur des affaires engagées contre les forces pro-Ouattara, l’approche d’ «enquêtes successives» du BdP et le transfèrement rapide de Gbagbo – privant le BdP d’un levier clé avec le gouvernement – a donné l’occasion au gouvernement de trainer les pieds dans sa coopération avec la CPI. L’absence de coopération désormais explicite dans le cadre du transfèrement de l’épouse de Gbagbo, Simone, en est un exemple.

Que cela ait été justifié ou non au regard des informations à disposition du BdP au moment de sa décision de procéder à des enquêtes successives, cette décision de départ a perduré; plus de trois après le transfèrement à La Haye, le BdP n’a pas encore ouvert d’enquêtes concernant les crimes commis pendant la crise post-électorale par des forces fidèles au Président Ouattara.

Le Bureau du Procureur a sans cesse maintenu que ses enquêtes allaient continuer d’être menées en toute impartialité en Côte d’Ivoire, mais le personnel de la Cour explique que la priorité donnée à la finalisation des affaires contre Gbagbo et Blé Goudé ainsi que les contraintes financières compte tenu de la reddition de suspects dans d’autres affaires en instance devant la Cour, ont affecté sa capacité à « déployer » la seconde affaire en Côte d’Ivoire qui était parallèlement en cours.[76] Mme Bensouda a indiqué dans un entretien aux médias en avril 2015 qu’elle espérait pouvoir, dans l’année à venir, accélérer les enquêtes contre les crimes commis par les forces affiliées à l’actuel Président Ouattara.[77] En l’état actuel des choses, toutefois, il semble probable que le procès de Gbagbo et de Blé Goudé commence avant même que des accusations ne soient portées devant la Cour à l’encontre des forces pro-Ouattara.

Dans le même temps, le calcul coûts-bénéfices effectué par le BdP qui l’a conduit à choisir une approche d’enquêtes successives a divisé l’opinion sur la Cour.

D’après une enquête de 2014 menée auprès de 1 000 abidjanais, sur les 94 % des personnes interrogées qui avaient entendu parler de la CPI, 47 % avait une image positive de la Cour, alors que 46 % en avait une image négative. Ce dernier groupe citait le plus souvent, pour expliquer son opinion négative, l’image de partialité qu’ils avaient de la Cour.[78]

L’image de partialité dans le travail de la CPI en Côte d’Ivoire a été fréquemment mentionnée au cours des recherches que nous avons réalisées dans le cadre de la rédaction de ce rapport :

Il y a un pan silencieux de la société qui se situe du côté des pro-Gbagbo. Ces personnes se sentent persécutées car seuls les leurs sont recherchés… Elles ont l’image d’une CPI qui travaille uniquement avec le pouvoir… La Cour est vue comme un moyen d’éliminer les opposants [politiques].[79]
Toutes les victimes ne sont pas satisfaites de la CPI. La CPI n’œuvre pas de façon à prendre en compte toutes les victimes… Les victimes qui appartiennent à l’autre partie [à savoir les victimes d’abus perpétrés par des forces pro-Ouattara] ne croient pas en la CPI. C’est triste à dire car généralement une victime ne prend pas parti.[80]

En revanche, les entretiens menés par Human Rights Watch avec des victimes et des organisations de la société civile juste avant l’ouverture d’enquêtes par la Cour en Côte d’Ivoire révélaient un niveau élevé d’optimisme à l’égard de la CPI. De nombreuses personnes affiliées à Gbagbo avaient bon espoir que la CPI œuvre en toute impartialité ; alors que ces personnes n’avaient aucune foi dans les procédures judiciaires de leur pays, elles pensaient que les procédures devant la CPI seraient différentes.[81]

Le risque qu’une stratégie axée sur les crimes d’une seule partie divise l’opinion sur la Cour et sape sa légitimité était parfaitement prévisible compte tenu des profondes divisions politico-ethniques dans le pays qui avaient persisté après le conflit armé de 2002-2003 et qui avaient été un élément clé dans la crise postélectorale de 2010-2011.[82] Bien que le BdP ait fait part de son intention de remédier prochainement à l’absence d’affaires contre les forces pro-Ouattara, cette opinion divisée continue de faire obstacle à l’intensification de l’impact de la Cour en Côte d’Ivoire.

* * *

Pris dans leur ensemble, le nombre limité d’incidents couverts par les affaires de la Cour, l’approche du BdP axée à ce jour sur les crimes d’une seule partie et le démarrage rapide de l’accusation ont entravé l’exécution de la mission du Greffe consistant à engager les communautés affectées afin que des informations objectives sur les procédures soient fournies et que la participation des victimes aux procédures engagées devant la CPI soit facilitée. Toutefois, comme cela est expliqué dans la partie suivante, le Greffe n’a pas saisi toutes les opportunités qui lui auraient permis de déployer des stratégies qui auraient pu pallier ces obstacles.

V. Actions de sensibilisation

Les activités de sensibilisation de la Cour visent à établir un dialogue avec les communautés affectées par les crimes jugés devant la CPI, l’objectif étant de rendre ses procédures judiciaires accessibles à ces communautés.[83] D’un côté, le fait de rendre les procédures publiques est un élément essentiel permettant de garantir un procès équitable alors que, d’un autre côté, le droit des victimes à disposer des informations sur les procédures est un élément permettant d’assurer l’accès à la justice notamment lorsque des crimes graves ont été commis.[84]

La « Stratégie révisée de la Cour concernant les victimes » définit parmi ses objectifs stratégiques celui consistant à :

[85]

Le Statut de Rome, ses Règles de procédure et le règlement de la Cour et du Greffe donnent à certains groupes de victimes des droits de notification plus spécifiques à divers stades des procédures.[86]

Outre le fait de satisfaire les obligations de la Cour lui imposant de rendre les procédures publiques et de fournir aux victimes des informations sur les procédures, de façon générale, les actions de sensibilisation peuvent avoir un certain nombre d’autres répercussions qui sont toutes pertinentes pour l’intensification de l’impact de la Cour. À titre d’exemple, les actions de sensibilisation peuvent faire prendre conscience du processus légal et susciter un intérêt pour celui-ci et, en sensibilisant sur les crimes relevant de la compétence de la CPI, peuvent accroître le respect pour la règle de droit et les droits humains dans le pays en question. La transmission d’informations sur les procès de la CPI pourrait avoir une influence positive sur la volonté nationale de juger des crimes similaires et de mettre en œuvre des normes de procès équitable. En outre, la création d’un climat de compréhension et de connaissance autour du travail du tribunal peut également avoir un avantage pratique dans le sens où les personnes sont davantage disposées à coopérer et à aider la CPI à mener son travail sur le terrain. Un niveau de connaissance plus élevé sur la Cour peut également faire des communautés affectées des interlocuteurs plus efficaces pour les représentants de la Cour qui forgeront ainsi leurs propres décisions liées aux politiques de la CPI de façon à ce que celle-ci prenne davantage en compte, à son tour, les préoccupations des individus et des communautés.

Mais la portée des actions de sensibilisation est bien évidemment limitée. Une stratégie de sensibilisation efficace n’aboutira pas nécessairement à un soutien universel du travail de la Cour dans les communautés affectées. Le travail de la CPI se prête à la manipulation politique de la part de ceux qui ont tout intérêt à la voir échouer. Les actions de sensibilisation ne peuvent pas non plus pallier les lacunes de la stratégie mise en place en matière de poursuites ou les défauts des décisions judiciaires, ou des sentences que des personnes pourront simplement désapprouver.[87] Même dans des circonstances difficiles, la Cour a néanmoins besoin de toujours veiller à mener des actions de sensibilisation efficaces afin de respecter ses missions consistant à rendre les procédures publiques et à informer les victimes sur ces procédures.[88]

Les opérations de sensibilisation réalisées en Côte d’Ivoire ont été en proie à des difficultés dès le début. La procédure ordonnée des enquêtes du BdP a compliqué la tâche du personnel de la Cour en charge des actions de sensibilisation, laquelle tâche consiste à livrer des informations neutres et objectives sur des procédures considérées en elles-mêmes comme politiques. Mais, au moins jusqu’à l’arrivée récente d’un agent détaché sur le terrain en charge des opérations de sensibilisation, les actions de sensibilisation de la Cour ont été insuffisantes pour surmonter cette difficulté. Le manque de ressources a contraint à donner la priorité dans les programmes de sensibilisation communautaire de la Cour à un groupe limité de victimes directement concernées par les affaires du BdP, la politisation des médias de masse a empêché de toucher une population plus vaste. De fait, les stratégies de sensibilisation de la Cour ont été mal conçues et ne permettaient pas de mobiliser l’opinion autour de la Cour en Côte d’Ivoire.

A. Mise en relation des actions de sensibilisation de la communauté avec les affaires du BdP

Un représentant sur le terrain en charge des actions de sensibilisation n’a été affecté à Abidjan qu’en octobre 2014, soit trois ans après l’ouverture des enquêtes. Le personnel de la Cour a évoqué des contraintes financières – du fait de la pression exercée par les États parties sur la Cour pour un maintien au plus bas de son budget global – pour expliquer l’affectation très tardive de son représentant en charge des opérations de sensibilisation. Ces contraintes financières ont notamment empêché de solliciter la création d’un poste et, en conséquence, un poste a dû être réaffecté depuis la République centrafricaine. La réaffectation et le recrutement ont pris un an.[89]

Par conséquent, jusqu’à récemment, les opérations de sensibilisation en Côte d’Ivoire ont été menées depuis La Haye et par le biais de missions organisées dans le pays avec du personnel basé à La Haye. Toutefois, même à La Haye, aucun membre du personnel n’était spécifiquement affecté à la situation de Côte d’Ivoire. La seule responsable des opérations de sensibilisation basée à La Haye et placée sous la supervision du directeur de l’Unité de la sensibilisation s’occupe de l’ensemble des huit situations examinées par la CPI. (Dans des situations sans représentant sur le terrain en charge des opérations de sensibilisation, elle est la principale responsable de la surveillance des actions de sensibilisation alors que, dans les pays de situation où des responsables ‘sensibilisation’ sont détachés sur le terrain, elle coordonne le travail de ces équipes.[90]) Ceci souligne seulement les ressources limitées à disposition pour soutenir les actions de sensibilisation.

Au cours des trois années précédant l’affectation sur le terrain d’un responsable des opérations de sensibilisation en octobre 2014, sept missions de sensibilisation ont été organisées en Côte d’Ivoire, chacune ayant duré d’une à deux semaines. À travers ces missions, la Cour a conduit 22 séances avec 500 participants ; ces séances ont été réparties sur trois programmes ciblant respectivement la communauté, les médias et la communauté juridique. La Cour a également organisé une formation à La Haye destinée à un groupe de journalistes ivoiriens.[91]

Avec ses ressources limitées, s’agissant de la sensibilisation de la communauté, l’Unité de la sensibilisation a donné la priorité aux individus directement affectés par les incidents énumérés dans les accusations portées par le Bureau, en travaillant avec la Section de la participation des victimes et des réparations et à travers un réseau de 30-35 organisations non-gouvernementales.[92]

Compte tenu de la jurisprudence de la Cour relative à la participation des victimes, il s’agit là d’une priorisation compréhensible. Pour être reconnue comme une « victime concernée par les affaires traitées par la CPI » (par comparaison avec une « victime concernée par la situation », comme expliqué ci-après) et pour bénéficier des droits associés à ce statut pendant les procédures préliminaires et judiciaires, les personnes doivent prouver qu’elles ont subi un préjudice dérivant des crimes spécifiques couverts par l’affaire.[93] Les initiatives visant à sensibiliser des personnes qui sont potentiellement des victimes concernées par les affaires de la CPI sont importantes pour permettre à ces personnes d’accéder plus facilement à leurs droits devant la Cour.

En effet, nos recherches montrent que, en conséquence des efforts combinés de l’Unité de la sensibilisation, de la SPVR, du représentant légal commun des victimes, de la société civile et d’autres intermédiaires servant de lien entre la Cour et les communautés affectées, les victimes potentielles concernées par les affaires de la CPI ont reçu un grand nombre d’informations sur la Cour (voir « Victimes concernées par les affaires de la CPI en Côte d’Ivoire »).[94]

Mais les affaires du Bureau en cours en Côte d’Ivoire, conformément à ce qui est indiqué ci-dessous, se limitent à quatre ou cinq incidents qui se sont tous produits à Abidjan et à des dates différentes. De nombreux abus graves commis pendant les violences postélectorales, ainsi que d’autres crimes commis dans le pays depuis septembre 2002 – entrant tous, d’un point de vue technique, dans le cadre des enquêtes de la CPI – sont survenus en dehors d’Abidjan et notamment dans l’ouest du pays. Le fait d’associer les actions de sensibilisation à des incidents poursuivis devant la CPI pourra s’être avéré nécessaire du fait des ressources limitées mais cela écarte de nombreuses communautés affectées du champ de compétence de l’Unité de la sensibilisation :

Le Greffe n’a pas bien conçu le programme de sensibilisation. De nombreuses victimes n’ont eu aucune chance... Le Greffe a axé ses opérations sur les accusations portées dans l’affaire. Nous pensons qu’il souhaite en faire plus ; il nous a dit d’attendre. C’est ce que nous espérons.[95]

En outre, comme les affaires introduites jusqu’à aujourd’hui par l’accusation concernent des auteurs de crime présumés appartenant à une seule des parties au conflit, le fait d’associer les actions de sensibilisation de la communauté aux affaires de l’accusation pourra avoir entaché l’image de partialité du travail de la Cour.

À titre d’exemple, la Cour n’a pas tenté de joindre les communautés de réfugiés ivoiriens en dehors du pays. Ces communautés sont perçues comme des alliées de l’ancien Président Gbagbo. Pendant la crise électorale, nombre de ces réfugiés étaient les victimes probables ou les témoins des crimes perpétrés par les forces et milices pro-Ouattara. Certains membres de ces communautés qui connaissent la CPI par le biais des médias internationaux et de la diaspora ont perçu l’absence d’affaires contre quiconque associé à Ouattara pendant le conflit comme un parti-pris de la Cour.[96]

B. Limites de l’utilisation des médias pour les actions de sensibilisation

Les actions de sensibilisation de la communauté ne sont pas les seuls à s’inscrire dans le programme de sensibilisation exécuté par la CPI. La Cour a cherché à utiliser efficacement les médias afin de toucher un public plus large. Même sans un responsable en charge de ces actions présent sur le terrain, l’engagement étroit de la Cour auprès d’un réseau de journalistes était possible. À travers le programme de sensibilisation des médias, la Cour était en contact avec près de 30 journalistes chaque semaine. Des représentants des stations de radio de la communauté ont également été intégrés dans les opérations de sensibilisation.[97]

Human Rights Watch a interrogé huit journalistes ivoiriens. Nombre d’entre eux ont beaucoup apprécié la qualité des informations mises à disposition par la Cour et s’en servaient pour mieux orienter leur travail de journaliste. Ils ont notamment cité le Listserv des affaires publiques de la Cour que la CPI utilise pour diffuser des communiqués de presse et autres mises à jour dans toutes les situations dont elle est saisie. Quatre journalistes ont indiqué que leur travail s’appuie également sur les réponses rapides que le porte-parole de la Cour ou son responsable en charge des actions de sensibilisation basée à La Haye donnent à leurs courriers électroniques ou appels téléphoniques.[98]

Au moins cinq journalistes que nous avons interrogés avaient participé à la formation dispensée par la CPI, à la fois à Abidjan et à La Haye. L’un d’eux a signalé que les journalistes qui avaient participé à la formation en aident désormais d’autres dans leur travail de reportage en expliquant les termes et en corrigeant les erreurs.[99]

Cet accent mis sur un engagement étroit auprès des médias en Côte d’Ivoire semble refléter certains enseignements tirés de l’expérience relative aux actions de sensibilisation plus ancienne de la Cour, à une époque où l’importance du recours aux médias était parfois négligée. À titre d’exemple, dans le nord de l’Ouganda, en dehors des efforts déployés autour de la délivrance des mandats d’arrêt contre les membres de l’Armée de résistance du Seigneur en 2005, la CPI n’a pas eu de présence active en radio. Bien que ceci ait changé début 2008, le vide laissé par le silence radiophonique de la CPI a été adroitement comblé par ceux ayant des agendas différents et souvent contraires.[100]

Il est peu probable toutefois que les médias soient un moyen pleinement efficace pour diffuser des informations neutres et objectives sur les procédures de la CPI en Côte d’Ivoire. À l’instar du paysage politique dans lequel elle évolue, la presse écrite notamment est grandement politisée. À l’exception d’un petit groupe de médias relativement indépendants, les journaux ivoiriens sont souvent affiliés ou appartiennent même à des figures politiques.[101] Cette affiliation politique influence directement le travail de reportage, y compris sur la CPI : « Les médias sont divisés… Notre journal soutient et appuie la CPI. Tous les journaux d’opposition [à savoir ceux soutenant Gbagbo] pensent que la CPI est un fléau ».[102]

Des journalistes ont expliqué que des journaux affiliés au gouvernement et à l’opposition donnent des informations contradictoires sur les développements de la Cour. L’un a cité l’exemple suivant :

Lorsque la CPI a reporté l’audience de confirmation des charges à l’encontre de Gbagbo du fait de l’insuffisance des preuves, La Patriote, un journal proche du gouvernement, a écrit que les juges venaient de décider d’un report afin d’éviter une nouvelle crise. Mais le journal proche de Gbagbo, Notre Voie, a écrit, eu égard à la même décision, que le juge dissident souhaitait que la CPI relâche immédiatement Gbagbo. En fait, le juge dissident souhaitait confirmer les charges contre Gbagbo.[103]

Ainsi, il n’est sans doute pas surprenant que, d’après l’étude citée plus haut, les journaux soient peu lus et que peu de crédit leur soit accordé à Abidjan (même si ces conclusions doivent être prises en compte dans le contexte des conclusions de l’étude établissant une grande méfiance générale, y compris à l’égard des institutions nationales et au sein de la population).[104] Et d’après un chercheur qui s’est penché sur l’expérience des victimes participant aux procédures de la CPI, ces personnes « lisent la presse mais ne lui accordent pas vraiment de crédit ».[105]

La même étude révèle que la télévision est très regardée mais près de 40 % des personnes interrogées ne font pas non plus confiance à ce média.[106] Les chaînes internationales, comme France24 et Canal/TV5, conjointement avec Radio France Internationale (RFI) font de bonnes audiences et pourront constituer de bons moyens pour diffuser des informations sur les procédures de la Cour.[107] Mais ces médias consacreront un temps limité à la Côte d’Ivoire et un temps encore plus limité aux procédures de la CPI en Côte d’Ivoire.

Le personnel de la Cour était informé depuis le début de la nature politisée de la presse écrite nationale ainsi que de la confiance limitée qui était portée aux journaux nationaux mais il soulignait la nécessité de s’engager quand même auprès des médias afin d’éviter une plus grande distorsion des informations sur la CPI relayées par les médias. Le personnel de la Cour a vu quelques avantages à cet engagement : « Les titres des journaux restent polarisés mais les faits relatés sont devenus plus précis ».[108]

Avec un responsable sur le terrain en charge des actions de sensibilisation qui est en mesure de rencontrer plus fréquemment les rédacteurs en chef et les journalistes et peut surveiller dans une certaine mesure les médias, de nouvelles opportunités pourront se présenter pour consolider encore davantage l’engagement avec les médias.[109] Chaque fois que des membres du personnel de la Cour participent directement à des émissions de radio ou à des entretiens téléphoniques, ils constatent des approches plus neutres dans les médias.[110]

Mais compte tenu des attitudes fortement divisées dans les médias ivoiriens à l’égard de la CPI, certains des journalistes interrogés dans le cadre de la rédaction de ce rapport considéraient avec un certain scepticisme la question consistant à déterminer si un engagement plus important est susceptible ou non de donner une nouvelle forme au paysage journalistique :

Que peut faire la CPI ? Elle est venue ici. Elle a organisé des formations. Elle a payé les formations et le logement pour nous faire venir à La Haye. Mais dès que nous sommes revenus dans notre pays, nous avons continué de traiter l’information de la même façon. Peut-être que seul un changement politique pourra faire la différence.[111]

Ceci donne d’autant plus d’importance au nouvel accent mis, avec l’affectation sur place d’un responsable en charge des actions de sensibilisation, sur d’autres outils de sensibilisation. Les plans de la Cour pour engager directement les communautés affectées dans les opérations de sensibilisation et pour établir de nouveaux partenariats avec les radios de la communauté sont expliqués ci-après.[112]

C. Le rôle de la société civile

Avec une Cour dans l’incapacité de réaliser des actions directes de sensibilisation à grande échelle et avec un paysage médiatique qui fait des médias un outil très peu efficace pour toucher la population générale, les efforts de sensibilisation déployés par la CPI ont abouti à un engagement profond quoique limité en Côte d’Ivoire, d’après les personnes que nous avons interrogées dans le cadre de la rédaction de ce rapport.[113]

Les initiatives lancées par des organisations de la société civile nationale et internationale dans le pays ont toutefois permis de pallier ce problème, parfois en partenariat avec la CPI.

