Dérapages : abus perpétrés au Burundi

Vue d'ensemble

Le nouveau gouvernement du Burundi, dirigé par le Président Pierre Nkurunziza et l'ancien parti rebelle du Conseil National pour la Défense de la Démocracie–Forces pour la Défense de la Démocracie (CNDD-FDD), est au pouvoir depuis six mois.

Si une grande partie du pays est maintenant en paix, le conflit armé continue de façon sporadique entre les forces armées du Burundi (Forces de la Défense Nationale, FDN) et le dernier groupe rebelle encore actif, les Forces Nationales pour la Libération (FNL) dans les provinces de Bujumbura rurale, Cibitoke et Bubanza.[1] Tout au long de ce conflit armé, les combattants du FNL ainsi que la police et les soldats du gouvernement ont délibérément tué des civils et commis des atrocités avec peu ou pas de sanctions pour leurs actes.

Les représentants des pays bailleurs de fonds réunis pour rencontrer le gouvernement du Burundi le 28 février afin de discuter de l'aide financière au Burundi doivent aller au-delà de simples engagements de financements s'ils veulent voir de véritables améliorations dans le pays. Ils doivent aussi établir des objectifs clairs pour que la conduite du gouvernement réponde à ses obligations en matière de droits humains. Et ils doivent faire pression tant sur le gouvernement que sur le FNL pour que cessent les atteintes aux droits humains et les violations du droit international humanitaire, et que les deux parties soient tenues pour responsables pour les crimes actuels et passés commis en violation du droit international.  Pour que l'organisation politique actuelle soit viable à long terme, le Burundi doit traiter les nombreuses violations graves du droit international humanitaire qui ont été commises par toutes les parties au cours du conflit armé.

La lutte au Burundi entre les forces gouvernementales et rebelles est considérée comme un conflit armé non international dans le cadre du droit international humanitaire, et elle est gouvernée par l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et le Second Protocole Additionnel de 1977 aux Conventions de Genève (Protocole II).[2]  Le droit international interdit aux armées nationales et aux groupes rebelles de commettre des exécutions délibérées, des tortures et autres mauvais traitements contre des civils et des combattants faits prisonniers, entre autres abus. Le gouvernement du Burundi est également lié par le droit international des droits humains, qui interdit les arrestations et les détentions arbitraires, la torture et autres mauvais traitements, et les poursuites judiciaires qui ne répondent pas aux normes internationales de procès équitable.[3]

Crimes de guerre et autres abus

Meurtres commis par le FNL

Le FNL a continué à utiliser la violence pour punir les civils qui refusent de les soutenir, faisant preuve d'une sévérité particulière à l'encontre de ceux qui les ont aidés par le passé puis ont décidé d'interrompre leur aide. Au cours de l'attaque mortelle la plus récente, le 4 décembre 2005, les combattants du FNL ont tué neuf civils et un soldat de l'armée gouvernementale près du marché de Mugendo et de la position militaire de Kinama (zone de Kigina, commune de Nyabiraba, province de Bujumbura rurale).[4] Selon les autorités locales, le FNL a exécuté sommairement les civils parce qu'ils avaient décidé peu auparavant d'arrêter toute aide au FNL, tant alimentaire que financière. Le soldat a été tué dans un échange de coups de feu avec les rebelles.[5]

Dans un autre cas, une vingtaine de combattants du FNL ont enlevé Eluminé Havyarimana et sa fille adolescente à leur domicile à la colline de Buzige (zone de Ruyaga, commune de Kanyosha, province de Bujumbura rurale) dans la nuit du 3 février 2006.[6] Selon un membre de la communauté, Eluminé avait fourni de la nourriture au FNL jusqu'à il y a un an, lorsque des soldats avaient installé un poste militaire près de sa maison et lui avaient ordonné d'arrêter son aide.[7] La fille réussit à se détacher et à échapper aux rebelles. Des habitants ont trouvé le corps sévèrement mutilé d'Eluminé à la colline de Gikangara le lendemain.[8]

Exécutions sommaires commises par les forces gouvernementales

Les forces de sécurité gouvernementales continuent à commettre en toute impunité des exécutions illégales de personnes soupçonnées d'être des combattants et des partisans du FNL.  Des contrôleurs aux droits humains de la force de maintien de la paix des Nations Unies (Opération des Nations Unies au Burundi, ONUB) ont signalé que des soldats du FDN étaient suspectés d'avoir sommairement exécuté dix membres présumés du FNL en dehors de confrontations militaires en décembre 2005.[9] Il n'y a pas eu d'enquêtes ni de poursuites dans ces cas.

