En quête de justice

Poursuivre les auteurs de violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo

En quête de justice

Poursuivre les auteurs de violences sexuelles commises pendant la guerre au Congo

Résumé
Recommandations
Au gouvernement congolais:
Aux groupes armés opérant dans l'Est du Congo:
Aux Nations Unies, aux agences multilatérales bailleurs de fonds et aux gouvernements bailleurs de fonds:
Au Conseil de Sécurité des Nations Unies:
A la CPI:
La violence sexuelle dans la guerre au Congo: un crime persistant
Types de violence sexuelle
Dans l'attente d'une paix future: la violence sexuelle après juin 2003
Le viol des hommes et des garçons
Le cadre juridique des poursuites
Droit international humanitaire
Droit international des droits humains
La justice militaire congolaise
Le Code criminel congolais
En quête d'une justice punissant les auteurs de viols et autres crimes sexuels
Poursuites pour violences sexuelles en Ituri
Poursuites contre un soldat du RCD-Goma: précédent ou violation des droits humains?
Autres condamnations pour crimes de violence sexuelle dans des zones contrôlées par le RCD-Goma
Les obstacles aux poursuites
Envers et contre tout: les victimes veulent que justice soit faite
Les autorités ne rendent pas la justice
Le manque de protection
Les problèmes généraux du système judiciaire
La voie du progrès
L'aide aux victimes
L'urgence médicale
Réadaptation psychologique et sociale
Assistance juridique
La réaction de la communauté internationale
Assistance médicale
Assistance juridique et réforme de l'appareil judiciaire
Justice internationale: l'enquête de la CPI au Congo
Le contrôle des droits humains et la protection des civils par la MONUC..
Annexe: Qui sont les combattants en présence dans l'Est du Congo?
Remerciements

Résumé

Au cours des cinq années de conflit armé en République Démocratique du Congo, des dizaines de milliers de femmes et de filles ont été victimes de crimes de violence sexuelle dans la partie Est du pays. La signature d'un accord de paix en 2002 et la mise en place d'un gouvernement de transition en 2003 avaient fait naître l'espoir que le conflit militaire et les exactions qui y étaient associées prendraient fin. Mais dans l'Est du Congo, des femmes et des filles –parfois âgées de trois ans seulement– ont continué à être la cible de crimes de violence sexuelle. Certaines ont subi des viols collectifs ou ont été enlevées par des combattants pour servir d'esclaves sexuelles pendant de longues périodes. D'autres ont été mutilées ou grièvement blessées par des objets introduits dans leur vagin. D'autres encore qui s'étaient défendues lors de l'agression ont été tuées. Dans un certain nombre de cas, des hommes et des garçons ont également été victimes de crimes de violence sexuelle.

Comme l'explique le présent rapport, les auteurs de violences sexuelles appartiennent pratiquement à toutes les forces et groupes armés qui opèrent dans l'Est du Congo. De tels crimes ont été commis par l'ex-Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma), un groupe armé appuyé par le Rwanda et qui contrôlait de vastes secteurs  de l'Est du Congo pendant la guerre. Le RCD-Goma et ses alliés rwandais avaient un certain nombre d'adversaires – les rebelles Maï Maï et les groupes armés hutus burundais et rwandais – qui ont également perpétré de façon généralisée des actes de violence sexuelle. Plus au nord-est, d'autres groupes armés se sont battus pour le contrôle du territoire et se sont également rendus coupables d'actes de violence sexuelle fréquents. Citons notamment le Rassemblement Congolais pour la Démocratie – Kisangani – Mouvement de Libération (RCD-ML), le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), l'Union des Patriotes Congolais (UPC) et le Front Nationaliste Intégrationniste (FNI) dans la région d'Ituri. Des membres de l'ancienne armée gouvernementale, les Forces Armées Congolaises (FAC) et de la nouvelle armée nationale connue sous le nom de Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) sont également coupables d'abus sexuels.

Les victimes de crimes de violence sexuelle ont des besoins énormes en matière de prise en charge médicale, psychologique et sociale; si ces besoins ne sont pas rencontrés, il leur est difficile de s'engager dans une action et de persévérer dans leur effort pour traduire en justice les auteurs des crimes. Les organisations non gouvernementales (ONG) congolaises ont été les premières à aider les victimes mais aujourd'hui, diverses agences et ONG internationales apportent un soutien croissant. Les services offerts maintenant dans quelques communautés comprennent une assistance pour entamer une action en justice contre les personnes soupçonnées d'être responsables des actes de violence sexuelle.

Dans le passé, les femmes et les filles qui avaient été violées gardaient généralement le silence, craignant d'être stigmatisées. Beaucoup redoutaient les représailles des coupables si elles dénonçaient leurs crimes. Mais au cours des deux dernières années, un petit nombre de victimes de violence sexuelle s'est tourné vers le système judiciaire congolais pour réclamer justice. Le présent rapport décrit les efforts qui ont été faits en ce sens et les raisons pour lesquelles ils ont souvent échoué, notamment les lacunes de la législation, le manque de volonté des responsables militaires et autres de traiter la violence sexuelle comme un délit grave, l'absence de protection des victimes ainsi que divers obstacles logistiques et financiers liés à l'état de délabrement du système judiciaire.

Le rapport examine par ailleurs les quelques rares poursuites qui ont abouti à la condamnation des personnes accusées de crimes de violence sexuelle et il décrit les déficiences qui ont conduit à des violations du droit de l'accusé à un procès équitable. En outre, il parle de l'attention insuffisante prêtée aux besoins des victimes et à l'absence de protection pour les victimes et les témoins. Il dénonce également le non-examen par les auditeurs militaires de la culpabilité et de la responsabilité de commandement des officiers supérieurs lorsque la violence sexuelle faisait partie de crimes régulièrement commis sous leur commandement.

Le gouvernement congolais, confronté à la lourde tâche de rendre la justice pour les nombreux crimes commis pendant la guerre, a commencé à reconstruire le système judiciaire disloqué. Son succès le plus marquant à ce jour a été la remise en marche d'un tribunal à Bunia, dans le district d'Ituri en Province Orientale. Le présent rapport décrit les poursuites qui ont abouti à dix condamnations pour viol par ce tribunal. Il examine les réformes qu'il faudrait introduire dans la loi et dans le fonctionnement du système judiciaire, notamment offrir une protection suffisante aux victimes et aux témoins.

En tant que partie au Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI), le Congo a renvoyé des crimes qui relèvent de la compétence de la Cour devant le procureur de la CPI qui a lancé une enquête. Ce fait nouveau constitue un réel espoir de justice pour le peuple congolais. Les crimes graves impliquant des violences sexuelles sont d'une telle ampleur qu'ils devraient être l'un des volets prioritaires de cette enquête. Cependant, la CPI ne sera en mesure d'enquêter que sur un nombre très limité de personnes qui portent la plus grande part de responsabilité dans les graves crimes commis au Congo. Ce sont les tribunaux nationaux qui devront donc traiter la majorité des délits perpétrés pendant la guerre.

Les bailleurs de fonds internationaux et les Nations Unies (ONU) apportent une assistance aux victimes mais celle-ci n'est pas suffisante pour répondre aux besoins accablants posés par la crise. L'Union européenne (U.E.) a apporté son soutien aux réformes du système judiciaire, en particulier à l'effort fait pour rouvrir le tribunal en Ituri.

Une opération de maintien de la paix de l'ONU, connue sous le nom de Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC), a été envoyée pour superviser le processus de paix et protéger les civils. Au cours des derniers mois, le personnel des droits de l'homme de la MONUC a recueilli des informations qu'il a rendues publiques sur de graves cas de violations des droits humains et il a, en certaines circonstances, aidé les victimes de crimes de violence sexuelle à engager des poursuites judiciaires. Néanmoins, la MONUC a souvent failli à sa mission de protection des civils, notamment ceux qui sont la cible de violences sexuelles. Pire encore, certains soldats de la paix de la MONUC et des membres du personnel civil ont discrédité l'opération et l'ONU en général en commettant des crimes de violence sexuelle et en exploitant sexuellement des femmes et des filles.

 

Le présent rapport est basé sur des recherches effectuées au Nord Kivu, au Sud Kivu et en Ituri en 2003 et 2004, notamment des entretiens avec des victimes de violences sexuelles, des parents de victimes, des représentants des autorités judiciaires, des responsables politiques et des avocats. Le personnel des organisations non gouvernementales locales et internationales et de diverses agences de l'ONU a par ailleurs été largement consulté. Dans le souci de préserver la sécurité des victimes et de leurs familles, tous les noms apparaissant ici ne sont que des pseudonymes.

Recommandations

Au gouvernement congolais:

·Faire respecter le droit international humanitaire (les lois de la guerre) par tous les membres des forces armées, en particulier ce qui concerne le traitement des civils.

·Faire en sorte que le système de justice militaire mène des enquêtes approfondies sur les accusations de violences sexuelles commises par des membres des forces armées et qu'il poursuive les responsables. Renvoyer les dossiers devant les tribunaux civils si ceux-ci sont plus à même de rendre une justice compétente, indépendante et impartiale. Les poursuites ne devraient pas seulement viser les responsables directs des délits mais également la complicité et la responsabilité de commandement des officiers supérieurs.

·Renvoyer de l'armée les auteurs de violences sexuelles et soumettre à une sélection minutieuse les personnes proposées aux postes impliquant une responsabilité de commandement afin de s'assurer qu'elles n'ont pas commis de violations du droit international humanitaire, notamment des crimes de violence sexuelle.

·Offrir aux membres des forces armées une formation sur le droit des droits humains, le droit humanitaire et la prévention du VIH/SIDA.

Développer une politique de santé publique qui prend en compte la violence sexuelle

·Mettre sur pied une Commission ministérielle sur la violence sexuelle, composée des ministres de la condition de la femme, des droits humains, de la santé, de la défense et de la justice, afin d'élaborer et d'adopter un plan national visant l'appréhension du problème de la violence sexuelle de façon globale.

·Offrir aux victimes de violences sexuelles des services de santé suffisants et adaptés. Ces services devraient comprendre une prise en charge psychologique adéquate, des tests de dépistage volontaires et le traitement des personnes affectées par le VIH/SIDA. Définir des critères clairs pour la sélection des bénéficiaires et concevoir des services offrant l'aide de professionnels. Coopérer avec les bailleurs de fonds qui s'efforcent de fournir une assistance psychologique et médicale professionnelle et coordonnée aux victimes de violences sexuelles.

·Mener des actions pour prévenir la propagation du VIH/SIDA parmi les victimes de violences sexuelles et traiter celles qui sont infectées. Veiller notamment à ce que les traitements prophylactiques post-exposition (PPE) et les médicaments pour la prévention de la transmission de la mère à l'enfant soient disponibles pour les patients lorsqu'il le faut. Fournir des informations à propos du VIH/SIDA, des services médicaux disponibles et offrir un dépistage volontaire et confidentiel du VIH ainsi qu'une assistance psychologique. Améliorer le traitement des infections opportunistes des patients séropositifs et malades du SIDA.

·Etablir un protocole national de référence reprenant les principes des protocoles de référence de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) relatifs aux examens médicaux qui ont lieu suite à une agression sexuelle sur des adultes et des enfants. Exiger des hôpitaux et des centres médicaux le respect des règles ainsi établies.

Réformer la justice pour permettre des poursuites équitables contre les auteurs de crimes de violence sexuelle

·Former le personnel policier et judiciaire sur les méthodes à utiliser pour recueillir et analyser les preuves, notamment les preuves médico-légales, dans les cas de violence sexuelle; octroyer au personnel les fonds suffisants pour mener à bien ses tâches.

·Accroître le nombre de magistrats et d'officiers de police judiciaire spécialisés dans la conduite d'enquêtes sur les crimes de violence sexuelle et dans la poursuite des auteurs de tels crimes. Envisager de créer des unités spéciales pour les droits de la femme au sein de la police judiciaire et des bureaux des procureurs.

·Faire en sorte que tous les procès respectent les règles de procédure équitable reconnues au niveau international. Le personnel policier et judiciaire doit prendre toutes les mesures qui s'imposent pour assurer la sécurité des victimes et des témoins, notamment organiser des audiences à huis clos, s'il y a lieu, et fournir une protection policière.

·Faire en sorte que le personnel de la police, du ministère public et de la justice soit formé pour travailler avec les victimes et les témoins qui ont été traumatisés et qu'il fournisse les informations adéquates à propos des procédures.

·Veiller à ce que tous les mineurs soient jugés dans des Chambres d'enfance délinquante et que ces chambres accordent la priorité aux programmes de réinsertion sociale plutôt qu'aux peines de prison pour les mineurs qui ont commis des actes de violence sexuelle.

·Faire de la reconstruction et de la réforme de la justice une priorité et veiller à la coopération de cette institution avec les autorités internationales qui enquêtent sur les violations du droit international humanitaire. Mettre sur pied des équipes d'enquêteurs mobiles pour que les poursuites contre les auteurs de crimes puissent être engagées rapidement.

Créer un cadre juridique qui traite la violence sexuelle commise en temps de conflit comme un crime international

·Adopter de toute urgence la loi de mise en œuvre du Statut de la CPI dans la législation nationale congolaise. Cette loi codifie les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, notamment les crimes sexuels, et elle étend la compétence de la justice civile aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité perpétrés par des membres des forces armées.

·Réviser la loi sur le viol du Code criminel congolais ou adopter une loi qui traite de la violence sexuelle plus globalement, afin d'y inclure des crimes sexuels tels que la pénétration avec des objets ainsi que le viol d'hommes et de garçons.

·Incorporer les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité dans le Code criminel congolais, en précisant notamment que les crimes de violence sexuelle et autres crimes fondés sur le genre constituent des crimes de guerre.

·Réviser le Code criminel congolais afin de prévoir des mesures de protection spécifiques pour les victimes de violences sexuelles, notamment garantir la confidentialité des dépositions des victimes et des témoins et établir un système de protection physique avant, pendant et après le procès.

Traiter le problème de la violence sexuelle faite aux hommes et aux garçons

·Evaluer l'étendue des crimes sexuels commis contre les hommes et garçons et mettre au point une stratégie pour sensibiliser au problème, offrir une assistance médicale et psychologique aux victimes et poursuivre les auteurs de ces crimes.

Aux groupes armés opérant dans l'Est du Congo:

·Prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que tous les combattants et autres individus placés sous votre commandement agissent en respectant pleinement le droit international humanitaire. Livrer au personnel judiciaire congolais les combattants soupçonnés d'avoir commis des crimes, notamment des actes de violence sexuelle.

Aux Nations Unies, aux agences multilatérales bailleurs de fonds et aux gouvernements bailleurs de fonds:

·Accroître considérablement l'aide destinée à l'assistance médicale, psychologique, sociale et juridique aux victimes de violences sexuelles.

·Fournir une assistance au gouvernement congolais pour réformer et reconstruire le système judiciaire et aider les femmes et les filles victimes de violences sexuelles à porter leur affaire devant un tribunal. Insister pour que les membres de la société civile congolaise participent aux prises de décisions relatives à la réforme de la justice.

·Faire en sorte qu'un processus de contrôle strict soit mis en œuvre dans tous les programmes militaires d'intégration financés par les bailleurs de fonds.

·S'assurer que la formation militaire appuyée financièrement par les bailleurs de fonds comprend une formation en droit international humanitaire, notamment sur l'interdiction des crimes de violence sexuelle.

·Soutenir les efforts faits par le gouvernement congolais pour fournir une assistance médicale et psychologique aux victimes de crimes de violence sexuelle, notamment à celles souffrant du VIH/SIDA et aux enfants mis au monde suite à un viol.

Au Conseil de Sécurité des Nations Unies:

·Créer un groupe mixte d'experts nommés par le Secrétaire Général de l'ONU, chargé de recommander la mise en place de possibles mécanismes judiciaires permettant de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité perpétrés avant l'entrée en vigueur, en juillet 2002, du Statut de Rome de la CPI. 

·S'assurer que la MONUC, en vertu de son mandat élargi stipulé au Chapitre VII, fait tout ce qui est en son pouvoir pour protéger les civils contre les attaques, notamment les agressions sexuelles.

A la CPI:

·S'assurer que les crimes de violence sexuelle commis dans l'Est du Congo qui constituent des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité soient considérés comme une priorité dans les enquêtes et les poursuites judiciaires. 

La violence sexuelle dans la guerre au Congo: un crime persistant

Au cours des cinq années de conflit armé en République Démocratique du Congo (RDC ou Congo), des dizaines de milliers de femmes et de filles[1] ont été violées ou ont subi des violences sexuelles.[2] Les victimes dont Human Rights Watch a examiné le cas n'avaient parfois pas plus de trois ans. Dans un certain nombre de cas, des hommes et des garçons ont également été violés ou agressés sexuellement. L'Organisation Mondiale de la Santé a mené une enquête sur l'incidence du viol dans deux provinces, le Sud Kivu et le Maniema, et dans deux villes, Goma (province du Nord Kivu) et Kalémie (province du Katanga) et elle en a conclu que quelque quarante mille personnes avaient été violées.[3]

Des combattants de la plupart des armées et groupes armés présents à l'Est du Congo ont commis des actes de violence sexuelle tant avant qu'après la mise en place du gouvernement de transition.[4] Les présumés auteurs de ces actes sont notamment des combattants des anciens mouvements rebelles, le RCD-Goma, le MLC et le RCD-ML, ainsi que des soldats de l'ex-armée nationale, les FAC, qui sont tous supposés faire aujourd'hui partie d'une armée congolaise intégrée. Sont également impliqués dans ces violences des combattants de groupes armés locaux, les Maï Maï (groupes résistant à tout contrôle extérieur), des groupes armés hutus burundais et rwandais et les groupes ethniques basés en Ituri, l'UPC et le FNI.[5] Il est rare que les autorités judiciaires civiles et militaires et les dirigeants des groupes armés aient puni les auteurs de ces crimes. A l'occasion, les commandants militaires et les chefs de groupes armés semblent même avoir encouragé le recours à la violence sexuelle afin de terroriser les civils.

Suite à de très longues négociations, la fin de la guerre a été déclarée et un gouvernement de transition a été mis en place en juin 2003. Mais les opérations militaires se sont poursuivies dans l'Est du Congo et en décembre 2004, donc tout récemment, les civils subissaient encore des attaques, notamment des actes de violence sexuelle. A la fin 2004, l'arrangement difficile pour le partage du pouvoir entre les anciens belligérants a commencé à vaciller et deux des principaux partenaires étaient prêts à quitter le gouvernement. Les forces militaires sont toujours fidèles aux mouvements rebelles qui les ont fait naître et ne sont intégrées qu'en théorie dans la nouvelle armée nationale, les FARDC. Des forces mutines du RCD-Goma se sont rebellées en juin et à nouveau en décembre 2004 contre ceux qui étaient censés les commander. En général, les groupes armés locaux continuent à contrôler leurs secteurs, faisant peu de cas des fonctionnaires du gouvernement national. En Ituri, un district fort disputé de la Province Orientale,[6] des groupes armés fondés sur l'appartenance ethnique continuent à se battre entre eux ainsi que contre des soldats de l'armée nationale et la MONUC, la force de maintien de la paix de l'ONU. Selon des panels d'experts onusiens –l'un sur l'exploitation des ressources, l'autre sur les violations de l'embargo sur les armes imposé par les Nations Unies dans l'Est du Congo, – des responsables des pays voisins que sont le Rwanda et l'Ouganda aident plusieurs de ces groupes armés, encourageant ainsi la poursuite du conflit armé.[7]

Les cas présentés ici illustrent différents types de violence sexuelle ainsi que la nature généralisée de ces crimes, à la fois d'un point de vue géographique et numérique.