Le réseau des organisations non-gouvernementales (ONG) travaillant avec la Cour dans le cadre du programme de sensibilisation de la communauté ne s’occupe pas exclusivement des victimes des incidents spécifiques identifiés dans les affaires du BdP. Certaines de ces ONG travaillent au niveau national – elles ont des bureaux à l’intérieur du pays – et certaines appartiennent à des réseaux et coalitions de la société civile nationale. Une organisation de la société civile internationale a déployé des efforts réfléchis pour inclure un ensemble diversifié d’organisations de la société civile nationale dans au moins quelques-unes des formations qu’elle a organisée en Côte d’Ivoire autour des droits des victimes devant la CPI.[114]

Plus généralement, les activités de la Cour ont été grandement soutenues par la CI-CPI. En effet, bien avant l’arrivée du personnel de la CPI dans le pays, la CI-CPI menait depuis 2005 des campagnes de sensibilisation sur la Cour.[115] Trois journalistes que nous avons interrogés ont indiqué que la CI-CPI était une source d’information très fiable sur les procédures de la Cour.[116]

Outre Abidjan où elle organise une conférence publique tous les trois ou quatre mois, la CI-CPI et ses organisations membres ont exécuté des programmes à l’intérieur du pays, y compris à l’ouest, passant parfois plusieurs jours sur un site. La CI-CPI a également créé une pièce « Dame CPI » qui a été jouée sur plusieurs sites puis filmée pour sa distribution sur DVD. La coalition publie également un magazine « La Haye » disponible en ligne. Elle a organisé des formations pour un large éventail d’acteurs parmi lesquels des parlementaires, des journalistes, des avocats, des victimes, des forces de défense, des chefs traditionnels, des chefs religieux, des associations de jeunes et de femmes, et des lycées. Certains membres de la CI-CPI ont également conduit leurs propres activités de sensibilisation, notamment à travers un partenariat entre la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) et la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO).[117]

La CI-CPI estime qu’elle peut avoir un impact sur l’image de la Cour à travers cet engagement direct :

Nous étions dans quelques petites villes de l’ouest. Toutes ces régions sont en faveur de Gbagbo. Les populations ne voulaient rien entendre. Mais quand nous avons pris le temps de leur expliquer, certaines personnes ont compris et nous ont écoutés.[118]
Il était très difficile pour les gens de comprendre au départ [qui avait le droit de participer aux procédures devant la Cour]. Il a fallu du temps pour leur expliquer. Mais maintenant, ils ont compris. Oui, des personnes soutiennent toujours la CPI [même si elles ne remplissent pas les critères pour participer en qualité de victimes]. Les gens comprennent vraiment le travail de la CPI car nous avons mené une grande campagne avec la CI-CPI.[119]

Il existe évidemment un rapport important entre la CPI et les organisations de la société civile s’agissant des actions de sensibilisation. Des organisations de la société civile ivoirienne peuvent aider la CPI à comprendre les besoins d’information sur le terrain, par exemple, et peuvent alors jouer un rôle en touchant des publics qui sont inaccessibles pour la Cour. En effet, ces types de rapport ont été un élément important des programmes de sensibilisation de la Cour dans les situations dont elle est saisie, bien que le soutien et l’assistance financière apportés à ces partenaires n’aient parfois pas répondu aux grandes attentes placées sur eux.[120]

Mais l’expérience passée dans d’autres pays dont la situation est examinée par la CPI démontre que les activités menées par la société civile ne peuvent pas se substituer à l’engagement direct entre le personnel de la Cour et les communautés affectées. En fait, l’absence d’actions directes de sensibilisation par le personnel de la Cour en Côte d’Ivoire reflète un revirement dans les pratiques de la Cour dans d’autres pays.

Dans les premières années d’existence de la Cour – jusqu’à 2007 – les actions de sensibilisation consistaient essentiellement à organiser des séminaires ou des ateliers ciblant des groupes distincts comme des ONG locales, des journalistes, des membres du parlement et la magistrature. Il était certes espéré que les informations fournies à ces acteurs soient ensuite diffusées, mais cela n’a pas toujours été le cas. Il est devenu évident que le contact direct entre le personnel de la CPI et les communautés affectées était nécessaire. Avec la mise à disposition de ressources supplémentaires dans le budget de la Cour, avec la création de l’Unité de sensibilisation et avec l’augmentation de l’effectif à La Haye et sur le terrain, entre autres facteurs, les programmes de sensibilisation de la Cour ont commencé à s’étendre vers un engagement direct auprès des communautés affectées. Ces programmes incluaient par exemple des visionnements publics des procédures de la Cour en République démocratique du Congo et dans les mairies des villages congolais, dans les camps de déplacés internes dans le nord de l’Ouganda et dans des camps de réfugiés de l’est du Tchad.[121]

En effet, à l’appui d’éléments solides, les attentes sur le rôle de la société civile dans les actions de sensibilisation de la Cour deviennent de plus en plus réalistes.

Premièrement, dans les contextes hautement politisés dans lesquels la CPI opère souvent, comme en Côte d’Ivoire, certains messages sont mieux transmis par les acteurs de la Cour. C’est le cas, par exemple, lorsqu’il s’agit de fournir des explications détaillées sur les décisions ou les processus judiciaires, y compris le choix des affaires par le BdP. Notamment, chaque fois que des organisations de la société civile soutiennent des victimes participant aux procédures de la CPI, elles doivent strictement veiller à maintenir la neutralité de de cette assistance – neutralité par rapport aux autres acteurs de la Cour, y compris l’accusation. Une autre approche pourrait saper la confiance que les victimes accordent à ces organisations pour garantir le respect de leurs droits et intérêts plutôt que ceux des autres parties. Le fait d’être perçu comme un porteur de messages de l’accusation ou de la défense dans le cadre de la conduite des activités de sensibilisation pourrait compromettre cette neutralité et pourrait également semer la confusion chez les victimes participantes quant à leur propre rôle dans les procédures.[122]

Deuxièmement, il existe également des limites aux risques que l’on peut demander aux représentants de la société civile de porter au nom de la Cour. Avec la Cour opérant presque toujours dans des environnements politiquement lourds ou marqués par des conflits permanents, les représentants de la société civile perçus comme travaillant pour le compte de la Cour ou assimilés à du personnel de la Cour peuvent se trouver confrontés à des risques physiques. Les risques pour les organisations de la société civile en Côte d’Ivoire travaillant sur des affaires en rapport avec la CPI ne semblent pas avoir été un facteur important mais ils n’ont pas non plus été inexistants.[123] La situation pourrait empirer alors que le BdP poursuit des enquêtes à l’encontre des forces alliées à Ouattara.

Troisièmement, la société civile n’a pas et, pour des raisons de confidentialité ainsi que du fait de la capacité du personnel de la Cour à assurer la coordination entre les organes et les unités, ne peut pas avoir accès au même niveau d’informations sur la Cour et ses procédures que le personnel de la Cour. En Côte d’Ivoire par exemple, alors que les organisations de la société civile travaillant étroitement avec les victimes concernées par les affaires traitées par la CPI étaient satisfaites des informations fournies sur la Cour et ses procédures, certains représentants de la société civile ont fait part d’une certaine ambivalence quant au caractère suffisant des informations dont ils disposaient :

Nous obtenons davantage d’informations de la Coalition [globale] pour la CPI que nous n’en obtenons de la CPI. Nous n’obtenons pas plus que ce que le public obtient ; ce sont juste des informations publiques provenant du Greffe, rien de plus. Le Bureau du Conseil public pour les victimes (BCPV) et la SPVR s’occupent des victimes. Mais au jour le jour, il faut davantage d’informations et davantage de mises à jour. Des informations doivent être créées en permanence ; c’est ce qui manque actuellement.[124]

Les observations de Human Rights Watch sur les développements liés à la CPI en Côte d’Ivoire ont révélé des lacunes antérieures en matière d’informations lorsqu’il s’est agi des rumeurs sur la santé de Laurent Gbagbo, de la procédure de jonction de son affaire à celle de Blé Goudé, du contentieux compliqué autour de la contestation de la recevabilité dans le cadre de l’affaire de Simone Gbagbo, des longs retards dans le démarrage du procès et des raisons motivant la procédure « ordonnée » des enquêtes par le BdP. Des problèmes notamment sur l’approche perçue du BdP axée sur les crimes d’une seule partie sont susceptibles de persister même après avoir été abordés dans les commentaires aux médias soumis par les représentants de la Cour ; ceci souligne l’importance d’un engagement constant et soutenu auprès des communautés affectées.

Des représentants de la société civile ivoirienne vont continuer de jouer un rôle central dans les actions de sensibilisation sur la CPI mais ils ont également indiqué qu’il était important que la Cour mène ses propres actions directes de sensibilisation :

La CPI a besoin d’un programme spécifique pour informer les gens sur la façon dont elle travaille. La CPI a besoin de faire savoir qu’elle est une cour de justice et qu’elle n’est pas simplement là pour emprisonner des chefs africains… Le bureau de la CPI à Abidjan pourrait prendre des mesures pour organiser des réunions publiques visant à expliquer directement à la population son rôle et ses fonctions. Le bureau [de la CPI] ici organise effectivement quelques réunions mais il ne le fait pas régulièrement. Nous sommes la société civile et nous organisons une conférence tous les trois mois sur un sujet spécifique. Si nous pouvons le faire, nous pensons que la CPI est capable d’en faire plus.[125]
Nous attendons bien plus de [la CPI]. Elle a beaucoup plus de moyens que nous. Quand elle vient ici, elle reste une semaine. Puis elle ne revient plus pendant trois ou quatre mois.[126]

Les contraintes financières pour les organisations de la société civile sont également réelles et semblent croissantes.[127] La CPI ne paie pas d’organisations pour mener des activités de sensibilisation ou ne donne pas de fonds pour soutenir l’administration des projets de sensibilisation ; elle peut couvrir certains coûts comme la location d’installations, la restauration et, dans certains cas, les frais de transport et de communication.[128] Un projet de suite à « Dame CPI » a été mis en suspens du fait d’un manque de financement, bien que l’Unité de la sensibilisation soit en train de voir si elle peut donner des fonds pour relancer le projet, au moins dans une certaine mesure, en 2016.[129] Compte tenu de ses propres contraintes financières, toutefois, l’Unité de la sensibilisation n’est pas en position de soutenir l’ensemble des projets possibles.[130] Alors que la société civile a donc joué un rôle important, ses actions seules ne peuvent pas pallier l’absence d’initiatives plus solides de la Cour sur le terrain.

* * *

Considérées dans leur ensemble, à ce jour, les stratégies de sensibilisation de la Cour, limitées aux victimes concernées par les affaires traitées par la CPI et à la sensibilisation des médias, ont risqué de renforcer l’approche restreinte adoptée par le BdP. Avec ces stratégies, il est peu probable que le programme de sensibilisation de la Cour atteigne l’objectif établi d’un dialogue avec un ensemble plus large des communautés affectées. La quasi-absence de dialogue, notamment avec les communautés politiquement proches de Laurent Gbagbo, ne va pas véritablement contribuer à l’engagement et encore moins à un changement d’opinion sur la Cour, opinion qui est pour l’instant divisée du fait de l’approche « ordonnée » du BdP. Ceci risque de limiter la compréhension des procédures de la Cour et dès lors l’effet perçu et réel en Côte d’Ivoire de ces procédures, à la fois en termes de réparations significatives apportées aux victimes et des contributions à plus long terme en faveur de la consolidation de la règle de droit.

L’affectation à Abidjan en octobre 2014 d’un responsable en charge des actions de sensibilisation qui se consacre pleinement à ces activités sur place dénote une volonté de la part du Greffe de changer la donne en Côte d’Ivoire. L’Unité de la sensibilisation a pris des mesures pour étendre et approfondir les relations avec les organisations de la société civile, notamment en mettant en place une série de formations et d’ateliers. Des représentants de certaines organisations assistent à des séances pour s’informer sur la Cour alors que d’autres organisations vont s’associer à la CPI de l’une des deux façons. Elles vont organiser des activités de sensibilisation destinées à l’ensemble de la population à l’occasion desquelles l’Unité de la sensibilisation de la Cour sera invitée à présenter la Cour alors que d’autres, se servant de la formation dispensée par la Cour, conduiront leurs propres activités de sensibilisation auprès des communautés affectées. À titre d’exemple, le responsable en charge des actions de sensibilisation élabore des programmes de sensibilisation en coopération avec l’Association des femmes juristes qui dispose de cliniques d’aide juridique dans tout le pays. Les activités commenceront à Abidjan mais pourront s’étendre à d’autres régions du pays.

Les plans de sensibilisation pour 2015 incluent également l’expansion des efforts sur Abidjan, par exemple, en s’associant à un réseau d’organisations pour la jeunesse en vue d’organiser des activités destinées aux jeunes, notamment en proposant un jeu-questionnaire sur la CPI. Les équipes seront tirées au sort dans chacune des 13 communes d’Abidjan et le concours sera diffusé à la radio pour toucher un public plus large. Une collaboration étroite avec la SPVR reste une priorité mais les activités de sensibilisation comme celle-ci visent l’ensemble de la population qui pourra évidemment inclure des victimes potentiellement concernées par les affaires traitées par la CPI.

En outre, le responsable sur le terrain en charge des actions de sensibilisation a également entrepris deux missions en dehors d’Abidjan, y compris dans les villes natales de Gbagbo et de Blé Goudé, l’objectif étant de commencer à constituer des réseaux d’ONG locales afin de les tenir informés à propos de la CPI. Il étudie de plus actuellement des partenariats avec des radios de la communauté sur Abidjan pour la diffusion d’émissions téléphoniques sur la CPI.[131]

Victimes concernÉes par les affaires de la CPI en CÔte d’Ivoire

Au total, quatre cent soixante-dix victimes ont participé à des procédures préliminaires au procès contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé et ont désormais été acceptées en tant que victimes dans le procès conjoint des deux accusés.[132] Les victimes ont également participé à la contestation de la recevabilité relative à l’affaire Simone Gbagbo.

Ces victimes ont toutes été représentées dans le cadre des procédures préliminaires ou de la contestation de la recevabilité par un représentant légal commun désigné par la Cour, Paolina Massidda, qui est également le Conseil principal pour les victimes auprès de la CPI. Jusqu’en janvier 2015, Mme Massidda a été assistée d’un avocat ivoirien basé à Abidjan ; suite à la démission de l’avocat, Mme Massidda a proposé de recruter un nouvel avocat qui sera également basé à Abidjan.[133]

La chambre de première instance a mis en place un cadre pour l’acceptation d’autres demandes de participation de victimes et, au moment de la rédaction de ce rapport, examine la possibilité de maintenir Mme Massidda dans ses fonctions de représentante légale dans le procès.[134]

Nos recherches indiquent que les victimes concernées par les affaires traitées par la CPI en Côte d’Ivoire ont eu accès, dans une large mesure, aux informations sur les procédures de la Cour.

Comme c’est le cas dans d’autres pays dont la situation est examinée par la CPI, la Section de la participation des victimes et des réparations a utilisé un petit réseau d’ « intermédiaires » – parfois des individus et parfois des représentants d’organisations de la société civile – pour toucher les victimes potentielles. Ces intermédiaires, qui travaillent de façon confidentielle, avec la formation dispensée par la SPVR sont généralement des personnes déjà connues des victimes et auxquelles ces victimes font confiance ; elles sont un pont essentiel entre la Cour et les communautés affectées.

La SPVR fait avec ses intermédiaires un point hebdomadaire sur les procédures de la Cour, les informations ainsi fournies pouvant être par la suite directement partagées avec les victimes.[135] La SPVR a un membre de son personnel détaché à Abidjan depuis début 2012[136] soit dix-huit mois avant l’ouverture du bureau extérieur de la Cour en septembre 2013. Le membre du personnel de la SPVR basé sur le terrain était auparavant membre de la société civile ivoirienne. Un représentant de la société civile a signalé des contacts encore plus fréquents avec la SPVR.[137]

Les informations fournies par la SPVR sont également complétées par des informations de la société civile.

Un représentant de la société civile a décrit le système de cette façon :

La CPI ici est très proche des victimes. À chaque étape de la procédure, nous apportons des informations aux victimes, des informations que nous recevons par le biais de la CI-CPI et de la CPI. Dès que j’ai des informations, je les transmets... Comme nous avons le Greffe ici [à Abidjan], chaque fois que de nouvelles informations arrivent, il organise une réunion avec les intermédiaires. [Le membre du personnel de la SPVR basé sur le terrain] n’est toutefois pas disponible tous les jours ; de ce fait, les intermédiaires nous [une organisation de la société civile] contactent aussi.[138]

La SPVR a également organisé des réunions de groupes privées dans des régions entrant dans le cadre des charges – à savoir Abobo et Yopougon – pour informer les personnes de leur droit à demander de participer aux procédures devant la Cour.[139]

En outre, lorsque Paolina Massidda, la représentante légale des victimes, est dans le pays, elle utilise un réseau de correspondants – qui pourront être les mêmes que les intermédiaires utilisés par la SPVR – aux fins d’organiser des réunions directes avec ses clients, à savoir les victimes autorisées à participer dans le cadre de l’affaire. Entre juin 2012 et mars 2015, elle s’est rendue 20 fois à Abidjan. Les victimes participantes ont également obtenu le numéro de téléphone local de l’assistant juridique au cas où elles souhaiteraient joindre une personne sur place.[140]

VI. Renforcement du rôle des victimes

Le droit des victimes à participer à certaines procédures de la Cour est l’une des innovations les plus significatives du Statut de Rome.[141] Ce droit n’existe pas devant les cours pénales internationales ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda qui ont précédé la CPI. Bien que la Cour continue de s’efforcer de mettre au point un dispositif solide pour la participation des victimes, la participation doit jouer un rôle central dans l’augmentation de l’impact de la Cour en mettant les victimes directement au contact des procédures de la Cour et en veillant à ce que ces procédures soient informées de l’expérience des victimes.

Il a incombé aux juges de la Cour de déterminer la façon dont la participation des victimes doit être mise en place, y compris de veiller à ce que cela ne soit pas incompatible avec les droits de la défense, et de définir, le cas échéant, le processus de demande à suivre par les victimes souhaitant participer aux procédures, la représentation légale des victimes reconnues comme des participants et les modalités spécifiques de la participation des victimes dans le cadre des procédures.

Le paragraphe 3 de l’article 68 accorde aux victimes un droit général de participation aux procédures. Selon la jurisprudence de la Cour, toutefois, les possibilités de participation des victimes en vertu de ce droit général diffèrent en fonction de la phase des procédures judiciaires.

Conformément à ce qui est expliqué plus haut, une fois qu’une affaire spécifique a été introduite – un mandat d’arrêt ou une assignation a été délivré(e) à l’encontre d’un défendeur spécifique sur des chefs spécifiques – la jurisprudence de la Cour n’autorise la participation dans cette affaire que des victimes qui peuvent démontrer un rapport entre le préjudice qu’elles ont subi et ces chefs d’accusation. Par conséquent, le choix des charges par le BdP – éventuellement modifiée ultérieurement par les juges de la Cour en confirmant l’affaire qui sera finalement jugée – établit, dans une large mesure, le cadre de participation des victimes dans l’affaire.[142]

Néanmoins, les juges ont interprété le paragraphe 3 de l’article 68 comme une disposition donnant à un plus grand éventail de victimes un droit de participation limité dans d’autres procédures judiciaires spécifiques qui pourront survenir au cours des enquêtes. Et le Statut de Rome et les Règles de procédure et de preuve de la Cour prévoient également d’autres possibilités spécifiques de participation d’un éventail plus large de victimes avant l’ouverture des affaires ou, dans certains cas, des enquêtes. Ceci inclut des représentations écrites concernant l’autorisation des enquêtes proprio motu (paragraphe 3 de l’article 15), expliquées ci-après, l’examen de la décision du BdP de ne pas donner suite à une enquête ou à une poursuite (paragraphe 3 de l’article 53, paragraphe 2 de la Règle 92 et paragraphe 5 de la Règle 107)[143] et les cas où une chambre souhaite connaître le point de vue des victimes sur une question (Règle 93).[144]

Comme c’est le cas avec la sensibilisation, il est important de conserver un certain réalisme sur la portée de la participation des victimes aux procédures lorsqu’il s’agit de combler le fossé entre les communautés affectées et la CPI lors de la phase préalable à l’enquête ou de la phase d’enquête (situation). C’est notamment vrai compte tenu des limites réelles des droits accordés aux victimes au cours de ces phases, conformément à ce qui est expliqué ci-après. Eu égard à toutes les phases des procédures engagées devant la CPI, la jurisprudence de la Cour a été critiquée par les défenseurs des droits des victimes qui lui reprochaient de ne pas prendre suffisamment en compte les représentations adressées par les victimes ou leur conseil ou de ne pas rechercher le point de vue des victimes sur des questions clés.[145] Même lorsqu’ils tirent profit des vues et préoccupations des victimes, les juges et le Bureau du Procureur doivent prendre des décisions indépendantes.

Dans le même temps, toutefois, les représentations ou la participation des victimes dans ces phases précoces préliminaires à l’affaire peuvent à tout le moins constituer une source d’engagement entre la Cour et les communautés affectées.

Cet engagement ne doit pas être sous-estimé ; un trio de chercheurs très engagés sur les questions de participation des victimes à la CPI a récemment souligné l’importance d’un « dialogue constant » entre la CPI et les victimes. Ils ont cité les propos d’une victime : « La chose la plus importante pour nous, c’est qu’une personne de la Cour vienne ici afin que nous puissions interagir avec elle ».[146]

De façon plus générale, le renforcement du rôle d’un large ensemble de victimes dans les phases préalables à l’enquête et dans les phases d’enquête pourrait influencer les choix du BdP et faire que ces choix tiennent davantage compte des profils de criminalité sous-jacents et des expériences des victimes, un aspect clé de l’impact final de la Cour dans un pays donné.