Ramazani Nahimana, âgé de seize ans et habitant du quartier de Buhiyuza à Kinama, Bujumbura, a été arrêté par des agents de renseignements de l'Etat, connus comme la Documentation Nationale (D.N.),[10] en novembre 2005 et a été détenu pendant plusieurs jours. Des témoins locaux ont déclaré que Nahimana avait été dénoncé comme membre de l'aile de la jeunesse du FNL, la Jeunesse Patriotique Hutu (JPH),[11] par un ancien combattant du FNL passé au FDD qui avait été démobilisé.[12] Au cours de sa détention à la D.N., d'après un témoin, Nahimana a été gravement battu.[13] Le soir du 22 novembre, il a été revu dans son quartier escorté par des agents de la D.N. ou de la police. Des voisins ont déclaré avoir entendu des bruits et des coups de feu pendant la nuit. Au matin du 23 novembre, des habitants ont trouvé le corps de Nahimana appuyé contre le mur extérieur d'une maison et portant plusieurs blessures par balle au visage et à la poitrine et au moins quatre trous de balles dans le mur de la maison derrière son corps.[14] Les explications officielles selon lesquelles il aurait été tué en essayant de s'enfuir ou qu'il aurait été pris dans les coups de feu échangés lors d'une escarmouche entre les agents du gouvernement et le FNL ne correspondaient pas aux indices relevés sur place.[15] A aujourd'hui, il n'y a pas eu d'enquête et personne n'a été arrêté pour ce meurtre.

Des témoins oculaires ont accusé un soldat de la position de Cinkona d'avoir tiré sur Pierre-Claver Minani à la colline de Kavumu (commune de Kanyosha, province de Bujumbura rurale) après une brève altercation dans la soirée du 28 janvier 2006.[16] Des témoins ont déclaré que le soldat avait accusé Minani de faire partie du FNL avant de lui tirer un coup de feu dans la poitrine.[17] Ils ont ajouté que des soldats étaient revenus plus tard dans la soirée pour prendre de l'argent et un appareil photo dans les poches de Minani.[18] Le commandant du poste de Cinkona est venu le lendemain matin pour enquêter, mais il a rejeté le témoignage des témoins et a dit aux habitants que Minani était un combattant du FNL qui transportait une grenade dans sa poche. Quand les témoins ont persisté à dire que Minani n'était pas un combattant du FNL, plusieurs d'entre eux ont été amenés au poste et battus.[19] Selon un des habitants, des soldats du poste harcèlent maintenant les habitants et "tout le monde a peur de parler de ce qu'on a vu ce jour-là."[20]

Tortures par la Documentation Nationale et la police

Human Rights Watch a déjà documenté le problème permanent des tortures, et en particulier des tortures politiques, au Burundi.[21] Nous avons appris au moins sept nouveaux cas de tortures présumées par la D.N. au cours des trois derniers mois.[22] Deux des victimes étaient des responsables élus du Front pour la Démocratie au Burundi (Frodebu), un parti d'opposition au parti dirigeant CNDD-FDD dans des parties du Bujumbura et dans les provinces voisines. Certaines des victimes ont déclaré à Human Rights Watch avoir été torturées dans une petite pièce sans fenêtre baptisée "la morgue" se trouvant dans un petit bâtiment appartenant à la D.N. près des bureaux du procureur général et des tribunaux. Un homme a montré aux enquêteurs de Human Rights Watch de larges entailles ouvertes dans son dos et sur ses fesses descendant à l'arrière de ses jambes.Il a dit que des agents appartenant à l'escorte de sécurité du général Nshirimimana l'avaient mis à la "morgue" et l'avaient battu jusqu'à ce qu'il perde connaissance. "Je ne sais pas combien de fois ils m'ont frappé avec le câble," a-t-il dit.[23]