Types de violence sexuelle

Plusieurs types d'abus sexuels contre les civils ont été constatés.[8] Des soldats et combattants rebelles ont perpétré des actes de violence sexuelle dans le contexte de confrontations militaires afin d'effrayer la population civile et la forcer ainsi à se soumettre, mais aussi afin de la punir pour avoir soi-disant appuyé les forces ennemies ou encore afin de satisfaire les combattants, parfois après une défaite. En Ituri, où des groupes armés de différentes ethnies se battent depuis des années, les combattants utilisent souvent la violence sexuelle à l'encontre de personnes d'autres groupes ethniques considérés ennemis.[9] Selon les estimations fournies en octobre 2004 par des agences humanitaires, de huit à dix personnes étaient violées chaque jour dans la ville de Bunia et un nombre limité d'autres localités d'Ituri.[10] Comme le faisait remarquer la représentante d'une ONG de femmes, "Nous pourrions remplir toute une bibliothèque avec des ouvrages consacrés à l'utilisation du viol ici en Ituri. C'est trop horrible. Nous devons maintenant vivre avec tout cet héritage et je ne sais pas comment nous allons y parvenir."[11]

Les combattants, seuls ou en petits groupes, ont commis des agressions lorsque l'occasion se présentait, prenant pour cible des femmes et des filles qui étaient chez elles ou qui vaquaient à leurs activités quotidiennes, se rendaient à pied au marché ou cultivaient leurs champs. Les cas de violence sexuelle étaient devenus tellement fréquents dans certains secteurs que les femmes et les filles ont cessé de travailler au champ ou d'aller au marché, elles se cachaient dans la forêt la nuit au lieu de dormir chez elles et parfois, elles ont carrément quitté le secteur.

Les combattants vivant dans la forêt ont enlevé des femmes et des filles et les ont gardées dans leurs camps, parfois pendant des mois entiers, pour qu'elles fournissent des services sexuels et autres services traditionnellement considérés comme étant du "travail de femme" – cuisiner, nettoyer et aller chercher de l'eau ou du bois.[12] Par exemple, pendant la guerre, les rebelles Maï Maï ont maintenu en captivité un grand nombre de femmes dans la région de Shabunda au Sud Kivu et à Masisi au Nord Kivu. Les rebelles hutus rwandais ont enlevé des femmes et des filles et les ont emmenées à leurs bases dans la forêt de Kahuzi-Biega. Les rebelles burundais des Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD) ont retenu des femmes et des filles dans la forêt de Rukoko, dans la vallée de Rusizi au Sud Kivu.

Dans l'attente d'une paix future: la violence sexuelle après juin 2003

Malgré la mise en place d'un gouvernement de transition prétendument unifié, la violence dans l'Est du Congo persiste. Des femmes et des filles, attendant toujours la paix promise, continuent d'être victimes d'agressions sexuelles commises par les combattants. En plus, elles sont devenues la proie de vulgaires criminels qui commettraient de plus en plus d'actes de violence sexuelle dans certaines régions du Nord Kivu.[13]

En septembre 2004, le Centre Olame, un centre catholique pour femmes de Bukavu, recevait chaque mois plus de deux cents nouveaux cas de violences sexuelles provenant de différentes parties du Sud Kivu, ce qui représente une forte augmentation par rapport à la fin 2002 où le centre recevait environ cinquante cas par mois.[14] Entre janvier et mai 2004, l'hôpital de Panzi, également à Bukavu, a traité 1.124 victimes de violence sexuelle.[15] Entre août 2003 et janvier 2004, l'hôpital de Médecins Sans Frontières dans la petite ville de Baraka a traité plus de 550 victimes de viol, dont beaucoup avaient été agressées sexuellement après juin 2003.[16] Baraka est située dans le territoire de Fizi, dans la province du Sud Kivu, qui a été le théâtre de combats intenses et de graves exactions au cours de la guerre. 

Les forces dissidentes du RCD-Goma sous le commandement du Colonel Mutebutsi et du Général Nkunda, mai-juin 2004

Le 26 mai 2004, un officier mutin, le Col. Jules Mutebutsi, s'est soulevé contre l'armée gouvernementale nouvellement créée. Avec un autre dissident, le Gén. Laurent Nkunda, et – selon un rapport de l'ONU – avec l'appui d'officiers de l'armée rwandaise, Mutebutsi a mené ses forces à Bukavu dont il a pris le contrôle le 2 juin 2004.[17]

Les mutins sont allés de maison en maison à Bukavu, violant et pillant. Bon nombre de femmes et de filles qui craignaient d'être violées se sont enfuies pour se cacher. A Kadutu, un quartier de Bukavu, une centaine de femmes et de filles ont trouvé refuge dans une église du coin, portant sur elles des couches supplémentaires de vêtements pour décourager les violeurs potentiels.

Le 3 juin, les combattants ont fait irruption dans une maison où se cachaient quatre adolescentes. Ils ont trouvé les filles, leur ont réclamé de l'argent et ils les ont ensuite violées, chacune à plusieurs reprises. Dans un autre incident survenu le même jour, six soldats mutins du RCD-Goma ont violé une femme sous les yeux de son mari et de ses enfants, tandis qu'un autre soldat violait sa fille de trois ans. Après le viol, les combattants ont pillé la maison, emportant la plupart des biens de la famille. Dans un autre cas, le 4 juin, six combattants ont violé deux fillettes de trois ans qui se cachaient avec dix autres femmes et filles. Ils auraient déclaré aux femmes, "Nous allons vous montrer que ces filles sont des femmes comme vous."[18]

Cent soixante-neuf femmes et filles qui avaient subi des violences sexuelles lors des combats de mai et juin ont cherché de l'aide au Centre Olame entre juin et septembre 2004. Cent dix-sept ont dit avoir été attaquées par des combattants des forces de Mutebutsi et de Nkunda.[19] Cinquante-huit victimes de violences sexuelles commises en mai et juin avaient demandé de l'aide à l'hôpital de Panzi à la fin juillet, selon les déclarations du personnel.[20]

Les forces dissidentes sous le commandement de Nkunda, basées dans la région de Goma, se sont également livrées à des actes de violence sexuelle dans des villages à l'extérieur de Bukavu les jours qui ont précédé leur attaque de la ville. Léonie W.,[21] une femme d'âge moyen de Minova, une petite ville située sur la route menant de Goma à Bukavu, a décrit les abus sexuels commis sur ses nièces à la fin mai:

Ma sœur aînée a été tuée dans une balle perdue. Ses trois filles ont été violées dans les champs, elles avaient treize, quatorze et dix-huit ans. Celle de treize ans est décédée. Quatre hommes l'ont violée. Ils lui ont écarté les bras et les jambes et l'ont maintenue par terre. Au départ, j'étais avec elle mais je me suis cachée dans un bananier et j'ai regardé ce qui se passait. Après cela, elle a commencé à vomir du sang, nous l'avons emmenée à l'hôpital de Kirotshe mais elle est morte deux jours plus tard. Nous avons une dette de 18$ envers l'hôpital mais nous ne savons pas comment nous la paierons. Mes deux autres nièces ont été emmenées à Bunia par l'Eglise pour recevoir des soins médicaux. Elles avaient été violées ailleurs; quand elles sont rentrées à la maison, elles avaient déjà été violées.[22]

Le 30 mai 2004, trois femmes qui se trouvaient dans la ville de Katana, à une trentaine de kilomètres au nord de Bukavu, ont été violées par des soldats de Nkunda. L'une d'entre elles a été violée par cinq combattants. Les hommes ont aussi systématiquement pillé les maisons à Katana et dans les environs.[23] Selon les habitants de Minova, les soldats de Nkunda ont violé d'autres femmes et d'autres filles lorsqu'ils se retiraient de Bukavu pour se replier sur Minova.[24] Dans l'un des cas, ils ont violé une mère et son enfant de huit ans. La fillette est décédée des suites de ses blessures quelques jours plus tard.[25] Une autre femme a été violée par quatre combattants.[26] Certaines avaient trop peur pour dormir dans leurs propres maisons la nuit et d'autres ont fui à Goma, une plus grande ville, en quête de sécurité.

Interrogé à propos des nombreuses accusations de viol mettant en cause ses soldats, le Général Nkunda a nié avoir entendu parler de cas de ce genre.[27] Aucune enquête ni aucune arrestation de soldats n'a été rapportée pour les crimes commis à Bukavu.

Autres actes de violence et d'exploitation sexuelles commis par d'anciens membres du RCD-Goma

Le 31 août 2003, un soldat du RCD-Goma a agressé et violé Marianne L., âgée de vingt ans, dans la ville de Bunyakiri, au nord-ouest de Bukavu.[28]. Il l'avait d'abord abordée dans la rue aux alentours de 7 heures du matin et lui avait demandé d'avoir des rapports sexuels avec lui. Devant son refus, il lui a tiré deux balles dans la jambe. Alors qu'elle s'écroulait par terre, il a tiré en l'air pour effrayer les spectateurs, puis il l'a violée et l'a ensuite menacée de la tuer. Marianne a agrippé son arme et d'autres personnes sont venues l'aider. Le soldat s'est enfui, abandonnant son arme et son béret militaire. Marianne L. a été emmenée à l'hôpital où elle a dû être amputée de la jambe sous le genou.

A la mi-2003, le RCD-Goma entraînait des filles et des garçons dans un centre d'entraînement militaire appelé Nyamunyunu dans le Sud Kivu. Certaines de ces filles, qui provenaient de familles très pauvres, avaient rejoint le RCD-Goma en quête de sécurité. Mais les soldats du RCD-Goma ont violé certaines filles. Dans d'autres cas, les filles étaient forcées d'avoir des relations sexuelles parce qu'elles avaient peur ou pour s'assurer les moyens nécessaires pour survivre. Anne M., âgée de quatorze ans, a raconté à une chercheuse de Human Rights Watch qu'elle était tombée enceinte après avoir été violée par un commandant du RCD-Goma. Elle a expliqué,

Il m'a envoyée dans sa maison pour chercher de la nourriture. Puis il est entré et m'a demandé de l'aider à faire le lit. Ensuite il a fermé la porte et m'a attrapée. D'autres soldats sont alors arrivés pour fermer la porte pour qu'il puisse terminer ce qu'il voulait faire. C'était la première et la seule fois. Il ne m'a rien dit après cela. Avant, le commandant avait toujours dit qu'il m'épouserait après la formation. Je lui avais dit qu'il devrait donner une dot à ma famille. Les gens de la MONUC étaient venus [pour organiser la démobilisation des mineurs], c'est après cela qu'il m'a prise de force parce qu'il s'est rendu compte que nous allions bientôt partir…
Il y avait une autre fille au camp qui avait le même problème avec son commandant mais une fois l'entraînement terminé, ils se sont mariés. Elle avait dix-huit ans. Elle était satisfaite; elle est encore au camp. Une des autres filles a aussi été prise de force.[29]

 

En août 2003, la MONUC a organisé la libération des enfants de moins de dix-huit ans du camp d'entraînement.[30]

Les actes de violence sexuelle commis par les Forces de Défense Locales au Nord Kivu

Les Forces de Défense Locales (LDF) ont été mises sur pied en 1999 en tant que force auxiliaire du RCD-Goma. Sous le gouvernement de transition, elles ont continué à opérer au Nord Kivu comme milice privée sous le contrôle du gouverneur actuel, Eugène Serufuli. Beaucoup de recrues étaient des enfants et les soldats du RCD-Goma ne leur ont donné qu'une formation rudimentaire. Ils étaient en théorie sous le commandement d'autorités civiles nommées par Serufuli. En février 2004, Serufuli a annoncé que les LDF seraient dissoutes et que ses soldats seraient incorporés au sein de l'armée et de la police nationale ou qu'ils seraient démobilisés. Mais bon nombre de soldats des LDF semblent continuer à opérer sous le commandement d'autorités civiles et même ceux qui sont prétendument intégrés dans l'armée seraient encore fidèles au gouverneur.[31]

Les habitants du Nord Kivu se plaignent des nombreuses exactions commises par des membres des Forces de Défense Locales, notamment des viols. Le matin du 28 août 2003, cinq membres des LDF ont attaqué Marie T., une étudiante en couture âgée de dix-sept ans, alors qu'elle se rendait à des funérailles dans son quartier à Goma. Elle a déclaré que les cinq hommes, qu'elle a identifié comme appartenant aux LDF en raison de leurs uniformes khakis et de leurs bottes en plastique, l'ont frappée et lui ont donné des coups de pied avant de la violer. Elle a dit,

J'étais en première année de couture mais j'ai quitté l'école à cause de ce qui est arrivé. J'étais honteuse parce que mes compagnes de classe savaient toutes ce qui s'était passé. Mes amies cancanaient beaucoup sur ce qui était arrivé. Maintenant ça va mais je suis triste.[32]

Abus sexuels commis par les forces armées gouvernementales, mai-juin 2004

Selon des sources locales, les soldats gouvernementaux de la 10e région militaire sous le commandement de Mbusa Mabe ont également commis des actes de violence sexuelle au moment du soulèvement de Mutebutsi et Nkunda. Beaucoup de ces soldats venaient de différentes anciennes forces telles que les FAC, dont Mbusa Mabe lui-même, le MLC et les Maï Maï. Cinquante-deux femmes qui ont demandé des soins au Centre Olame de Bukavu ont dit avoir été violées par des soldats des forces gouvernementales pendant ces semaines-là. Les soldats auraient violé beaucoup de femmes à Walungu, où ils étaient basés lorsque les combattants de Mutebutsi et Nkunda contrôlaient la ville de Bukavu. Dans certains cas, ils s'en sont pris aux femmes qui fuyaient Bukavu et dans d'autres cas, ils ont attaqué les femmes et les filles au moment où les troupes revenaient pour reprendre le contrôle de Bukavu.[33]

Les violences sexuelles commises par des membres de l'ex-RCD-ML à Lubero, au Nord Kivu

En juin 2003, le RCD-Goma a pris au RCD-ML le contrôle du territoire de Lubero, au Nord Kivu. Les vaincus ont alors commis de graves exactions contre les civils entre le 19 et le 22 juin à Musienene, située à une vingtaine de kilomètres au sud de Butembo, et dans les environs de Musienene. Le Centre d'Etudes Juridiques Appliquées (CEJA), une organisation des droits de l'homme basée à Butembo, a dit avoir été informé que les forces du RCD-ML avaient commis vingt-deux actes de violence sexuelle à cette période, dont beaucoup sur des enfants.[34] Il se peut que bien d'autres cas de viol n'aient pas été dénoncés.

Les violences sexuelles commises par les anciennes forces du MLC  en Ituri et en Equateur

Les forces du MLC ont commis de nombreux actes de violence sexuelle. Dans un cas particulièrement odieux de violence sexuelle, des soldats de l'ex-MLC ont commis des viols collectifs sur 120 femmes et filles dans deux villages du district de Mongala, dans la province de l'Equateur, les 21 et 22 décembre 2003.[35] Ces ex-combattants du MLC venaient d'être incorporés à la nouvelle armée congolaise, les FARDC, et s'étaient révoltés contre leur commandant, qu'ils soupçonnaient d'avoir volé de l'argent destiné à payer leur solde. En avril 2004, la MONUC a visité les villages et a aidé l'Auditeur militaire des forces armées congolaises à entamer une enquête. En l'espace de deux jours, les enquêteurs ont reçu 119 plaintes pour viol et quatre vingt-six plaintes pour pillage. A ce jour, personne n'a été arrêté ou poursuivi pour ces crimes.[36]

Attaques commises par les combattants hutus rwandais

Une dizaine de milliers de combattants hutus rwandais poursuivent une activité militaire sporadique dans l'Est du Congo et bon nombre d'entre eux sont organisés au sein des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR).  Les combattants de nombre de ces groupes portent atteinte aux droits humains des Congolais qui vivent dans leur voisinage, notamment en commettant des viols, des pillages et des occupations forcées de propriété. Les combattants des FDLR ont parfois aussi été accusés de crimes qu'ils n'ont pas commis car les autorités locales leur font assumer la responsabilité d'attaques perpétrées par leurs propres forces. 

Au cours du second semestre 2003, les combattants rwandais basés dans la forêt de Kahuzi Biega au Sud Kivu semblent avoir multiplié les attaques contre les Congolais vivant dans les environs. En octobre 2003, 35 pour cent des cas de violence sexuelle enregistrés à l'hôpital de Panzi (l'hôpital le mieux équipé du Sud Kivu) provenaient de Walungu, une zone adjacente à la forêt.[37] Dix femmes ont déclaré avoir été violées par ces combattants près de Ninja. L'une d'elles, Thérèse K.,une veuve de quarante-trois ans et mère de huit enfants, a dit à une représentante du Centre Olame,

C'était le 15 juillet 2003, aux alentours de 13 heures. J'étais chez moi. Les Hutus sont arrivés. Ils cherchaient quelque chose à manger. Je leur ai dit que je n'avais rien, ni chez moi ni à la plantation de bananes. Ils ont découvert un tas de terre fraîche et ont pensé que c'était là que je cachais mon trésor. Je leur ai dit que c'était le corps de mon enfant que j'avais enterré là trois jours auparavant. Mais ils ne me croyaient pas. Ils ont commencé à creuser jusqu'à ce qu'ils retirent l'enfant. Alors ils ont vu que c'était vraiment un corps et qu'il n'y avait rien d'autre. Lorsque j'ai vu ça, j'ai commencé à pleurer et mes autres enfants aussi. … Plus tard, je suis allée au champ pour chercher un peu de manioc. … Ils m'ont attaquée, j'ai essayé de résister mais ils étaient plus forts. L'un d'eux a menacé de me violer. L'autre m'a donné des coups de pied avec dégoût, comme s'il voulait écarter une saleté de son chemin. Je me suis enfuie, abandonnant mon panier et le manioc.[38]

Thérèse K. et les autres femmes de Ninja ont par ailleurs rapporté que les rebelles hutus rwandais s'étaient installés dans certaines maisons de façon permanente et qu'ils en avaient expulsé les propriétaires par la force.