* * *

Dans la situation en Côte d’Ivoire où, à la différence de l’Unité de la Sensibilisation, la Section de la participation des victimes et des réparations a détaché un membre de son personnel à Abidjan depuis début 2012, de grands efforts ont été déployés pour faciliter la participation des victimes dans les affaires introduites contre Laurent et Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé. Ces victimes ont eu accès à un grand nombre d’informations sur les procédures (voir « Victimes concernées par les affaires de la CPI en Côte d’Ivoire »).

S’agissant du renforcement du rôle d’un ensemble plus large de victimes, les affaires du BdP très ciblées et axées sur les crimes d’une seule partie ont là encore posé des difficultés réelles à la lumière de la jurisprudence de la Cour réservant les droits de participation les plus vastes aux victimes concernées par les affaires traitées par la CPI. Toutefois, les juges et le Greffe n’ont pas saisi toutes les possibilités qui existent pour engager un ensemble plus large de victimes.

A. Actions de sensibilisation précoces et engagement auprès des victimes : des opportunités manquées

Bien que les gouvernements ivoiriens aient fait des déclarations en application du paragraphe 3 de l’article 12 aux termes desquelles ils acceptaient la compétence de la CPI en 2003 et de nouveau en 2010, la Côte d’Ivoire n’est devenue un pays membre de la CPI qu’en 2013. De fait, les enquêtes en Côte d’Ivoire ont été ouvertes en application de l’Article 15, la disposition du traité de la CPI permettant au Procureur d’avancer proprio motu – sur sa propre requête – à condition que cette autorisation soit accordée par une chambre préliminaire de la Cour. Dans le cadre du processus visé par l’Article 15, les victimes de violations couvertes par le Statut de Rome ont le droit d’adresser des représentations par écrit aux juges.[147]

Ceci peut constituer un moment critique pour renforcer le rôle des victimes dans le processus judiciaire et pour donner une orientation à toute enquête autorisée comme le précise une soumission du Greffe datée de 2011 et adressée aux juges relativement à la Côte d’Ivoire :

Le Greffe relève que le processus prévu à l’article 15(3) constitue le seul mécanisme permettant aux victimes de se faire entendre de l’ensemble du public et de la Cour sur un sujet probablement très important pour elles, à savoir leur soutien ou leur opposition à une enquête. Étant donné le caractère limité des autres formes de participation des victimes aux procédures en dehors du contexte d’une affaire donnée, le processus prévu à l’article 15 représente la seule occasion pour les victimes d’exprimer leur opinion concernant non seulement la question de savoir s’il devrait y avoir une enquête mais aussi celle des priorités que le Procureur pourrait donner dans le cadre de ses investigations. Sans pour autant que ces vues puissent le lier, le Procureur pourrait les trouver utiles, tout comme la Chambre. Pouvoir exposer leurs vues permet aussi aux victimes de prendre conscience de leurs liens avec la Cour et de la possibilité de participer à ses travaux. Le fait qu’un rapport public du Greffe expose l’avis des victimes (et non une simple compilation de chiffres) est un moyen de faire connaître et apprécier à leur juste valeur les déclarations des victimes.[148]

Afin de faciliter ces représentations, le BdP a certaines obligations limitées lui imposant d’informer les victimes avec lesquelles il est en contact de son intention de demander l’autorisation d’enquêter. Il peut le faire par voie de notification générale, par exemple, en publiant une annonce dans un journal ou en diffusant cette information dans les médias.[149]

Concernant la Côte d’Ivoire, la chambre préliminaire assignée à la situation a estimé que le BdP avait pris suffisamment de mesures pour notifier les victimes de sa demande d’autorisation d’enquêter, y compris la publication de l’avis dans les journaux ivoiriens et la diffusion de l’avis sur les principales chaînes télévisées et stations de radio du pays, sur la station de radio de la mission de maintien de la paix des Nations Unies (UNOCI FM) et auprès des représentants de la société civile.[150]

Le BdP s’est opposé à toute activité du Greffe en Côte d’Ivoire en contact direct avec les victimes avant l’autorisation d’enquêter, faisant part de préoccupations quant aux retards des procédures, comme ceux survenus lors du processus équivalent exécuté en application de l’Article 15 relativement aux autorisations d’enquêter au Kenya. Ceci couvrait le retard qui allait être nécessaire pour garantir que ces activités n’exposent les victimes ou intermédiaires à aucun risque.[151]

Dans un souci d’efficacité, la chambre préliminaire n’a pas ordonné à l’Unité de la sensibilisation ou à la SPVR de mener toutes activités en Côte d’Ivoire visant à informer les victimes sur la possibilité d’adresser des représentations.[152]

Ceci différait de l’approche adoptée dans la situation du Kenya – la seule autre enquête de la CPI ouverte conformément aux pouvoirs proprio motu du Procureur en application de l’Article 15. Dans ce cas de figure, la chambre préliminaire a ordonné à la SPVR de rechercher des représentations volontaires et collectives auprès des leaders de la communauté.[153] La SPVR et l’Unité de la sensibilisation ont d’abord organisé une mission au Kenya afin de déterminer la meilleure façon de mettre en œuvre la décision de la Cour. Au cours de la mission, les membres du personnel de la Cour ont eu la possibilité de donner des informations sur la CPI, sur le processus visé par l’article 15 et sur le rôle des victimes à un groupe choisi d’organisations et de personnes. Ils ont également pu évaluer les connaissances existantes et l’image de la CPI, cartographier au préalable les populations de victimes et les organisations de la société civile les assistant et s’occuper des conditions de sécurité et de la façon dont les victimes seraient susceptibles d’avoir accès aux informations sur la Cour. Sur la base de cette mission, le Greffe a conclu qu’il devait immédiatement commencer les activités de sensibilisation au Kenya.[154]

Comme indiqué plus haut, le BdP a entrepris deux missions en Côte d’Ivoire alors que la demande d’autorisation était en instance, la possibilité de représentations des victimes ayant par la suite été rendue publique. Mais en l’absence de directive similaire de la part de la chambre préliminaire, la SPVR et l’Unité de la sensibilisation ont organisé leur première mission en Côte d’Ivoire en novembre 2011, seulement après avoir obtenu l’autorisation d’enquêter.[155] Sans surestimer l’impact que des actions de sensibilisation plus précoces auraient pu avoir en Côte d’Ivoire – compte tenu de la nature polarisante du mandat d’arrêt initial de la CPI – les enseignements tirés d’autres situations relevant de la compétence de la CPI montrent que la remise d’informations neutres sur la CPI aussitôt que possible peut contribuer à empêcher les rumeurs dommageables et la désinformation que la Cour pourra avoir les plus grandes difficultés à récuser.

En effet, au Kenya, des activités menées pendant la phase préalable à l’autorisation dans le cadre du processus visé par le paragraphe 3 de l’article 15 étaient essentielles pour jeter les bases des opérations de sensibilisation au Kenya une fois que l’enquête a été autorisée, selon les propos d’un membre du personnel de la Cour. Suite aux missions entreprises pendant la phase préalable à l’autorisation, « [les actions de sensibilisation au Kenya] pouvaient réellement commencer dès le début de la situation … [sans les opérations préalables à l’autorisation], on aurait pu perdre beaucoup de temps et d’opportunités. Au lieu de ça, nous avons pu travailler en temps réel, en donnant des informations en phase avec les activités du BdP ».[156]

La sensibilisation précoce n’est pas une panacée. Le terrain au Kenya est devenu de plus en plus glissant pour la Cour, notamment pendant et après les élections de mars 2013 où les deux accusés de l’époque comparaissant devant la CPI, Uhuru Kenyatta et William Ruto, ont été élus président et vice-président du Kenya. La frustration vis-à-vis de la Cour a également grandi en raison des délais dans les procédures, des questions persistant quant à la force des enquêtes du BdP et, finalement, l’abandon des charges contre Kenyatta en décembre 2014 par le BdP, évoquant l’obstruction du gouvernement et l’interférence du travail avec les témoins. Mais des actions de sensibilisation précoces pourraient avoir été particulièrement utiles dans la situation de la Côte d’Ivoire où, comme expliqué précédemment, le Greffe a fait face à des enquêtes extraordinairement rapides, le mettant ainsi en difficulté eu égard à la mise en place et à l’exécution des programmes de sensibilisation.

Bien que le Greffe ait noté que des programmes spécifiques entrepris sur le terrain, s’ils avaient été ordonnés par la Chambre, auraient pu permettre d’améliorer la qualité des représentations,[157] la Chambre préliminaire s’est fondée sur les représentations de victimes dans son évaluation de la demande du Procureur. En fait, c’est sur la base de ces représentations ainsi que sur les informations de sources ouvertes que la Chambre préliminaire a demandé au BdP de fournir des informations supplémentaires de façon à ce que la Chambre puisse examiner si la portée temporelle de la situation devait ou non être étendue de façon à inclure les crimes commis avant la crise électorale en novembre 2010.[158] Les représentations des 72 victimes faisaient référence à des crimes commis avant le début de la crise post-électorale en novembre 2010, principalement dans la partie centrale du pays, avec la vaste majorité des représentations citant les combattants pro-Ouattara en tant qu’auteurs présumés des crimes.[159] En outre, la Chambre préliminaire se fondait, en partie, sur les représentations des victimes pour conclure qu’il y avait de bonnes raisons de penser que les forces pro-Ouattara avaient commis des crimes contre l’humanité au cours des violences postélectorales (à la différence de la position du BdP) et pour identifier d’autres crimes – notamment des pillages, des traitements cruels et des actes de torture – non présentés par le BdP.[160]

Le fait que la Chambre préliminaire se fonde sur ces représentations – même avec les limitations imposées par l’approche de la Cour à l’égard du processus visé par le paragraphe 3 de l’Article 15 – souligne l’importance que ces représentations prévues à l’article 15 auraient pu avoir pour garantir que les procédures de la Cour tiennent compte des préoccupations des victimes dès le départ, outre le fait d’offrir des opportunités d’actions de sensibilisation précoces et d’engagement. En Côte d’Ivoire, les juges ont eu tendance, selon nous, à minimiser l’importance de ces opérations précoces de sensibilisation et d’engagement en ne déployant pas suffisamment d’efforts pour encourager les soumissions les plus efficaces possible.

B. Obstacles à la participation éventuelle d’un ensemble plus vaste de victimes

Droits formels limités pour les victimes concernées par la situation

Après l’ouverture des enquêtes à la CPI, les victimes peuvent avoir qualité, en vertu du paragraphe 3 de l’article 68, pour participer aux procédures en dehors de celles en rapport avec des affaires spécifiques, appelées « participation à la situation ».

À l’instar des avantages identifiés plus haut qui sont attachés à des approches solides en faveur des représentations des victimes en vertu du paragraphe 3 de l’article 15, la participation des victimes dans les procédures alors que les enquêtes sont en cours pourrait constituer une opportunité cruciale, d’une part, pour engager les victimes dans les procédures à un stade précoce et, d’autre part, pour permettre au BdP de choisir, de façon éclairée, les affaires en se fondant sur l’expérience des victimes, et notamment identifier les profils de crime sous-jacent et les incidents représentatifs. En outre, comme l’a noté un auteur, la jurisprudence des droits humains suggère que la participation des victimes aux enquêtes peut préserver la transparence et l’examen approfondi des procédures judiciaires.[161]

Au départ, dans les décisions rendues relativement aux situations en Ouganda, en République démocratique du Congo et au Darfour, les juges de la CPI ont donné aux victimes qualité pour agir dans la situation, de façon générale.[162] Ce faisant, les juges reconnaissaient que les enquêtes du BdP pouvaient impliquer les intérêts personnels de toute personne subissant un préjudice suite à un crime relevant de la compétence de la Cour et dès lors donnaient à la victime un droit d’exposer ses vues et ses préoccupations à la Cour. Ceci a abouti à la reconnaissance de certaines personnes comme des « victimes concernées par la situation » ou des « victimes de la situation ».

Le BdP et le Bureau du conseil public pour la Défense ont remis en cause cette reconnaissance d’un droit général de participation. Le BdP a jugé préoccupant ce qu’il considérait comme un risque d’interférence indue dans ses enquêtes.[163]

En décembre 2008, la chambre d’appel a renversé le cours d’une décision concernant la République démocratique du Congo.[164] La Chambre d’appel a décidé qu’une victime n’a qualité pour agir à la CPI que lorsqu’il existe des procédures judiciaires spécifiques et que ces procédures concernent les intérêts personnels de la personne.[165] Même s’il pourra exister des « procédures judiciaires spécifiques » avant l’ouverture d’affaires spécifiques, celles-ci seront rares. Par conséquent, les chambres préliminaires n’examinent généralement pas les demandes des victimes relatives à la participation à la situation à moins qu’il n’y ait des « procédures judiciaires spécifiques » comme l’examen d’une décision ordonnant de ne pas procéder à une enquête ou à une poursuite en application de l’article 53 du Statut de Rome.[166] Les demandes pourront être traitées par la SPVR mais sont mises de côté jusqu’à ce qu’il y ait des procédures judiciaires spécifiques imposant à la Chambre d’évaluer les demandes de participation des victimes.[167]

Il n’y a pas eu de « procédures judiciaires » ou des procédures sans rapport avec les affaires spécifiques introduites à l’encontre des Gbagbo et de Blé Goudé, dans la situation de la Côte d’Ivoire en général, et, par conséquent, il n’y a pas eu de reconnaissance de « victimes concernées par la situation ».[168]

Le BdP a reconnu que la jurisprudence de la Cour, combinée à une approche ciblée en termes de poursuite, comme expliqué plus haut, fait que de nombreuses victimes seront dans l’incapacité de participer aux affaires que le Bureau porte devant la Cour après coup. Le Bureau a indiqué qu’il cherche à élargir l’effet de ses affaires et à refléter l’expérience plus vaste des victimes en recevant et en encourageant la contribution des victimes au cours des examens préliminaires et des enquêtes, en intégrant des informations sur la portée et l’impact des crimes dans les conclusions qu’il présente aux juges de la Cour sur la gravité des crimes et en préconisant une approche plus large quant aux critères d’admissibilité des victimes pour les réparations ordonnées par la Cour.[169]

Toutefois, la jurisprudence de la Cour limitant la participation dans la phase d’enquête, lorsqu’elle est associée à la jurisprudence confinant la participation à l’affaire aux victimes ayant un lien avec les chefs d’accusation, crée une impasse s’agissant des droits formels des victimes devant la CPI. Les victimes sont limitées dans leur possibilité d’influencer la définition des accusations, mais la définition de ces accusations pourra éteindre tous droits dont elles disposent en termes de participation :

[L]es décisions du Procureur sur la mise en accusation dans tous les cas ont un impact direct sur les victimes car seules les victimes des crimes concernés seront en mesure de continuer à participer aux procédures et un lien avec les charges pourra être imposé aux fins d’obtenir réparation. À ce titre… la phase de mise en accusation pourra être considérée par certaines victimes comme la phase la plus fondamentale car elle définit le type de crimes ou d’incidents – y compris ce qui pourrait être des crimes cachés comme des actes de violence sexuelle – qui s’inscriront finalement dans l’affaire et, dès lors, dans l’historique de cette situation.[170]

La seule décision de la cour d’appel sur les réparations à ce jour établit également un lien entre le droit à réparation et les accusations sur lesquelles se base une condamnation.[171]

Comme indiqué ci-après, ces droits formels limités soulèvent de véritables questions quant à la façon dont la Cour peut largement s’engager, de façon responsable, auprès des victimes sans créer des attentes sur leur éventuel locus standi dans des procédures de la Cour auxquelles elle ne sera sans doute pas en mesure de répondre. Nous soutenons néanmoins que le Greffe a de bonnes raisons d’étendre la portée de ses activités autour de la participation des victimes au-delà des personnes qui pourront avoir qualité pour agir dans une affaire spécifique.

Les droits formels limités de locus standi pendant les enquêtes amplifient également l’importance de la mise en œuvre de l’engagement du BdP, mentionné plus haut, en faveur de la contribution des victimes au processus au cours des examens préliminaires et des enquêtes. En effet, en limitant la qualité des victimes pour agir dans la phase de situation, la Chambre d’appel a noté que rien n’empêchait les victimes de fournir des informations au BdP au cours des enquêtes, même sans reconnaissance formelle devant la Cour.

Le BdP devrait envisager deux mesures à cette fin.

Premièrement, le BdP doit davantage consulter les communautés affectées en vue de mieux informer ses décisions sur la sélection et la hiérarchisation des affaires. Un engagement en faveur de cette consultation doit continuer de se refléter dans les documents de politique générale du BdP, notamment dans sa prochaine politique sur la sélection et la hiérarchisation des affaires.

Pour regrouper ses divers engagements en faveur de la consultation et pour mettre en œuvre ces engagements d’une façon pleinement efficace – tout en tenant compte de la façon dont ces consultations peuvent être menées de sorte à minimiser les risques pour les victimes, en reconnaissant les limites bien réelles de la capacité de la CPI à apporter une protection en cas de réalisation des risques – il pourra s’avérer utile pour le BdP de développer et de mettre en œuvre une stratégie donnant une orientation spécifique à ses consultations auprès des victimes et de leurs représentants relativement à la sélection des affaires.

En outre, il sera sans doute important pour le Bureau de s’assurer que ses enquêtes profitent pleinement de l’analyse réalisée au cours du processus d’examen préliminaire. Le BdP collecte des informations sur les « intérêts des victimes » dans le cadre de l’examen préliminaire qui est le processus consistant à déterminer l’ouverture ou non d’une enquête formelle. Cela parce que, en vertu de l’alinéa (c) du paragraphe 1 de l’article 53, le Bureau du Procureur est tenu d’établir si « en tenant compte de la gravité du crime et des intérêts des victimes, il y a néanmoins des raisons de penser qu’une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice ».[172]

Au cours des examens préliminaires, le BdP ne dispose pas des pleins pouvoirs d’enquête et est limité aux documents de source ouverte ainsi qu’aux informations fournies en application de l’article 15 par toute source, y compris les victimes (appelées « communications visées par l’article 15 »). Afin d’évaluer les « intérêts des victimes », il se repose sur ces communications et ces documents de source ouverte, notamment sur toutes études accessibles au public portant sur l’image qu’ont les victimes de la justice. Mais, dans chaque situation faisant l’objet d’une analyse, il réalise également une cartographie des victimes et des groupes de victimes ainsi que de leurs représentants, comme des chefs communautaires ou religieux. Selon les besoins, il peut chercher à connaître les vues des victimes par le biais de ces représentants et, chaque fois que les conditions de sécurité le permettent, il organise des réunions dans des mairies ou autres lieux pour entendre directement les victimes.[173]

L’identification par le BdP d’affaires potentielles et les intérêts des victimes sur la situation, dans le cadre de l’examen préliminaire, ne lient pas ses enquêtes ultérieures. Cela ne supprime pas non plus la nécessité de consulter sans cesse les victimes dans le cadre de la conduite des enquêtes et poursuites du BdP. Mais ses efforts pour identifier les « intérêts des victimes » pendant les examens préliminaires aux fins de trouver des explications raisonnables justifiant la poursuite d’une enquête signifieraient que le BdP dispose d’un volume considérable d’informations potentiellement pertinentes dès le départ qui pourraient l’aider à orienter ses décisions de sélection et hiérarchisation des affaires d’une façon qui tienne compte des victimes.

Une fois que les enquêtes sont ouvertes, un autre moyen de mettre en œuvre cet engagement en faveur de la consultation pourrait être de solliciter formellement les représentations des victimes.

Le Statut de Rome prévoit uniquement un processus formalisé des représentations écrites des victimes adressées aux juges de la Cour dans le cadre des procédures visées par l’article 15 pour autoriser les enquêtes proprio motu, comme en Côte d’Ivoire. Il n’existe aucun justification apparente dans les politiques permettant de faire la distinction entre la valeur que ces représentations peuvent avoir dans l’orientation du choix d’enquêter proprio motu et les renvois d’un État ou du Conseil de sécurité, sauf à ajouter un contrôle supplémentaire à la prise de décision du BdP. S’agissant de l’orientation de la définition d’une situation et de la priorité que le BdP doit donner aux profils des crimes les plus graves qui répondront le mieux aux expériences des victimes, les représentations de ces victimes sont pertinentes pour toutes les enquêtes potentielles.

La mise en œuvre de ce processus en dehors de celui envisagé dans l’article 15 pourra être compliquée. En vertu de l’article 15, ces représentations sont sollicitées après un avis formel de l’accusation informant de son intention d’ouvrir des enquêtes, mais préalablement à l’autorisation et à l’ouverture des enquêtes. Cela pourra créer de la confusion si le BdP lance un processus formel de sollicitation des représentations des victimes avant qu’il n’annonce publiquement sa décision d’enquêter.

Pour cette raison, le BdP doit envisager de solliciter ces représentations écrites uniquement après avoir publiquement annoncé l’ouverture d’une situation. Bien que cela signifie que ces représentations auront une fonction légèrement différente – en apportant des informations à des enquêtes déjà ouvertes plutôt qu’en contribuant à la prise de décision concernant l’ouverture d’enquêtes – cela n’en diminue pas la valeur. Et, compte tenu de la compréhension actuelle de la Cour limitant la mission du Greffe dans les pays avant l’ouverture des enquêtes, la mise en œuvre de ce processus seulement après l’ouverture des enquêtes augmentera également la faisabilité de la coordination étroite entre le BdP et les membres du Greffe spécialisés dans la sensibilisation et les victimes. Cette coordination sera nécessaire pour la conception et la mise en œuvre de l’approche la plus efficace pour solliciter des représentations, pour clarifier auprès des victimes la finalité limitée de ces soumissions et pour les distinguer des activités d’enquête du Bureau ainsi que des demandes de participation aux procédures, et enfin pour créer des opportunités de sensibilisation précoce de nature plus généralisée. Il sera également important de clarifier les différents rôles joués par le BdP et d’autres acteurs de la Cour afin de limiter la confusion sur ces missions chez les communautés affectées. Idéalement, à l’instar de la pratique en vertu du paragraphe 3 de l’article 15, ces soumissions écrites seront communiquées sous le sceau de l’anonymat et regroupées dans un rapport susceptible de s’inscrire dans les archives publiques de la situation.

