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Un signe troublant pour la liberté d’expression au Tchad

Les autorités ont suspendu un site d’information

En octobre dernier, des manifestations de protestation contre le gouvernement de transition du Tchad ont été contrées par une brutale répression, lors de laquelle de nombreuses personnes ont été tuées, blessées ou arrêtées. Mais en dépit du rétrécissement de l’espace politique, des activistes, des avocats et des journalistes ont poursuivi leur travail, dans une large mesure sans entrave. Toutefois, la récente suspension d’un site populaire d’information est un événement inquiétant, en particulier au moment où le Tchad se prépare à tenir un référendum constitutionnel d’ici à la fin de l’année.

Djimet Wiché, le directeur de la publication d'Alwihda Info, dans sa salle de rédaction en 2023.    © 2023 Privé

La semaine dernière, l’organe de régulation des médias au Tchad, la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (HAMA) a suspendu Alwihda Info pour une durée de huit jours à la suite de sa publication d’articles sur un remaniement interne au sein de l’armée et sur un discours prononcé par le président de transition, Mahamat Déby, au sujet du conflit qui sévit dans le nord du pays, près de la frontière libyenne. La HAMA a accusé le site d’avoir publié des « propos injurieux » à l’égard du président et des « propos communautaristes de nature à porter atteinte à la cohésion et à la discipline au sein de l’armée », et l’a mis en garde contre des sanctions encore plus sévères en cas de récidive.

Alwihda Info n’a rien publié sur son site ni sur les réseaux sociaux depuis le 26 août. Le même jour dans la soirée, son directeur de la publication, Djimet Wiché, a affirmé avoir été suivi en route vers son domicile par deux voitures qui, a-t-il présumé, appartenaient à des agents des services de renseignement, ce qui l’a contraint à passer la nuit ailleurs.

Quelques jours seulement après avoir été réélu pour un sixième mandat en avril 2021, le président tchadien d’alors, Idriss Déby Itno, a été tué dans des affrontements dans le nord du pays, dans des circonstances obscures. La Constitution du Tchad stipule que des élections doivent se tenir dans les trois mois suivant le décès d’un président. Cette disposition n’a pas été respectée. Un conseil militaire de transition dirigé par le fils de Déby, Mahamat Déby, a pris le pouvoir et y est resté depuis lors sans organiser d’élections.

Le nouveau projet de constitution, qui doit être proposé à la population par référendum en décembre, apporterait, s’il était adopté, d’importants changements, notamment la modification de l’âge minimum requis pour être candidat à l’élection présidentielle, l’exigence que tout candidat à la présidence doit être de parents tchadiens et l’affirmation que le Tchad demeure un État décentralisé plutôt qu’évoluant vers le fédéralisme.

La possibilité pour des organes comme Alwihda Info d’informer objectivement les citoyens de manière libre et équitable au sujet de ces importantes questions est désormais remise en cause. Étouffer tout débat à l’approche de scrutins importants est une tactique fréquemment utilisée au Tchad, comme l’ont montré récemment des coupures d’Internet et des réseaux sociaux avant l’élection d’avril 2021.  

La liberté de la presse est un pilier fondamental de tout système aspirant à être démocratique. Les organes de presse ne devraient pas être suspendus pour avoir publié des articles pour la seule raison qu’ils pourraient mettre le gouvernement dans l’embarras.

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