Des combattants hutus rwandais ont également violé des femmes et des filles au Nord Kivu. Evelyne M., une veuve d'âge moyen, a été attaquée et violée en décembre 2003 par des membres des FDLR dans le Territoire de Masisi au Nord Kivu. Elle a expliqué,

C'était aux environs de la Noël. J'avais entrepris un voyage à pied d'une quarantaine de kilomètres pour aller vendre un panier de farine. Ils étaient au moins dix à me violer. J'en connaissais certains de vue parce qu'ils viennent souvent dans notre village; mais je ne connais pas leurs noms. J'ai un fils de six ans qui était là lorsque j'ai été violée. Nous avons tous deux été battus avec des bâtons et il a encore des problèmes de santé. Moi, j'ai même perdu connaissance et j'ai passé plusieurs jours dans la brousse à la même place, sans bouger. Des personnes sont ensuite arrivées, elles ont alerté le chef local et il a envoyé des gens pour me transporter dans un centre médical. Ils nous ont portés, mon fils et moi, sur leur dos. J'étais vraiment dans un sale état et on m'avait pris mes vêtements. J'étais nue et ceux qui m'ont transportée m'ont donné des vêtements. Depuis lors, j'ai eu une descente de l'utérus, il bouge et je perds de l'eau et du sang, surtout quand je porte de lourdes cruches d'eau. Cela brûle.[39]

Ce n'est que trois mois après l'agression qu'Evelyne M. est arrivée à Goma, où elle a reçu des soins dans un centre dirigé par une ONG congolaise pour les victimes de tortures. Elle n'avait pas eu suffisamment d'argent pour payer le voyage de deux heures en voiture.[40]

Au cours des premiers mois de 2004, soixante et une victimes de violences sexuelles ont demandé de l'aide dans un centre pour victimes dirigé par une ONG congolaise, Promotion et Appui aux Initiatives Féminines (PAIF), sur le territoire de Kalehe, au nord de Bukavu. Toutes disent avoir été agressées par des combattants rwandais[41]

Attaques commises par les Maï Maï

Les femmes et les filles du territoire de Shabunda, dans le Sud Kivu, se plaignaient des actes de viol généralisés commis par les combattants Maï Maï dans le passé. Des violences sexuelles perpétrées par les forces Maï Maï non intégrées aux FARDC continuent d'être dénoncées.[42]

En juillet 2003, Sophie M., une femme de trente-neuf ans et mère de cinq enfants, ainsi que onze autres femmes ont été attaquées par une trentaine de combattants Maï Maï alors qu'elles se rendaient aux champs à environ 140 kilomètres de la ville de Shabunda. Elle a déclaré,

J'ai été violée par eux devant mon mari, qu'ils maintenaient par terre pendant ce temps. Ils m'ont ensuite relâchée parce que mon mari et mes enfants les imploraient, et ils pleuraient tout en criant "Ils vont tuer maman." J'ai été violée par plus de trois hommes. Je ne me souviens pas du nombre exact parce que j'ai perdu connaissance. Après cela, une voisine est venue m'aider parce que je saignais. Elle a fait bouillir de l'eau et des herbes pour moi.[43]

Sophie M. a raconté que les Maï Maï avaient enlevé les onze autres femmes après les avoir violées. Les combattants Maï Maï lui ont dit que les femmes serviraient aux autres hommes dans les villages aussi longtemps qu'ils seraient sans femmes dans la forêt. Sophie M. a dit que plus tard,  quatre des onze femmes s'étaient échappées. Elle a ajouté,

Les femmes m'ont parlé de leur séjour avec [les Maï Maï]. Elles ont été violées tout le temps. Certaines étaient enfermées dans des cabanes pour qu'elles ne puissent pas s'enfuir. Les quatre qui sont revenues ont des problèmes de santé.[44]

Lorsqu'on lui a demandé comment elle savait que les agresseurs étaient des Maï Maï, Sophie M. a expliqué qu'ils portaient des peaux de bêtes plutôt que des uniformes, ce qui est typique des Maï Maï. Après le viol, elle saignait abondamment en raison d'une lésion interne. Elle a été transportée dans un centre médical de Bukavu où elle a reçu des soins. Sa santé s'est maintenant améliorée et son test de dépistage VIH/SIDA est négatif mais son mariage semble détruit:

Mon mari ne veut plus qu'on vive ensemble parce que j'ai eu des relations sexuelles avec des Maï Maï. Les coupables doivent être punis. Le chef des Maï Maï peut être identifié et devrait aussi être puni.[45]

Les groupes Maï Maï sont également actifs dans tout le Nord Kivu. Christine D. a été enlevée lors de combats entre deux groupes rivaux autour de Pinga en janvier 2003:

Ils m'ont emmenée de force parce que j'étais seule. Ma mère avait fui dans une autre direction. Ils étaient trois: l'un m'a violée et les autres étaient avec lui. Je suis restée avec eux dans la forêt longtemps, un an. Je suis tombée enceinte et j'ai perdu le bébé. Je suis retombée enceinte et alors je me suis enfuie ici. Il y avait une autre fille avec moi, d'une autre famille, et elle a aussi été violée par le même homme. Lorsqu'elle en était à son quatrième mois de grossesse, elle est morte; il n'y avait pas de soins médicaux…. Chaque fois que nous essayions de nous enfuir, nous étions battues.[46]

Christine D. connaissait le nom de son agresseur et elle a dit qu'elle aimerait le voir arrêté. "Mais ce serait difficile de l'attraper parce qu'il est caché dans la forêt," a-t-elle expliqué.

A la mi-mai 2003, des combattants Maï Maï, qui venaient d'être défaits par les forces du RCD-ML, ont violé des femmes et des filles et ont commis des actes de pillage et de destruction alors qu'ils abandonnaient les villages devant l'avancée des forces du RCD-ML. Selon une enquête menée par le groupe des droits de l'homme CEJA, six de leurs victimes ont été violées à Vuyinga, à environ quatre vingt quinze kilomètres de Butembo, entre le 8 et le 10 juillet 2003.[47]

Dans le cadre du processus de mise sur pied d'une nouvelle armée nationale, des forces rebelles et des groupes armés ont été cantonnés dans un certain nombre de secteurs où ils doivent soit suivre une réorientation, soit être démobilisés. Selon des groupes locaux de femmes, des combattants Maï Maï casernés au camp de Mangango, à une quinzaine de kilomètres de Beni, ont commis au moins seize viols dans le voisinage immédiat du camp au cours des neuf premiers mois de leur cantonnement à cet endroit.[48]

Violences sexuelles perpétrées par des groupes armés lendu et leurs alliés en Ituri

Selon des défenseurs des droits de l'homme et des membres du corps médical du district d'Ituri, le viol généralisé des femmes et des filles est devenu monnaie courante depuis que la présence des groupes armés s'est renforcée dans la région. Human Rights Watch fait état d'actes généralisés de violence sexuelle commis par les factions armées lendu et leurs alliés, surtout des groupes armés ngiti.[49] La représentante d'un groupe de femmes rapporte:

[Les guerriers lendu] pénètrent dans les maisons la nuit et y violent les femmes, parfois sous les yeux du mari. Ils s'attaquent parfois à des femmes qui vont chercher de l'eau ou se rendent aux champs ou ils s'en prennent à des jeunes filles qui rentrent de l'école. Lorsqu'ils les violent dans les maisons, ils en profitent pour voler.[50]

Un professionnel de la santé de l'Ituri a déclaré à une chercheuse de Human Rights Watch qu'entre la fin 2002 et janvier 2004, plus de 650 femmes avaient été violées. Il a évoqué un cas datant du début 2004, dans lequel douze combattants du FNI s'en sont pris à deux femmes d'une autre ethnie qu'ils ont violées avant de leur infliger d'autres sévices, leur introduisant des bâtons dans le vagin.[51]

Nombreuses sont les femmes et les jeunes filles qui ne reçoivent pas les soins médicaux adéquats, par manque d'argent ou par peur d'être identifiées comme victimes de viol. Claudine N., jeune fille de dix-sept ans, a été violée en janvier 2004 et s'est retrouvée enceinte. Craignant que le viol ne soit rendu public, elle a tenté d'avorter à l'aide de remèdes traditionnels mais elle est tombée malade et s'est alors rendue dans un centre médical à une quinzaine de kilomètres de là, où personne ne la connaissait mais il était déjà trop tard. Elle est décédée.[52]

Dans quelques cas, les dirigeants du FNI ont puni les combattants accusés de viol. Le Président du FNI, Floribert Njabu, a déclaré à une chercheuse de Human Rights Watch que quatre combattants du FNI avaient été arrêtés à Kpandruma, début 2004. Bien qu'apparemment aucune enquête formelle n'ait été menée et que les hommes n'aient jamais été jugés, deux des accusés ont été exécutés alors que les deux autres étaient jetés en prison.  "Nous exécutons les auteurs de viol" a affirmé Njabu.  "Si nous les arrêtons sans rien faire, les gens diront que nous les laissons aller en toute impunité."[53] Le Président Njabu ne semblait pas dérangé par le caractère illégal des exécutions sommaires. Il a déclaré que "le droit congolais n'a pas cours ici. Nous sommes en République de l'Ituri."[54] 

Attaques commises par l'UPC en Ituri

A Bunia et dans d'autres régions de l'Ituri, les combattants hema de l'UPC se sont rendus coupables de viols généralisés de femmes et de filles. Au cours du seul mois de mai 2003, alors que l'UPC tentait de regagner le contrôle de Bunia et de certaines régions isolées, 125 femmes et filles ont été violées.[55] Cécile W., vingt-cinq ans, explique:

Une nuit de mai 2003, à 21h, des combattants de l'UPC sont entrés chez moi. Ils étaient quatre et j'étais seule à la maison. Ils m'ont violée à tour de rôle en me disant de ne pas crier sinon ils me tuaient. Ils ont littéralement pillé la maison. Pendant que l'un d'eux me violait, les autres fouillaient la maison et s'emparaient de ce qu'ils voulaient. Je n'ai pas pu voir leurs visages car il faisait sombre. Je n'ai osé le dire à personne. J'avais tellement peur que le lendemain, j'ai fui cet endroit. Maintenant, chaque mois, au moment des règles, je souffre. J'ai été soignée par MSF [Médecins Sans Frontières] mais ils ne peuvent pas me guérir. Ils m'ont dit qu'ils avaient fait tout ce qu'ils pouvaient mais je continue à souffrir.[56]

Brigitte K., fragile jeune fille de quinze ans a dit à une chercheuse de Human Rights Watch qu'elle avait été violée en mai 2003:

Ma famille m'avait envoyée en ville chercher une hache. Sur le chemin du retour, j'ai rencontré un groupe de combattants de l'UPC à Mudzipela, près de la station Radio Candip.  L'un d'eux m'a emmenée de force dans une maison près de là. Les gens qui s'y trouvaient se sont enfuis dès qu'ils ont vu le soldat. Il a arraché mes vêtements et m'a violée. C'était la première fois que ça m'arrivait. Il m'a dit qu'il me tuerait si je criais. Je suis rentrée et j'ai tout raconté à ma mère. Elle m'a emmenée au camp militaire où j'ai reconnu l'homme qui m'avait violée mais il s'est enfui. L'officier a dit à ma mère qu'il lui donnerait de l'argent pour qu'elle puisse m'emmener à l'hôpital mais il ne l'a jamais fait. Depuis lors, je souffre de maux de tête et j'ai toujours mal à l'estomac.[57]

Le combattant identifié par la jeune fille n'a jamais été arrêté. Aucune enquête n'a été menée sur les allégations de viols commis par des combattants de l'UPC, que ce soit dans ce cas-ci ou dans d'autres affaires.

Le viol des hommes et des garçons

Il est fait état d'un nombre croissant de viols et autres violences sexuelles commis par des combattants sur des hommes ou des garçons, mais aucun chiffre n'est disponible. Certaines victimes ont cherché de l'aide auprès de centres d'assistance aux victimes de violence sexuelle tels que le programme médical géré par Médecins Sans Frontières à Baraka au Sud Kivu.[58] Rares sont les victimes qui font un rapport détaillé des sévices qui leur ont été infligés. Charles B., de l'Ituri, a cependant raconté à une chercheuse de Human Rights Watch:

J'ai été intercepté à Bunia le 31 août 2002, avec mon père. Les troupes de l'UPC nous ont arrêtés car elles pensaient que nous étions contre elles en raison de notre origine ethnique. Je n'ai pas compris car je n'avais rien fait de mal mais j'ai passé un mois et dix jours en prison. La première fois que les soldats nous ont arrêtés, ils nous ont interrogés, parfois tous les deux jours. Nous étions nus face aux dirigeants de l'UPC parmi lesquels se trouvait Rafiki Saba [Chef de la sécurité de l'UPC]. J'étais terriblement choqué. Je n'avais jamais vu mon père nu. Dans notre culture, c'est mal. Ils nous ont tout d'abord agressés sexuellement…avant de nous violer.  Aujourd'hui encore il m'est difficile d'en parler. C'est trop horrible. Après les interrogatoires, ils nous ont enfermés dans des parties différentes de la prison et, à ce jour, je ne sais pas ce qu'il est advenu de mon père, j'ignore s'il est mort ou s'il vit toujours. Je suis traumatisé par ce qui m'est arrivé et j'ai énormément de problèmes de santé.[59]

Par la suite, les soldats de l'UPC ont emmené Charles B. et une vingtaine d'autres prisonniers dans une camionnette. Ils ont arrêté la camionnette à plusieurs reprises. Chaque fois, ils faisaient descendre plusieurs prisonniers qu'ils abattaient. La victime faisait partie du dernier groupe. Les autres prisonniers avec lui ont été tués mais lui a eu la vie sauve parce qu'il a été reconnu par un des exécuteurs.[60]

Vu l'augmentation du nombre de victimes masculines (adultes ou enfants), les ONG locales et les agences internationales vont devoir déterminer les modalités d'une prise en charge médicale, psychologique et juridique spécifique à leurs besoins.

Le cadre juridique des poursuites

La justice congolaise n'est toujours pas parvenue à contrôler le problème flagrant des violences sexuelles dans le pays. Au Congo, les tribunaux militaires (cours martiales) exercent leur juridiction sur tous les délits perpétrés par des membres des forces armées nationales. Les membres des factions armées locales non intégrées à l'armée nationale sont donc sous la juridiction des tribunaux civils. L'instruction d'actes de violences sexuelles, que ce soit par des tribunaux civils ou militaires, est entravée par des lois obsolètes, l'impunité généralisée dont jouissent les combattants, le refus de reconnaître le caractère grave des abus sexuels et le peu d'attention portée aux besoins des victimes. 

Droit international humanitaire

Le conflit armé congolais revêt une dimension à la fois interne et internationale.[61] Le droit international humanitaire, aussi appelé droit de la guerre, prévoit des protections pour les civils et les soldats capturés au cours de conflits nationaux ou internationaux. Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels condamnent implicitement et explicitement le viol et autres formes de violence sexuelle considérés comme autant de violations graves du droit humanitaire.[62] Dans les conflits armés (c'est-à-dire des conflits entre deux ou plusieurs états), ces faits sont des infractions graves aux Conventions de Genève et sont considérés comme des crimes de guerre. Les agressions directes commises contre des civils au cours de conflits armés internes sont de plus en plus communément reconnues comme des crimes de guerre.

La quatrième Convention de Genève sur la protection des civils dans les conflits armés internationaux fournit également la base pour une définition des mécanismes de protection en cas de conflit armé interne. L'Article 27 sur le traitement des personnes protégées stipule que "les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur."[63] L'Article 147 précise que "la torture ou les traitements inhumains" et "le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé" sont autant d'infractions graves aux conventions.[64] Le Comité International de la Croix Rouge (CICR) assimile le viol et les autres formes de violence sexuelle à des infractions graves et même un simple acte de violence sexuelle peut constituer un crime de guerre.[65]

Les conflits armés à l'intérieur d'un état sont réglementés par l'Article 3 commun aux quatre Conventions de Genève et par le second Protocole additionnel aux Conventions de Genève (Protocole II). L'Article 3 commun et le Protocole II s'appliquent à toutes les parties au conflit, les groupes armés non gouvernementaux autant que les forces gouvernementales. Ils interdisent les agressions contre ceux qui ne prennent pas une part active aux hostilités, notamment les civils. Parmi les actes prohibés figurent "(a) Les violences à l'encontre de la vie des personnes, particulièrement les assassinats, mutilations, les traitements cruels et la torture; (b) la prise d'otages; (c) les atteintes à la dignité personnelle, notamment les traitements humiliants et dégradants."[66] Les actes de violence sexuelle tombent clairement sous le coup de cette définition puisqu'ils peuvent être qualifiés de traitement cruel, de torture et d'atteinte à la dignité de la personne.

Le Congo est partie au Protocole II depuis décembre 2002.  L'Article 4 du Protocole II  interdit expressément "les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toute forme de peine corporelle"; "les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants, dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur" et "l'esclavage et la traite des esclaves sous toutes leurs formes." [67] Selon le Commentaire du CICR, cet article "réaffirme et complète" l'Article 3 commun parce qu'il "s'est avéré nécessaire de renforcer ... la protection des femmes... qui peuvent aussi être victimes de viol, de contrainte à la prostitution ou d'autres attentats à la pudeur."[68]

Comme le montre le vocabulaire utilisé ci-dessus, le droit international humanitaire qualifie, à tort, les délits de violence sexuelle d'atteintes à l'honneur des femmes ou d'atteinte à la dignité personnelle plutôt que d'atteinte à l'intégrité physique. Cette approche minimise la gravité du crime et contribue à la perception généralisée et erronée selon laquelle le viol est une atteinte à l'honneur, un délit 'secondaire' ou 'mineur' par rapport à des crimes tels que la torture ou l'esclavage.[69]

Au Congo, les actes de violence sexuelle commis dans le cadre d'une agression généralisée ou systématique contre des civils peuvent être qualifiés de crimes contre l'humanité et poursuivis comme tels. Aucun traité international n'offre de définition des crimes contre l'humanité qui fasse autorité. Cependant, ces délits sont généralement considérés comme des actes graves et inhumains commis dans le cadre d'une agression généralisée ou systématique contre la population civile, en temps de paix ou durant un conflit armé, et qui résulteraient de la persécution d'un groupe déterminé.[70]  Tant l'Etat que les protagonistes non étatiques sont susceptibles de devoir répondre de crimes contre l'humanité.