Plusieurs personnes récemment interrogées à la D.N. ont déclaré à Human Rights Watch que des officiers de la Police Judiciaire travaillant à la D.N. battent les gens au cours des interrogatoires. Un homme a déclaré qu'il avait été forcé à s'allonger au sol puis frappé plusieurs fois avec une matraque alors qu'il était interrogé à la fin du mois de janvier 2006 au sujet de son soutien supposé au FNL. Selon la victime, il a supplié le policier de s'arrêter mais celui-ci "s'est mis plus en colère et a dit qu'il me frapperait trente fois de plus."[24]

Les contrôleurs des droits humains de l'ONUB, qui avaient été autorisés à visiter les centres de détention de la D.N. à Bujumbura à la fin 2005, n'ont pas été autorisés à le faire depuis le début de 2006.[25] Le Colonel Léonidas Kiziba, Administrateur Général Adjoint de la D.N., a admis qu'il y avait eu des "cas isolés" de tortures et de mauvais traitements à la D.N. et a déclaré que les coupables de ces actes seraient sanctionnés administrativement, mais n'a pas donné plus d'informations sur les sanctions ni si il y en avait eu d'infligées.[26]

La D.N. a arrêté deux personnes dans des cas séparés dans la zone de Muyira, à la mi février. Ces deux personnes ont été amenées au siège du CNDD-FDD dans le quartier de Kiriri à Bujumbura, où elles ont été interrogées au sujet des emplacements où se trouvait le FNL et frappées avec des gourdins.[27] Relâché un peu plus tard le même jour, l'une de ces deux personnes a exprimé le dilemme commun à beaucoup de ceux qui vivent dans des zones qui sont, ou sont supposées être, des bastions du FNL. Il a dit qu'il avait reçu des menaces de mort du FNL pour avoir refusé de les soutenir et que maintenant il était battu pour ce qu'il n'avait pas fait. Harcelé par les deux côtés, il a dit qu'il n'avait nulle part où aller, n'osait pas rentrer chez lui et cependant ne pouvait pas vivre ailleurs de peur de perdre son travail.[28]

Début janvier 2006, des officiers de police à la position de Butara (province de Cibitoke) ont battu quatre combattants du FNL qui leur avaient été envoyés après s'être rendus au poste militaire de Ndora (Cibitoke). Deux d'entre eux avaient moins de dix-huit ans. Deux autres garçons de moins de dix-huit ans soupçonnés d'appartenir au FNL étaient aussi détenus à Butara et ont été battus au même moment.[29] Trois policiers les ont frappés tous les six aux pieds et aux chevilles avec des barres de métal et des marteaux et ont menacé de les tuer.[30] L'un des jeunes hommes a déclaré: "Le commandant est arrivé et d'autres sont venus et repartis et chaque personne qui entrait nous battait à son tour."[31] Tous les six, à peine capables de marcher, ont été envoyés à la Police de la Sécurité Intérieure de Cibitoke (PSI). Ils n'ont reçu aucuns soins médicaux pour leurs blessures jusqu'à ce que des enquêteurs de l'organisation burundaise pour les droits humains Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues (APRODH) et Human Rights Watch leur rendent visite et que l'APRODH s'occupe de leurs soins. La police a relâché les deux qui étaient soupçonnés de liens avec le FNL, finalement convaincue de leur innocence, mais les quatre déserteurs du FNL étaient encore détenus au moment de ce rapport.[32]

Le Commissaire de Police de la province de Cibitoke, Paul Mirerekano, a déclaré que les policiers coupables de tortures seraient arrêtés et poursuivis.  Il a dit à Human Rights Watch qu'un policier impliqué dans l'incident ci-dessus avait perdu son poste à la PSI et était détenu.[33] Un enquêteur de Human Rights Watch a eu l'autorisation de s'entretenir avec ce policier accusé, qui a nié avoir torturé les six prisonniers et a dit qu'il les avait seulement giflés pour les obliger à entrer dans la prison à Butara quand ils avaient résisté.[34] Malgré l'affirmation officielle selon laquelle le policier était détenu, d'autres prisonniers dans les mêmes locaux ont dit que le policier était laissé libre de ses mouvements et qu'il ne passait jamais la nuit en prison.[35] Deux autres policiers qui seraient impliqués dans les tortures n'ont pas encore été amenés pour être interrogés au moment de ce rapport.[36]

 