Deuxièmement, le BdP devrait suggérer d’inclure dans les indicateurs de performance à l’échelle de la Cour, qui sont actuellement en cours de développement, des indicateurs pertinents pour garantir que sa sélection des affaires répond aux profils sous-jacents de crimes identifiés sur la base d’enquêtes indépendantes et impartiales sur les allégations formulées à l’encontre de toutes les parties. Devraient également être inclus des indicateurs de performance concernant son engagement à conduire des consultations au sein des communautés affectées.[174]

Limites de l’engagement des victimes concernées par la situation en Côte d’Ivoire au niveau du Greffe

Dans toutes les situations dont est saisie la Cour, le régime légal de la CPI établissant une distinction entre les victimes de la situation et les victimes de l’affaire impose à la Section de la participation des victimes et des réparations de relever le défi très difficile consistant à expliquer aux victimes individuelles les droits qu’elles peuvent faire valoir, la façon dont ces droits peuvent être exercés et dans quelles circonstances ils peuvent être exercés, ainsi qu’à gérer leurs attentes relativement à la participation aux procédures.

La portée limitée des affaires du BdP en Côte d’Ivoire a donné à la SPVR une tâche particulièrement difficile. C’est vrai à la fois pour les victimes qui pourraient avoir subi un préjudice commis par des supporters pro-Gbagbo mais n’entrent pas dans le cadre des accusations spécifiques des affaires en cours, et évidemment pour toutes les victimes des abus perpétrés par les forces pro-Ouattara.

Les représentants de la société civile travaillant avec des victimes en Côte d’Ivoire ont évoqué cet aspect :

Lorsque nous parlons avec les victimes, de nombreuses personnes se voient dans différents incidents couverts par les accusations portées contre Gbagbo. Ils disent qu’ils relèvent de ces accusations mais ce n’est pas le cas.[175]
Les victimes n’ont pas réellement connaissance de leurs droits du fait de la complexité. Lorsque nous prenons l’affaire de M. Gbagbo, les accusations se fondent sur quatre incidents. Certaines des victimes ne sont pas concernées par ces quatre incidents… Au niveau national, nous essayons d’aider toutes les victimes qui ne sont pas prises en compte par la CPI.[176]
Lors d’une séance de formation [organisée par une organisation de la société civile internationale], nous nous sommes rendus compte que de nombreux représentants des victimes ne savaient même pas que Paolina [Massidda] avait été désignée pour s’occuper uniquement de certaines victimes choisies. Ils pensaient qu’elle avait été désignée pour toutes les victimes… Ils ont ensuite réalisé que le système de communication ne fonctionne pas très bien.[177]
La sélection des victimes dépend de la sélection des affaires. La sélection des victimes dépend d’une sélection d’incidents. Il y a eu beaucoup de victimes en Côte d’Ivoire. Officiellement, il y a eu quelques 3 000 victimes… Lorsque la société civile va parler à des victimes, d’autres victimes demandent : « Et nous ? ».[178]

La SPVR n’a a pas limité ses activités aux événements visant uniquement à toucher des victimes potentiellement concernées par les affaires traitées par la CPI. Le membre de son personnel détaché sur le terrain, conjointement avec le personnel de La Haye envoyé en mission, a organisé environ 275 séances entre 2013-2015 avec des acteurs de la société civile, y compris des groupes de victimes, aux fins de discuter d’un ensemble de sujets et notamment du rôle de la CPI, des droits des victimes et de la participation devant la Cour. En effet, en l’absence d’un responsable en charge des actions de sensibilisation à Abidjan, le membre du personnel de la SPVR sur le terrain a servi d’interlocuteur général pour les organisations de la société civile avec divers groupes d’intérêt. Toutefois, au départ, des questions de sécurité ont limité ses activités à Abidjan.[179]

Mais sa capacité à soutenir ces activités plus vastes a été paralysée pendant certaines phases des procédures, à savoir lorsque les décisions des juges déclenchent des procédures visant à solliciter et adjuger des demandes de participation des victimes dans les affaires. Au cours de ces périodes, compte tenu des limites financières, la SPVR a donné la priorité à ses initiatives visant les personnes potentiellement liées aux affaires existantes.[180]

La priorité donnée par la SPVR au cours de ces périodes à des victimes potentiellement concernées par les affaires traitées par la CPI est compréhensible car elle permet de respecter les échéances ordonnées par la chambre et de garantir les droits des victimes autorisées à participer aux procédures des affaires. Même avec des ressources supplémentaires, fournir des informations précises à des victimes potentiellement concernées par la situation sans faire naître d’attentes vaines n’est pas chose aisée compte tenu des limites réelles quant aux attentes que les victimes peuvent fonder dans l’action de la Cour si elles n’entrent pas dans le cadre des accusations éventuelles portées par le BdP.

Dans d’autres situations couvertes par la CPI, y compris l’Ouganda et la République démocratique du Congo, les victimes qui ont soumis des demandes pour participer aux procédures de la Cour mais n’ont pas eu l’opportunité d’exercer un droit quelconque devant la Cour – compte tenu de l’absence ou de la quasi-absence de procédures judiciaires dans lesquelles elles auraient eu qualité pour agir – ont été grandement contrariées. Ceci aura pu avoir été pallié par des contacts plus constants entre la Cour et ces demandeurs. Enfin, ceci pourra avoir été le résultat d’une divergence entre les attentes sur ce que les demandes apporteraient en termes d’engagement dans les procédures et la réalité de cet engagement.[181] Les juges de la Cour n’ont pas tenu compte des difficultés posées par les victimes – soit dans la phase d’enquête ou après l’ouverture d’une enquête – dans le cadre de la définition des charges par le BdP.[182]

La divergence entre les attentes et la réalité – déterminée par la jurisprudence mais également par les ressources limitées de la Cour, ce qui signifie qu’une proportion importante de victimes n’entrera jamais dans le cadre des accusations portées dans les affaires de la CPI – a amené l’auteur d’une étude approfondie sur la participation des victimes et l’expérience des victimes dans le nord de l’Ouganda à conclure que, alors que les victimes doivent conserver certains droits fondamentaux les autorisant à contester la sélection des charges par le BdP, il est préférable de ne plus porter l’attention sur ce que la CPI peut offrir aux victimes en termes de droits formels. Il faut plutôt se concentrer sur une plus grande reconnaissance de ces droits dans des mécanismes de responsabilité nationaux, y compris par le biais de l’assistance apportée aux juridictions nationales pour le renforcement de leurs capacités.[183]

Toutefois, une approche de la CPI qui, pendant longtemps, est si étroitement ciblée et déterminée par l’identification des affaires par le BdP pourra manquer de vision. Il y a une nécessité pour le Greffe de la Cour d’expliquer aux victimes le système de participation des victimes devant la CPI. Parce que le système fait la distinction entre les victimes d’une manière qui pourrait en compliquer la compréhension pour les victimes, une stratégie d’information proactive auprès des victimes est essentielle pour minimiser le risque de mise à l’écart de la Cour.

Dans des situations où des enquêtes sont en cours, comme en Côte d’Ivoire, il pourra finalement y avoir des procédures auxquelles d’autres victimes sont autorisées à prendre part. Si ces victimes ne sont pas incluses dans les programmes de la Cour sur la participation des victimes dès le début, il pourra s’avérer difficile pour la Cour de pallier ce manque d’engagement.

Compte tenu de la jurisprudence complexe de la Cour sur la participation des victimes ainsi que des grandes attentes et des perceptions erronées à propos de la CPI dans les communautés affectées, il est difficile de surestimer l’importance de faire les choses bien s’agissant de l’engagement des victimes. Les organes de la Cour doivent explorer les voies permettant de créer de nouvelles opportunités pour tirer profit des expériences des victimes dans la phase précédant des enquêtes, renforçant ainsi l’engagement auprès de ces victimes et l’impact potentiel de la Cour.

VII. Renforcement de l’impact à travers les stratégies du Greffe

Le Greffe est investi d’un ensemble de missions diverses qui pourront permettre de renforcer l’effet et l’impact des interventions de la Cour dans les pays dont elle examine la situation. Comme indiqué plus haut, ces missions couvrent la mise en œuvre de programmes de sensibilisation et la facilitation de la participation des victimes dans les procédures engagées devant la CPI ainsi que la création et l’exploitation de bureaux extérieurs en soutien à ces activités et à d’autres activités de la Cour. Plutôt que de considérer ces missions de façon indépendante, le Greffe doit adopter au sein du Greffe des stratégies spécifiques à chaque pays afin de garantir l’impact.

Cette approche doit éloigner le Greffe de ses pratiques actuelles qui, à notre avis, ont exposé les développements judiciaires à une sur-hiérarchisation.

 Ainsi que l’illustre ce rapport, concernant les efforts de sensibilisation et les activités destinées à faciliter la participation des victimes en Côte d’Ivoire, le Greffe de la CPI semble avoir suivi de près les choix opérés par le Bureau du Procureur ou les critères définis par les juges. Dans une large mesure, les initiatives liées à la sensibilisation et à la participation des victimes ont donné la priorité à la diffusion d’informations aux victimes qui pouvaient potentiellement prendre part aux affaires introduites par le BdP.

Compte tenu des limites des affaires du BdP – qui concernent uniquement des incidents survenus à Abidjan et qui ne concernent pas encore des crimes commis par toutes les parties impliquées dans les actes de violence – ceci pourra avoir renforcé l’idée que le BdP a adopté une approche sélective plutôt que de s’être efforcé de saisir toutes les opportunités pour engager plus largement avec les Ivoiriens.

Les stratégies adoptées à l’échelle du Greffe doivent plutôt chercher à définir, dès le début des activités du Greffe dans un pays particulier, la façon dont les missions du Greffe peuvent contribuer à l’impact, et, sur la base de ces stratégies, des plans d’action appropriés doivent être développés.

Les stratégies d’impact adoptées à l’échelle du Greffe doivent permettre un engagement plus profond par rapport aux questions qui n’ont pas encore été bien prises en compte dans la planification stratégique du Greffe, y compris le moment où il convient d’étendre la visibilité de la Cour au sein des communautés affectées et la façon de s’engager auprès des autorités nationales par le biais de la complémentarité positive en vue d’intensifier l’impact à long terme de la Cour ou de renforcer sa contribution. En outre, le regroupement des missions du Greffe dans le cadre d’une seule et même stratégie doit permettre de promouvoir la coordination entre ses sections et unités.

Bien que les recherches que nous avons effectuées pour ce rapport aient été limitées à la Côte d’Ivoire et au Mali, ce rapport se fonde également sur notre observation du travail de la Cour dans les huit pays dont elle examine la situation. La pratique de la Cour dans ces deux pays soulève des questions qui sont susceptibles d’être pertinentes dans d’autres pays dont la situation est examinée par la CPI et, dès lors, nous recommandons l’adoption au sein du Greffe de stratégies spécifiques à chaque pays relevant de la compétence de la CPI.

Ces stratégies doivent être propres à chaque pays et ancrées dans une évaluation précise du contexte dans lequel les missions du Greffe sont exécutées. Outre une évaluation des besoins de la Cour en termes de logistique, de sécurité, et de ressources, doivent être inclus une analyse politique de la situation, une évaluation de la capacité nationale à soutenir les enquêtes et la poursuite de crimes internationaux (pour bénéficier à la fois des propres activités de la Cour et de ses initiatives en matière de complémentarité positive) et une cartographie des communautés de victimes et des sources d’information disponibles au sein de ces communautés ainsi que leurs perceptions de base (et celles du public en général) sur la CPI.

En effet, la Section de la participation des victimes et des réparations ainsi que l’Unité de la sensibilisation ont déjà établi des pratiques de cartographie des communautés de victimes et des médias. L’Unité de la sensibilisation a également bénéficié des enquêtes menées par des acteurs externes auprès de la population autour de l’image de la CPI et de la justice, comme cela a été le cas avec l’étude en Côte d’Ivoire citée plus haut. Ces analyses doivent être regroupées pour bénéficier à une approche plus complète au sein du Greffe.

Alors que chaque stratégie doit être adaptée aux particularités d’un pays donné dont la situation est examinée par la CPI, le Greffe pourra développer un modèle d’impact qui pourra permettre de bien démarrer le processus de planification dans chaque situation. Une approche similaire a été appliquée par le Greffe dans le cadre de la planification des opérations hors siège ainsi que de la programmation des actions de sensibilisation. Le Greffe doit envisager d’élaborer des indicateurs pertinents pour la mise en œuvre de ces stratégies puis d’approfondir l’impact dans le cadre des efforts actuels visant à mettre en place des indicateurs de performance à l’échelle de la Cour, conformément à ce qui a été expliqué précédemment.

Ces stratégies devront être dynamiques et flexibles et doivent être actualisées si nécessaire en fonction des développements, notamment ceux à l’initiative de la Cour et ceux sur le terrain. En outre, ces stratégies devront être élaborées à la lumière des informations dont dispose le Greffe sur les activités envisagées du BdP, y compris la portée et le rythme des enquêtes, et être mises à jour à mesure que le BdP avance dans son travail. À cette fin, il convient de s’assurer d’une coordination étroite et d’un échange d’informations avec le BdP tout en respectant l’indépendance et la confidentialité des activités du BdP.

Il est probable que cette approche du Greffe profite également aux juges de la Cour dans leurs décisions sur la participation des victimes et la tenue de procédures in situ. Dans le passé, le Greffe a été chargé par les chambres de la CPI de développer des études de faisabilité pour la tenue de procédures in situ. Une mission centrale de la SPVR a été de conseiller les chambres sur les systèmes de participation des victimes ainsi que sur la désignation des représentants légaux communs. Une meilleure planification stratégique du Greffe peut améliorer la qualité des conseils donnés aux juges sur ces deux plans.

A. Optimisation de l’application des réformes récentes

Des changements récents apportés à la structure du Greffe à travers son processus ReVision ont permis aux représentants et au personnel du Greffe de tirer le meilleur profit de cette recommandation.

Conformément à ce qui est expliqué dans la Partie II, les bureaux locaux seront désormais dirigés par un nouveau cadre, le « chef de bureau extérieur ». La présence sur le terrain d’un membre du personnel du Greffe d’échelon élevé pourrait dynamiser des approches davantage favorables à l’impact ; elle doit permettre de mieux faire entendre la voix du personnel détaché dans les débats politiques de la Cour, ce qui était jusque-là une lacune critique.[184]

Ces chefs de bureau extérieur pourraient jouer au moins trois rôles importants s’agissant des stratégies d’impact mises en œuvre à l’échelle du Greffe.

Premièrement, ils doivent pouvoir donner des conseils stratégiques de premier plan, basés sur une connaissance approfondie de la situation dont la cour est saisie, et doivent dès lors jouer un rôle prédominant dans l’élaboration de ces stratégies. Ceci pourrait se faire en coordination étroite avec les sections basées à La Haye qui bénéficient d’une longue expérience dans le domaine, notamment la SPVR et l’Unité de la sensibilisation. Chaque fois que la CPI ne dispose pas encore d’un bureau extérieur, la capacité à développer ces stratégies devra se situer ailleurs au sein de la DRE.

Deuxièmement, compte tenu du fait qu’ils surveillent d’autres membres du personnel du Greffe sur le terrain, ces chefs de bureau extérieur doivent pouvoir coordonner les missions du Greffe pour mettre en œuvre une stratégie complète.

Troisièmement, compte tenu de leur ancienneté, ils pourront se trouver en position d’impliquer les autorités et des partenaires internationaux dans les pays dont la situation est examinée par la CPI concernant les programmes de renforcement des capacités au sein du secteur de la justice nationale. Bien que la Cour ne soit pas une agence de développement, le personnel de la Cour peut contribuer d’un certain nombre de façons aux efforts de renforcement des capacités, y compris en partageant avec des professionnels nationaux son expertise sur le droit pénal international, sur les enquêtes et sur la protection de témoin. Compte tenu du fait que la CPI est susceptible de porter un nombre limité d’affaires devant la cour dans chaque pays dont la situation est examinée par la CPI, ses efforts à cet égard pour encourager les poursuites au niveau national pourraient être un élément essentiel pour optimiser l’impact de la cour et sa contribution à long terme. Par le biais de l’engagement avec les autorités nationales et de la communauté des donateurs dans un pays dont la situation est examinée par la CPI, les chefs de bureau extérieur pourront être bien placés pour identifier les opportunités s’offrant au personnel de la Cour de contribuer aux efforts de renforcement des capacités existants et de donner des conseils aux autres acteurs quant aux lacunes importantes de la programmation actuelle.

B. Recommandations spécifiques concernant les stratégies d’impact du Greffe

Les recherches que nous avons effectuées dans le cadre de ce rapport suggèrent que lors de l’élaboration des stratégies d’impact, le Greffe pourrait souhaiter garder les considérations suivantes à l’esprit.

Premièrement, conformément à ce qui est indiqué plus haut, les stratégies du Greffe devront être développées par le biais d’une coordination étroite avec le BdP et être guidées par l’évolution des activités de la Cour. Toutefois, elles doivent viser à exécuter les missions d’une façon qui approfondisse l’engagement, en reconnaissant que les opportunités d’impact ainsi que les besoins en information dans les communautés affectées ne seront pas toujours liés aux développements judiciaires. Les opportunités d’impact pourront néanmoins exister indépendamment de développements judiciaires spécifiques.

Deuxièmement, il convient de donner la priorité à la sensibilisation et au recrutement de spécialistes dans ce domaine pour rejoindre l’équipe du chef de bureau extérieur aussitôt que possible. Bien que la CPI ait reconnu depuis longtemps l’importance des actions de sensibilisation précoces, ceci ne se reflétait pas dans la pratique en ce qui concerne la Côte d’Ivoire. Les décisions du Greffe ont été contraintes par les ressources disponibles, mais dorénavant, le Greffe doit veiller en priorité à prévoir un nombre suffisant de spécialistes des actions de sensibilisation – généralement plus d’un membre du personnel – dès le début des activités de la Cour. Bien que le chef de bureau extérieur puisse être en mesure d’assumer certaines responsabilités d’information du public, il faudra des spécialistes des actions de sensibilisation pour développer et mettre en œuvre de vastes stratégies visant à toucher les communautés affectées.

Troisièmement, il convient d’évaluer de manière réaliste la mesure dans laquelle la Cour peut dépendre des organisations de la société civile quant aux actions de sensibilisation. Il s’agit, en tout premier lieu, des responsabilités de la Cour conférées par le Statut de Rome, par le règlement de la Cour, par les documents de politique générale de la Cour et par les résolutions de l’Assemblée des États parties.[185] Mais, en outre, comme indiqué plus haut, il existe de vraies limites aux actions que peut entreprendre la société civile au nom de la Cour. Alors que la CPI engage la société civile dans le cadre de ses stratégies de sensibilisation et de participation des victimes, et que certaines organisations de la société civile ou représentants pourront être en mesure de contribuer à la programmation des actions de sensibilisation, la CPI ne doit pas dépendre de ces partenariats à l’exclusion des propres activités de la Cour. Le Greffe doit s’assurer que ses demandes de budget contiennent parallèlement les ressources adéquates pour les actions de sensibilisation.

Quatrièmement, des équipes pluridisciplinaires sont le gage d’une meilleure coordination entre les missions du Greffe, particulièrement lorsqu’il s’agit d’impact. Mais il est important de se prémunir du risque de les voir créer de la confusion et aboutir finalement à la diminution des activités de la Cour en matière de sensibilisation et de participation des victimes.

Il pourra être tentant de considérer que la limite de démarcation des actions de sensibilisation est celle où les victimes potentielles sont informées de leurs droits à participer aux affaires. Mais, comme expliqué plus haut, la jurisprudence de la Cour ne définit comme victimes potentielles de l’affaire que les victimes concernées par les charges spécifiques. Ceci constituera toujours un sous-ensemble restreint de victimes et, en fonction des charges du Procureur, cela pourra exclure de grandes communautés de victimes. De solides stratégies de sensibilisation sont nécessaires pour assurer le vaste engagement de la CPI dans les pays dont elle examine la situation.

En effet, si elles sont acceptées en qualité de participants dans les affaires, ces victimes peuvent également faire appel à leurs représentants légaux qui, conjointement avec leurs équipes sur le terrain, peuvent jouer un rôle essentiel en fournissant des informations à leurs clients. Ceci pourra limiter la nécessité pour le personnel de la Cour de dupliquer les informations données à ces personnes spécifiques.

De la même façon, des ressources suffisantes doivent être allouées à la diffusion d’informations sur le système de participation des victimes afin que la Cour à la fois s’assure que les victimes potentiellement concernées par les affaires traitées par la Cour sont informées de leurs droits, et renforce le rôle des victimes de façon plus soutenue dans les phases de situation préalables à l’enquête et dans les phases d’enquête. L’engagement des victimes est peu susceptible de se produire uniquement par le biais de vastes activités de sensibilisation compte tenu des risques qui pourront être associés aux personnes s’identifiant comme des victimes et recherchant des informations sur leur locus standi potentiel devant la Cour.