Le Statut de Rome de la CPI, ratifié par le Congo en avril 2002, précise que "le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée," et toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable sont considérés comme des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.[71] Une seule attaque constituant une violence sexuelle grave peut être poursuivie comme crime contre l'humanité si l'instruction permet d'établir le lien entre ce fait isolé et d'autres violations des droits humains fondamentaux ou du droit international humanitaire, commises dans le contexte d'une agression généralisée ou systématique contre la population civile.[72]

Droit international des droits humains

Le Congo a adhéré à certains instruments internationaux relatifs aux droits humains qui prévoient des protections pour les femmes et les filles à tout moment, y compris en période de conflit armé. Ces instruments prévoient la protection contre le viol, considéré comme torture ou autre mauvais traitement; l'esclavage et la prostitution forcée; et la discrimination fondée sur le sexe. Les groupes armés, et particulièrement ceux qui contrôlent un territoire, ont, de plus en plus souvent, l'obligation de respecter les normes internationales relatives aux droits humains.[73]

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)[74] et la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la Torture)[75] interdisent la torture et tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant commis par des fonctionnaires ou toute autre personne agissant à titre officiel. La Convention relative aux Droits de l'Enfant (CDE) protège l'enfant contre la torture,  l'exploitation sexuelle et la violence sexuelle et énonce le droit à la liberté et à la sécurité de la personne.[76] L'Article 15 de la Constitution congolaise de la transition interdit la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants.[77]

Le Rapporteur spécial des Nations Unies pour la Torture a reconnu que le viol pouvait être constitutif de torture: "[L]e viol est une forme de torture traumatisante pour la victime."[78] Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a décrété, dans l'affaire Furundzija que "[D]ans certaines circonstances ... le viol peut s'apparenter à une forme de torture et est donc considéré par les instances judiciaires internationales comme constitutif d'une violation de la norme interdisant la torture."[79] Le Tribunal pénal international pour le Rwanda, dans l'affaire Akayesu, établit ce qui suit: "Comme la torture, le viol est utilisé à des fins telles que l'intimidation, la dégradation, l'humiliation, la discrimination, le châtiment, le contrôle ou la destruction d'une personne. Tout comme la torture, le viol est une atteinte à la dignité personnelle et constitue en fait une forme de torture lorsqu'il est infligé par, à l'instigation de, avec le consentement ou l'accord d'un  fonctionnaire public ou de toute autre personne agissant à titre officiel."[80]

Les agressions sexuelles s'apparentent, généralement, au non-respect du droit des femmes à ne pas souffrir de discrimination liée à leur sexe, tel qu'établit par le PIDCP.[81] En vertu de l'Article 1 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination  à l'égard des Femmes (CEDAW),[82] la définition de la discrimination inclut en principe "la violence fondée sur le genre, précisément parce que ce type de violence a pour effet ou objet d'entraver l'exercice par les femmes de leurs droits ou de les empêcher de jouir de leurs droits humains," au même titre que les hommes.[83] Le Comité de la CEDAW a dressé un large éventail d'obligations pour les Etats visant à mettre un terme aux violences sexuelles, notamment s'assurer que le système judiciaire traite les victimes de façon appropriée et fournir des services de guidage et d'assistance ainsi qu'une aide médicale et psychologique aux victimes.[84] Dans une résolution de 1993, l'Assemblée générale de l'ONU a déclaré que l'interdiction de la discrimination fondée sur le genre passait par l'élimination de la violence motivée par le genre et que les états "devraient mettre en œuvre sans tarder, par tous les moyens appropriés, une politique visant à éliminer la violence à l'égard des femmes."[85]

La CDE prévoit également la liberté contre les discriminations liées au sexe (Article 2) et le droit de jouir du meilleur état de santé possible (Article 24). En vertu de l'Article 39, les Etats prendront toutes les mesures opportunes pour "faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d'exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflit armé". La CDE demande par ailleurs aux états d'offrir une protection et une assistance spéciales aux enfants "privés temporairement ou définitivement de leur environnement familial." Le droit de l'enfant à "de telles mesures de protection requises par son statut de mineur" est également garanti par le PIDCP.[86]

En vertu du PIDCP et de la CEDAW, l'esclavage et la prostitution forcée en période de conflit armé sont autant de violations fondamentales du droit à la liberté et à la sécurité de la personne.[87] En outre, l'esclavage est interdit par l'Article 8 du PIDCP, qui interdit également le travail forcé, et par la Convention contre l'esclavage de 1926.[88] Le droit à la protection contre l'esclavage est également énoncé dans l'Article 18 de la Constitution de la transition du Congo.

La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, à laquelle le Congo a adhéré, garantit  "l'élimination de toute forme de discrimination contre les femmes ...et la protection des droits de la femme et de l'enfant"[89] ainsi que le droit à l'intégrité de la personne et le droit à être libre de "[t]oute forme d'exploitation et de dégradation, ...telle que l'esclavage, la traite des esclaves, la torture, les châtiments et traitements cruels, inhumains, ou dégradants".[90]

La justice militaire congolaise

Jusqu'à la fin de l'année 2002, le gouvernement national utilisait le Code de justice militaire de 1972 pour qualifier et punir les crimes commis par les membres des forces armées, notamment les actes de violence sexuelle.[91]Des mouvements rebelles comme le RCD-Goma, le MLC et le RCD-ML, aspirant au contrôle de la nation, soumettaient aussi, du moins en théorie, leurs forces au code de 1972.[92]  En novembre 2002, les autorités ont adopté un nouveau code de justice militaire et un code pénal militaire, mais les mouvements rebelles ont continué à se référer à l'ancien code.[93] Cependant, quel que soit le code utilisé, très peu de poursuites ont été engagées contre les forces armées régulières ou les groupes rebelles pour crimes de violence sexuelle.[94]

Signataire des Conventions de Genève de 1949 et du Statut de Rome de la CPI, le gouvernement congolais a l'obligation de s'assurer que ses codes pénaux punissent les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, dont le viol et les violences sexuelles, conformément aux dispositions des traités.[95]

Il n'existe dans le Code de justice militaire de 1972  aucune disposition traitant des violences sexuelles mais il est précisé que le code criminel congolais est également applicable aux membres des forces armées.

Le code pénal militaire de 2002 ne contient pas de disposition de base sur la violence sexuelle mais ce type de délits peut être puni conformément au code criminel, comme expliqué ci-dessous.Des dispositions sur "les violences ou sévices graves" en temps de guerre ou d'état d'urgence (punis de la peine de mort) et sur "les actes arbitraires ou attentatoires aux droits et libertés" (jusqu'à quatre ans de prison) pourraient servir de point de départ aux poursuites contre les auteurs de violences sexuelles.[96] L'Article 173 sur les crimes de guerre stipule en des termes généraux qu'un crime de guerre est un délit commis en temps de guerre qui n'est conforme ni à la coutume ni à la loi. L'Article 175 établit le principe de responsabilité de commandement.

La disposition du code pénal militaire sur les crimes contre l'humanité inclut les violences sexuelles. L'Article 169 sur les crimes contre l'humanité stipule que les actes de "viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée et toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable" constituent autant de crimes contre l'humanité s'ils sont commis dans le cadre d'une agression généralisée ou systématique contre la population civile ou contre "la République".

Néanmoins, le code militaire de 2002 n'est toujours pas compatible avec le Statut de Rome de la CPI et les Conventions de Genève, puisqu'il n'inclut pas l'ensemble des dispositions pénales dans le droit congolais. Un projet de loi de mise en œuvre du Statut de la CPI assurerait la conformité du droit congolais avec ces instruments internationaux. Il est actuellement soumis à l'examen du Ministre de la Justice. Si la loi passe, le Congo aura fait un grand pas en avant vers une définition exhaustive des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du génocide, conformément au Statut de Rome. La nouvelle législation étendrait également la juridiction des tribunaux civils aux membres des forces armées, lorsque ceux-ci sont accusés de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre. Ce serait d'une grande importance car cela établirait la primauté du système de justice civile et créerait une jurisprudence cohérente et unifiée.

Le Code criminel congolais

Durant le conflit armé, le droit pénal congolais et le code criminel étaient en vigueur sur tout le territoire national, y compris dans les zones contrôlées par des factions rebelles ou occupées par des troupes étrangères.[97]

Le code criminel congolais -en vigueur aussi bien dans les tribunaux militaires que civils- interdit le viol, défini comme un acte de pénétration sexuelle forcée d'une victime de sexe féminin, et l'attentat à la pudeur, défini comme une agression sexuelle sans pénétration.[98] Le viol est punissable d'une peine d'emprisonnement de cinq à vingt ans et l'attentat à la pudeur, de six mois à vingt ans. La durée de la peine peut dépendre de l'âge de la victime et du fait que l'agresseur a eu ou non recours à la violence, à la ruse ou à des menaces en commettant son crime. Toute relation sexuelle ("rapprochement charnel des sexes") avec une fille de moins de quatorze ans est considérée comme un viol, en vertu de la loi.[99]

Aux termes du code criminel congolais, sont également punissables l'enlèvement ou la détention d'une personne avec recours à la violence, la ruse ou la menace. La peine sera de cinq à vingt ans si la victime a été soumise à des tortures physiques. Si la torture conduit au décès de la victime, le crime est passible de la peine de mort ou d'une condamnation à perpétuité.[100]

Le code criminel ne traite pas précisément d'actes de violence sexuelle tels que l'introduction d'objets dans le vagin ou le viol dans les liens du mariage. Il ne criminalise pas non plus le viol de sujets masculins. Par ailleurs, la loi permet de tenir compte de certaines informations sur la conduite passée de la victime ("mœurs légères" par exemple) comme circonstances atténuantes au moment de déterminer si un crime a bien été commis.

Les carences de la loi sur le viol reflètent la conception traditionnelle du viol et surtout le statut juridique et social très peu favorable des femmes au Congo. Ce statut de seconde catégorie se retrouve partout dans le droit congolais. Par exemple, le code congolais de la famille désigne le mari comme chef de ménage. Sa femme lui doit obéissance. Elle a l'obligation de suivre son mari où qu'il décide de s'établir et doit obtenir l'autorisation de ce dernier pour saisir les tribunaux.[101] Ces lois enfreignent les normes internationales d'égalité entre hommes et femmes.

En quête d'une justice punissant les auteurs de viols et autres crimes sexuels

Dans l'Est du Congo, parmi les dizaines de milliers de victimes de violences sexuelles, très peu ont entamé une procédure judiciaire pour les crimes commis contre elles. Encore plus rares sont celles (un tout petit nombre seulement ces dernières années) qui ont vu les auteurs de ces crimes reconnus coupables et condamnés. L'appareil judiciaire a été considérablement affaibli par des années de guerre ainsi que par  la désorganisation politique, le marasme économique et la destruction des infrastructures qui en ont découlé. En outre, les autorités judiciaires, dont la plupart des représentants sont des hommes, n'accordent que très rarement la priorité aux crimes de violence sexuelle. Les procès de soldats qui ont effectivement eu lieu ont été entachés de vices de procédure. La responsabilité de commandement n'a pas été examinée sérieusement et les besoins des victimes n'ont été que très peu pris en compte.

Un décret présidentiel promulgué en avril 2003 a octroyé une amnistie aux membres des anciennes factions rebelles et des groupes armés condamnés pour faits de guerre et délits politiques, excluant cependant à juste titre les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les actes de génocide. L'amnistie ne protège donc pas les auteurs de violence sexuelle relevant de ces catégories.  Depuis un certain temps, le parlement étudie la possibilité d'adopter une loi d'amnistie mais n'est pas encore passé à l'acte.  Human Rights Watch s'oppose à une quelconque amnistie pour de graves crimes de guerre, crimes contre l'humanité et actes de génocide.

Poursuites pour violences sexuelles en Ituri

Le procès de Gbadolite

En octobre et novembre 2002, au cours d'opérations militaires contre le RCD-ML, les troupes du MLC se sont rendues coupables de crimes généralisés contre des civils, notamment de viols et de meurtres.[102] Ces opérations, baptisées "Effacer le Tableau", ont été conduites dans le territoire de Mambasa, dans le district d'Ituri.  En novembre 2002, Jean-Pierre Bemba, président du MLC, a institué un tribunal militaire portant le nom de Conseil de guerre de garnison de Gbadolite (quartiers généraux de Bemba) dans la Province de l'Equateur. En février 2003, le conseil s'est penché sur les cas de vingt combattants, dont deux accusés de viol, David Biaruhanga et le Sergent Andonisi Metele. Selon un rapport du MLC publié le 26 février 2003, les deux hommes ont été reconnus coupables. David Biaruhanga a été condamné à un an et Andonisi Metele à dix mois de prison.[103] Le conseil a retenu comme circonstance atténuante le fait que Biaruhanga était "ivre au moment des faits."

L'enquête a été effectuée de façon très superficielle, ce qui peut expliquer la légèreté des peines. Apparemment, aucun devoir d'enquête n'a été mené sur les lieux des faits, situés à environ mille six cents kilomètres de l'endroit où se tenait le procès. Les victimes n'ont pas été contactées pour voir si elles souhaitaient témoigner. Seuls des collègues des soldats incriminés ont témoigné au procès. Privé d'une enquête approfondie, le Procureur n'a pu déterminer sérieusement la culpabilité des commandants dans les nombreux crimes commis. Le Colonel Freddy Ngalimo, qui était en charge des opérations, a seulement été reconnu coupable d'avoir autorisé l'insubordination des forces placées sous son commandement et il a été condamné à trois ans de prison.[104]

Poursuites pour viol par le nouveau tribunal de Bunia

En février 2004, dans un effort visant à intensifier la lutte contre l'impunité et pour relancer les activités judiciaires, les autorités congolaises ont rouvert le Tribunal de grande instance d'Ituri.[105] Ce tribunal était fermé depuis mai 2003, incapable de fonctionner en raison de l'insécurité régnant dans la région. Avec le soutien financier de la Commission européenne (CE), en septembre 2004, les autorités judiciaires avaient déjà pu émettre 150 actes d'accusation.[106] Au lieu de renvoyer les affaires impliquant des soldats vers une cour militaire, le tribunal civil a imposé sa juridiction sur les affaires impliquant des auteurs n'appartenant pas aux forces armées reconnues.[107]  Les procureurs ont traduit en justice des dirigeants de groupes armés locaux de rang moyen ou supérieur, prouvant ainsi leur engagement à en finir avec l'impunité dont ces individus jouissaient auparavant.[108]

Entre février et septembre 2004, le tribunal a prononcé dix verdicts pour faits de viol. Neuf autres affaires sont actuellement à l'instruction. Les adultes reconnus coupables ont été condamnés à des peines de trois à dix ans d'emprisonnement.[109] A la connaissance de Human Rights Watch, les autorités en charge à Bunia n'ont fait aucun effort pour déterminer si des officiers supérieurs étaient complices ou avaient fermé les yeux sur des violences sexuelles perpétrées par les troupes placées sous leurs ordres.

Sur les dix personnes condamnées pour crimes de violence sexuelle, seules trois pouvaient avoir un lien avec une agression commise par un groupe armé. Elles ont toutes été condamnées pour participation à un viol collectif impliquant dix personnes au total, commis sur deux femmes près de l'aéroport de Bunia, le 20 mars 2004. Deux des trois inculpés étaient des adultes qui ont été condamnés à quatre ans de prison chacun. Le troisième inculpé était mineur (son âge n'a pas été précisé). Il a été entendu par la Chambre d'enfance délinquante, qui assume des fonctions d'investigation et de conseil plutôt qu'un rôle de tribunal pénal à proprement parler. Ce mineur a été déclaré coupable, a été "réprimandé" et remis à sa famille qui est chargée de le "suivre". [110]

Quatre autres affaires jugées par le tribunal d'Ituri concernent des faits de violence sexuelle à charge de mineurs.Dans l'un des cas, l'auteur aurait eu neuf ou dix ans. Toutes ces affaires ont été jugées par la Chambre d'enfance délinquante.

Le tribunal rouvert en Ituri a rendu plus d'arrêts pour crimes de violence sexuelle que n'importe quelle autre juridiction actuellement active dans l'Est du Congo. Cependant, si l'on considère le nombre de crimes de violence sexuelle commis par des groupes armés en Ituri, le petit nombre de procès en lien avec cet énorme problème est décevant. 

Poursuites contre un soldat du RCD-Goma: précédent ou violation des droits humains?

Le 18 février 2003, Lisette K., âgée de huit ans, aurait été violée par un soldat du RCD-Goma près de la ville de Kabare au nord de Bukavu (Sud Kivu) alors qu'elle rentrait chez elle après l'école.

Selon son témoignage au tribunal, le soldat l'a emmenée dans un champ, l'a obligée à se déshabiller avant de la violer. Il a menacé de la tuer si elle résistait.[111] Avant de partir, il lui a donné 40 francs congolais (environ 0,10$). Lorsque la fillette est rentrée à la maison, elle était extrêmement perturbée et a refusé de manger. Elle refusait également de s'asseoir, probablement à cause de la douleur. Sa mère lui a demandé ce qui s'était passé et la fillette lui a expliqué. Le lendemain matin, le père en a informé un responsable local et, ensemble, ils se sont rendus auprès du commandant militaire local qui a déclaré qu'une telle chose était impensable.[112] Il a cependant présenté plusieurs soldats à la fillette qui a désigné Djems Kakule Kambale, âgé de vingt ans, comme étant son violeur.[113] Le fonctionnaire local a alors envoyé la fillette dans un hôpital local où un médecin a examiné ses blessures, a détecté des déchirures vaginales et des blessures externes causées par les épines sur lesquelles la fillette avait été couchée. Le 20 février, le médecin a certifié que la fillette avait effectivement été violée.[114] Ce même jour, le commandant a arrêté Kakule Kambale et l'a renvoyé devant l'auditeur militaire de Bukavu. Selon le rapport d'enquête préalable au procès, Kakule Kambale a reconnu sa culpabilité pendant l'interrogatoire et a présenté ses excuses.

Un prêtre catholique a insisté auprès de la famille pour qu'elle saisisse la justice et l'a mise en contact avec le Centre Olame, dont le personnel a, à son tour, contacté Action pour l'Education aux Droits (AED), une organisation qui fournit une assistance juridique aux victimes de violences sexuelles. AED a trouvé un avocat pour les victimes et en collaboration avec le Centre Olame et d'autres ONG qui dénoncent la violence sexuelle à Bukavu, elle a rendu cette affaire publique. Il est probable que, sous la pression de l'opinion publique, le bureau du gouverneur a poussé l'auditeur militaire à agir. Le Colonel Gaston Shomari, auditeur militaire pour le Sud Kivu, était auparavant procureur au civil et s'est apparemment montré tout disposé à prendre cette affaire de violence sexuelle au sérieux.

Pendant le procès qui s'est tenu le 5 juin 2003, le prévenu a nié avoir violé Lisette K. Il a prétendu avoir eu des relations sexuelles avec une autre jeune fille de quatorze ans. Après que l'auditeur militaire ait contesté cette version, citant la confession de l'accusé, la cour a déclaré Kakule Kambale coupable de viol sur mineure en vertu du code criminel qui interdit les contacts sexuels avec une jeune fille de moins de quatorze ans.[115] Le prononcé fait également référence au code de justice militaire de 1972, le nouveau code militaire de 2002 n'étant pas appliqué par le RCD-Goma dans l'Est du Congo. Kakule Kambale a été condamné à cinq ans de prison et à une amende de 500$. L'auditeur militaire a fait appel de la décision et a requis une peine plus lourde. Le 14 juin 2003, le tribunal militaire a condamné Kakule Kambale à dix ans de prison et 5.000$ de dommages et intérêts au profit de la victime. Kambale a en outre été licencié de l'armée.[116]

Les organisations locales de femmes et de défense des droits humains ont applaudi l'auditeur militaire et l'avocat de la partie civile. L'organisation de défense des droits humains, Héritiers de la Justice,considère cette affaire comme un précédent dans la lutte plus vaste contre la violence sexuelle:

La particularité observée dans le procès est que l'avocat de la partie civile[117] s'est fondé sur les instruments juridiques nationaux et internationaux qui prévoient des dispositions pertinentes contre les violences sexuelles. Ce verdict, combien exemplaire, inaugure, on l'espère, la lutte contre l'impunité qui a élu domicile, car dit-on plusieurs cas de viol ont déjà été dénoncés, mais nous en sommes à l'unique procès du genre.[118]

Les ONG locales ont filmé le procès. Lorsqu'elles ont projeté la cassette vidéo à un groupe de victimes de violences sexuelles, leur réaction a été: "il est donc possible d'obtenir justice." Elles ont été particulièrement impressionnées par le fait que la victime était une enfant et qu'elle venait d'une famille pauvre. Après avoir vu la cassette, plusieurs d'entre elles se sont déclarées prêtes à aller en justice pour autant qu'on les soutienne dans leur démarche.[119] Certains observateurs locaux ont été encouragés par le fait que le père s'était constitué partie civile, donnant à leurs yeux un exemple de la manière dont les victimes peuvent se prendre en charge.[120]

Kakule Kambale, qui accomplissait sa peine à la prison de Bukavu, s'est échappé avec de nombreux autres prisonniers au cours des troubles causés par le soulèvement de Mutebutsi et de Nkunda en juin 2004.