Arrestations arbitraires et punitions collectives

En décembre 2005 et janvier et février 2006, des policiers, des agents de la D.N. et des soldats de l'armée gouvernementale ont encore recouru à des arrestations et détentions arbitraires à grande échelle de personnes dénoncées comme collaborant avec le FNL par d'anciens combattants du FNL. C'est une pratique courante depuis que le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir en août 2005.[37] Selon plusieurs rapports, les responsables ont arrêté ces personnes sans mandats et les ont détenues pendant plus de deux semaines sans les présenter à un juge, deux violations du droit burundais.[38] Auparavant limitée surtout à la capitale, la pratique des détentions arbitraires à grande échelle s'est étendue à la province du Bujumbura rurale. Ces détentions sont non seulement une violation de la législation sur les droits humains,[39] mais aussi du droit selon la législation internationale humanitaire à ne pas être soumis aux punitions collectives.[40]

Le 25 janvier, des forces gouvernementales ont réveillé les habitants de la zone de Muyira dans la commune de Kanyosha (Bujumbura rurale) juste avant l'aube et leur ont ordonné de se rassembler dans un champ proche. Là, douze combattants du FNL capturés ont désigné cinquante-deux personnes comme des collaborateurs du FNL et elles ont été détenues.[41] Le lendemain, les autorités en ont arrêté d'autres, dont des femmes et des enfants. Le groupe, totalisant finalement 103 personnes, a passé trois nuits dans une seule pièce dans un poste administratif avant d'être envoyé au centre de détention de la Police de Sécurité Intérieure (PSI) à Kigobe, Bujumbura.[42] Dans un cas similaire, la police et l'armée ont arrêté des habitants au cours d'une opération menée à l'aube à la colline de Busoro, Kanyosha (Bujumbura), dont certains qui auraient aidé le FNL pour la dernière fois en 2003.[43]  Si certaines personnes impliquées dans ces incidents ont été relâchées depuis, celles qui sont encore détenues à la PSI attendent d'être présentées à un juge. Certaines personnes ont été transférées à la prison centrale de Bujumbura et des juges devraient poursuivre des investigations pour déterminer si la personne doit être relâchée ou si une date de jugement doit être fixée.

Traitement et situation des déserteurs du FNL

De nombreux combattants du FNL qui ont déserté le mouvement rebelle se sont rendus à des postes de police ou militaires burundais, certains en prévision d'une arrestation de toutes façons, d'autres cherchant à se protéger de problèmes futurs avec le FDN ou de représailles de la part d'autres combattants du FNL qui tentent de pourchasser et de tuer les déserteurs.[44] Beaucoup de ces déserteurs déclarent être fatigués de la guerre et des conditions difficiles et ne plus adhérer aux objectifs du FNL.[45]  Selon des responsables, quatre-vingt déserteurs environ ont été détenus en février dans trois camps, cinquante-trois à la Police de Sécurité Intérieure dans la province de Bubanza,[46] dix-huit au Camp "Défense contre avion" à Kamenge, Bujumbura,[47] et quatre à la Police de Sécurité Intérieure dans la province de Cibitoke, mais le total pour tous les camps et les centres de détention dans toutes les provinces est certainement beaucoup plus élevé.[48]

Le statut juridique des déserteurs du FNL n'est pas clair.[49] Dans une déclaration à la mi décembre 2005, le général Germain Niyoyankana, ministre de la Défense, a affirmé que les déserteurs du FNL avaient volontairement cherché refuge dans des camps et des postes militaires, ce qui est vrai pour certains.[50] D'autres sont détenus contre leur volonté, sans chef d'accusation. Par exemple, quatre jeunes hommes qui avaient d'abord cherché de l'aide auprès du groupe local pour les droits humains APRODH ont plus tard accepté de se rendre à l'armée à la condition qu'ils seraient bien traités. Deux mois plus tard ils étaient encore détenus dans un camp, souffrant de la malaria sans être soignés, mal nourris et enfermés vingt-quatre heures sur vingt-quatre.[51] Ils n'ont été accusés d'aucun crime et ils ont affirmé qu'ils ne craignaient pas de représailles s'ils rentraient chez eux.[52] La police et l'armée utilisent parfois des déserteurs pour obtenir des informations sur le FNL et pour identifier les partisans du FNL dans un village, comme décrit plus haut, et ils ont donc un intérêt à les retenir dans leurs postes. Dans un autre cas, un déserteur a été enlevé par d'anciens combattants du FDD, travaillant apparemment pour l'armée. Il a été détenu pendant deux semaines, battu et interrogé jusqu'à ce que des amis fassent pression et utilisent des pots-de-vin pour le libérer.[53]