C. Garantir des ressources adéquates à l’appui de l’impact

Comme observé tout au long de ce rapport, les ressources limitées dont dispose la Cour ont obligé celle-ci à faire des compromis qui pourront avoir affaibli son impact, au moins en Côte d’Ivoire. Citons les retards dans le démarrage des enquêtes à l’encontre des forces pro-Ouattara, la lente affectation sur le terrain d’un responsable chargé de soutenir les actions de sensibilisation, et une nécessité de donner la priorité aux efforts plus vastes visant à engager les victimes potentiellement concernées par la situation pendant certaines périodes de procédure.

Les États parties au Statut de Rome de la CPI qui financent le budget de la Cour ont accordé des augmentations au BdP au cours des deux dernières années, mais ses ressources sont toujours bien inférieures à ce dont il a besoin pour soutenir les stratégies de sélection des affaires qui reflètent les expériences des communautés affectées, compte tenu du fait que ces stratégies sont susceptibles d’imposer l’introduction de quelques autres affaires au moins devant la Cour.

En attendant, les ressources à disposition de l’Unité de la sensibilisation ont plafonné.

En 2010, le budget annuel approuvé pour la Section de l’information publique et de la documentation (y compris l’Unité de la sensibilisation) s’élevait à 3 279 100 euros. À l’époque, la CPI examinait cinq situations. En 2015, avec quatre nouvelles situations en examen, y compris une nouvelle enquête en République centrafricaine, la Cour a demandé un budget annuel pour la Section de l’information publique et de la documentation de 3 482 700 euros, ce qui représente une augmentation de 203 600 euros (en termes non réels), ou un peu plus de 6 % par rapport au budget annuel approuvé de 2010.

Comme indiqué plus haut, le Fonds au profit des victimes n’a pas été en mesure d’étendre sa mission d’assistance, principalement du fait de ses ressources limitées. L’absence du Fonds dans d’autres pays dont la situation est examinée par la CPI représente une opportunité manquée pour donner au système du Statut de Rome un impact immédiat sur les vies d’au moins quelques victimes.

Le Greffe a indiqué qu’il peut mettre en œuvre ses réformes ReVision avec son budget actuel (un total de 65,02 millions d’euros) et ses niveaux actuels de dotation en personnel (496 postes établis et 65,4 postes équivalant à des postes à plein temps financés par le biais de personnel temporaire).[186] Ceci inclut les chefs de bureau extérieur d’échelon élevé, tels que décrits plus haut, qui sont affectés dans au moins quelques bureaux extérieurs et un engagement de soutien vis-à-vis de la section nouvellement nommée Section de l’information de la presse et de la sensibilisation du public en vue d’améliorer les stratégies de sensibilisation.[187]

Néanmoins, il se peut que la mise en œuvre de stratégies d’impact plus solides, pour conduire d’autres enquêtes ou pour étendre les actions de sensibilisation, la participation des victimes et/ou d’autres opérations sur place, nécessite des ressources supplémentaires. Les États parties au Statut de Rome de la CPI doivent être prêts à examiner et soutenir ces ressources sur la base de stratégies clairement expliquées par les représentants de la Cour. La Cour doit disposer des ressources dont elle a besoin pour exécuter sa mission d’une façon qui cherche à optimiser l’impact. Toute autre approche risque d’induire un gaspillage de l’investissement que les États parties de la CPI ont déjà réalisé.

Annexe : La CPI en Côte d’Ivoire

19 septembre 2002 : Le groupe rebelle du nord, le Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), lance des attaques à Abidjan ainsi que dans les villes du nord de Bouaké et Korhogo, l’objectif étant de destituer le gouvernement de l’époque de Laurent Gbagbo.

Octobre-décembre 2002 : Le MPCI renforce son contrôle de la moitié nord de la Côte d’Ivoire et constitue une alliance avec deux autres groupes rebelles de l’ouest en vue de la création d’une structure politico-militaire appelée « Forces Nouvelles ». Des affrontements entre les forces du gouvernement et les Forces Nouvelles continuent dans le centre et plus particulièrement dans l’ouest du pays.

18 avril 2003 : Le gouvernement Gbagbo formule une déclaration en application du paragraphe 3 de l’article 12 aux termes de laquelle il accepte la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour les événements survenus depuis le 19 septembre 2002. Le conflit entre les Forces Nouvelles et les forces du gouvernement a été marqué par des crimes graves commis par toutes les parties, notamment à Abidjan et dans l’ouest.

Mai 2003 : Un accord de cessez-le-feu est officiellement signé pour mettre fin au conflit armé même si cet accord est enfreint à quelques occasions jusqu’en 2005. Le pays est désormais divisé en deux – comme il le restera jusqu’en 2010 – avec les Forces Nouvelles contrôlant le nord et le gouvernement contrôlant le sud. De graves violations des droits humains contre les populations civiles persistent dans les deux parties du pays.

27 février 2004 : Le Conseil de sécurité des Nations Unies met en place une mission de maintien de la paix en Côte d’Ivoire (Opérations des Nations Unies en Côte d’Ivoire, UNOCI), chargée de surveiller une zone tampon s’étendant de l’est à l’ouest du pays et séparant les forces adverses.

4 mars 2007 : Le président Gbagbo et le chef des Forces Nouvelles, Guillaume Soro, signent l’Accord politique de Ouagadougou qui aboutit à la désignation de Soro en qualité de premier ministre et prévoit des élections présidentielles qui se tiendront finalement en 2010.

Juillet 2009 : Le Bureau du Procureur de la CPI envoie une mission en Côte d’Ivoire pour participer à un événement de la société civile.

28 novembre 2010 : Alassane Ouattara, ancien premier ministre, est déclaré vainqueur du second tour des élections présidentielles, un résultat certifié par l’UNOCI et validé par une grande partie de la communauté internationale. Le président en place, Laurent Gbagbo, rejette le résultat de l’élection.

Décembre 2010 – Avril 2011 : Le refus de Gbagbo de quitter le pouvoir donne lieu à cinq mois de violences lors desquelles les nouvelles Forces républicaines de Ouattara – se composant principalement des anciennes Forces Nouvelles – s’opposent aux forces de sécurité de Gbagbo et aux groupes de milice. Au moins 3 000 civils sont tués dans des attaques perpétrées pour des motifs politiques et parfois ethniques et religieux par des forces affiliées aux deux parties au conflit.

14 décembre 2010 : Ouattara confirme la validité de l’ancienne déclaration formulée en application du paragraphe 3 de l’article 12 et demande à la CPI d’examiner tous les crimes commis depuis mars 2004.

11 avril 2011 : Les Forces républicaines arrêtent Laurent Gbagbo et son épouse, Simone.

3 mai 2011 : Ouattara confirme sa déclaration de décembre 2010 devant la CPI, cette fois en demandant à la Cour d’examiner les crimes commis après l’élection du 28 novembre 2010.

19 mai 2011 : Le BdP de la CPI informe la présidence de la Cour de son intention de demander l’autorisation d’ouvrir une enquête en Côte d’Ivoire.

17 juin 2011 : Le BdP de la CPI informe les victimes et leurs représentants légaux de son intention de demander l’autorisation d’ouvrir une enquête sur la situation de la Côte d’Ivoire et indique aux victimes que, en vertu de la Règle 50 du Règlement de procédure et de preuve, elles disposent de 30 jours pour adresser leurs représentations à la chambre préliminaire conformément au paragraphe 3 de l’Article 15 du Statut de Rome.

23 juin 2011 : Le BdP de la CPI dépose sa demande formelle devant la chambre préliminaire de la Cour concernant l’autorisation d’ouvrir une enquête.

3 octobre 2011 : Les juges de la CPI autorisent son Procureur à ouvrir une enquête, initialement pour des crimes commis après le 28 novembre 2010. Les enquêteurs de la CPI arrivent en Côte d’Ivoire pour démarrer les enquêtes.

25 octobre 2011 : Le Procureur dépose une demande pour un mandat d’arrêt à l’encontre de l’ex-Président Gbagbo.

Novembre 2011 : L’Unité de la sensibilisation du Greffe de la CPI et la Section de la participation des victimes et des réparations arrivent pour une première mission conjointe dans le pays.

23 novembre 2011 : Le mandat d’arrêt de la CPI est délivré sous scellés à l’encontre de Laurent Gbagbo.

30 novembre 2011 : Le mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Laurent Gbagbo est descellé et le gouvernement de Côte d’Ivoire remet Gbagbo à la CPI. Son épouse est assignée à résidence.

21 décembre 2011 : La CPI délivre un mandat d’arrêt sous scellés à l’encontre de Charles Blé Goudé, ancien ministre de la Jeunesse de Gbagbo, allié proche et leader historique d’un groupe milicien violent pro-Gbagbo.

Février 2012 : Un protocole d’accord est signé entre la CPI et le gouvernement ivoirien ouvrant la voie à la CPI pour l’ouverture d’un bureau extérieur à Abidjan.

29 février 2012 : La CPI délivre un mandat d’arrêt sous scellés à l’encontre de Simone Gbagbo.

22 novembre 2012 : Le mandat d’arrêt à l’encontre de Simone Gbagbo est descellé. Elle reste en Côte d’Ivoire alors que le gouvernement conteste la recevabilité de son affaire devant la CPI.

19-28 février 2013 : L’audience de confirmation des charges dans l’affaire Laurent Gbagbo est tenue.

15 février 2013 : La Côte d’Ivoire ratifie le Statut de Rome.

3 juin 2013 : Une chambre préliminaire de la CPI estime que le BdP de la CPI n’a pas su présenter suffisamment de preuves pour que l’affaire contre Laurent Gbagbo soit portée devant la Cour. Au lieu de classer l’affaire, toutefois, elle donne au BdP davantage de temps pour rassembler d’autres preuves.

18 janvier 2013 : Blé Goudé est extradé du Ghana vers la Côte d’Ivoire.

Septembre 2013 : Le bureau extérieur de la CPI ouvre en Côte d’Ivoire.

30 septembre 2013 : Le mandat d’arrêt à l’encontre de Blé Goudé est descellé.

22 mars 2014 : La Côte d’Ivoire remet Blé Goudé à La Haye.

12 juin 2014 : Les juges de la CPI confirment les charges contre Laurent Gbagbo.

29 septembre-2 octobre 2014 : La CPI tient l’audience de confirmation des charges pour Blé Goudé.

Octobre 2014 : Le responsable de la CPI en charge des actions de sensibilisation est affecté en Côte d’Ivoire.

11 décembre 2014 : Une chambre préliminaire de la CPI confirme les charges à l’encontre de Blé Goudé.

11 mars 2015 : Une chambre de première instance de la CPI décide de joindre les affaires de Gbagbo et Blé Goudé.

10 novembre 2015 : Le démarrage d’un procès conjoint de Gbagbo et Blé Goudé devant la CPI est prévu.

Remerciements

Ce rapport a été préparé et écrit par Elizabeth Evenson, juriste senior au Programme de justice internationale de Human Rights Watch. Richard Dicker, directeur du Programme de justice internationale, a revu le rapport. Param-Preet Singh, juriste senior au Programme de justice internationale, Jim Wormington, chercheur de la division Afrique, et Corinne Dufka, directrice associée de la division Afrique, ont révisé le rapport. Benjamin Ward, conseiller juridique senior par intérim, a révisé les aspects juridiques de ce rapport et Babatunde Olugboji, directeur adjoint des programmes, a révisé les aspects liés au programme.

Aurélie Poelhekke, associée au Programme de justice internationale, a fourni une assistance pour les recherches et la production et Sasha Lansky, associée au Programme de justice internationale, a prêté son soutien pour la production. Lauranne Duffaut, Marta Lys et Laura Jacques, bénévoles du Programme de justice internationale, ont fourni une assistance pour les recherches. Ce rapport a été préparé pour publication par Grace Choi, directrice des publications, et Fitzroy Hepkins, directeur administratif. La traduction en français a été réalisée par l’agence Exatrad, et révisée par Peter Huvos et Mélissa Cornet.

Le Programme de justice internationale tient à exprimer sa gratitude à Michelle et Pat Meneley pour le soutien qu’ils ont apporté à ce projet. Human Rights Watch tient également à remercier toutes les personnes qui ont accepté d’être interrogés dans le cadre de ce rapport et ont généreusement donné de leur temps et de leur expertise, notamment les membres du personnel de la Cour pénale internationale et les défenseurs des droits humains qui se trouvent en première ligne de la lutte pour la justice. Les organisations de la société civile ivoirienne interrogées pour ce rapport incluent l’Association des femmes juristes de Côte d’Ivoire, la Coalition ivoirienne pour la Cour pénale internationale, la Confédération des victimes de la violence électorale, la Ligue Ivoirienne des droits de l’homme, le Mouvement Ivoirien des Droits Humains, l’Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme, et l’Organisation des femmes actives en Côte d’Ivoire.

[s’]assurer>
 

[1] Dans ce rapport, Human Rights Watch préconise de donner la priorité à l’impact, y compris la légitimité, au sein des communautés locales, à la fois dans les décisions du Procureur concernant la sélection des affaires et dans la mise en œuvre des autres aspects de la mission de la Cour. < Nous avons ajouté « perçue comme légitime » à cette définition de l’impact de la Cour pénale internationale (CPI) dans les communautés affectées suite aux commentaires utiles du Professeur Margaret M. deGuzman en réponse à une présentation d’une version préliminaire de ce rapport à l’occasion de l’assemblée annuelle de l’American Society of International Law qui s’est tenue en avril 2015. Cet accent mis sur la légitimité est cohérent avec les observations que Human Rights Watch avait déjà formulées sur les décisions du Bureau du Procureur (BdP) concernant la sélection des affaires. Voir Partie I.A ci-dessous. Dans le contexte de la situation et des décisions sur la sélection des affaires, le Professeur deGuzman a affirmé que la légitimité de la CPI dépend de décisions qui sont cohérentes avec les « objectifs et priorités » reflétant « les valeurs des communautés membres de la CPI ». Toutefois, ces objectifs et priorités ne sont pas clairement définis et pourront différer selon les communautés, qu’elles soient locales ou mondiales. Pour tirer le meilleur parti de ses ressources limitées, elle indique que la CPI exprime des normes mondiales à travers ses décisions de sélection. Les communautés locales, les acteurs nationaux, les organisations non gouvernementales et la communauté internationale pourraient donner un retour d’informations et permettre d’affiner les choix de la CPI au fil du temps. Voir Margaret M. deGuzman, « Choosing to Prosecute: Expressive Selection at the International Criminal Court », Michigan Journal of International Law, vol. 33 (2012), pp. 265-319.

 

[2] Voir Njonjo Mue, « Policy Brief: Enhancing the Societal Impact of International Criminal Tribunals », Impunity Watch, février 2015, http://www.impunitywatch.org/docs/Policy_Brief__Enhancing_the_Societal_Impact_of_International_Criminal_Tribunals.pdf (consulté le 8 juillet 2015), pp. 2-4 (notant comme limitations de la justice internationale, s’agissant de l’impact, un manque de précision des objectifs, des stratégies restrictives en matière de poursuites et la difficulté de modifier les perceptions lorsqu’il existe un écart entre les exposés des faits des tribunaux internationaux et ceux des communautés affectées).

[3] L’accent mis sur les personnes « les plus responsables » impliquera généralement d’accuser les personnes qui ont la plus grande part de responsabilité dans les crimes. Toutefois, ce principe doit parfois être appliqué avec souplesse chaque fois, par exemple, que le fait de poursuive des représentants de rang inférieur pourrait dissuader d’autres représentants se trouvant dans des situations similaires de commettre des crimes relevant de la compétence de la CPI, avec un impact immédiat pour les victimes sur le terrain. Pour en savoir plus, voir Human Rights Watch, Selection of Situations and Cases for Trial before the International Criminal Court: A Human Rights Watch Policy Paper, n° 1, octobre 2006, http://www.hrw.org/en/news/2006/10/26/selection-situations-and-cases-trial-international-criminal-court, pp. 7-15.

[4] Voir Human Rights Watch, Un travail inabouti: Des lacunes à combler dans la sélection des affaires traitées par la CPI, septembre 2011, https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/icc0911frForWeb.pdf ; voir également Lettre de Human Rights Watch au Procureur de la CPI concernant la responsabilité des crimes graves commis en Libye, 11 novembre 2014, http://www.hrw.org/news/2014/11/11/letter-icc-prosecutor-regarding-accountability-serious-crimes-libya.

[5] Entretien de Human Rights Watch avec Pieter de Baan, directeur exécutif du Fonds au profit des victimes (FPV) de la CPI, La Haye, 15 septembre 2014. La planification des projets d’assistance en aide aux victimes de violence sexuelle ou à caractère sexiste en République centrafricaine s’est considérablement développée mais les projets ont été suspendus en mars 2013 suite à une reprise des conflits dans le pays. Voir FPV, « TFV Strategic Plan 2014-2017 », http://www.trustfundforvictims.org/sites/default/files/media_library/documents/pdf/TFV_Strategic_Plan_2014_2017__approved.pdf (consulté le 5 juin 2015), p 6.

[6] Voir Assemblée des États parties (AEP), « Projet de budget-programme pour 2015 de la Cour pénale internationale », ICC-ASP/13/10, 18 septembre 2004, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP13/ICC-ASP-13-10-FRA.pdf (consulté le 29 juin 2015), partie II.F (« Grand programme VI : Secrétariat du Fonds d’affectation spéciale au profit des victimes »).

[7] FPV, « TFV Strategic Plan 2014-2017 », p. 9.

[8] Entretien de Human Rights Watch avec Pieter de Baan, directeur exécutif, FPV, 15 septembre 2014, et échange de courriers électroniques, 13 mai 2015.

[9] Les activités de la CPI sur le terrain s’étendent à de nombreux domaines au-delà de ceux couverts dans ce rapport, y compris les enquêtes, le soutien logistique aux activités de la Cour, la sécurité du personnel de la Cour et la protection et le soutien des avocats, des victimes et des témoins ainsi que la facilitation des relations extérieures de la Cour avec ceux sur lesquels la Cour compte souvent en termes d’assistance, à savoir les autorités nationales, les partenaires internationaux et le corps diplomatique dans des pays dont la situation est examinée par la CPI. La présence sur le terrain est également essentielle au soutien de ces activités dont la plupart exige le développement et le soutien de relations étroites avec un ensemble de partenaires sur le terrain.

[10] Voir Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire : Les premières années de la Cour pénale internationale à l’examen, juillet 2008, http://www.hrw.org/reports/2008/icc0708/icc0708frweb.pdf, pp. 100-101.

[11] Conversations téléphoniques de Human Rights Watch avec des membres du personnel de la CPI à La Haye, 8 août 2014 et 5 juin 2015, et échange de courriers électroniques, 8-9 juin 2015.

[12] Voir la discussion approfondie, résumée ici, dans le rapport de Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire, pp. 101-105.

[13] AEP, « Rapport sur l’examen des opérations hors siège », ICC-ASP/9/12, 30 juillet 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP9/ICC-ASP-9-12-FRA.pdf, (consulté le 4 juin 2015) ; AEP, « Rapport de la Cour sur la stratégie des opérations hors siège », ICC-ASP/10/26, 17 novembre 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP10/ICC-ASP-10-26-FRA.pdf (consulté le 4 juin 2015).

[14] AEP, « Rapport de la Cour sur la stratégie des opérations hors siège », para. 6.

[15] Ibid. Le « Rapport de la Cour sur les opérations hors siège » explique également d’autres principes : l’optimisation des actions entreprises et des ressources, l’optimisation de la coopération, l’appui effectif à la coopération judiciaire, les opérations axées sur les services, la stratégie de fin de mission (à savoir « la stratégie des opérations hors siège […] élaborée et mise en œuvre en but de contribuer à laisser un héritage durable dans les pays de situation, dans le cadre ressources existantes ») et un environnement tenant compte des besoins du personnel.

[16] Ibid., paras. 7-8.

[17] Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 8 août 2014 ; échange de courriers électroniques avec le Greffe de la CPI, La Haye, 11 novembre 2014.

[18] AEP, « Rapport du Comité du budget et des finances sur les travaux de sa treizième session », ICC-ASP/8/15,16 novembre 2009, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP8/ICC-ASP-8-15-FRA.pdf (consulté le 4 juin 2015), paras. 78, 83-85. Compte tenu de l’activité judiciaire limitée de la CPI dans les situations en Ouganda et au Darfour – où des procédures ont tourné court du fait de l’absence d’arrestation et, dans une affaire qui est remontée jusqu’au procès, de la mort d’un suspect, des longs retards induits par la traduction des preuves et de la nécessité de remplacer un mandat de comparution volontaire par un mandat d’arrêt pour l’autre défendeur – le Greffe a redéployé le personnel depuis le bureau de Kampala vers d’autres situations, laissant uniquement derrière les ressources nécessaires pour soutenir le Bureau du Procureur et le Fonds au profit des victimes ainsi qu’ « un nombre très limité d’activités résiduelles du Greffe » et a fermé ses bureaux à N’Djamena et à Abeche au Tchad. Fin 2014, le Greffe avait décidé de réduire toutes les activités de sensibilisation de la Cour en Ouganda, une décision qui a été critiquée par les groupes locaux qui jugeaient qu’elle « risqu[ait] de laisser penser que la Cour avait désormais jeté l’éponge ». Réseau Initiative de la jeunesse africaine, « Position Paper from ICC’s Intermediaries and Local Partners Concerning the Cessation of Regular Activities of the Outreach Section of the ICC Field Office in Kampala », 30 novembre 2014, http://www.iccnow.org/documents/Position_Paper_from_Intermediaries_and_Local_Partner_of_the_ICC___UGANDA___AYINET.pdf (consulté le 4 juin 2015). L’un des deux accusés survivants – Dominic Ongwen – a été transféré à La Haye en janvier 2015 après sa détention début janvier par des conseillers militaires des États-Unis travaillant avec l’équipe de travail régionale de l’Union africaine (UA) en République centrafricaine. Voir « CPI : Le transfert d’un commandant de la LRA à La Haye accroît les chances d’obtenir justice », communiqué de presse de Human Rights Watch, 20 janvier 2015, http://www.hrw.org/fr/news/2015/01/20/cpi-le-transfert-dun-commandant-de-la-lra-la-haye-accroit-les-chances-dobtenir. L’Unité de la sensibilisation réduit désormais sa présence en Ouganda. Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec du personnel de la CPI, Kampala, 3 juin 2015.