Absence de procédure en bonne et due forme: violation des droits du prévenu

Acclamé comme une victoire par bon nombre d'organisations de la société civile, le procès de Kakule Kambale était entaché de vices de procédure graves. Il a donc été à son tour à l'origine de violations de droits.

Dans un entretien entre Kakule Kambale et une chercheuse de Human Rights Watch après le procès, l'accusé a déclaré ne pas avoir violé Lisette K. Il prétendait même ne pas la connaître. Il a indiqué qu'il avait eu des relations sexuelles avec une jeune fille de quatorze ans. Croyant que l'accusation portait sur cette relation-là, il avait avoué et pensait pouvoir résoudre le problème en épousant la jeune fille. Il prétendait que la jeune fille était consentante.[121]

Les droits de la défense ont été violés de plusieurs façons. Kakule Kambale n'a pas pu choisir son avocat ni avoir de discussions suffisantes avec son conseil avant le procès. Il a rencontré un de ses avocats la veille du procès et l'autre le jour du procès.[122] Sur base de la cassette vidéo susmentionnée et d'entretiens avec deux des avocats concernés, il est clair que d'autres vices de procédure graves ont émaillé le procès.[123] La cour a accepté, inconditionnellement, le rapport préalable au procès rédigé par l'auditeur militaire. Dans de nombreux pays dotés d'un régime de droit civil, les conclusions du magistrat chargé de l'instruction sont soumises à l'examen d'une autre instance, telle que la chambre d'accusation. Or, au Congo, le magistrat qui procède à l'instruction et celui qui préside le procès sont une seule et même personne. Par conséquent, la défense devrait être autorisée à effectuer une enquête approfondie dont elle présenterait les résultats au procès. Dans le cas présent, les représentants légaux de l'accusé n'ont pas eu le temps de préparer le dossier en profondeur et toutes leurs requêtes de présentation de témoins (y compris deux personnes qui auraient été présentes au moment des faits) ont été rejetées par la cour, à la demande du procureur. Par ailleurs, la cour a refusé d'interroger Kakule Kambale sur les circonstances de son arrestation et de l'interrogatoire au cours duquel il aurait avoué son forfait.[124] La défense n'a donc pas pu mettre en doute l'affirmation du procureur selon laquelle Kakule Kambale avait avoué avoir violé Lisette K. plutôt que d'avoir eu des relations sexuelles avec une autre fille.

La victime, effrayée et stigmatisée

Lisette K. est sortie de ce procès encore plus traumatisée après avoir dû affronter une salle d'audience bondée et bruyante et de nombreuses caméras.[125] L'enfant est ressortie marquée et effrayée par cette expérience parce que, d'une part, ce procès avait été convoqué à la hâte et que, d'autre part, aucun conseiller psychologique local n'était disponible pour l'aider à se préparer à témoigner.[126] Personne au sein de l'appareil judiciaire n'a fait le moindre effort pour tenter de comprendre l'état psychologique de l'enfant ni pour lui offrir ainsi qu'à sa famille une prise en charge psychologique. Lisette K., qui croyait au départ que le soldat serait exécuté car il avait fait quelque chose de mal, avait toujours peur des hommes en uniforme des mois plus tard. Selon son père, " Il suffit qu'elle voie un militaire, et elle veut s'enfuir."[127] Invitée à se rendre en ville pour parler de cette affaire six mois plus tard, elle s'est mise à pleurer et a refusé d'y aller. Commentant les faits à une chercheuse de Human Rights Watch, le père a précisé que lui non plus n'avait pas saisi l'ampleur du traumatisme subi par sa fille ni su comment l'aider. La famille avait par ailleurs dû rembourser les frais médicaux pour les soins apportés à Lisette K., frais dont on avait dit au départ qu'ils ne leur seraient pas imputés.[128]

Autres condamnations pour crimes de violence sexuelle dans des zones contrôlées par le RCD-Goma

Le 29 août 2002, Violette J., treize ans, a été agressée et violée par un soldat du RCD-Goma dans la banlieue de Bukavu. La jeune fille a rapporté les faits à sa mère qui l'a emmenée à l'hôpital où un docteur l'a auscultée et a certifié qu'elle avait été violée. Plusieurs jours après, la famille a porté plainte auprès du bureau de l'auditeur militaire.[129] L'auteur présumé a été arrêté et mis à l'examen peu de temps après.[130] Le 27 novembre 2002, le Conseil de guerre l'a déclaré coupable de viol et condamné à cinq ans de prison. Un soldat qui accompagnait le violeur et avait éloigné le frère de la victime a été acquitté. Selon l'auditeur militaire, le coupable s'est évadé de prison en juin 2004, tout comme Kakule Kambale.[131]

Selon la mère de Violette, la fille est traumatisée et a dû changer d'école à cause du battage organisé autour du viol. Elle a également contracté une maladie sexuellement transmissible mais n'a pas été infectée par le VIH.[132]

Les chercheuses de Human Rights Watch ont pu rassembler des informations sur le cas d'un membre des Forces de Défense Locales jugé pour un viol perpétré à Goma. Bien qu'il s'agissait apparemment d'un civil et non d'un membre des forces armées, l'accusé a été entendu par le Conseil de guerre, reconnu coupable et condamné à vingt ans de prison.[133] 

Les obstacles aux poursuites

La plupart des crimes de violence sexuelle restent impunis, souvent parce que les victimes ne portent pas plainte contre leurs auteurs. Elles gardent le silence pour de nombreuses raisons:

·Souvent les victimes ne sont pas en mesure d'identifier les auteurs ou de dire où les trouver. C'est particulièrement vrai lorsque les auteurs des crimes sont des combattants Maï Maï ou hutus rwandais. 

·Elles craignent des représailles ou elles ont précisément été menacées de représailles si elles cherchaient à poursuivre l'agresseur.

·Elles ne savent pas qu'elles peuvent aller au tribunal ou elles ont le sentiment que la justice, c'est pour les autres, pas pour elles.

·Elles ont un sentiment de honte ou de culpabilité et craignent d'être stigmatisées par les autres au sein de la communauté.

·Les autorités - généralement des hommes - leur ont dit de garder le silence.[134]

Les responsables gouvernementaux de l'Est du Congo font souvent valoir que l'inaction des victimes est un obstacle majeur à la poursuite des crimes de violence sexuelle. En octobre 2003, l'auditeur militaire du Nord Kivu a déclaré que dans les trois-quarts des cas, les victimes ne portent pas plainte contre les coupables de crimes de violence sexuelle. Il a conclu sur ces mots, "Quand vous n'avez pas d'informations, vous ne pouvez pas envoyer l'affaire au tribunal."[135] Le procureur du tribunal d'Ituri a également expliqué que le nombre réduit de condamnations pour viol était en partie dû à la réticence des victimes à dénoncer le viol.[136]

Les autorités judiciaires ont l'obligation d'enquêter sur les crimes une fois qu'elles en ont appris l'existence, que la victime ait déposé une plainte ou non. Elles ont également l'obligation de créer les conditions qui permettent aux victimes de porter plainte. Entre autres, elles doivent faire en sorte que les enquêtes et poursuites soient menées avec la diligence qui s'impose pour maximiser les chances d'aboutir à une condamnation des coupables.

Envers et contre tout: les victimes veulent que justice soit faite

Bien que la majorité des victimes n'envisagent pas de porter leur affaire devant un tribunal, elles sont de plus en plus nombreuses à souhaiter le faire. Selon un conseiller psychologique qui travaille avec des victimes de violence sexuelle:

Beaucoup de femmes avec lesquelles je parle veulent mener des poursuites en justice. Elles disent, "Aujourd'hui, je voudrais qu'il soit puni." Lorsque vous leur expliquez qu'elles peuvent garder l'anonymat au tribunal, elles répondent: "Je n'ai rien à perdre. Je suis prête à aller au tribunal et à dire ouvertement ce qui s'est passé."[137]

Des victimes se réunissent pour apprendre à agir en justice en écoutant des femmes qui l'ont fait et des militants des droits humains ou en regardant une cassette vidéo du procès, mentionné précédemment. Dans bien des cas, elles repartent décidées à engager une action à leur tour.[138] Au cours de la première semaine qui a suivi l'une de ces réunions en septembre 2004 à Sange, au Sud Kivu, quatre femmes se sont adressées aux représentants d'une ONG des droits humains pour réclamer de l'aide; elles étaient treize la deuxième semaine et vingt-trois la troisième semaine. Comme l'a fait remarquer un représentant de l'ONG, "Il y a une volonté d'agir en justice."[139]

Les statistiques corroborent ces informations anecdotiques: selon une ONG, douze cas de violence sexuelle ont été portés devant les tribunaux de Goma en 2002 et vingt-six en 2003.[140] Une autre ONG a recueilli des informations sur trente cas portés devant les tribunaux civils et militaires de Goma au cours des six premiers mois de 2004; trente et un autres cas faisaient l'objet d'une enquête du procureur du Tribunal de Grande Instance.[141]

Dans beaucoup d'affaires, il a été plus facile pour les parents de porter plainte pour les crimes commis contre leurs enfants que pour les victimes adultes d'agir elles-mêmes. Une femme qui a été violée est souvent vue comme quelqu'un qui a amené la honte sur sa communauté alors que les jeunes enfants ne sont pas soumis à pareille stigmatisation. Les communautés agissent souvent ensemble pour s'élever contre les violences sexuelles perpétrées sur des enfants.

Les autorités ne rendent pas la justice

Les femmes et les filles qui cherchent à obtenir justice doivent au moins bénéficier de la coopération, sinon du soutien, des autorités. Comme l'illustrent les cas mentionnés ci-après, certaines victimes qui voulaient que leurs agresseurs soient poursuivis n'ont bénéficié ni de l'une ni de l'autre. Bien que dans certains de ces cas, les autorités étaient disposées à recevoir les plaintes, dans tous les cas sauf un les initiatives ont échoué car d'autres personnes disposant de pouvoirs ou d'une position officielle ont fait obstruction aux efforts faits pour traduire les responsables en justice.

En avril 2003, Simone B., une jeune femme travaillant pour une agence humanitaire dans un camp de réfugiés au sud de Bukavu, a été agressée sexuellement par deux soldats du RCD-Goma. Ils l'ont suivie, l'ont attrapée et l'ont forcée à se coucher par terre. Alors qu'ils commençaient à arracher ses vêtements, elle a crié. Quand d'autres personnes sont arrivées pour l'aider, les deux soldats se sont enfuis. La victime a déposé une plainte auprès de l'auditeur militaire. Un commandant militaire local qui se montrait coopératif a essayé de trouver les hommes dont les noms étaient connus. Mais les suspects n'ont jamais été arrêtés et, selon des observateurs locaux, la victime a dû quitter le secteur après avoir été menacée par d'autres soldats du RCD-Goma.[142]

Le 28 juin 2003, deux soldats du RCD-Goma sont arrivés à la maison de Rosette T., douze ans, et de sa compagne Elise K., douze ans également, près de Kalonge, au nord de Bukavu. Ils ont pris des poulets et des cobayes et ont forcé les filles à porter le butin. Arrivés à une rivière où ils se sont arrêtés pour prendre de l'eau, les soldats ont violé les filles. Ils les ont ensuite forcées à laver leurs vêtements. Les parents des deux filles se sont plaintes au commandant du camp militaire du RDC-Goma à Cihimba. Il a immédiatement procédé à une séance d'identification de ses combattants et les filles ont pu identifier l'un des suspects mais elles n'ont pas vu l'autre. Le suspect a tout nié; le commandant a ordonné qu'il soit battu mais il ne l'a pas arrêté. Les filles se sont rendues dans un centre médical de Bukavu où un médecin a confirmé qu'elles avaient été violées. Alors qu'elles étaient en ville, elles ont vu le deuxième suspect. Les parents, soutenus par des ONG locales, ont insisté pour que des poursuites soient entamées mais l'auditeur militaire, invoquant des raisons logistiques et de sécurité, ne s'est jamais rendu à Kalonge pour enquêter sur le crime ou arrêter les suspects.[143]

En août 2003, Marianne L. a été violée par un soldat du RCD-Goma qui a tiré sur elle, comme il a été décrit plus haut.[144] Des gens du voisinage qui avaient entendu parler du crime ont arrêté le suspect alors qu'il tentait de fuir à Bukavu et l'ont ramené au camp militaire. Le commandant l'a interrogé et le suspect a avoué ses crimes.[145] Mais il n'a pas été arrêté à ce moment-là, apparemment parce qu'il était protégé par ses supérieurs. Il a fallu les pressions de l'auditeur militaire –et le plaidoyer des ONG locales– pour que le suspect soit arrêté deux mois plus tard. Il s'est échappé avec d'autres détenus lors de l'attaque de Bukavu en juin 2004 et il n'a pas été jugé.[146]

Le 5 juillet 2003, Laure N., qui rentrait du marché, a été violée par un commandant local des Forces de Défense Locales dans les faubourgs de Bukavu. Son père a porté plainte auprès d'un fonctionnaire local et le supérieur du suspect a ordonné que ce dernier soit détenu dans les bureaux communaux. Selon une ONG locale qui a enquêté sur l'affaire, le suspect a avoué son crime. Pourtant, le maire, qui jouit à la fois des pouvoirs d'un officier de police judiciaire et de haut responsable de l'autorité administrative de la commune, a libéré le suspect, a mis fin à l'enquête et a rejeté les demandes de la famille de la victime pour le rencontrer. La famille, menacée par des membres des Forces de Défense Locales, a quitté le quartier.[147]

Le cas mentionné antérieurement de Marie T.,[148] l'étudiante en couture violée par plusieurs membres des Forces de Défense Locales en août 2003, est un autre exemple du blocage des poursuites par les autorités civiles. Même si Marie ne pouvait pas reconnaître le visage de ses agresseurs, elle avait entendu le nom de l'un d'eux. Sa famille a demandé aux autorités locales et à la police de rechercher les membres des LDF postés dans le quartier le jour de l'agression. Mais les autorités ont insisté sur le fait qu'aucun membre des LDF n'était chargé de patrouiller dans ce quartier et la famille s'est vue contrainte d'abandonner les poursuites.[149]

Le 27 janvier 2004, Francine G. est allée voir son fils de quinze ans qui avait été emprisonné pour n'avoir pas presté le travail communautaire obligatoire à Rutshuru, au Nord Kivu. Elle a été arrêtée à son tour et pendant la nuit, elle a été violée par un policier dans la prison.[150] Le policier a été arrêté et a été remis à l'auditeur militaire de Goma où, un an plus tard, il était toujours détenu sans avoir été jugé.[151]

Parmi tous ces cas, les poursuites n'ont abouti à une condamnation qu'une seule et unique fois et il est probable que la volonté dont ont fait preuve les responsables de la MONUC pour intervenir a été un facteur important. A la mi-2004 à Bunia, la grand-mère d'une fillette de quatre ans, Nadine L., est rentrée chez elle du champ pour trouver sa petite-fille en train d'être violée par un voisin adulte. Selon des sources locales, elle a dénoncé les faits au chef mais rien ne s'est passé. Un groupe local de femmes a été informé de l'incident et avec l'assistance de la MONUC, il a aidé la grand-mère à dénoncer les faits à la police qui a alors arrêté le présumé coupable.[152] Peu après l'arrestation, la grand-mère a été menacée par des combattants armés, apparemment des membres de la famille de l'accusé, qui sont arrivés chez elle avec des fusils. Elle a dû s'enfuir avec Nadine L. dans un autre quartier de la ville où elle se sentait plus en sécurité; aucune protection policière ne lui a été fournie. En dépit de ces difficultés, l'affaire a été portée devant un tribunal le 17 juin 2004 et l'auteur du viol a été condamné à une peine de dix ans d'emprisonnement le 29 juillet 2004.[153] On avait demandé à la jeune victime de venir au tribunal pour identifier son violeur. Une femme qui connaît Nadine L. a déclaré, "Aujourd'hui, elle souffre d'un réel traumatisme psychologique. Elle ne se souvient plus des choses les plus simples et bien qu'elle ne soit qu'une petite fille, elle parle comme une adulte."[154]

Comme il est expliqué plus loin, il est extrêmement difficile au Congo de poursuivre les soldats et autres combattants impliqués dans des crimes. Ces difficultés sont plus grandes encore lorsqu'il s'agit de violences sexuelles. Les officiers qui commandent s'arrangent souvent pour que les combattants accusés de violences sexuelles soient rapidement transférés ailleurs, rendant les poursuites beaucoup plus compliquées et souvent impossibles. Lors d'une rencontre avec des ONG, des agences internationales et des victimes de violences sexuelles, l'auditeur militaire du Nord Kivu a déclaré:

L'impunité règne sur le front. Lorsqu'il y a une affaire de viol, les organisations prennent souvent du temps avant de réagir. Cela prend du temps pour qu'une affaire [de viol] arrive jusqu'ici. Nous perdons la trace des soldats… Nous sommes au courant du problème des mutations [de suspects] à Kindu, Kisangani, Bukavu.[155]

Cette réticence à poursuivre les soldats accusés entrave également les poursuites dans les zones contrôlées par les anciens mouvements rebelles. Par exemple, lorsque des combattants du RCD-ML ont commis une série d'actes de violence sexuelle et d'autres crimes contre des civils à Musienene en juin 2003, les dirigeants du RCD-ML n'ont poursuivi personne malgré les plaintes déposées par certaines familles de victimes.[156] La réticence à arrêter des frères d'armes ou à mener des enquêtes à leur propos se prolonge également lors du procès. Peu de cas arrivant jusqu'au tribunal militaire aboutissent à une condamnation, en partie parce que les personnes qui mènent les poursuites appartiennent à la même institution que les accusés.