Selon le ministre de la Défense Niyoyankana, les déserteurs devaient être transférés des camps et postes militaires et remis à la police pour être hébergés dans deux sites, l'un à Gakungwe, dans la commune de Kabezi, Bujumbura rurale, et l'autre à Buramata dans la province de Bubanza.[54] Lors de rencontres avec Human Rights Watch, le général Niyoyankana a dit que cette procédure était suivie pour tous les combattants FNL capturés au cours des combats, qui seraient accusés de participation à un groupe armé et détenus à la prison centrale.[55] Mais à la mi février, les sites n'étaient pas ouverts ni de dispositions prise pour leur fonctionnement.[56] Sur la question de la durée de la détention des déserteurs dans les camps, le général Niyoyankana a dit que les déserteurs recevraient une formation politique pour les persuader de ne pas rejoindre la rébellion puis relâchés, mais il a remarqué que ceux qui voulaient rester dans les camps pour leur propre protection pourraient le faire.[57]  Human Rights Watch n'est pas informé de la mesure dans laquelle les déserteurs du FNL détenus ont été accusés de délits criminels.

Justice de transition

L'accord de paix de Arusha signé en 2000 prévoyait la création d'une commission vérité et réconciliation et d'une commission judiciaire internationale d'enquête sous les auspices des Nations Unies[58], mais le Conseil de Sécurité des Nations Unies a rejeté ce plan et proposé à la place une commission vérité et un tribunal spécial au sein du système judiciaire burundais.[59]

Initialement, le gouvernement du Burundi semblait prêt à coopérer avec les Nations Unies pour créer ces institutions.[60] Le 26 octobre 2005, le premier vice-président Martin Nduwimana a nommé une commission préparatoire à la commission vérité et réconciliation, mais ne l'a pas mandatée expressément pour s'occuper d'établir une cour judiciaire.[61]  A ce moment-là, les Nations Unies ont signalé qu'elles attendaient pour aider à la création des deux mécanismes de responsabilité,[62] mais au 15 février 2005, la commission n'avait pas encore consulté les représentants compétents des Nations Unies.[63] Elle n'avait pas non plus consulté de Burundais en dehors de la commission, laissant penser que les plus concernés, comme les victimes de la longue guerre civile, pourraient être exclus des délibérations sur les mécanismes à mettre en place.[64]

Recommandations

Au gouvernement du Burundi

-Prendre les mesures nécessaires pour garantir que toutes les forces de sécurité de l'Etat -les forces armées, la police et les services de renseignement- respectent le droit humanitaire et les droits humains internationaux, y compris en matière d'arrestations, de traitement des personnes en détention et de l'interdiction de la torture. Poursuivre les personnes impliquées dans des délits criminels dans le respect des droits internationaux à un procès équitable.

-Donner libre accès à toutes les prisons et autres centres de détention, y compris ceux de la Documentation Nationale, à la mission des Nations Unies au Burundi (ONUB) et aux organisations des droits humains. S'assurer que des civils ne sont pas détenus dans des camps militaires.

-Collaborer avec les Nations Unies pour mettre en place un mécanisme judiciaire afin de traduire en justice les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. S'assurer qu'il existe des mécanismes solides de protection des témoins ainsi que des accords d'extradition.

Au FNL  

-Prendre toutes les mesures appropriées afin que les combattants qui sont sous votre contrôle respectent le droit humanitaire international, et exiger des combattants responsables d'abus qu'ils rendent compte de leurs actes.

Aux Nations Unies

-Continuer de faire pression sur le gouvernement burundais pour qu'il prenne les mesures nécessaires pour que soient tenus pour pleinement responsables les individus coupables de violations graves du droit humanitaire international, y compris en créant une cour spéciale au sein du système judiciaire burundais pour poursuivre ces crimes.

Aux gouvernements des pays bailleurs

-Exhorter le gouvernement burundais à se conformer au droit international humanitaire et des droits humains, en particulier concernant le traitement des personnes en détention et l'interdiction de la torture.

-Utiliser tous les moyens d'influence à votre disposition pour faire pression sur le gouvernement burundais afin qu'il garantisse qu'il soit pleinement rendu compte pour les violations graves du droit humanitaire international, y compris en créant une cour spéciale au sein du système judiciaire burundais pour poursuivre ces crimes.