[19] La situation a été renvoyée devant le BdP par le gouvernement malien. Voir Lettre de Malick Coulibaly, ministre de la Justice de la République du Mali de l’époque, au Procureur de la CPI, « Renvoi de la situation au Mali », 13 juillet 2012, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/A245A47F-BFD1-45B6-891C-3BCB5B173F57/0/ReferralLetterMali130712.pdf (consulté le 4 juin 2015). Un certain nombre de facteurs ont ralenti le déroulement des enquêtes. Premièrement, compte tenu des besoins d’enquête dans d’autres affaires où des échéances judiciaires doivent être respectées, le BdP n’a pas pu continuer de doter en personnel son équipe au Mali comme il le souhaitait. Deuxièmement, il a fallu du temps pour faciliter certaines étapes de l’enquête comme le fait de s’assurer de la mise en place des mesures de protection appropriées avant d’interroger les témoins potentiels. L’absence de ce type d’arrangements a obligé le bureau à prendre des mesures sur la sélection des témoins et des dispositions pour les réunions. Alors qu’une présence permanente d’enquêteurs sur le terrain a été envisagée, ceci n’a pas été nécessaire ou faisable jusqu’à récemment à cause de ces restrictions. Troisièmement, la présence continue de groupes armés dans le nord, le climat général d’insécurité et de non-droit et le nombre croissant d’attaques y compris contre les casques bleus ont limité les opportunités d’enquêtes dans le nord du pays. Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le personnel de la CPI, 11-15 mai 2015.

[20] Le projet de budget-programme pour 2015 demandait des ressources pour l’ouverture d’un bureau extérieur à Bamako. AEP, « Projet de budget-programme pour 2015 de la Cour pénale internationale », ICC-ASP/13/10, para. 413. Le FPV n’a aucune activité au Mali. Sous réserve de la situation sécuritaire, le FPV réfléchit au fait de savoir si sa présence envisagée en Côte d’Ivoire est susceptible d’apporter un soutien à toutes activités au Mali également. Entretien de Human Rights Watch avec Pieter de Baan, directeur exécutif, FPV, La Haye, 15 septembre 2014, et échange de courriers électroniques, 13 mai 2015.

[21] Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 4 septembre 2014, et échange de courriers électroniques, 18-21 mai 2015.

[22] « Mali bar attack kills five in Bamako », BBC News Online, 7 mars 2015, http://www.bbc.com/news/world-africa-31775679 (consulté le 4 juin 2015) ; « Mali : La fragilité de l’État de droit et les abus mettent en péril la population », communiqué de presse de Human Rights Watch, 14 avril 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/04/14/mali-la-fragilite-de-letat-de-droit-et-les-abus-mettent-en-peril-la-population.

[23] Pour les questions concernant la sécurité des témoins, du personnel de la Cour et de toutes les autres personnes qui pourraient être mises en danger du fait de leur lien avec les activités de la Cour, des évaluations de la sécurité sont constamment réalisées et actualisées et des mesures de protection (y compris des mécanismes d’intervention immédiate) sont mises en place et testées avec des partenaires comme le gouvernement malien et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Les défis liés à la sécurité risquent d’évoluer en fonction des différentes phases de l’enquête et des procédures. Dès lors, des mesures de protection sont censées être adaptées en fonction des changements observés sur place et de l’orientation de l’enquête. Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le personnel de la CPI, 11-15 mai 2015.

[24] Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch le personnel de la CPI, 18-21 mai 2015.

[25] Entretiens individuels et collectifs de Human Rights Watch avec quatre journalistes maliens, Bamako, 29 septembre 2014.

[26] Entretiens individuels et collectifs de Human Rights Watch avec des représentants de quatre organisations de la société civile malienne, Bamako, 29-30 septembre 2014.

[27] Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire, pp. 126, 127-130.

[28] AEP, « Rapport de la Cour sur la stratégie des opérations hors siège », para. 6.

[29] AEP, « Rapport du Comité du budget et des finances sur les travaux de sa treizième session », paras. 80-82.

[30] AEP, « Rapport de la Cour sur la stratégie des opérations hors siège », para. 8.

[31] Voir AEP, « Rapport du Comité du budget et des finances sur les travaux de sa treizième session », paras. 80-82 ; AEP, « Rapport du Comité du budget et des finances sur les travaux de sa quatorzième session », ICC-ASP/9/15,16 novembre 2009, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP9/ICC-ASP-9-5-FRA.pdf (consulté le 4 juin 2015), paras. 67-74 ; AEP, « Projet de budget-programme pour 2012 de la Cour pénale internationale », ICC-ASP/10/10, 21 juillet 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP10/ICC-ASP-10-10-FRA.pdf (consulté le 4 juin 2015), paras. 226-227. Ce poste aurait dû combler une lacune critique. Bien que les principaux bureaux extérieurs de la Cour soient dirigés par un directeur de bureau extérieur, il s’agit d’un poste d’échelon intermédiaire axé sur le soutien logistique et opérationnel. Le titulaire de ce poste n’a aucune autorité sur le personnel des autres unités du Greffe basé dans le bureau. Par conséquent, les circuits de communication pour le personnel hors siège sont « verticaux » ; en d’autres termes, les membres du personnel sur le terrain communiquent presqu’exclusivement avec leurs collègues de service et leurs superviseurs à La Haye, même lorsque la coordination au sein d’un même bureau extérieur est concernée. Voir Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire, pp. 109-112.

[32] Voir, par exemple, la Lettre de Human Rights Watch au Comité du budget et des finances, AEP, 15 avril 2010 (archives de Human Rights Watch). Le groupe de travail de la CPI basé à Nairobi et opérant depuis le Bureau des Nations Unies à Nairobi a un coordinateur des opérations hors siège du Greffe d’échelon P-4 depuis 2011.

[33] Il existe néanmoins une exception : le personnel de la Section d’aide aux victimes et aux témoins continuera d’être placé sous la responsabilité du directeur de cette section à La Haye.

[34] Voir AEP, « Rapport relatif à l’examen de la structure organisationnelle du Greffe : Résultats de la Phase 4 du projet ReVision – Décisions relatives à la structure du Greffe », ICC-ASP/14/18, 4 mai 2015, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP14/ICC-ASP-14-18-FRA.pdf (consulté le 4 juin 2015), paras. 26-31. Le processus ReVision prévoit également la suppression de la Section de la participation des victimes et des réparations (SPVR) qui sera fusionnée avec le Bureau du Conseil public pour les victimes (BCPV) en vue de créer un seul Bureau des victimes. Voir Greffe de la CPI, « Proposal of the Registrar on the Principles Guiding the Establishment of a Victims Office and a Defence Office » (archives de Human Rights Watch). L’examen de cette proposition sort du cadre du présent rapport, mais la question a suscité beaucoup d’intérêt et un grand débat. Voir par exemple l’Équipe de représentation légale de la Coalition pour la CPI (CCPI), « Comments and Recommendations on the Proposed Victims Office in the context of the Registry ReVision »,3 avril 2015 (archives de Human Rights Watch). Human Rights Watch a participé à la rédaction de ce document de synthèse de la CCPI.

[35] AEP, « Rapport relatif à l’examen de la structure organisationnelle du Greffe », para. 28.

[36] BdP, « Plan stratégique, juin 2012-2015 », 11 octobre 2013, http://www.icc-cpi.int/en_menus/icc/structure%20of%20the%20court/office%20of%20the%20prosecutor/policies%20and%20strategies/Documents/OTP-Strategic-Plan-FRA.pdf (consulté le 4 juin 2015), paras. 27, 47-48.

[37] Entretien collectif de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 13 août 2014.

[38] L’enquête a été initialement autorisée pour des crimes commis après le 28 novembre 2010. Situation en République de Côte d’Ivoire, CPI, Affaire n° ICC-02/11, « Décision relative à l’autorisation d’ouverture d’une enquête dans le cadre de la situation en République de Côte d’Ivoire rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome », 3 octobre 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1328750.pdf (consulté le 4 juin 2015), para. 212. Mais la situation de la Côte d’Ivoire faisait déjà l’objet d’un examen préliminaire de la part du BdP bien avant la crise électorale de 2010-2011. En 2003, le gouvernement de Laurent Gbagbo de l’époque a soumis une déclaration en application de l’article 12(3) aux termes de laquelle il acceptait la compétence de la Cour pour les crimes commis depuis le 19 septembre 2002, date de la tentative de coup d’état qui a marqué le début d’une rébellion contre le règne de Gbagbo. Dans sa demande d’ouverture d’enquête de juin 2011, le BdP a toutefois demandé l’autorisation d’enquêter sur des crimes commis après le 28 novembre 2010 arguant que les violences postélectorales de 2010-2011 les plus récentes avaient atteint des « niveaux sans précédent » et que le Bureau disposait de davantage d’informations pour satisfaire le niveau de preuves constituant une « base raisonnable » nécessaire à l’octroi d’une autorisation d’enquêter. Néanmoins, le BdP a indiqué qu’il était disposé à ce que la chambre préliminaire détermine que le cadre temporel élargi – à savoir celui remontant au 19 septembre 2002 – justifie la tenue d’une enquête. Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC, Affaire n° ICC-02/11, « Demande d’autorisation d’ouverture d’une enquête en application de l’article 15 », 23 juin 2011, http: //www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1097345.pdf (consulté le 4 juin 2015), paras. 41-42. La chambre préliminaire a estimé à la majorité que le BdP n’avait pas fourni d’informations sur des incidents spécifiques s’étant produits pendant la période de temps antérieure et, plutôt que d’autoriser un cadre temporel élargi, a demandé au BdP de fournir de plus amples informations. Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC, Affaire n° ICC-02/11, « Décision relative à l’autorisation d’ouverture d’une enquête dans le cadre de la situation en République de Côte d’Ivoire rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome », paras. 175-185. Sur la base de ces informations supplémentaires, la chambre préliminaire a étendu la portée autorisée de l’enquête de façon à inclure les crimes commis depuis le 19 septembre 2002. Situation en République de Côte d’Ivoire, CPI, Affaire n° ICC-02/11, « Décision relative à la communication par l’Accusation de renseignements supplémentaires concernant des crimes commis entre 2002 et 2010 », 22 février 2012, http://www.icccpi.int/iccdocs/doc/doc1367377.pdf (consulté le 4 juin 2015), para. 37. À ce jour, toutefois, l’accusation a axé ses enquêtes sur la crise postélectorale de 2010-2011.

[39] Pour en savoir plus sur les abus commis pendant la crise post-électorale de 2010-2011, voir Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était : Le besoin de justice pour les crimes post-électoraux en Côte d’Ivoire », octobre 2011, https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/cdi1011frwebwcover.pdf. Voir également l’Annexe.

[40] Le mandat d’arrêt du BdP est mentionné dans la décision de la chambre préliminaire aux termes de laquelle est délivré le mandat. Voir Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, « Décision relative à la demande de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Laurent Koudou Gbagbo, déposée par le Procureur en vertu de l’Article 58 », 30 novembre 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1305521.pdf (consulté le 4 juin 2015), para. 4.

[41] « Nouveau suspect en détention à la CPI : Laurent Gbagbo est arrivé au quartier pénitentiaire », communiqué de presse de la CPI, ICC-CPI-20111130-PR747, 30 novembre 2011, http://www.icccpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/press%20releases%20%282011%29/pages/pr747.aspx (consulté le 4 juin 2015) ; voir également Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, « Mandat d’arrêt à l’encontre de Laurent Koudou Gbagbo », 23 novembre 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1276752.pdf (consulté le 4 juin 2015).

[42] L’audience de confirmation des charges contre Gbagbo a commencé en février 2013 et, en vertu du règlement de la CPI, une décision écrite était attendue dans les 60 jours suivant la fin de l’audience. Règlement de la Cour, CPI, ICC-BD/01-03-11, dans sa version modifiée le 2 novembre 2011, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/A5C5DAA0-6314-4450-8BB4-46A518F605B6/0/RegulationsOfTheCourtFra.pdf (consulté le 4 juin 2015), norme 53. En juin 2013, toutefois, les juges saisis de l’affaire ont estimé à la majorité que l’accusation avait omis de présenter suffisamment de preuves pour renvoyer l’affaire en jugement à ce stade. Mais, estimant que les éléments de preuve n’étaient « ni dépourvus de pertinence ni insuffisants au point que [la Chambre] refuse de confirmer les charges », la majorité a reporté la décision définitive, a invité l’accusation à fournir d’autres preuves à l’appui de ses charges et a ajourné l’audience de plusieurs mois. Voir Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, « Décision portant ajournement de l’audience de confirmation des charges conformément à l’article 61-7-c-i du Statut », 3 juin 2013, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1606127.pdf (consulté le4 juin 2015), paras. 44-47. L’accusation l’a fait et, en juin 2014, les juges – cette fois à une majorité différente – ont renvoyé l’affaire devant la Cour. Voir Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, « Décision relative à la confirmation des charges portées contre Laurent Gbagbo », 12 juin 2014, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1805404.pdf (consulté le4 juin 2015). Un report visant à donner davantage de temps à l’équipe de défense de Gbagbo pour se préparer et une motion de la défense contestant la capacité de Gbagbo de subir un procès ont encore retardé le début de l’audience de confirmation des charges en 2013. Voir « Questions et réponses sur Laurent Gbagbo et la Cour pénale internationale », Human Rights Watch, 12 février 2013, https://www.hrw.org/fr/news/2013/02/12/questions-et-reponses-sur-laurent-gbagbo-et-la-cour-penale-internationale.

[43] Voir Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, « Décision relative à la confirmation des charges portées contre Laurent Gbagbo », paras. 266-278.

[44] Affaire Le Procureur c. Charles Blé Goudé, CPI, Affaire n° ICC-02/11-02-11, « Mandat d’arrêt à l’encontre de Charles Blé Goudé », 21 décembre 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1292853.pdf (consulté le 4 juin 2015) ; voir Affaire Le Procureur c. Simone Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/12, « Mandat d’arrêt à l’encontre de Simone Gbagbo », 29 février 2012, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1344440.pdf (consulté le 4 juin 2015).

[45] Affaire Le Procureur c. Charles Blé Goudé, CPI, Affaire n° ICC-02/11-02/11, « Décision relative à la confirmation des charges portées contre Charles Blé Goudé », 11 décembre 2014, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1904569.pdf (consulté le 4 juin 2015). En établissant l’élément contextuel d’une « attaque » dans l’audience de confirmation des charges, le BdP s’est de nouveau exclusivement basé sur des incidents survenus à Abidjan.

[46] « Charles Blé Goudé transféré à la CPI », CPI, ICC-CPI-20140322-PR988, 22 mars 2014, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/pages/pr988.aspx (consulté le 4 juin 2015) ; « Charles Blé Goudé : Ghana extradites Ivory Coast Gbagbo ally », BBC News Online, 18 janvier 2013, http://www.bbc.com/news/world-africa-21075583 (consulté le 4 juin 2015).

[47] Voir Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, et Affaire Le Procureur c. Charles Blé Goudé, CPI, Affaire n° ICC-02/11-02/11, « Decision on Prosecution requests to join the cases of The Prosecutor v. Laurent Gbagbo and The Prosecutor v. Charles Blé Goudé and related matters », 11 mars 2015, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1939574.pdf (consulté le 4 juin 2015) ; « Affaire Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé : le procès s’ouvrira le 10 novembre 2015 », communiqué de presse de la CPI, ICC-CPI-20150507-PR1106, 7 mai 2015, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/pages/pr1106.aspx (consulté le 4 juin 2015).

[48] Les alinéas (a) et (b) du paragraphe 1 de l’article 17 prévoient qu’une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque « l’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, à moins que cet État n’ait la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites » ou lorsque l’affaire a déjà fait l’objet d’une enquête mais que l’ « État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée à moins que cette décision ne soit l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien les poursuites ». Les chambres de la CPI ont interprété cette disposition comme une disposition imposant un double-test : premièrement, il s’agit de savoir s’il y a ou s’il y eu une enquête ou des poursuites concernant la même personne et la même conduite que dans l’affaire en instance devant la CPI ; et deuxièmement, s’il y a ou s’il y a eu des procédures, il s’agit de savoir si ces procédures ont été ou non véritablement menées, en référence au manque de volonté ou à l’incapacité. Voir Affaire Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, CPI, Affaire n° ICC01/4-01/07, « Arrêt relatif à l’appel interjeté par Germain Katanga contre la décision rendue oralement par la Chambre de première instance II le 12 juin 2009 concernant la recevabilité de l’affaire », 25 septembre 2009, http://icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc766882.pdf (consulté le 30 juin 2015). Les paragraphes 2 et 3 de l’article 17 précisent les éléments révélateurs d’un manque de volonté et d’une incapacité respectivement. Toutefois, les concepts de « manque de volonté » et d’ « incapacité » ont seulement été interprétés par des juges à quelques rares occasions. La plupart des contestations de recevabilité ont été rejetées par les juges de la Cour dès la première étape ; en d’autres termes, elles ont été rejetées du fait d’une absence de procédures nationales pertinentes. Voir Carsten Stahn, « Admissibility Challenges before the ICC From Quasi-Primacy to Qualified Deference ? », dans Carsten Stahn, ed., The Law and Practice of the International Criminal Court (Oxford: Oxford University Press, 2015), pp. 231-239.

[49] Voir Affaire Le Procureur c. Simone Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/12, « Requête de la République de Côte d’Ivoire sur la recevabilité de l’affaire le procureur c. Simone Gbagbo, et demande de sursis à exécution en vertu des articles 17, 19 et 95 du Statut de Rome », 30 septembre 2013, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1653132.pdf (consulté le 4 juin 2015).

[50] Alors que Gbagbo a été reconnue coupable par un tribunal d’Abidjan en mars 2015 de « délits à l’encontre de l’État » – accusations qui concernaient son rôle dans la crise postélectorale de 2010-2011 – et a été condamnée à 20 ans de prison, ces accusations n’incluaient pas les massacres et les viols constituant le fondement des accusations de crime contre l’humanité portées contre elle à la CPI. Voir le commentaire de Jim Wormington (Human Rights Watch), « Après le procès de Simone Gbagbo, quelles perspectives pour la justice en Côte d’Ivoire ? », Jeune Afrique, 8 avril 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/04/08/apres-le-proces-de-simone-gbagbo-quelles-perspectives-pour-la-justice-en-cote.

[51] Voir Affaire Le Procureur c. Simone Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/12, « Arrêt relatif à l’appel interjeté par la Côte d’Ivoire contre la décision de la Chambre préliminaire I du 11 décembre 2014 intitulée ‘Décision relative à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Côte d’Ivoire s’agissant de l’affaire concernant Simone Gbagbo’ », 27 mai 2015, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1988243.pdf (consulté le 4 juin 2015).

[52] Voir note 38.

[53] Entretien de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 21 avril 2015.

[54] Voir AEP, « Court’s Revised strategy in relation to victims », ICC-ASP/11/38, 5 novembre 2012, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP11/ICC-ASP-11-38-ENG.pdf (consulté le 4 juin 2015), fn. 15. Alors qu’elle n’est pas évoquée dans ce rapport, cette distinction – compte tenu notamment de la capacité limitée de communication du BdP – peut saper les efforts visant à garantir une sensibilisation précoce dans les pays, à la fois afin d’informer les attentes autour de l’examen préliminaire et de faire connaître et comprendre la mission de la Cour avant l’ouverture de toute enquête.

[55] Entretien collectif de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 10 juin 2015, et échange de courriers électroniques avec le représentant de l’organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 18-20 mai 2015.

[56] « Déclaration du Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, sur la situation en Côte d’Ivoire », communiqué de presse du BdP, 21 décembre 2010, http://www.icccpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/press%20releases%20%282010%29/pages/pr617.aspx (consulté le 17 juin 2015).

[57] Entretien collectif de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 10 juin 2015.

[58] Ibid.

[59] BdP, « Stratégie en matière de poursuites, 2009-2012 », 1er février 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/66A8DCDC-3650-4514-AA62-D229D1128F65/281895/Strat%C3%A9gieenmati%C3%A8redepoursuites_20092012.pdf (consulté le 4 juin 2015), pp. 5-6.

[60] Voir BdP, « Plan stratégique, juin 2012-2015 », pp. 6, 13-14, 20-22.

[61] Voir BdP, « Plan stratégique, juin 2012-2015 », p. 28 (« Le BdP continuera de mener des poursuites ciblées au cours desquelles seront présentés de façon claire et efficace des éléments de preuve dignes d’intérêt »). Le document de politique générale du BdP sur la participation des victimes indique qu’une sélection ciblée des incidents vise à « permettre au Bureau de mener des investigations courtes, de limiter le nombre de personnes mises en danger du fait de leur interaction avec le Bureau ; et de proposer des procès rapides tout en veillant à représenter tous les types de persécution », http ://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/9FF1EAA1-41C4-4A30-A202-174B18DA923C/281751/PolicyPaperonVictimsParticipationApril2010.pdf (consulté le 4 juin2015), p. 8.