Le manque de protection

Les personnes qui réclament justice sont souvent menacées et parfois elles décident alors d'abandonner les poursuites, comme nous l'avons vu plus haut. Afin que davantage de plaintes soient déposées et aboutissent, les autorités doivent assurer la protection des victimes et des témoins. Aux termes de l'Article 23 de la Constitution provisoire actuellement en vigueur, les tribunaux peuvent siéger à huis clos s'il y a lieu pour protéger l'ordre public et les bonnes mœurs mais aucune autre disposition ne prévoit spécifiquement de prendre à huis clos les dépositions des témoins ou des victimes qui craignent des représailles. Aucune réglementation ou agence n'existe pour assurer la sécurité de ceux qui sont menacés de représailles s'ils témoignent. Selon une représentante d'une ONG à Bunia, son organisation a aidé plus de 2000 victimes de viol et la vaste majorité d'entre elles accepteraient de se présenter au tribunal à la seule condition que leur identité ne soit pas connue du public.[157] Une femme de Bunia qui envisageait d'entamer des poursuites pour des crimes commis à son encontre a demandé à une chercheuse de Human Rights Watch:

Qui me protégera si je dis qui m'a violée? Les hommes armés font encore la loi ici. L'ONU ne protège qu'une petite partie de la ville et elle ne m'aidera pas si ces hommes viennent à ma porte.[158] 

Les problèmes généraux du système judiciaire

Les personnes entamant des poursuites pour des crimes de violence sexuelle sont confrontées aux mêmes problèmes que tout citoyen portant plainte pour crime. La corruption est généralisée dans le secteur judiciaire et il est courant de soudoyer les juges ou autres fonctionnaires de justice pour influencer la conclusion d'une enquête ou d'un procès. Suite aux années de guerre et de stagnation économique, le système judiciaire rencontre des problèmes logistiques et financiers qui perturbent aussi d'autres secteurs du gouvernement.

Manque de personnel qualifié, de soutien logistique et d'efficacité dans l'organisation

La plupart des membres du personnel des tribunaux militaires et civils sont mal formés. Les enquêteurs ignorent souvent comment recueillir les faits afin qu'ils puissent être utilisés au tribunal, notamment dans les cas de crimes de violence sexuelle. Il n'y a pas d'experts en médecine légale dans l'Est du Congo et le personnel judiciaire ou chargé de l'instruction n'est pas formé pour avoir affaire à des victimes de violence sexuelle gravement traumatisées. Le personnel judiciaire est constitué en grande partie d'hommes. Le procureur militaire de Bukavu a récemment engagé des officiers de police judiciaire de sexe féminin, ce qui peut constituer un progrès; toutefois, engager du personnel féminin ne garantit pas une meilleure qualité des enquêtes.

Les procureurs militaires et civils de l'Est du Congo n'ont pas suffisamment de véhicules et d'argent pour se rendre dans les zones périphériques et mener des enquêtes correctes. Les tribunaux et les procureurs ne disposent pas non plus du matériel minimum tel que des petits articles de bureaux, et encore moins d'ordinateurs.

Certains cas récents à Walungu, au Sud Kivu, illustrent ces problèmes. Plusieurs soldats du RCD-Goma ont été accusés de viol et les victimes ont prié le commandant militaire d'entamer une action contre ces hommes. Mais les enquêteurs travaillant sur ces cas étaient tellement peu formés qu'ils ont remis des rapports qui n'incluaient pas certaines informations essentielles telles que les noms des victimes. L'auditeur militaire de Bukavu, plus à même de diriger cette enquête, n'avait pas d'argent pour payer le transport jusqu'à Walungu. Lorsque les enquêteurs de Bukavu sont finalement arrivés sur place, ils ont omis de rechercher les premiers enquêteurs et n'ont par conséquent pas pu localiser les victimes. Plusieurs suspects ont donc dû être libérés par manque de preuves à retenir contre eux.

Dans un autre cas survenu en avril 2004, le viol d'une fillette de huit ans de Kanyola, à Walungu, avait été rapporté à l'auditeur militaire. Selon ce dernier, la victime avait reconnu l'auteur des faits. Cependant, quatre mois plus tard, le Bureau de l'auditeur militaire n'avait pas encore entamé cette enquête, en partie parce que le transport vers cette zone est difficile à organiser.[159]

Obstacles liés au processus de transition

Peu après la mise en place du gouvernement de transition en juin 2003, celui-ci a suspendu les opérations des tribunaux instaurés en vertu du Code de Justice Militaire de 1972 afin de faire place à des tribunaux opérant en vertu du code adopté en 2002. Néanmoins, très peu de choses ont été faites pour mettre sur pied les nouveaux tribunaux militaires, installer les juges et se mettre au travail. Un Auditeur Général a finalement été nommé à la fin juin 2004. En septembre 2004, plus d'un an après le début de la transition, le personnel judiciaire – magistrats et juges – avait été nommé pour les tribunaux militaires mais il n'était pas encore entré en fonction. Ce retard bloque les enquêtes et les poursuites de crimes dont sont accusés les combattants du RCD-Goma et d'autres groupes armés. Dans certains cas, les suspects finissent par être maintenus par l'armée en détention prolongée sans procès – ce qui constitue une violation de leurs droits. Au Nord Kivu, par exemple, l'auditeur militaire a arrêté au moins douze hommes sous l'inculpation de viol entre novembre 2003 et juin 2004 mais aucun n'a été jugé et certains sont toujours en détention. Dans d'autres cas, les suspects ont tout simplement été libérés.[160] Un avocat de Bukavu a déclaré:

Cet état de choses paralyse et bloque les poursuites contre les auteurs de violences sexuelles... Cette situation donne aux victimes une impression d'impunité [pour les coupables] et cela les traumatise davantage.[161]

La voie du progrès

Une mesure importante qui favoriserait les poursuites contre les auteurs de crimes de violence sexuelle serait la création, par le gouvernement, d'un cadre juridique pour mettre en œuvre le Statut de Rome de la CPI. Le projet de loi de mise en œuvre de la CPI préparé par une commission d'experts en octobre 2002 contient une définition complète des crimes de violence sexuelle qui les assimile à des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Des modifications juridiques complémentaires sont nécessaires pour protéger les victimes et autres personnes qui acceptent de témoigner contre de possibles représailles, particulièrement d'hommes munis de fusils-soldats et membres de groupes armés. Un amendement au Code criminel devrait veiller à ce qu'il soit possible pour une victime de déposer une requête auprès du procureur ou du président du tribunal pour des mesures de protection particulières, notamment que son identité soit gardée secrète et qu'elle bénéficie d'une protection policière avant, pendant et après le procès.

Outre les modifications de la loi, les autorités doivent fournir une formation aux enquêteurs, notamment une formation spécialisée sur les méthodes d'investigation dans les cas de crimes de violence sexuelle et sur la façon d'aborder les personnes traumatisées. Le nombre de femmes juges, magistrats et officiers de police judiciaire devrait augmenter.[162] La police et les tribunaux ont le devoir d'informer les victimes et leurs familles sur le fonctionnement du système de justice pénale et de les accompagner tout au long des procédures judiciaires, de préférence en désignant une personne de contactqui examine régulièrement où en est la victime dans son parcours judiciaire. Ils devraient également si possible employer des experts en médecine légale et fournir une assistance psychologique aux victimes qui témoignent à propos d'actes de violence sexuelle.

Enfin, l'appareil judiciaire et le ministère public doivent être renforcés par l'octroi de ressources suffisantes pour mener à bien leurs fonctions. Les fonctionnaires de justice doivent notamment pouvoir se rendre dans des endroits reculés pour mener leur enquête et entamer des poursuites, voire même organiser des procès dans des zones rurales isolées.

L'aide aux victimes

L'impact dévastateur de la violence sexuelle sur les personnes et sur l'ensemble de la société est affligeant. Au cours des dernières années, les organisations locales ont attiré l'attention sur l'ampleur de la crise dans l'Est du Congo et elles ont été les premières à offrir une assistance aux victimes. La société civile congolaise est dynamique et constitue depuis longtemps un important pilier de l'aide aux populations affectées de l'Est du Congo. Avec la guerre et l'érosion des services publics, ces groupes offrent souvent la seule aide disponible aux personnes qui sont dans le besoin, notamment celles qui ont subi des crimes de violence sexuelle.

L'urgence médicale

Les femmes et les filles qui ont été victimes de crimes de violence sexuelle ont des besoins médicaux et psychologiques auxquels il faut répondre, à la fois pour soulager la détresse dans laquelle elles se trouvent dans l'immédiat et pour leur donner la force d'aller en justice pour réclamer réparation. Une personne qui souffre, qui est incontinente ou déprimée est peu susceptible de porter une affaire devant un tribunal. 

Les femmes et les filles qui ont subi des violences sexuelles souffrent de fistules et autres lésions ainsi que d'infections et de maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH/SIDA. Certaines tombent enceintes et souffrent de complications liées au viol pendant leur grossesse ou l'accouchement. L'avortement est illégal au Congo.[163] Certaines victimes ont essayé de se faire avorter et ont eu des complications en raison des conditions peu sûres dans lesquelles sont pratiqués les avortements.

La prévalence du VIH/SIDA au Congo n'est pas connue mais il est probable que beaucoup de femmes et de filles violées par des soldats et des combattants ont contracté le VIH/SIDA. La prévalence de l'infection parmi les combattants est généralement supérieure au taux moyen d'infection de la population congolaise et la violence des agressions accroît le risque d'infection en raison des déchirures et des lésions des tissus génitaux. ONUSIDA estime que le taux de prévalence au niveau national est d'environ 4,2 pour cent mais le Programme national de lutte contre le SIDA estime pour sa part que la prévalence dans l'Est du Congo est beaucoup plus élevée, entre 20 et 22 pour cent.[164]

La plupart des victimes de violences sexuelles ne passent pas d'examen médical et ne suivent pas de traitement médical après leur agression. Elles vivent dans des zones rurales où il n'y a pas de service médical disponible, elles n'ont pas assez d'argent pour suivre un traitement ni même pour payer le transport jusqu'à une clinique ou bien elles craignent qu'une visite médicale ne révèle publiquement qu'elles ont été violées. Déjà avant la guerre, le système de soins de santé congolais était dans un état de délabrement et pendant la guerre, bon nombre de centres médicaux et d'hôpitaux ont été pillés et détruits. Là où les bâtiments tiennent encore debout, il n'y a pas suffisamment de personnel pour dispenser les services ou distribuer les médicaments et le matériel nécessaires ou il n'y a carrément plus de personnel du tout. Les centres de dépistage et de traitement du VIH/SIDA sont tout particulièrement nécessaires mais il n'en existe que quelques-uns, situés pour la plupart dans les centres urbains. Dans l'Est du Congo, un seul programme, basé à Bukavu, fournit des antirétroviraux aux personnes infectées par le VIH/SIDA et en octobre 2004, il n'avait traité que 127 patients.[165] Les traitements prophylactiques post-exposition – médicaments qui peuvent prévenir l'infection par le VIH s'ils sont pris dans les 72 heures qui suivent le viol – et les médicaments empêchant la transmission de la mère à l'enfant ne sont pas disponibles à grande échelle. Les agences de santé liées à l'Eglise offrent une assistance médicale limitée en milieu rural et certaines ONG locales, telles que Solidarité pour la Promotion Sociale et la Paix (SOPROP), PAIF, et le Centre Mater Misericordiae offrent les premiers soins à Goma, Kitshanga, Butembo, Katana et Bukavu.

Etant donné les cas de violences sexuelles généralisées qui ont été rapportés et les conséquences désastreuses de l'infection par le VIH/SIDA suite à des violences sexuelles, les centres médicaux devraient faire subir des tests de dépistage après ce type de violences et fournir de façon routinière à tous les patients des informations sur la transmission, le dépistage volontaire et le traitement du VIH/SIDA ainsi que sur l'assistance psychologique en cas d'infection.

Réadaptation psychologique et sociale

Outre les conséquences physiques des crimes, les femmes, les filles et leurs communautés doivent gérer les effets psychologiques et sociaux. Bon nombre de victimes de violences sexuelles sont déprimées, souffrent de maladies psychosomatiques, voire se suicident. Si le viol entraîne une grossesse, la plupart des femmes et des filles donnent naissance à l'enfant, en partie parce que l'avortement est illégal mais aussi parce qu'il est considéré par beaucoup comme immoral. Ces mères se débattent pour trouver des moyens de vivre avec ces enfants nés d'un viol et elles et leurs enfants sont souvent rejetés par leurs familles. Les conséquences de ce rejet sont graves car au Congo, les familles sont souvent le seul filet de sécurité pour assurer la protection et la survie des personnes vulnérables.

A la mi-2004, dans l'Est du Congo, toute une série d'organisations offraient une prise en charge psychologique, une assistance pratique telle que des programmes de formation professionnelle ou de micro-crédits ainsi qu'un soutien général pour surmonter la stigmatisation et l'isolement liés au fait d'avoir été victime de violences sexuelles. Mais le viol généralisé a déchiré la vie des personnes et des communautés et l'aide offerte est nettement insuffisante pour répondre aux besoins.

Assistance juridique

Plusieurs ONG locales cherchent à offrir une aide juridique aux victimes qui réclament justice. Il s'agit d'une situation relativement récente et il se pourrait que la fourniture de ces services se développe étant donné l'augmentation du nombre de victimes qui demandent réparation. Au Sud Kivu, l'AED et l'Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix (ICJP) fournissent des conseils et une assistance juridiques à des femmes et des filles qui sont victimes de violences sexuelles tandis qu'au Nord Kivu, ce sont le SAJ à Goma et le CEJA à Butembo qui apportent une assistance juridique à ces victimes.

Depuis l'entrée en fonction du gouvernement de transition, ce dernier n'a pris que des mesures très limitées pour gérer le problème de la violence sexuelle. Il a délégué des représentants pour participer à une mission conduite par l'ONU pour évaluer le problème de la violence sexuelle dans l'Est du Congo et il a annoncé que le Fonds Social national paierait l'assistance médicale urgente aux victimes de violences sexuelles.[166] Les efforts entrepris pour que les systèmes judiciaires militaire et civil fonctionnent de manière efficace faciliteront, bien entendu, la poursuite des auteurs de crimes de violence sexuelle.

La réaction de la communauté internationale

En raison de l'attention croissante portée par la presse et l'opinion publique aux violences sexuelles dans l'Est du Congo, les dirigeants internationaux et diverses agences commencent à saisir l'étendue du problème. Une mesure importante pour mettre un terme aux crimes de violence sexuelle commis par les forces armées serait de réformer l'armée et de permettre à la hiérarchie militaire de mieux discipliner les soldats. Peu disposés à s'engager directement dans ce type d'efforts, les responsables internationaux se sont concentrés sur l'assistance aux victimes. Ce type d'aide a augmenté en 2004 mais il est encore loin de répondre aux besoins.

Assistance médicale

Suite à l'évaluation faite par l'ONU en 2003 et mentionnée plus haut, les agences des Nations Unies ont décidé que le travail relatif à la violence sexuelle serait l'un des quatre domaines prioritaires pour le Processus d'Appel Consolidé (Consolidated Appeal Process - CAP) de 2004 pour le Congo. Destiné à recueillir un total de 187 millions de dollars américains, il avait reçu des promesses pour environ la moitié de ce montant en octobre 2004.[167] En mars 2004, la Banque Mondiale a octroyé 102 millions de dollars pour combattre le VIH/SIDA au Congo et le Fonds Global a consacré 35 millions de dollars pour soigner le SIDA dans ce pays pendant les deux prochaines années.[168] Une partie de ces fonds aidera forcément les femmes qui ont contracté le VIH/SIDA suite à un viol.  

A la mi-2004, plusieurs agences internationales apportaient de l'aide pour la réhabilitation médicale, psychologique, sociale et juridique des victimes de l'Est du Congo mais la plupart étaient basées dans le Nord et le Sud Kivu et il y en avait beaucoup moins qui opéraient en Ituri. L'UNICEF a apporté son soutien à l'hôpital de Panzi à Bukavu en renforçant le personnel avec deux gynécologues; l'ONG internationale Doctors on Call for Service (DOCS) a organisé un dispensaire pour soigner les victimes de violences sexuelles à Goma; l'International Rescue Committee (IRC) a mis sur pied plusieurs dispensaires qui fournissent des soins médicaux, notamment aux victimes de violences sexuelles; l'Aide Médicale Internationale (AMI) assiste les victimes de violences sexuelles à Uvira et Médecins Sans Frontières offre des services similaires à Shabunda. L'agence de développement allemande Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) a mis en place un programme d'assistance psychologique pour les communautés du Sud Kivu, aidant celles-ci à gérer le problème des violences sexuelles et à réintégrer les victimes.

Vu l'énormité de la tâche, tout ceci ne peut être qu'un point de départ. Des dizaines de milliers de victimes, femmes et filles confondues, ont encore cruellement besoin de soins médicaux. En dépit des efforts importants consentis par les agences individuellement, la réaction de la communauté internationale face aux viols commis en masse dans l'Est du Congo a été lamentablement lente.

Assistance juridique et réforme de l'appareil judiciaire

Devant les efforts énormes requis pour tenter de faire fonctionner le système judiciaire, les principaux bailleurs de fonds se sont réunis sous la houlette de la Commission européenne (C.E.). Un groupe d'experts chargé d'évaluer le problème a fait rapport à la C.E. en mai 2004. Il n'a pas seulement apporté des conseils sur la façon d'organiser et de reconstruire l'appareil judiciaire mais il a en outre émis des recommandations à propos de l'impunité, sur la façon de gérer les violations du droit international humanitaire et sur la justice transitionnelle. Il a préconisé l'adoption de la loi de mise en œuvre du Statut de la CPI et des amendements aux dispositions du Code pénal concernant les crimes de violence sexuelle et autres crimes internationaux. Les experts ont par ailleurs recommandé de modifier le code de la famille pour donner aux femmes tous les pouvoirs légaux et ils ont également préconisé de former le personnel judiciaire sur la façon d'enquêter à propos des violations du droit international humanitaire. Ce rapport est censé devenir une référence pour les financements octroyés par les bailleurs de fonds.

Comme il a été mentionné plus haut, la C.E. a financé des efforts visant à restaurer le système judiciaire à Bunia, dans le district d'Ituri. Ce programme, qui a généralement abouti à de bons résultats, peut servir de modèle pour remettre sur les rails l'activité judiciaire ailleurs dans le pays.

Justice internationale: l'enquête de la CPI au Congo

Le 23 juin 2004, le Procureur de la CPI a annoncé que son bureau entamait une enquête à propos des violations du droit international humanitaire commises au Congo. La première enquête menée par la CPI a été lancée à la demande du gouvernement congolais. Le bureau du procureur peut enquêter à propos de crimes lorsque les tribunaux nationaux sont incapables de le faire ou ne sont pas disposés à le faire, et son autorité peut être déclenchée par une demande officielle de l'Etat concerné. Le bureau du procureur a commencé ses investigations dans la région de l'Ituri touchée par un conflit mais il n'a pas dit clairement que les crimes perpétrés dans d'autres parties du Congo pourraient également faire l'objet d'une enquête.