[1] Le 15 février 2006, par exemple, les combats entre l'armée et le FNL à Rweza (Kanyosha Commune, province rurale de Bujumbura) ont forcé 3500 familles à fuir leurs maisons. Radio Publique Africaine, Radio Transmission, 16 février 2006, et Agence Burundaise de Presse, "La FDN débusque des FNL près de Bujumbura," 16 février 2006.

[2] Le Burundi a ratifié les Conventions de Genève de 1949 en 1971 et le Protocole II en 1993.

[3] Parmi les traités sur les droits humains auxqueles est lié le Burundi, se trouve la Convention Internationale sur les droits politiques et civils, que le Burundi a ratifiée en 1990.

[4] Rapport mensuel de l'ONUB sur les droits humains, décembre 2005.

[5] Entretien de Human Rights Watch, province rurale de Bujumbura, 8 février 2006.

[6]Ibid.

[7] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 13 février 2006.

[8]Ibid.

[9] Rapport mensuel de l'ONUB sur les droits humains, décembre 2005.

[10] La Documentation Nationale, dirigée par le Général Adolphe Nshimirimana, est sous le commandement direct du Président Nkurunziza. La D.N. a un bureau central avec une centre de détention dans le quartier Rohero 1 de Bujumbura. Il y a aussi une petite prison dirigée par la D.N. qui se trouve à côté du bâtiment du procureur général, également à Bujumbura. Des officiers de la police judiciaire mènent des interrogatoires et des enquêtes à la Documentation Nationale. Le général Nshimirimana a aussi une escorte de sécurité qui a été impliquée dans des exécutions sommaires et des tortures au cours des premiers mois du nouveau gouvernement. Voir Human Rights Watch, "Burundi: Faux pas à un moment crucial," un rapport de Human Rights Watch, 4 novembre 2005, [online] http://hrw.org/french/backgrounder/2005/burundi1105/.

[11] Des membres de la JPH apportent une aide logistique et remplissent d'autres tâches pour le FNL. Human Rights Watch a déjà auparavant documenté la façon dont l'appartenance à la JPH avait été fréquemment imposée à des jeunes. Voir Human Rights Watch, "Souffrir en silence : les civils dans la guerre à Bujumbura rural," un document d'information de  Human Rights Watch, juin 2004, [online] http://hrw.org/french/backgrounder/2004/burundi/.  

[12] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 1 et 9 décembre, 2005.

[13] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 16 décembre 2005.

[14] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 9 décembre, 2005.

[15] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 21 et 22 décembre 2005.

[16] Entretiens de Human Rights Watch, province rurale de Bujumbura, 3 et 8 février 2006.

[17] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 16 février 2006.

[18]Ibid.

[19]Ibid.

[20] Ibid.

[21] Voir Human Rights Watch, "Burundi : Faux pas à un moment crucial."

[22]Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura et province rurale de Bujumbura, 13 et 16 décembre 2005, 27 janvier et 17 février 2006.

[23] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 13 décembre 2005.

[24] Entretien de Human Rights Watch, province rurale de Bujumbura, 27 janvier 2006.

[25] Les visites des contrôleurs de l'ONUB aux droits humains ont été supprimées par les autorités de la Documentation Nationale ou ces autorités ont omis d'être présentes pour autoriser les enquêteurs les 18, 20 et 23 janvier 2006. Les tentatives de visites communes de Human Rights Watch et des contrôleurs de l'ONUB aux droits humains ont également échoué pour des raisons similaires le 12 et le 14 février 2006.

[26] Entretien de Human Rights Watch avec Lt. Col. Léonidas Kiziba, Bujumbura, 27 janvier 2006.

[27] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 17 février 2006.

[28]Ibid. 

[29] Entretien de Human Rights Watch, province de Cibitoke, 26 janvier 2006.

[30]Ibid.

[31]Ibid.

[32]Ibid.

[33]Entretiens de Human Rights Watch avec le Commissaire de Police Paul Mirerekano, province de Cibitoke, 26 janvier et 14 février 2006.

[34] Entretien de Human Rights Watch, province de Cibitoke, 14 février 2006.

[35]Ibid.

[36]Ibid.

[37] Human Rights Watch, "Burundi: Faux pas à un moment crucial."