[62] Human Rights Watch, Weighing the Evidence : Lessons from the Slobodan Milosevic Trial, vol. 18, n° 10(D), décembre 2006, http://www.hrw.org/reports/2006/milosevic1206/milosevic1206webwcover.pdf, pp. 52-57.

[63] Voir Jeffrey Locke, « Indictments » dans Luc Reydams, Jan Wouters et Cedric Ryngaert, International Prosecutors (Oxford: Oxford University Press, 2012), pp. 614-619 (notant la tendance à simplifier les mises en accusation à des fins de gestion de l’instruction tout en mettant en garde contre une approche minimaliste qui ne porte aucune accusation représentative de pires crimes prétendument commis par un auteur) ; voir également Luke Moffett, Justice for Victims Before the International Criminal Court (New York: Routledge, 2014), pp. 69-71.

[64] BdP, « Stratégie en matière de poursuites, 2009-2012 », para. 20. Au moment de la rédaction de ce rapport, le BdP travaille sur un nouveau document de politique générale concernant sa sélection et sa hiérarchisation des affaires.

[65] Voir par exemple BdP, « Policy Paper on the Interests of Justice », septembre 2007, http://icc-cpi.int/NR/rdonlyres/772C95C9-F54D-4321-BF09-73422BB23528/143640/ICCOTPInterestsOfJustice.pdf (consulté le 5 juin 2015), p. 6 (le BdP va organiser un dialogue avec les victimes et les représentants de la communauté aux fins d’évaluer les « intérêts des victimes » conformément à ce qui est requis en vertu de l’article 53 du Statut de Rome régissant l’ouverture des enquêtes) ; BdP, « Policy Paper on Victims’ Participation », pp. 3-5, 8-9, 13-15 (notant qu’un principe fondamental de la stratégie en matière de poursuites 2009-2012 était de « systématiquement tenir compte des intérêts des victimes » en « demandant leur point de vue à un stade précoce avant qu’une enquête ne soit lancée et en continuant d’évaluer sans cesse leurs intérêts ») ; Règlement du BdP, ICC-BD/05-01-09, 23 avril 2009, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/FFF97111-ECD6-40B5-9CDA-792BCBE1E695/280254/ICCBD050109FRA1.pdf (consulté le 5 juin 2015), norme 16 (« Le Bureau sollicite et reçoit les avis des victimes à chaque étape de son travail afin de prendre connaissance de leurs intérêts et d’en tenir compte, selon que de besoin en coordination avec la Section de la participation des victimes et des réparations du Greffe ») ; BdP, « Document de politique générale relatif aux crimes sexuels et à caractère sexiste », juin 2014, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/otp/OTP-Policy-Paper-on-Sexual-and-Gender-Based-Crimes--June-2014-FRA.pdf (consulté le 15 juin 2015), para. 22 (« Le Bureau cherchera de plus en plus à contacter et à consulter les groupes de victimes et leurs représentants aux fins de tenir compte des intérêts de ces dernières au cours des diverses étapes de ses activités. »). Le BdP a également participé à l’élaboration d’une stratégie autour des victimes qui s’applique à toute la Cour et qui reconnaît l’importance centrale des victimes et leurs intérêts pour les procédures de la Cour ainsi que de la communication avec les victimes. En vertu de cette stratégie, le BdP a des responsabilités particulières pour la communication avec les victimes au cours des examens préliminaires. Voir note 54.

[66] Elizabeth Evenson et Jonathan O’Donohue (Human Rights Watch et Amnesty International), « La Cour pénale internationale en danger », commentaire, Open Democracy, 6 mai 2015, https://www.opendemocracy.net/openglobalrights/elizabeth-evenson-jonathan-o%E2%80%99donohue/la-cour-p%C3%A9nale-internationale-en-danger.

[67] Voir Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, transcription, audience de confirmation des charges, 19 février 2013, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1555482.pdf (consulté le 5 juin 2015), p. 50, lignes 2-5.

[68] Voir par exemple Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC, Affaire n° ICC-02/11, « Décision relative à l’autorisation d’ouverture d’une enquête dans le cadre de la situation en République de Côte d’Ivoire rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome », paras. 41, 132.

[69] Voir par exemple Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était », pp. 6, 75-90 (« Lors de leur offensive, début mars, les Forces républicaines prennent elles aussi part à des opérations punitives contre des partisans réels ou présumés de Laurent Gbagbo. Dans l’extrême ouest du pays, les Forces républicaines exécutent à bout portant des vieillards guérés incapables de fuir leur village attaqué. Une femme a déclaré que son père, son mari et son fils avaient été abattus sous ses yeux. Des membres des Forces républicaines enlèvent des femmes et les violent dans les villes où ils se trouvent entre les mouvements militaires. Ils brûlent des villages entiers. »).

[70] Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, « Décision relative à la demande de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Laurent Koudou Gbagbo, déposée par le Procureur en vertu de l’Article 58 », paras. 30-36.

[71] Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était », pp. 59-64 ; voir Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC, Affaire n° ICC-02/11, « Décision relative à l’autorisation d’ouverture d’une enquête dans le cadre de la situation en République de Côte d’Ivoire rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome », paras. 40, 65, 132, 182 et « Demande d’autorisation d’ouverture d’une enquête en application de l’article 15 », paras. 88, 133, 151.

[72] Entretien collectif de Human Rights Watch, 10 juin 2015, et échange de courriers électroniques, 17-24 juin 2015 avec le personnel de la CPI, La Haye.

[73] BdP, « Rapport relatif à la stratégie en matière de poursuites », 14 septembre 2006, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/D673DD8C-D427-4547-BC69-2D363E07274B/277419/OTP_ProsecutorialStrategy20060914_French.pdf (consulté le 5 juin 2015), pp. 5-6.

[74] Entretien collectif de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 13 août 2014 ; entretien collectif, 10 juin 2015, et échange de courriers électroniques, 17-24 juin 2015, avec le personnel de la CPI, La Haye. Dans sa demande soumise à la Chambre préliminaire concernant l’autorisation d’ouverture d’enquêtes en Côte d’Ivoire, le BdP a indiqué qu’il n’avait pas encore « de base raisonnable pour croire » – le niveau de preuves requis pour ouvrir des enquêtes – que les forces pro-Ouattara avaient commis des crimes contre l’humanité par opposition aux crimes de guerre. Il a déclaré que ses enquêtes chercheraient à déterminer si ces crimes avaient été commis ou non. À l’appui des documents soumis par le BdP ainsi que des déclarations des victimes (voir Partie VI.A ci-dessous), la Chambre préliminaire a fait part de son désaccord estimant qu’il existait déjà suffisamment de preuves donnant une « base raisonnable pour croire » que les forces pro-Ouattara avaient commis des crimes contre l’humanité. Voir Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC, Affaire n° ICC-02/11, « Décision relative à l’autorisation d’ouverture d’une enquête dans le cadre de la situation en République de Côte d’Ivoire rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome », paras. 26, 92-116.

[75] Entretien collectif de Human Rights Watch, 10 juin 2015, et échange de courriers électroniques, 17-24 juin 2015 avec le personnel de la CPI, La Haye.

[76] Ibid. ; voir également BdP, « Plan stratégique, juin 2012-2015 », p. 14.

[77] Marc Perelman, « L’entretien », France24, 31 mars 2015, http://www.france24.com/en/20150331-interview-fatou-bensouda-icc-chief-prosecutor-investigations (consulté le 5 juin 2015).

[78] Spécifiquement, « les personnes interrogées ont le plus souvent indiqué qu’elles avaient l’image d’une Cour (1) qui ne poursuit qu’un seul groupe (24 %) ou (2) qui est favorable au gouvernement (9 %), aux militaires (1 %) ou qui est partiale sans autre précision (6 %) ». Voir Phuong N. Pham et Patrick Vinck, Harvard Humanitarian Initiative, Harvard School of Public Health, Brigham and Women’s Hospital, « Fragile Peace, Elusive Justice: Population-Based Survey on Perceptions and Attitudes about Security and Justice in Abidjan », juillet 2014, http://www.peacebuildingdata.org/sites/m/pdf/Abidjan_2014_Fragile_Peace_Elusive_Justice.pdf (consulté le 5 juin 2015), pp. 45-47.

[79] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile internationale, Abidjan, 23 septembre 2014.

[80] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 25 septembre 2014.

[81] L’approche du Bureau du Procureur axée sur les crimes d’une seule partie a également limité la contribution de la CPI à encourager des procédures judiciaires au niveau national dans la mesure où elle a réduit sa crédibilité à encourager les autorités ivoiriennes à adopter une approche impartiale dans leurs enquêtes. Si le BdP avait réalisé des enquêtes sur les auteurs de crime proches du Président Ouattara, le gouvernement ivoirien, s’il ne souhaitait pas livrer les personnes en question tout en respectant également les obligations lui incombant en vertu du Statut de Rome, aurait dû démontrer qu’il poursuivait ces auteurs devant les tribunaux nationaux. Comme un représentant de la société civile internationale l’a exprimé : « [Le rôle de la CPI dans le cadre de la complémentarité] est d’être un boulet à la cheville du gouvernement. […] Mais la CPI ne peut pas jouer ce rôle car elle n’a mis en accusation qu’une seule partie ». Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d’une organisation de la société civile internationale, Abidjan, 23 septembre 2014 ; voir également Human Rights Watch, Transformer les discours en réalité : L’heure de réclamer des comptes pour les crimes internationaux graves perpétrés en Côte d’Ivoire, avril 2013, https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/CDI0413fr_ForUpload.pdf, pp. 37-38.

[82] Le conflit armé de 2002-2003 a commencé par une tentative de coup d’état largement motivée par la marginalisation des populations du nord par le gouvernement Gbagbo de l’époque. Après la fin du conflit, le pays est resté divisé entre le sud contrôlé par le gouvernement Gbagbo de l’époque et le nord contrôlé par les rebelles. De nombreux combattants rebelles du nord sont allés jusqu’à combattre pour Ouattara après que Gbagbo ait refusé de quitter le pouvoir en 2010. Voir Human Rights Watch, « Ils les ont tués comme si de rien n’était », pp. 19-21, 23-25.

[83] Voir Règlement du Greffe, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/registry/Regulations-of-the-Registry-fra.pdf (consulté le 5 juin 2015), norme 5 bis (3) ; AEP, « Plan stratégique d’information et de sensibilisation de la Cour pénale internationale », ICC-ASP/5/12, 29 septembre 2006, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/FB4C75CF-FD15-4B06-B1E3-E22618FB404C/185052/ICCASP512_French1.pdf (consulté le 5 juin 2015), para. 3.

[84] AEP, « Plan stratégique d’information et de sensibilisation de la Cour pénale internationale », paras. 1-3 ; Greffe de la CPI, « Behind the Scenes: The Registry of the International Criminal Court », 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/PIDS/docs/behindTheSce.pdf (consulté 10 juillet 2015), p. 36 ; Assemblée générale des Nations Unies, Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, A/RES/40/34, 29 novembre 1985, http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/40/34&Lang=F (consulté le 5 juin 2015), art. 6(a). L’importance centrale de la sensibilisation a également été reconnue par l’AEP. Voir par exemple AEP « Renforcement de la Cour pénale internationale et de l’Assemblée des États parties », ICC-ASP/12/Rés.8, 27 novembre 2013, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/Resolutions/ASP12/ICC-ASP-12-Res8-FRA.pdf (consulté le 5 juin 2015), préambule 20, para. 63 ; voir généralement l’équipe de communication de la CCPI, « Comments and Recommendations to the Tenth Session of the Assembly of States Parties », 1er décembre 2011, http://iccforum.com/media/background/outreach/2011-12-01_CICC_Communications_Team_Comments_and_Recommendations_to_the_Tenth_Session_of_the_ASP.pdf (consulté le 5 juin 2015), annexes I-III (compilant les références à l’importance de la sensibilisation dans les résolutions de l’AEP et les déclarations des États parties lors des séances de l’AEP et de la conférence de révision 2010 de la CPI).

[85] AEP, « Stratégie révisée de la Cour à l’égard des victimes », ICC-ASP/1/38, paras. 15, 18. La Cour a défini une « victime » aux fins de sa stratégie comme « une personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour » ou, dans certains cas, une « organisation ou institution dont un bien […] a subi un dommage direct, conformément à ce qui est défini dans la Règle 85 du Règlement de procédure et de preuves ». Comme cela est également précisé dans la stratégie et conformément à ce qui est expliqué ci-après, le terme « victime » et les droits spécifiques qui sont attachés à ce terme en vertu du Statut de Rome varient en fonction de la phase de la procédure ou du type d’activité de la Cour ou du Fonds au profit des victimes. Voir AEP, « Rapport relatif à la stratégie de la Cour à l’égard des victimes », ICC-ASP/8/45, 10 novembre 2009, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP8/ICC-ASP-8-45-ENG.pdf (consulté le 5 juin 2015), para. 7.

[86] Voir AEP, « Stratégie révisée de la Cour à l’égard des victimes », annexe (« Droits et prérogatives des victimes dans les procédures devant la Cour »).

[87] Voir Njonjo Mue, “Policy Brief,” Impunity Watch, pp. 5-6.

[88] Pour une analyse approfondie des premières années de pratique de la Cour en matière de sensibilisation, voir Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire, pp. 116-148. Sur l’importance et les limites de la sensibilisation, voir également ibid., pp. 4-6.

[89] Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 4 septembre 2014.

[90] Entretien de Human Rights Watch, 21 avril 2015, et échanges de courriers électroniques, 18-21 mai 2015 avec le personnel de la CPI, La Haye.

[91] Conversation téléphonique et échange de courriers électroniques de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 4 septembre 2014. Les séances organisées à Abidjan couvraient la formation des organisations de la société civile, y compris celles déjà engagées dans des actions de sensibilisation sur la CPI ainsi que celles qui pourraient aider à toucher des groupes de victimes ; la formation des journalistes sur la CPI et les mises à jour sur les développements judiciaires ; trois séances avec des avocates (à travers l’Association des femmes juristes de Côte d’Ivoire, une organisation de la société civile ivoirienne) et une séance avec le barreau ivoirien ; une séance organisée conjointement avec le BdP, pour les procureurs et juges de la Cour suprême ; et une séance, là encore organisée conjointement avec le BdP, pour la Cellule spéciale d’enquête. Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le personnel de la CPI, 18-21 mai 2015.

[92] Conversation téléphonique de Human Rights Watch, avec le personnel de la CPI, La Haye, 4 septembre 2014.

[93] Notamment, à travers les demandes de participation – ou le processus d’inscription, tel qu’appliqué dans la phase de procès de la situation du Kenya – « (1) l’identité [de la victime] semble dûment établie ; (2) les événements décrits dans la demande de participation constituent le(s) crime(s) relevant de la compétence de la Cour du(des)quel(s) les suspects sont accusés ; et (3) le fait de savoir si le demandeur a subi ou non un préjudice qui semble être « la conséquence » du(des) crime(s) concerné(s) ». Affaire Le Procureur c. Francis Kimeyia Muthaura et al., CPI, Affaire n° ICC-01/09-02/11, « Decision on Victims’ Participation at the Confirmation of Charges Hearing and in the Related Proceedings », 26 août 2011, http://icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1211737.pdf (consulté le 5 juin 2015), para. 40 ; voir également REDRESS, « La participation des victimes aux procédures de la cour pénale internationale : étude de la pratique et considération des options pour le futur », octobre 2012, http://www.redress.org/downloads/publications/VictimParticipationFrench.pdf (consulté le 5 juin 2015), pp. 11-16. Les procédures applicables aux demandes de participation en tant que victime concernée par l’affaire traitée par la CPI ainsi qu’aux modalités spécifiques de cette participation dans les procédures préliminaires, pendant le procès et en appel sont déterminées au cas par cas par les chambres de la Cour. Les chambres ont adopté des approches différentes eu égard au processus de demande mais elles se sont généralement mises d’accord sur les modalités de participation. Ces modalités permettaient notamment aux victimes, par le biais de leur avocat, de soumettre des déclarations préliminaires et finales et des conclusions écrites, d’assister à des audiences et d’interroger des témoins. Dans des cas exceptionnels, un nombre très limité de victimes participantes ont été autorisées à comparaître directement devant la Cour pour soumettre leurs vues et préoccupations. Voir ibid., pp. 41-59 (modalités de participation) ; Susana SaCouto et Katherine Cleary Thompson, « Obtaining Victim Status for Purposes of Participating in Proceedings at the International Criminal Court », décembre 2013, https://www.wcl.american.edu/warcrimes/icc/documents/Report18final.pdf (consulté le 5 juin 2015) (processus de demande).

[94] D’après une étude à paraître sur les victimes participant aux affaires de la CPI dans quatre pays, les victimes concernées par les affaires traitées par la CPI en Côte d’Ivoire ont bénéficié d’un meilleur accès aux informations que dans d’autres pays relevant de la compétence de la CPI et également inclus dans l’étude. Le chercheur principal a toutefois noté qu’une explication possible était que les victimes ayant qualité pour agir dans les affaires actuellement traitées par la CPI en Côte d’Ivoire vivent à Abidjan, ce qui pourra faciliter leur accès aux informations et aux avocats, au personnel de la Cour ou aux intermédiaires (et inversement). Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Stephen Smith Cody, directeur, Atrocity Response Program, Human Rights Center, University of California Berkeley School of Law, 17 juin 2015.

[95] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[96] Conversation de Human Rights Watch avec un représentant d’une organisation de la société civile internationale, Genève, 12 août 2014.

[97] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 4 septembre 2014, et échange de courriers électroniques, 18-21 mai 2015.

[98] Entretiens de Human Rights Watch, avec des journalistes ivoiriens, Abidjan, 1er, 3 et 4 octobre 2014, et conversations téléphoniques, 26 novembre 2014.

[99] Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste ivoirien, Abidjan, 1er octobre 2014. La Section de l’information publique et de la documentation – récemment renommée Section de l’information de la presse et de la sensibilisation du public dont dépend l’Unité de la sensibilisation – produit également un certain nombre de programmes audiovisuels différents, résumant des procédures judiciaires ou répondant à des questions fréquemment posées, notamment « Demandez à la Cour », « Dans la salle d’audience » et « La CPI en un clin d’œil ». Des liens vers ces programmes sont diffusés via leur Listserv des affaires publiques mais nos entretiens avec des journalistes et des organisations de la société civile ne révélaient pas une grande connaissance de leur existence ou de leur utilisation. En outre, des audiences sont diffusées en direct ou avec un léger différé de 30 minutes depuis le site Internet de la Cour, mais deux journalistes interrogés par Human Rights Watch ont indiqué qu’il était souvent difficile de se connecter. Ceci a posé un véritable problème pour leur travail de reportage compte tenu du fait que, en dehors de l’audience de confirmation des charges de Gbagbo, les procédures n’étaient pas diffusées en direct à la télévision ivoirienne. Les retards de publication en ligne des décisions et un manque de documents disponibles en français comptaient parmi les autres difficultés citées par un journaliste. Entretien de Human Rights Watch, 1er octobre 2014, et conversations téléphoniques, 26 novembre 2014, avec des journalistes ivoiriens, Abidjan.

[100] Voir Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire, pp. 144-147.

[101] Voir Zio Moussa, « Les média et la crise politique en Côte d’Ivoire », Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest, 2002, https://www.ifex.org/cote_divoire/2012/08/28/cote_d%27ivoire_mfwa_report_fre.pdf (consulté le 1er juillet 2015), pp. 51-57.

[102] Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste ivoirien, Abidjan, 3 octobre 2014.

[103] Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste ivoirien, Abidjan, 1er octobre 2014.

[104] Pham et Vinck, « Fragile Peace, Elusive Justice », pp. i-iii, 24-25.

[105] Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec un spécialiste de la justice transitionnelle, Washington, DC, 16 septembre 2014.

[106] Phan et Vinck, « Fragile Peace, Elusive Justice », pp. 24-25.

[107] Dans l’étude de Phan et Vinck, France24 avait une part d’audience de 24 %, Canal+ une part de 30 % et RFI une part de 32 %. Ibid., p. 24.

[108] Entretien de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 21 avril 2015.

[109] Entretien de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 21 avril 2015, et conversation téléphonique avec le personnel de la CPI, 7 mai 2015.

[110] Correspondance de Human Rights Watch par courrier électronique avec le personnel de la CPI, Abidjan, 26-29 mai 2015.

[111] Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste ivoirien, Abidjan, 1er octobre 2014.

[112] Des représentants de deux organisations de la société civile qui ont été interrogés ont souligné l’importance potentielle des radios de la communauté à des fins de sensibilisation. Entretiens individuels et collectifs de Human Rights Watch avec des représentants de deux organisations de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014. L’étude de Phan et Vinck ne contient aucune donnée faisant la distinction entre la confiance qu’inspirent les radios de la communauté par rapport aux diffuseurs nationaux ou commerciaux. La Cour pourra également souhaiter envisager d’étendre sa présence sur les réseaux sociaux. D’après l’étude de Phan et Vinck, au moins 45 % des personnes interrogées ont eu occasionnellement accès à Internet, 19 % d’entre eux y accédant chaque jour. Voir Phan et Vinck, « Fragile Peace, Elusive Justice », pp. 23-25. Un journaliste que nous avons interrogé a parlé de l’importance croissante des réseaux sociaux en Côte d’Ivoire : « Nous avons besoin de reconnaître que les réseaux sociaux prennent de plus en plus d’importance. Lorsque j’ai mis en ligne un article sur [l’audience de confirmation des charges de Blé Goudé], plusieurs sites Internet ont rédigé des articles qui se basaient simplement sur le mien. Les réseaux sociaux sont désormais réellement importants pour de nombreux journaux et sites Internet ». Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste ivoirien, Abidjan, 4 octobre 2014. Dans le même temps, toutefois, la Cour doit savoir que les réseaux sociaux en Côte d’Ivoire sont également hautement politisés et font l’objet de manipulations.