Etant donné l'ampleur des crimes de violence sexuelle au Congo, il sera important pour la CPI d'enquêter et de poursuivre les crimes de cette nature. Ces enquêtes devront se concentrer sur ceux qui portent la plus grande part de responsabilité au sein des groupes armés ainsi que sur ceux qui les soutiennent, notamment les acteurs à l'extérieur des frontières du Congo.

Le contrôle des droits humains et la protection des civils par la MONUC

Au départ, la MONUC avait un mandat technique restreint au Congo, qui consistait principalement à contrôler le respect de l'accord de paix de Lusaka et à rendre compte des activités militaires des différents belligérants. En juillet 2003, le Conseil de Sécurité de l'ONU a élargi ce mandat pour y inclure la protection des civils, une tâche importante dans le conflit congolais. Cela signifie que les troupes de la MONUC peuvent et devraient recourir à la force, s'il y a lieu, pour protéger les civils. Malheureusement, la MONUC ne remplit pas pleinement ce mandat; dans bon nombre de régions de l'Est du Congo, les civils continuent à être à la merci de groupes armés comme avant et ils n'ont pas reçu la protection nécessaire, comme ce fut le cas avec les victimes violées et tuées lors du soulèvement conduit par Mutebutsi et Nkunda en juin 2004. Néanmoins, dans certains cas, la MONUC est intervenue afin de protéger la population civile, par exemple dans la ville de Bunia où elle a signalé aux groupes armés que leur comportement abusif ne serait plus toléré.

Le rôle qui incombe à la MONUC de surveiller les atteintes aux droits humains et d'aider les victimes a aussi évolué de façon significative au cours des deux dernières années. Au début, la composante civile de la MONUC était minime et la supervision des droits humains pas systématique. Plus récemment toutefois, la MONUC est parvenue à poster des observateurs des droits humains dans bon nombre de régions du pays, y compris dans des zones reculées qui sont le théâtre de graves exactions. Elle a mené avec diligence des enquêtes sur de graves exactions et dans certains cas, elle en a publié les résultats. De plus en plus, elle recueille des informations précises sur les crimes de violence sexuelle et prend des mesures pour assister les victimes en portant l'affaire devant le tribunal, comme dans l'exemple décrit antérieurement.

De tels efforts sont minés lorsque des membres du personnel de la MONUC et d'autres organes de l'ONU commettent eux-mêmes des exactions et exploitent des femmes et des filles au Congo. En interrogeant des victimes, Human Rights Watch a découvert que des casques bleus de la MONUC de différents contingents militaires ainsi que du personnel civil avaient exploité sexuellement des femmes et des filles congolaises qui avaient cruellement besoin de nourriture, d'argent ou d'autres choses.[169] Dans certains cas, des membres de la MONUC ont également agressé sexuellement ou violé des femmes et des filles. La réaction de l'ONU face à cette situation a été lente et inappropriée. Les informations relatives à ces exactions étaient disponibles au sein de l'ONU dès la mi-2004, lorsqu'une enquête interne a été menée. Ce n'est qu'en janvier 2005 que ces exactions ont été vigoureusement condamnées par le Secrétaire Général des Nations Unies. Seuls quelques cas ont fait l'objet d'une procédure disciplinaire interne et un nombre encore plus réduit de cas ont été jugés dans les pays d'origine des suspects.

Annexe: Qui sont les combattants en présence dans l'Est du Congo?

Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC)

Nouvelle armée congolaise intégrée (du moins de nom), composée des forces de l'ex-gouvernement Kabila et de plusieurs mouvements rebelles qui ont signé l'Accord de Prétoria en 2002. En dépit d'allégations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, certains commandants de groupes armés ont obtenu des grades d'officiers supérieurs.

Forces Armées Congolaises (FAC)

Ancienne armée gouvernementale congolaise pendant la guerre au Congo. Elle fait maintenant partie des FARDC.

Rassemblement Congolais pour la Démocratie – Goma (RCD-G)

Dirigeant: Azarias Ruberwa. Groupe rebelle soutenu par le Rwanda, constitue l'une des principales composantes du gouvernement de transition à Kinshasa. Depuis juin 2003, Ruberwa est l'un des quatre vice-présidents du Congo dans le nouveau gouvernement de transition. Le quartier général du RCD-G se trouvait à Goma, au Nord Kivu.

Rassemblement Congolais pour la Démocratie – Kisangani – Mouvement de Libération (RCD-ML)

Dirigeant: Mbusa Nyamwisi, aujourd'hui Ministre de la coopération régionale. Le RCD-ML a été créé en 1999 comme faction dissidente du RCD-Goma. Appuyé au départ par l'Ouganda, le RCD-ML a été divisé par des luttes pour le pouvoir et des conflits internes. Son quartier général était situé à Kisangani, puis à Bunia, et il se trouve actuellement à Beni.

Maï Maï

Combattants congolais locaux qui ont pris les armes pour lutter contre ce qu'ils considéraient être une occupation étrangère. Ils opéraient dans de nombreux endroits de l'Est du Congo mais n'avaient pas de structure de commandement centralisée. Un de ses principaux dirigeants, Padiri, est aujourd'hui Chef de la région militaire de Province Orientale.

Mouvement pour la Libération du Congo (MLC)

Dirigeant: Jean-Pierre Bemba, aujourd'hui Vice-Président. Basé à Gbadolite, le MLC a reçu le soutien de l'Ouganda dès le début de la guerre. Il s'agit maintenant d'un acteur puissant au sein du gouvernement de transition.

Forces de Défense Locales (LDF)

Les Forces de Défense Locales ont été créées comme force auxiliaire du RCD-G et elles ont ensuite opéré en tant que milice privée du gouverneur actuel du Nord Kivu, Eugène Serufuli. Le groupe a été officiellement dissous en février 2004 mais nombre de ses combattants semblent continuer à faire preuve de fidélité envers Serufuli.

Forces Armées du Peuple Congolais (FAPC)

Dirigeant: Jérôme Kakwavu. Groupe armé d'Ituri basé dans le nord-est du Congo (Aru et Ariwara), mis sur pied en 2003 avec le soutien de l'Ouganda. En dépit de graves allégations de crimes de guerre perpétrés sur l'ordre de Jérôme Kakwavu, ce dernier a été incorporé au sein des FARDC en janvier 2005 au poste de général.

Union des Patriotes Congolais (UPC)

L'UPC est un groupe armé d'Ituri qui promeut les intérêts de l'ethnie hema. Elle a pris le contrôle de Bunia en août 2002 avec l'aide de l'Ouganda. Peu de temps après, elle a reçu le soutien du Rwanda. Au début 2004, l'UPC s'est scindée en deux factions, l'une sous le commandement de Kisembo (UPC-K), l'autre sous celui de Lubanga (UPC-L).

Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR)

Groupe armé hutu rwandais basé au Kivu. Il a dans ses rangs des Rwandais mécontents du régime actuel, des ex-réfugiés, des anciens membres de l'armée rwandaise et des particuliers dont certains pourraient avoir été impliqués dans le génocide rwandais de 1994.

Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD)

Dirigeant: Pierre Nkurunziza. Autrefois le plus grand groupe rebelle hutu burundais. Elles ont signé un cessez-le-feu avec le gouvernement burundais en décembre 2002. Nkurunziza est un sérieux candidat aux prochaines élections présidentielles. Lors de la guerre au Congo, les FDD disposaient de bases au Congo et le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila les appuyait et les approvisionnait.

Remerciements

La rédaction du présent rapport ainsi que les recherches en vue de son élaboration ont été effectuées par Juliane Kippenberg, chargée de liaison ONG à la Division Afrique de Human Rights Watch. Des recherches complémentaires ont été réalisées par Anneke van Woudenberg, responsable des recherches sur la RDC, Karen Stauss, chercheuse sur la RDC, et Pascal Kambale, conseiller au Programme de Justice Internationale. Le présent ouvrage a été corrigé par Alison Des Forges, conseillère principale à la Division Afrique. La révision a été assurée par Tony Tate, chercheur sur l'Afrique à la Division Droits des Enfants, LaShawn Jefferson, Directrice de la Division Droits des Femmes, James Ross, Conseiller juridique principal, et Widney Brown, Directrice adjointe des Programmes. Lizzie Parsons et Andrea Holley ont contribué à la production du document.

Nous aimerions remercier les victimes qui ont accepté de nous parler de leurs expériences. Nous voudrions également exprimer notre reconnaissance aux organisations non gouvernementales congolaises et internationales qui nous ont aidés dans nos recherches et ont partagé leurs points de vue. Nous voudrions tout particulièrement remercier les personnes qui ont coorganisé avec nous des consultations sur la justice et la violence sexuelle, notamment la Coalition contre les Violences Sexuelles, Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix ainsi que Promotion et Appui aux Initiatives Féminines.

[1] Dans le présent rapport, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant, les termes fille, garçon et enfant sont utilisés pour décrire une personne âgée de moins de dix-huit ans.

[2] Le terme "violence sexuelle" est utilisé dans le présent rapport pour désigner toutes les formes de violence à caractère sexuel telles que le viol, la tentative de viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, l'agression sexuelle et la menace sexuelle.

[3] IRIN, RDC: Focus on rampant rape, despite end of war, 8 mars 2004. Le rapport a révélé qu'il y avait eu environ 25.000 victimes dans la province du Sud Kivu, 11.350 dans la province du Maniema, 1.625 à Goma et 3.250 à Kalémie. 

Voir http://www.reliefweb.int/w/rwb.nsf/0/253bfc93b573d42885256e51006c20e4?OpenDocument (consulté le 4 juin 2004). D'autres rapports ont confirmé la gravité du problème dans des zones non traitées dans le présent document. Voir Initiative conjointe de lutte contre les violences sexuelles faites à la femme et à l'enfant (fille et garçon), Rapport de mission effectuée dans les villes de Kalémie, Bukavu et Goma du 5 au 18 août 2003, août 2003; Médecins Sans Frontières, Mass rape, looting widespread in southeast DR Congo, 12 septembre 2003; et le 14e Rapport du Secrétaire Général sur la Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo. S/2003/1098, 17 novembre 2003.

[4] Les combattants sont des membres de toute force armée prenant part à un conflit. Les membres des forces gouvernementales régulières sont des soldats. Dans le présent rapport, les membres du RCD-Goma, lequel était fortement organisé et opérait parfois sous le commandement de l'armée rwandaise, sont aussi décrits comme étant des soldats. Les membres des autres groupes armés sont qualifiés de combattants ou de rebelles. Pour les abus sexuels commis par l'armée rwandaise, voir Human Rights Watch, La Guerre dans la guerre Violence sexuelle contre les femmes et les filles dans l'est du Congo. (New York: Human Rights Watch), juin 2002.

[5] Alors que les groupes Maï Maï se trouvant sous le commandement de Padiri ont été intégrés dans la nouvelle armée nationale, d'autres groupes Maï Maï opèrent entièrement en dehors des FARDC.

[6]Entre 1999 et 2003, le gouvernement ougandais qui contrôlait l'Ituri a tenté d'en faire une province séparée et un gouverneur a été nommé. Cependant, l'Ituri n'a jamais été reconnue comme province.

[7]Rapport du Panel d'Experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République Démocratique du Congo. S/2003/1027, Octobre 2003. Rapport du Groupe d'Experts sur l'application de l'embargo sur les armes imposé par le Conseil de Sécurité en République Démocratique du Congo. S/2005/30, janvier 2005.

[8] Pour de plus amples détails, voir Human Rights Watch, La guerre dans la guerre Violence sexuelle contre les femmes et les filles dans l'est du Congo. (New York: Human Rights Watch), juin 2002.

[9] Human Rights Watch, Ituri: "Couvert de sang" Violence ciblée sur certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC, vol.15, No.11 (A),juillet 2003. 

[10] Statistiques de Cooperatione Italiano (COOPI), Bunia, fournies le 9 octobre 2004.

[11]Entretien de Human Rights Watch avec une représentante d'une ONG de femmes, Bunia, 10 octobre 2004.

[12] Les enlèvements perpétrés dans de tels buts constituent une forme de violence basée sur le genre, c'est-à-dire une violence qui se fonde sur le rôle (ou la perception du rôle) attribué à la victime dans la société en fonction de son sexe.

[13] Synergie pour l'Assistance Judiciaire aux Victimes des Violations des Droits Humains (SAJ), Rapport sur la situation des droits humains: cas de violences sexuelles identifiées de janvier à juin 2004 au Nord Kivu, juin 2004.

[14] Entretien de Human Rights Watch avec une représentante du Centre Olame, Bukavu, 14 octobre 2003, et entretien téléphonique, 6 octobre 2004.

[15] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l'hôpital de Panzi, Bukavu, 23 juillet 2004. Les femmes et les filles ont été soignées pour des maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH/SIDA et/ou ont subi des interventions chirurgicales.

[16] Médecins Sans Frontières, I have no joy, no peace of mind. Medical, psychological and socio-economic consequences of sexual violence in eastern Congo. (MSF Amsterdam: 2004).

[17] Tant les forces gouvernementales que les forces dissidentes ont commis des exactions à l'encontre des civils. Voir Human Rights Watch, Crimes de guerre à Bukavu, RDC, juin 2004.

[18] Human Rights Watch, Crimes de guerre à Bukavu, RDC, juin 2004.

[19] D'autres victimes ont déclaré avoir été agressées sexuellement par les FARDC; voir ci-après. Entretien de Human Rights Watch avec une représentante du Centre Olame, 21 juillet 2004. Informations complémentaires fournies par courriel par une représentante du Centre Olame, 21 octobre 2004.

[20] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l'hôpital de Panzi, Bukavu, 23 juillet 2004.

[21] Tous les noms de victimes et témoins apparaissant dans le présent rapport ne sont que des pseudonymes.

[22] Entretien de Human Rights Watch avec Léonie W.,  Goma, le 16 juillet 2004.

[23] Promotion et Appui aux Initiatives Féminines (PAIF), Rapport sur les violations des droits de l'homme à Katana, juin 2004.

[24] Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Goma, 16 juillet 2004.

[25]Entretien de Human Rights Watch, Goma, juin 2004.

[26] Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Goma, 16 juillet 2004.

[27] Entretien téléphonique avec le Général Nkunda, 9 juin 2004.

[28] Entretiens de Human Rights Watch avec Marianne L. et un membre du personnel d'une ONG locale, Bukavu, 15 et 16 octobre 2003.

[29] Entretien de Human Rights Watch avec Anne M., Bukavu, 15 octobre 2003.

[30] Entretiens de Human Rights Watch avec un membre du personnel de la MONUC et des ONG locales, octobre 2003. Certaines victimes ont ensuite été envoyées dans un centre pour enfants défavorisés où elles ont bénéficié d'une prise en charge psychosociale.

[31] Entretiens de Human Rights Watch, Goma, juillet 2004.

[32] Entretien de Human Rights Watch avec Marie T., Goma, 18 novembre 2003.

[33] Entretiens de Human Rights Watch, Bukavu, 20 et 21 juillet 2004.

[34] CEJA, RCD-ML et RCD-Goma, Attaques contre la population civile dans le territoire de Lubero. Rapport sur les abus des droits de l'homme commis par les troupes rebelles à Musienene en juin 2003, août 2003.

[35] Troisième Rapport Spécial du Secrétaire Général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, Annexe 1, paragraphe 3. S/2004/650, 16 août 2004.

[36] Troisième Rapport Spécial du Secrétaire Général.

[37] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l'hôpital de Panzi, Bukavu, 16 octobre 2003.

[38] Notes d'entretien du Centre Olame fournies à Human Rights Watch, 17 novembre 2003 (traduction de Human Rights Watch).

[39] Entretien de Human Rights Watch avec Evelyne M., Kitshanga, 18 mars 2004.

[40] Entretien de Human Rights Watch avec Evelyne M., Kitshanga, 18 mars 2004.

[41] Statistiques de PAIF, fournies à Human Rights Watch.

[42] Entretien de Human Rights avec un représentant d'une ONG locale du Sud Kivu, Goma, 24 septembre 2004.

[43]Entretien de Human Rights Watch avec Sophie M., Bukavu, 16 octobre 2003.

[44] Entretien de Human Rights Watch avec Sophie M., Bukavu, 16 octobre 2003.

[45] Entretien de Human Rights Watch avec Sophie M., Bukavu, 16 octobre 2003.

[46] Entretien de Human Rights Watch avec Christine D., Kitshanga, 18 mars 2004.

[47] CEJA, RCD-ML et Mai Mai, Attaques contre la population civile dans le territoire de Lubero. Rapport sur les abus massifs des droits de l'homme par les troupes rebelles du RCD-ML et les combattants Mai-Mai à l'ouest de Butembo de juillet à septembre 2003, octobre 2003.

[48] Rencontre de groupe avec des ONG de défense des droits humains, Beni, 24 février 2004.

[49] Human Rights Watch, Couvert de sang, pp.45-46.

[50] Entretien de Human Rights Watch avec le représentant d'une ONG, Rethy, 4 mars 2004.

[51] Entretien de Human Rights Watch avec du personnel hospitalier, Rethy, 3 mars 2004.

[52] Entretien de Human Rights Watch avec le représentant d'une ONG, Rethy, 4 mars 2004

[53] Entretien de Human Rights Watch avec le Président du FNI, Floribert Njabu, Mongbwalu, 7 mai 2004

[54] Entretien de Human Rights Watch avec le Président du FNI, Floribert Njabu, Mongbwalu, 7 mai 2004.

[55] Statistiques fournies par Cooperatione Italiano (COOPI), Bunia, 9 octobre 2004.

[56] Entretien de Human Rights Watch avec Cécile W., Bunia, 10 octobre 2004.

[57] Entretien de Human Rights Watch avec Brigitte K., Bunia, 10 octobre 2004.

[58] Médecins Sans Frontières, I have no joy, no peace of mind. Medical, psychological and socio-economic consequences of sexual violence in eastern Congo (MSF Amsterdam: 2004).

[59] Entretien de Human Rights Watch avec Charles B., Europe, 24 juin 2004.

[60] Entretien de Human Rights Watch avec Charles B., Europe, 24 juin 2004. Autres cas dans: Médecins Sans Frontières, I have no joy, no peace of mind: Medical, psychological and socio-economic consequences of sexual violence in eastern Congo, MSF Amsterdam: 2004; Initiative conjointe de lutte contre les violences sexuelles faites à la femme et à l'enfant (fille et garçon), Rapport de mission.

[61] Pour les délits sexuels commis par des forces armées étrangères au Congo, voir Human Rights Watch, La guerre dans la guerre.

[62] Voir les quatre Conventions de Genève de 1949 et les deux Protocoles additionnels de 1977 aux Conventions de Genève (Protocoles I & II). Le droit international humanitaire trouve également ses racines dans la Convention et les Règlements de La Haye de 1907, les arrêts des tribunaux internationaux et le droit coutumier. Le Congo a ratifié les Conventions de Genève de 1949 en 1961, le Protocole I en 1982 et le Protocole II en 2002.

[63] Convention de Genève IV, Article 27. L'Article 76 du Protocole I étend cette protection des personnes à toutes les femmes. Protocole I, Article 76.

[64] Quatrième Convention de Genève, article 147.