[38] Loi No 1/015 du 20 juillet 1999 portant réforme du code de procédure pénale, article 60 et Chapitre IX. Selon la procédure criminelle burundaise, une personne peut être détenue pour une durée maximum d'une semaine, prolongée à deux semaines en cas "prorogation indispensable" par la police judiciaire, mais elle doit alors être relâchée ou être inculpée.

[39] Convention Internationale sur les droits civils et politiques, article 9 (interdiction de détention et d'arrestation arbitraire).

[40] Second Protocole Additionnel de 1977 des Conventions de Genève (Protocole II), art. 4(2)(b). 

[41] Entretien de Human Rights Watch, province rurale de Bujumbura, 3 février 2006.

[42]Ibid.

[43] Il y a deux endroits appelés Kanyosha. Il s'agit ici d'un quartier de la ville de Bujumbura, et non de la commune de la province rurale de Bujumbura. Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 3 février 2006.

[44] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 14 et 16 septembre 2005.

[45] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 21 décembre 2005, et province de Cibitoke, 26 janvier 2006.

[46] Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec la Section des droits humains de l'ONUB, 17 février 2006.

[47] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 9 février 2006.

[48]Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 15 février 2006.

[49] Les combattants capturés (y compris les déserteurs) dans un conflit armé non international peuvent être inculpés de délits criminels, tels que rébellion, détention d'armes ou autres délits, et poursuivis en accord avec les règles internationales de procès équitable.  Ils doivent être en toutes occasions traités humainement.  Protocole II, articles 5 & 6; voir plus généralement, Comité International de la Croix Rouge, Customary International Humanitarian Law (Cambridge 2005), chapitre 37 ("Personnes privées de liberté").

[50] "Le ministre de la Défense juge positive la campagne offensive contre le Palipehutu-FNL," Agence Burundaise de Presse, 15 décembre 2005.

[51] Entretiens de Human Rights Watch, Bujumbura, 21 décembre 2005 et 8 février 2006 ; Radio Isanganiro, Journal d'information du matin, 22 décembre 2005.

[52] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 8 février 2006.

[53] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 16 septembre 2005.

[54] "Le ministre de la Défense juge positive la campagne offensive contre le Palipehutu-FNL," Agence Burundaise de Presse, 15 décembre 2005.

[55] Entretien de Human Rights Watch avec le général Germain Niyoyankana, Bujumbura, 13 février 2006.

[56] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 14 février 2006.

[57] Entretien de Human Rights Watch, Bujumbura, 13 février 2006.

[58] La loi burundaise de 2003 contre le génocide, les crimes de guerre et crimes contre l'humanité spécifie qu'une commission judiciaire internationale d'enquête doit déterminer si l'un de ces crimes a été commis. La décision du Conseil de Sécurité de ne pas établir une telle commission rend apparemment cet accord nul et non avenu, qui est fondamental pour les poursuites dans le cadre de la loi de 2003. Le Burundi doit donc adopter une nouvelle loi immédiatement afin de rendre possibles les poursuites contre ces crimes par les tribunaux burundais. Voir Loi no. 1/004 du 8 mai 2003 portant répression du crime de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre.

[59] Lettre datée du 11 mars 2005 du Secrétaire général et adressée au Président du Conseil de sécurité; résolution 1606 du Conseil de sécurité des Nations Unies, 20 juin 2005.

[60] "Le gouvernement est satisfait de la résolution des Nations Unies sur la commission vérité" Réseau intégré d'information régionale des Nations Unies (IRIN), Burundi, 22 juin 2005.

[61]Arrêté du 1er vice-président (n° 120/VP1/01/05) du 26 octobre 2005 qui nomme la "Délégation gouvernementale chargée de négocier avec l'ONUB la mise en place de la CNVR." Cette commission est chargée de définir les termes de référence, le calendrier et autres détails opérationnels de la commission vérité et réconciliation.

[62] "Les Nations Unies et le Burundi vont entamer les discussions préparatoires sur la Commission de vérité postérieure aux conflits," Service des informations des Nations Unies, 14 octobre 2005. 

[63] Confirmé par Patrick Gavigan, directeur de l'Autorité de la loi, ONUB, par courrier électronique à Human Rights Watch, 15 février 2006.

[64] Entretiens de Human Rights Watch avec la Chef de Cabinet Béatrice Ntahe, Bujumbura, 2 décembre 2005 et 17 février 2006.