[113] Notre méthodologie pour ce rapport qui ne s’est pas étendue aux enquêtes de population ne nous permet pas de dresser des conclusions fermes sur le niveau général de connaissances à propos de la CPI en Côte d’Ivoire. Comme mentionné plus haut, l’étude de Phan et Vinck a indiqué que 94 % de la population à Abidjan avait entendu parler de la CPI mais que seulement 5 % avait une bonne ou très bonne connaissance de la CPI. Voir Phan et Vinck, « Fragile Peace, Elusive Justice », p. iii. L’étude ne couvrait pas les personnes résidant en dehors d’Abidjan. Les personnes interrogées pour ce rapport ont fait part d’un ensemble de points de vue sur le niveau de connaissance sur la CPI en Côte d’Ivoire.

[114] Entretien de Human Rights Watch avec Gaelle Carayon, juriste de la CPI, REDRESS, Londres, 14 août 2014.

[115] Entretiens collectifs de Human Rights Watch avec des représentants de deux organisations de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[116] Entretiens de Human Rights Watch avec des journalistes ivoiriens, 1-3 octobre 2014, et conversations téléphoniques, 26 novembre 2014, Abidjan.

[117] Entretiens individuels et collectifs de Human Rights Watch avec des représentants de trois organisations de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[118] Commentaire individuel formulé lors d’un entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[119] Commentaire individuel formulé lors d’un entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 1er octobre 2014.

[120] Voir Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire, pp. 139-142.

[121] Voir ibid., pp. 124-125.

[122] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile internationale, Bruxelles, 20 août 2014.

[123] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[124] Ibid.

[125] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[126] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[127] Ibid.

[128] Conversation téléphonique de Human Rights Watch, 7 mai 2015, et échange de courriers électroniques, 1-2 juillet 2015, avec le personnel de la CPI, Abidjan. En Côte d’Ivoire, le responsable sur le terrain chargé des opérations de sensibilisation aide également les organisations de la société civile à soumettre des propositions aux donateurs en vue d’obtenir des fonds pour les activités de sensibilisation.

[129] Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et un représentant d’une société civile ivoirienne, Abidjan, 21 mai 2015, et échange de courriers électroniques avec le personnel de la CPI, Abidjan, 1-2 juillet 2015.

[130] Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le personnel de la CPI, Abidjan, 1-2 mai 2015.

[131] Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, Abidjan, 7 mai 2015, et échange de courriers électroniques, 26-29 mai 2015.

[132] Voir Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, « Decision on Victim Participation », 6 mars 2015, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1934587.pdf (consulté le 8 juin 2015), paras. 41-42.

[133] Affaire Le Procureur c. Charles Blé Goudé, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/15, « Information on Common Legal Representation of Victims in the proceedings », 15 mai 2015, http: /www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1976215.pdf (consulté le 8 juin 2015), paras. 11-17.

[134] Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/11, « Decision on Victim Participation », paras. 10, 42, 49.

[135] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[136] Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le personnel de la CPI, La Haye, 11 novembre 2014.

[137] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[138] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 1er octobre 2014.

[139] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 25 septembre 2014.

[140] Entretien de Human Rights Watch avec Paolina Massidda, Conseil principal pour les victimes, Bureau du conseil public pour les victimes, CPI, La Haye, 21 août 2014 ; Affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, CPI, Affaire n° ICC-02/11-01/15, « Information on Common Legal Representation of Victims in the proceedings », 15 mai 2015, para. 18.

[141] Statut de Rome de la Cour pénale internationale, A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art. 68(3) (« Statut de Rome »).

[142] Le paragraphe 3 de l’Article 19 prévoit également que des victimes puissent participer dans le cadre des contestations relatives à la recevabilité ou la compétence d’une affaire spécifique.

[143] Des victimes ont demandé à participer dans une pétition soumise par le gouvernement des Comores et demandant l’examen de la décision d’une attaque contre une flottille, et notamment contre un navire battant pavillon comorien, qui avait l’objet d’un renvoi au BdP par les Comores. Situation on Registered Vessels of the Union of the Comoros, the Hellenic Republic and the Kingdom of Cambodia, CPI, Affaire n° ICC-01/13, « Decision on the Victims’ Participation », 24 avril 2015, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1966279.pdf (consulté le 1er juillet 2015).

[144] Voir généralement Carsten Stahn, Hector Olasolo et Kate Gibson, « Participation of Victims in Pre-Trial Proceedings of the ICC », Journal of International Criminal Justice 4 (2006), 224-237.

[145] Voir Mariana Pena et Gaelle Carayon, « Is the ICC Making the Most of Victim Participation? » International Journal of Transitional Justice, 2013, http://ijtj.oxfordjournals.org/content/early/2013/09/28/ijtj.ijt021.full.pdf+html (consulté le 8 juin 2015), pp. 10-18. Un examen complet du mécanisme de participation des victimes mis en place par la Cour sort du champ d’application de ce rapport ; toutefois, ce mécanisme a été fortement critiqué et plusieurs points de vue ont été exprimés comme ceux des personnes préconisant des approches plus solides et ceux des personnes étant sceptiques sur la valeur de la participation des victimes. Sarah Kendall et Sarah Nouwen, par exemple, soutiennent qu’il existe à la CPI un fossé grandissant entre la réalité de la participation des victimes – où peu de victimes sont directement représentées dans les procédures légales – et les réclamations formulées autour du travail de la CPI au nom des victimes. Ceci aboutit à une abstraction inutile des victimes. Voir Sarah Kendall et Sarah Nouwen, « Representational Practices at the International Criminal Court: The Gap Between Juridified and Abstract Victimhood », Law and Contemporary Problems, vol. 76 (2014), pp. 235-262, http://scholarship.law.duke.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=4376&context=lcp (consulté le 8 juin 2015) ; voir également Chris Tenove, « Victim Participation at the ICC – What’s the Deal? » Justice in Conflict (blog), 22 novembre 2013, http://tenove.com/2013/11/27/victim-participation-at-the-icc-asp2013/ (consulté le 8 juin 2015) (où figure une compilation utile des articles récents sur la participation des victimes devant la CPI).

[146] Stephen Smith Cody, Susana SaCouto et Chris Tenove, « Victims at the ICC: What is the Way Forward? » Justice in Conflict (blog), 10 décembre 2014, http://justiceinconflict.org/2014/12/10/victims-at-the-icc-what-is-the-way-forward (consulté le 8 juin 2015).

[147] Le paragraphe 3 de l’Article 15 du Statut de Rome prévoit : « S’il conclut qu’il y a une base raisonnable justifiant l’ouverture d’une enquête, le Procureur présente à la Chambre préliminaire une demande d’autorisation en ce sens, accompagnée de tout élément justificatif recueilli. Les victimes peuvent adresser des représentations à la Chambre préliminaire, conformément au Règlement de procédure et de preuve ».

[148] Situation en République de Côte d’Ivoire, ICC, Affaire n° ICC-02/11, « Rapport relatif aux représentations adressées par les victimes à la Cour », 29 août 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1263712.pdf (consulté le 8 juin 2015), para. 92 ; voir également REDRESS, « La participation des victimes aux procédures de la cour pénale internationale », pp. 41-43.

[149] Règlement de procédure et de preuve de la CPI, ICC-ASP/1/3, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/PIDS/legal-texts/RulesProcedureEvidenceFra.pdf (consulté le 8 juin 2015), règle 50.

[150] Le BdP a rendu public un avis « en le mettant en ligne sur le site Internet de la CPI et en l’envoyant a) à sa base de données de contacts médias comptant 3 500 entrées dans le monde, b) à 15 journaux en Côte d’Ivoire qui l’ont tous publiés ou mentionnés dans leur édition du 17 ou 18 juin, c) aux principales chaînes télévisées et stations de radio du pays ainsi qu’à la radio ONUCI FM qui ont également diffusé l’information par la suite et d) à environ cent destinataires individuels (acteurs de la société civile ivoirienne, représentants des ONG et expéditeurs des communications visées par l’article 15) ». Le BdP a organisé deux missions en Côte d’Ivoire alors que la demande d’autorisation était en instance, missions au cours desquelles il a publiquement fait part de la possibilité pour les victimes d’adresser des représentations, a réitéré les échéances applicables et a souligné aux autorités ivoiriennes l’importance de ne pas entraver les efforts des victimes pour soumettre des représentations. Voir Situation en République de Côte d’Ivoire, CPI Affaire n° ICC-02/11, « Demande d’autorisation d’ouverture d’une enquête en application de l’article 15 », para. 176 ; entretien collectif de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 10 juin 2015.

[151] Voir Situation en République de Côte d’Ivoire, CPI Affaire n° ICC-02/11, « Demande d’autorisation d’ouverture d’une enquête en application de l’article 15 », paras. 177-179.

[152] Situation en République de Côte d’Ivoire, CPI, Affaire n° ICC-02/11, « Ordonnance à l’intention de la Section de la participation des victimes et des réparations concernant les représentations adressées par les victimes en vertu de l’article 15-3 du Statut », 6 juillet 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1242560.pdf (consulté le 8 juin 2015), para. 8.

[153] Situation en République du Kenya, CPI, Affaire n° ICC-01/09, « Ordonnance à l’intention de la Section de la participation des victimes et des réparations concernant les représentations adressées par les victimes en vertu de l’article 15-3 du Statut », 10 décembre 2009, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1242560.pdf (consulté le 8 juin 2015), para. 9.

[154] Situation en République du Kenya, CPI, Affaire n° ICC-01/09, « Rapport relatif aux représentations adressées par les victimes à la Cour », 29 mars 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc853218.pdf (consulté le 8 juin 2015).

[155] Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le Greffe de la CPI, 11 novembre 2014.

[156] Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec du personnel de la CPI, Kampala, 3 juin 2015.

[157] Situation en République de Côte d’Ivoire, CPI, Affaire n° ICC-02/11, « Rapport relatif aux représentations adressées par les victimes à la Cour », 29 août 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1263712.pdf (consulté le 8 juin 2015), paras. 73-90.

[158] Voir note 38 ci-dessus.

[159] Situation en République de Côte d’Ivoire, CPI, Affaire n° ICC-02/11, « Rapport relatif aux représentations adressées par les victimes à la Cour », para. 52.

[160] Situation en République de Côte d’Ivoire, CPI, Affaire n° ICC-02/11, « Décision relative à l’autorisation d’ouverture d’une enquête dans le cadre de la situation en République de Côte d’Ivoire rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome », paras. 104-116, 164, 168, 182 ; voir également REDRESS, « La participation des victimes aux procédures de la cour pénale internationale », pp. 42-43.

[161] Voir Luke Moffett, « Realising Justice for Victims before the International Criminal Court », International Crimes Database Brief 6, septembre 2014, http://www.internationalcrimesdatabase.org/upload/documents/20140916T170017-ICD%20Brief%20-%20Moffett.pdf (consulté le 8 juin 2015), p. 7.

[162] Voir Situation en République démocratique du Congo, CPI, Affaire n° ICC-01/04, « Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6 », 17 janvier 2006, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc183439.PDF (consulté le 8 juin 2015).

[163] Voir résumé de la position du BdP dans Situation en République démocratique du Congo, CPI, Affaire n° ICC-01/04, « Judgment on victim participation in the investigation stage of the proceedings in the appeal of the OPCD against the decision of Pre-Trial Chamber I of 7 December 2007 and in the appeals of the OPCD and the Prosecutor against the decision of Pre-Trial Chamber I of 24 December 2007 », 19 décembre 2008, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc612293.pdf (consulté le 8 juin 2015), para. 22. Le rôle des chambres dans la supervision des enquêtes du Procureur – un sous-produit de la nature de la CPI en tant qu’institut hybride mêlant des éléments des systèmes de droit commun et de droit civil – était également une question contestée au moment de ce différend, l’accusation maintenant la totale indépendance de ces enquêtes. Voir Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire, pp. 21-26. Ce débat continue sous une forme légèrement différente aujourd’hui à propos d’un différend sur la mesure dans laquelle le Statut de Rome impose au BdP de terminer ses enquêtes au moment de la tenue de l’audience de confirmation des charges. Voir War Crimes Research Office, American University Washington College of Law, « Investigative Management, Strategies, and Techniques of the International Criminal Court’s Office of the Prosecutor », octobre 2012, https://www.wcl.american.edu/warcrimes/icc/documents/ICCReport16.pdf (consulté le 8 juin 2015), pp. 61-67 ; voir également Elizabeth Evenson (Human Rights Watch), « Kenyatta decision turns spotlight on ICC investigation », ACCESS (Victims’ Rights Working Group Bulletin), numéro 22, Printemps 2013, http://www.redress.org/downloads/reports/130617EnglishVersionFinal.pdf (consulté le 8 juin 2015), p. 2. Bien que le BdP affirme de ne pas être tenu de le faire en droit, son plan stratégique l’engage à être prêt à affronter la phase du procès avant de chercher à demander des mandats d’arrêt ou des assignations volontaires. BdP, « Plan stratégique, juin 2012-2015 », para. 4(a).

[164] Situation en République démocratique du Congo, CPI, Affaire n° ICC-01/04, « Arrêt sur la participation des victimes au stade de l’enquête dans le cadre de l’appel interjeté par le Bureau du conseil public pour la Défense contre la décision rendue le 7 décembre 2007 par la Chambre préliminaire I et le Procureur contre la décision rendue le 24 décembre 2007 par la Chambre préliminaire I », 19 décembre 2008. La chambre d’appel a rendu la même décision dans un appel dérivant de la situation du Darfour en février 2009. Situation au Darfour, CPI, Affaire n° ICC-02/05, « Arrêt sur la participation des victimes au stade de l’enquête dans le cadre de l’appel interjeté par le Bureau du conseil public pour la Défense contre la décision rendue le 3 décembre 2007 par la Chambre préliminaire I et le Procureur contre la décision rendue le 6 décembre 2007 par la Chambre préliminaire I », 2 février 2009, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc969835.pdf (consulté le 8 juin 2015).

[165] Situation en République démocratique du Congo, CPI, Affaire n° ICC-01/04, « Judgment on Victim Participation in the Investigation Stage », paras. 39-59. Le changement de jurisprudence de la Cour est expliqué en détail dans REDRESS, « La participation des victimes aux procédures de la cour pénale internationale », pp. 43-46.

[166] D’après une chambre préliminaire, d’autres procédures judiciaires possibles dans la situation couvrent la préservation des preuves dans le contexte d’une opportunité d’enquête unique (paragraphe 3 de l’Article 56), les questions concernant la protection et la vie privée des victimes et la préservation des preuves (alinéa (c) du paragraphe 3 de l’Article 57) et dans les cas où, en vertu de la Règle 93 du Règlement de procédure et de preuve, la chambre recherche le point de vue des victimes ou de leurs représentants légaux sur toute question. Voir Situation en République du Kenya, CPI, Affaire n° ICC-01/10, « Décision relative à la participation des victimes à la procédure au stade de la situation en République du Kenya », 3 novembre 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1682176.pdf (consulté le 8 juin 2015), para. 12.

[167] Voir, par exemple, Situation en Ouganda, CPI, Affaire n° ICC-02-04, « Decision on Victim’s Participation in Proceedings Related to the Situation in Uganda », 9 mars 2012, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1368784.pdf (consulté le 8 juin 2015).

[168] Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le Greffe de la CPI, 11 novembre 2014.

[169] BdP, « Policy Paper on Victims’ Participation », pp. 8-9.

[170] Inger Agger, Sylvestre Bisimwa, Terith Chy, Katherine Gallagher, Marjorie Jobson, Sapna Malik, Carlos Martín Beristain, Richard Stein et Norbert Wühler, « Rapport du panel d’experts indépendants sur la participation des victimes devant la Cour pénale internationale », REDRESS et Amnesty International, AI index: IOR 53/001/2013, juillet 2013, http://www.redress.org/downloads/publications/1311panel%20report%20disseminationFR.pdf (consulté le 8 juin 2015), para. 49. Alors qu’ils ne sont pas directement pertinents pour les droits des victimes de la situation, il est important de noter que les efforts des victimes pour influencer l’élaboration des charges ont persisté au-delà de l’introduction d’affaires spécifiques, par exemple, dans le cas de Lubanga, où le BdP a été lourdement critiqué pour n’avoir porté que des accusations liées au recours à des enfants soldats plutôt que des accusations davantage représentatives de celles prétendument commises par les forces de Lubanga. Voir discussion à ce propos et sur d’autres exemples dans Mariana Pena et Gaelle Carayon, « Is the ICC Making the Most of Victim Participation? », pp. 12-14.

[171] Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, CPI, Affaire n° ICC-1/04-01/06, « Décision fixant les principes et procédures applicables en matière de réparation du 7 août 2012 », 3 mars 2015, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1555231.pdf (consulté le 8 juin 2015), paras. 211-214, 222.

[172] L’article 53 régit les décisions du BdP indépendamment du fait de savoir s’il envisage une enquête proprio motu ou une enquête conformément à un renvoi d’un État ou du Conseil de sécurité.

[173] Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec le personnel de la CPI, La Haye, 3 juillet 2015.

[174] Le BdP avec le Greffe et les chambres de la Cour sont actuellement en train d’élaborer un ensemble d’ « indicateurs quantitatifs et qualitatifs » à utiliser dans l’évaluation du travail de la Cour, conformément à une demande formulée par des États parties lors de la treizième session de l’Assemblée des États parties en décembre 2014. Voir AEP, « Renforcer la Cour pénale internationale et l’Assemblée des États parties », ICC-ASP/2/Rés.7, annexe I, para. 7(b) (« demande à la Cour d’intensifier ses efforts pour développer des indicateurs qualitatifs et quantitatifs qui permettraient à la Cour de mieux démontrer ses réalisations et ses besoins ainsi que de permettre aux États parties d’évaluer le travail de la Cour de manière plus stratégique »).

[175] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[176] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[177] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 24 septembre 2014.

[178] Entretien de Human Rights Watch avec un représentant d’une organisation de la société civile ivoirienne, Abidjan, 25 septembre 2014.

[179] Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le Greffe de la CPI, 1-9 juin 2015. En effet, avant la délivrance du Document du BdP contenant les charges (DCC), la SPVR ne dispose pas de suffisamment d’informations sur les charges et doit donc orienter ses activités plus largement. Dans l’affaire Gbagbo, un DCC amendé a été émis le 7 janvier 2013, plus d’un an après la reddition de Gbagbo à La Haye. Compte tenu de l’approche « ordonnée » du BdP par rapport aux enquêtes, il était toutefois évident depuis le départ que les enquêtes du BdP n’allaient pas s’étendre aux crimes commis par les forces pro-Ouattara et que, dès lors, les victimes de ces crimes n’allaient pas être autorisées à participer formellement aux affaires. Ibid.

[180] Échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et le Greffe de la CPI, 11 novembre 2014 et 1-9 juin 2015.

[181] Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec Stephen Smith Cody, directeur, Atrocity Response Program, Human Rights Center, University of California Berkeley School of Law, 17 juin 2015. Sur la base d’une analyse des opportunités limitées s’offrant aux victimes dans le nord de l’Ouganda pour avoir qualité pour agir devant la Cour, Luke Moffett conclut qu’ « on peut se demander si les demandes formulées par les victimes à la CPI valent la peine lorsque les victimes et intermédiaires prennent le temps et font l’effort de remplir les formulaires, en revivant leur traumatisme et en s’attendant à un certain type de réaction de la part de la CPI, et lorsque, finalement, la Cour ne fait pas l’effort de donner le change en statuant sur leurs demandes et en prenant en compte leur point de vue ». Luke Moffett, Justice for Victims Before the International Criminal Court, pp. 210-211. La frustration en Ouganda et en République démocratique du Congo pourra également s’expliquer par une divergence encore plus fondamentale entre les motivations des victimes pour compléter les formulaires de demande, à savoir un désir de réparation matérielle individuelle, et ce que la Cour est disposée à offrir. Conversation téléphonique de Human Rights Watch avec Stephen Smith Cody, directeur, Atrocity Response Program, Human Rights Center, University of California Berkeley School of Law, 17 juin 2015.

[182] Voir discussion sur les tentatives des victimes ou des défenseurs des droits visant à contester la définition des charges par le BdP dans REDRESS, « La participation des victimes aux procédures de la cour pénale internationale », pp. 43-46 ; Mariana Pena, « Ugandan Victims Raise Concerns in Relation to the Ongwen Case », International Justice Monitor, 5 février 2015, http://www.ijmonitor.org/2015/02/ugandan-victims-raise-concerns-in-relation-to-the-ongwen-case/ (consulté le 24 juin 2015) ; Luke Moffett, Justice for Victims Before the International Criminal Court, pp. 115-120.

[183] Luke Moffett, « Elaborating Justice for Victims at the International Criminal Court: Beyond Rhetoric and The Hague », Journal of International Criminal Justice, vol. 13 (2015), pp. 281-311.

[184] Voir Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire, pp. 108-109.

[185] Voir Partie VI ci-dessus.

[186] Voir AEP, « Rapport relatif à l’examen de la structure organisationnelle du Greffe », paras. 32-24.

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