[65] Theodor Meron, "Rape as a Crime Under International Humanitarian Law," American Journal of International Law (Washington D.C.: American Society of International Law, 1993), vol. 87, p. 426, citant le Comité International de la Croix Rouge, Aide Mémoire, 3 décembre 1992.

[66] Conventions de Genève, article 3.

[67] Protocole II, article 4 (2) (a), (e) et (f).

[68] Commentaire du CICR sur les Protocoles additionnels de juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (Genève: Martinus Nijhoff, 1987), p. 1375, para. 4539.

[69] Voir Catherine N. Niarchos, "Women, War and Rape: Challenges facing the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia," Human Rights Quarterly (Baltimore: The John Hopkins University Press, 1995), vol. 17, pp. 672, 674.

[70] Voir par ex.. "Report of the Secretary-General Pursuant to Paragraph 2 of Security Council Resolution 808," 32 I.L.M. at 1159 (1993), para. 48.

[71] Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, 17 juillet 1998, Doc. ONU A/CONF.183/9.

[72]"Il suffit de prouver que l'acte s'inscrit dans le contexte d'une série d'actes de violence dont la nature et la gravité peuvent considérablement différer." Procureur contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic (affaire Foca), Arrêt de la Cour d'appel, 12 juin 2002, IT-96-23 et IT-96-23/1, para.  419.

[73] Nigel S. Rodley, "Can Armed Opposition Groups Violate Human Rights?" dans P. Mahoney et K. Mahoney (eds.) Human Rights in the 21st Century: A Global Challenge (Dordrecht: Martinus Nijhoff, 1993), pp. 297-318, et Conseil international pour l'étude des droits humains, "Hard Cases: Bringing Human Rights Violators to Justice Abroad-A Guide to Universal Jurisdiction," (Genève: Conseil international pour l'étude des droits humains, 1999), p. 6.

[74] Le Congo a adhéré au traité le 1er novembre 1976.

[75] Le Congo a ratifié la Convention contre la Torture en 1996.

[76] Le Congo a ratifié la CDE en 1990. L'Article 34 protège l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. L'Article 37 énonce la liberté à l'égard de la torture ou tout autre traitement ou châtiment cruel, inhumain ou dégradant ainsi que la liberté et la sécurité de la personne.

[77] Constitution de la transition adoptée le 1er avril 2003.

[78] Nations Unies, Report of the U.N. Special Rapporteur on Torture, Mr. Nigel S. Rodley, submitted pursuant to the Commission on Human Rights Resolution 1992/32, E/CN.4/1995/34, Paragraphe 19, 12 janvier 1995.

[79]Procureur  contre Anto Furundžija, Arrêt, IT-95-17/1-T, 10 décembre 1998, para. 171.

[80]Procureur  contre Jean-Paul Akayesu, Arrêt, ICTR-96-4-T, 2 septembre 1998 (Jugement du Tribunal dans l'affaire Akayesu), para. 687.

[81]Voir PIDCP, Articles 2(1) et 26.

[82] Le Congo a ratifié la CEDAW en 1986.

[83] Women, Law and Development International, Gender Violence: The Hidden War Crimes (Washington D.C.: Women, Law and Development International, 1998), p. 37.

[84] Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, "Violence à l'égard des femmes," Recommandation générale no. 19 (onzième session, 1992),  Document ONU CEDAW/C/1992/L.1/Add.15.

[85] Assemblée générale des Nations Unies, "Déclaration sur l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard des femmes," A/RES/48/104, 20 décembre 1993 (publiée le 23 février 1994). Voir Article 4, particulièrement  224 CRC, article 20(1).

[86] Bien que le pronom masculin soit utilisé, le PIDCP est applicable sans discrimination de sexe tel que le prévoit l'Article 24(1).

[87] L'Article 9 du PIDCP prévoit la liberté contre l'arrestation ou la détention arbitraires ou l'exil, alors que l'Article 23 interdit le mariage forcé. Au titre de l'Article 6 de la CEDAW, les Etats sont priés de prendre toutes les mesures appropriés (des mesures légales entre autres) pour mettre fin à toute forme de trafic des femmes et d'exploitation de la prostitution féminine.

[88] Convention relative à l'esclavage, Nations unies, Treaty Series, vol. 212, p. 17. 7 juillet 1955.

[89] Article 3 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981, Organisation de l'Unité africaine Doc. CAB/LEG/67/3 rev. 5. Le Congo a ratifié ce traité le 20 juillet 1987.

[90] Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, articles 4 et 5.

[91] Loi no. 72/060 du 25/09/1972 portant institution du code de justice militaire.

[92] Le MLC a décidé que le code de justice militaire de 1972 et le code criminel ordinaire devaient être appliqués devant ces tribunaux: Décret No 037/PRES/MLC/11/02 du 16 novembre 2002 portant organisation des juridictions de l'Armée de Libération du Congo. Le RCD-Goma a également appliqué le code de justice militaire de 1972 dans ses procès militaires.

[93] La nouvelle législation comporte deux lois distinctes: une loi relative au système de justice militaire et une loi régissant la procédure pénale. Loi no. 023/2002 du 18/11/2002 portant code judiciaire militaire; Loi no.024/2002 du 18/11/2002 portant code pénal militaire. Le nouveau code abolit la Cour d'Ordre militaire, fondée par le Président Laurent-Désiré Kabila et largement critiquée.

[94] Dans les régions contrôlées par le RCD-Goma, de nombreuses poursuites judiciaires ont eu lieu pour d'autres crimes tels des meurtres.

[95]  Pour rendre effective l'obligation générale stipulée à l'article 86 du Statut de Rome de coopérer avec la CPI, l'article 88 demande spécifiquement aux Etats signataires de "s'assurer que des procédures sont disponibles au titre du droit national pour toutes les formes de coopération précisées" dans le chapitre concerné.  Par conséquent, les Etats devraient réviser et, si nécessaire, amender leurs lois et procédures nationales pour éviter tout obstacle aux demandes d'assistanceou de coopération de la CPI. Les quatre Conventions de Genève prévoient que les Etats parties "s'engagent à promulguer les mesures nécessaires pour rendre effectives les sanctions pénales à l'encontre de personnes commettant ou ordonnant toute violation grave de la présente Convention."

[96]Code pénal militaire, 2002, articles 103 et 104.

[97] Sous occupation militaire, la loi existante reste d'application sauf si l'occupant impose des règles différentes.

[98] L'Article 170 dit: "Est puni d'une servitude pénale de cinq à vingt ans, celui qui aura commis un viol, soit à l'aide de violences ou menaces graves, soit par ruse, soit en abusant d'une personne qui par l'effet d'une maladie, par altération de ses facultés ou par toute autre accidentelle, aurait perdu l'usage de ses sens ou en aurait été privée par quelque artifice. Est réputé viol à l'aide de violences, le seul fait du rapprochement charnel des sexes commis sur les personnes désignées à l'article 167."

[99] Pour une interprétation légale conservatrice, voir Général Likulia Bolongo, Droit Pénal Spécial Zaïrois, 1985, p. 328-344.

[100] Article 67.

[101] Code zaïrois de la famille, art. 444, 448 et 454. L'Art. 444 dit: "Le mari est le chef de ménage. Il a le devoir de protéger sa femme; sa femme lui doit obéissance." (Traduction libre). Dans la pratique, la femme ne respecte pas toujours l'art. 448, exigeant qu'elle demande l'autorisation de son mari pour saisir les tribunaux.

[102] Human Rights Watch, Couvert de sang, pp.36-37, 44-45.

[103] MLC, Secrétariat Général, Rapport sur le déroulement du procès des militaires de l'Armée de Libération du Congo, ALC, impliqués dans les violations des droits de l'homme dans l'Ituri (26 février 2003).

[104] Voir l'analyse politique du procès dans Human Rights Watch, Couvert de sang, pp. 37-38.

[105] L'appareil judiciaire civil est constitué, par ordre d'importance croissante, des tribunaux de paix, des tribunaux de grande instance, des Cours d'appel et de la Cour suprême.

[106] Human Rights Watch, Faire fonctionner la justice: Restauration du système judiciaire en Ituri (RDC), septembre 2004.

[107] Entretien de Human Rights Watch avec le Président du Tribunal de grande instance de Bunia, 8 octobre 2004.

[108] Par exemple, la condamnation du Commandant Rafiki Saba Aimable, ancien Chef de la sécurité de l'UPC reconnu coupable d'arrestations arbitraires aggravées par la torture et condamné à vingt ans de prison, le 17 août 2004.

[109]Registre du Tribunal, Tribunal de grande instance, Bunia. Trois jugements sur les dix ont trait à la même affaire.

[110] Registre du Tribunal, Tribunal de grande instance, Bunia.

[111] Entretien de Human Rights Watch avec l'avocat de Lisette K., Bukavu, 15 octobre 2003.

[112] Entretien de Human Rights Watch avec le père de Lisette K., Bukavu, 16 octobre 2003.

[113] Documents sur l'affaire, AED, Bukavu.  Au cours du premier interrogatoire, Kakule Kambale aurait dit qu'il était âgé de vingt ans mais plus tard, au tribunal, il a déclaré n'avoir que quinze ans. Le droit congolais fixe la responsabilité pénale à 16 ans. Il semblerait que l'accusé ait modifié son âge pour échapper à une peine trop sévère. Son avocat confirme qu'il avait vingt ans.

[114] Entretien de Human Rights Watch avec le père de Lisette K., Bukavu, 16 octobre 2003. Un examen ultérieur a montré que la fillette n'avait pas contracté le VIH.

[115] Textuellement "Avoir par le seul fait du rapprochement charnel des sexes commis un viol à l'aide des violences sur une fille de moins de 14 ans…". Audience Publique du 5 juin 2003, Conseil de Guerre, Jugement RP 081, Bukavu. RMP.0508/AM_020/OPS/MBJ/SHOF.

[116] Ministère public et partie civile Kahasha Cizungo contre militaire Djems Kakule Kambale. RPA 009. RMPA. 013/AM_020/ops/SHOF03.

[117] Sous la justice congolaise, héritée de la tradition juridique belge (droit civil romain), les victimes peuvent participer à la procédure en se constituant partie civile aux côtés du Ministère public pour tenter d'obtenir le paiement de dommages et intérêts par l'accusé.

[118] Héritiers de la Justice, Coup de Chapeau au Conseil de guerre opérationnel de Bukavu, juin 2003.  

[119] Représentant du Centre Olame, lors d'une concertation avec des ONG locales sur la violence sexuelle et la justice, Bukavu, 14 octobre 2003.

[120] Entretien de Human Rights Watch avec des militantes des droits de la femme, Bukavu, 14 octobre 2003.

[121] Entretien de Human Rights Watch avec Djems Kakule Kambale, Prison centrale de Bukavu, 16 octobre 2003. Aux dires de Kakule Kambale, la jeune fille de 14 ans lui a rendu visite dans sa tente, elle a accepté d'avoir des relations sexuelles avec lui et s'est déshabillée.

[122]Entretien de Human Rights Watch avec Djems Kakule Kambale, Prison centrale de Bukavu, 16 octobre 2003. Entretien téléphonique avec l'avocat à Bukavu, 20 octobre 2004.

[123] L'analyse suivante repose sur la vidéo du procès, sur un entretien avec l'avocat de la défense (entretien téléphonique avec l'avocat de la défense à Bukavu, 20 octobre 2004) et l'avocat de la victime, 15 octobre 2003, Bukavu.

[124] Conformément aux règles de procédure congolaises, il n'y a ni interrogatoire ni contre-interrogatoire. Toutes les questions auxquelles le procureur et la défense souhaitent obtenir des réponses sont suggérées aux juges qui les posent alors au témoin.

[125] Entretien de Human  Rights Watch avec l'avocat de Lisette K., Bukavu, 15 octobre 2003.

[126] Entretien de Human Rights Watch avec le père de Lisette K., 16 octobre 2003.

[127] Entretien de Human Rights Watch avec le père de Lisette K., 16 octobre 2003.

[128] Entretien de Human Rights Watch avec le père de Lisette K., 16 octobre 2003.

[129] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de Violette J., Bukavu, 21 juillet 2004.

[130] Informations d'AED, Bukavu.

[131] Entretiens de Human Rights Watch avec l'auditeur militaire, le 15 octobre 2003 et le 21 juillet 2004, Bukavu. L'auditeur militaire a également fourni un tableau des affaires pendantes et des dossiers clôturés. Les parents de la victime avaient entendu dire que le violeur s'était échappé avant juin 2003 et qu'il avait commis un nouveau viol mais Human Rights Watch n'a pu corroborer ces informations.

[132] Entretien de Human Rights Watch avec la mère de Violette J., Bukavu, 21 juillet 2004.

[133] Information tirée d'Action Sociale pour la Paix et le Développement, Goma, 17 octobre 2003. Le procès semble avoir eu lieu en 2003.

[134] Parfois le violeur cherche à mettre fin aux accusations et à éviter les poursuites judiciaires en épousant la victime. Les responsables de la communauté peuvent agir en médiateurs dans ce type d'arrangements qui ont surtout lieu entre un agresseur civil et une jeune fille ou femme. Il est difficile pour les victimes de rejeter une telle option.

[135] PAIF et HRW, 17 octobre 2003, Goma.

[136] Entretien téléphonique avec le procureur de Bunia, 24 septembre 2004.

[137] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel du Centre Olame de Bukavu, Bruxelles, 11 mars 2004.

[138] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel du Centre Olame de Bukavu, Bruxelles, 11 mars 2004

[139] Entretien de Human Rights avec un représentant d'Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix, Goma, 22 septembre 2004.

[140] Informations fournies par PAIF, une association de femmes.

[141] Synergie pour l'Assistance Judiciaire aux Victimes des Violations des Droits Humains (SAJ), Rapport sur la situation des droits humains: cas de violences sexuelles identifiées de janvier à juin 2004 au Nord Kivu, juin 2004.

[142] Entretiens de Human Rights Watch, Bukavu, 15 octobre 2003 et 21 juillet 2004.

[143] Entretiens de Human Rights Watch avec des ONG locales, 15 et 16 octobre 2003, Bukavu et entretiens de Human Rights Watch, Bukavu, 21 juillet 2004.

[144] Voir Chapitre III, sous-titre "Autres actes de violence et d'exploitation sexuelles commis par les anciens membres du RCD-Goma".

[145] Entretiens de Human Rights Watch avec Marianne L. et un membre du personnel d'une ONG locale, Bukavu, 16 octobre 2003.

[146] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une ONG locale, Bukavu, 21 juillet 2004.

[147] Entretien de Human Rights Watch avec une ONG locale, 16 octobre 2003, Goma. L'âge de la fille n'a pu être établi.

[148] Voir Chapitre III, sous-titre "Violences sexuelles commises par les Forces de Défense Locales au Nord Kivu".

[149] Entretien de Human Rights Watch, Goma, 18 novembre 2003.

[150] Le "Salongo," ou travail collectif, est encore exigé dans de nombreuses régions de la RDC. Les personnes qui n'ont pas de "jeton" ou petit certificat prouvant qu'elles ont effectué ce travail sont souvent arrêtées.

[151] Entretiens de Human Rights Watch avec des organisations congolaises de défense des droits humains et avec l'auditeur militaire, Goma, février et mars 2004.

[152] Entretien de Human Rights Watch avec des ONG de femmes, Bunia, 10 octobre 2004.

[153] Informations provenant du registre du tribunal, Tribunal de Grande Instance, Bunia, consulté le 9 octobre 2004.

[154] Entretien de Human Rights Watch, représentant d'une ONG, Bunia, 10 octobre 2004. Human Rights Watch ne dispose pas d'informations concernant l'équité du procès.

[155] Réunion sur la violence sexuelle coorganisée par PAIF et HRW, Goma, 17 octobre 2003.

[156] CEJA, RCD-ML et RCD-Goma, Attaques contre la population civile dans le territoire de Lubero. Rapport sur les abus des droits de l'homme commis par les troupes rebelles à Musienene en juin 2003, août 2003.

[157] Entretien téléphonique avec le Procureur de Bunia, 24 septembre 2004.

[158] Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Bunia, 9 octobre 2004.

[159] Entretiens de Human Rights Watch avec l'Auditeur militaire, Bukavu, 14 octobre 2003 et 21 juillet 2004.

[160] Synergie pour l'Assistance Judiciaire aux Victimes des Violations des Droits Humains (SAJ), Rapport sur la situation des droits humains: cas de violences sexuelles identifiées de janvier à juin 2004 au Nord Kivu, juin 2004.

[161] Courriel d'un avocat de Bukavu à Human Rights Watch, 28 février 2004.

[162] En Afrique du Sud, la création d'unités de police spéciale s'occupant des violences sexuelles est considérée par certains comme une initiative positive; cette option devrait être envisagée au Congo.

[163] Au Congo, l'avortement est interdit par la loi sauf si un médecin considère que la grossesse pourrait être fatale pour la mère. Human Rights Watch estime que les décisions en matière d'avortement appartiennent à la femme enceinte sans ingérence de l'Etat ou d'autres personnes. Le refus d'accorder à une femme enceinte le droit de prendre cette décision viole et menace toute une gamme de droits humains. Les gouvernements devraient prendre toutes les mesures nécessaires, à la fois immédiates et progressives, pour veiller à ce que les femmes soient informées et aient libre accès à des services d'avortement légaux et sûrs afin qu'elles puissent exercer leurs droits de reproduction et autres droits humains. Les responsabilités du gouvernement en matière d'accès des femmes à l'avortement sont fondées sur les droits économiques, sociaux et culturels et elles doivent être assumées en fonction du principe de réalisation progressive, en utilisant le maximum des moyens disponibles. Les services d'avortement devraient se conformer aux normes internationales relatives aux droits humains, notamment celles concernant l'adéquation des services de santé.

[164] Programme national de lutte contre le SIDA, Plan stratégique de lutte contre le VIH/SIDA/MST (1999-2008). Septembre 2003; ONUSIDA/OMS, Epidemiological fact sheets on HIV/AIDS and sexually transmitted diseases – Democratic Republic of Congo (www.unaids.org/EN/Geographical+Area/by+country/democratic+republic+of+congo.asp, (consulté le 17 janvier 2005).

[165]Médecins Sans Frontières, Kinshasa and war-torn Bukavu region, DRC, celebrate first year of ARV treatment, http://www.msf.org/countries/page.cfm?articleid=6142E492-A180-4608-87CCBF0F0A0B812B (consulté le 17 janvier 2005).

[166] Discours du Président Joseph Kabila, 8 mars 2004, consulté le 6 mai 2004 sur http://www.digitalcongo.net/fullstory.php?id=34987.

[167] Les quatre principaux groupes ciblés sont les PDI et les rapatriés; les enfants; les soldats démobilisés; et les femmes et les filles victimes de violences sexuelles. Consulté le 27 octobre 2004 sur www.ocha.unog.ch/fts/reports/pdf/OCHA_1_628.pdf.

[169] Entretiens de Human Rights Watch avec des victimes et témoins, Bunia et Kisangani, 6 et 9 octobre 2004.