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Maroc : Le procès des civils sahraouis a été entaché d’irrégularités

Le tribunal militaire de Rabat a rendu son verdict dans l’affaire des affrontements de 2010 au Sahara occidental

(Rabat) – Un tribunal militaire marocain a condamné 25 Sahraouis à l’emprisonnement, y compris neuf d’entre eux à des peines de prison à vie, sans avoir examiné leurs allégations selon lesquelles leurs aveux auraient été extorqués par la torture et d’autres formes de contrainte. Parmi les accusés se trouvent plusieurs défenseurs des droits humains et partisans de l’indépendance du Sahara occidental. Leurs aveux constituaient apparemment l’élément de preuve principal contre eux, voire le seul, comme le montre clairement le jugement écrit rendu par le tribunal au cours de la semaine du 18 mars 2013.

Le 17 février, le tribunal militaire de Rabat a condamné les 25 hommes, tous des civils, sur la base d’accusations portant sur la résistance violente contre les forces de sécurité qui avaient démantelé, le 8 novembre 2010, un camp de protestataires dressé un mois auparavant par des Sahraouis à Gdeim Izik, à l’extérieur de la ville de Laâyoune (Sahara occidental). Onze agents des forces de sécurité et deux civils sahraouis avaient été tués lors de cette opération et des événements qui avaient suivi.

« Les pertes en vies humaines à Gdeim Izik sont certes déplorables, mais le ministère public n’a pas su établir de façon crédible, après 26 mois de détention provisoire pour la plupart des accusés, que ces derniers soient responsables des violences », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « À maintes reprises nous avons vu des procureurs marocains, lors de procès politiquement sensibles, fournir non pas des preuves matérielles ou des témoignages démontrant la culpabilité des accusés, mais de simples aveux obtenus dans des circonstances douteuses.» 

Le Maroc devrait libérer les Sahraouis condamnés ou bien leur accorder un nouveau procès, équitable cette fois, devant un tribunal civil, a déclaré Human Rights Watch. Le Maroc devrait également mettre en œuvre la recommandation récente de son Conseil national des droits de l’Homme, celle de mettre fin aux poursuites de civils devant les tribunaux militaires en temps de paix. Le roi Mohammed VI, a-t-il été rapporté, s’est « félicité » de cette recommandation le 2 mars.

Le procès s’est ouvert le 1er février, alors que 21 détenus avaient passé plus de deux ans en détention provisoire sur ordonnance du tribunal. La cour a tenu des audiences publiques auxquelles ont assisté des dizaines d’observateurs locaux et internationaux, et dans l’ensemble a laissé les accusés s’exprimer sans être interrompus. Mais la décision de traduire des civils devant un tribunal militaire violait les principes de base internationaux relatifs aux procès équitables, a déclaré Human Rights Watch.

Les accusés ne peuvent faire appel des verdicts du tribunal militaire que devant la Cour de cassation, qui tranche sur des questions de procédure, de compétence judiciaire, d’abus de pouvoir et d’application de la loi, mais pas sur des questions de fond. Les cours d’appel du système judiciaire civil, au contraire, peuvent revoir les faits d’une affaire.

Apparemment le tribunal a accepté les aveux des accusés comme preuves, sans enquêter sur les affirmations des accusés selon lesquelles ces aveux résultaient de la torture, a déclaré Human Rights Watch. Ils ont déclaré être innocents de toutes les charges contre eux. Les autorités devraient accorder aux accusés le droit d’être rejugés par un tribunal civil et les placer en liberté provisoire tant qu’il n’a pas établi de motifs valables pour justifier leur détention provisoire, a déclaré Human Rights Watch.

Le tribunal militaire a condamné neuf accusés à perpétuité, 14 à des peines allant de 20 à 30 ans de prison et deux autres aux deux années de prison qu’ils avaient déjà purgées. Tous faisaient face à l’éventualité d’une condamnation à mort. Les autorités les avaient tous inculpés d’« association de malfaiteurs », la plupart d’entre eux de violences avec préméditation contre des policiers ayant entraîné la mort, et les autres de complicité de ces crimes. Deux inculpés devaient répondre de la charge supplémentaire de « souillure ou mutilation » d’un cadavre. Les accusés ont fait appel des verdicts.

Le jugement écrit du tribunal ne détaille pas les preuves sur lesquelles il s’est fondé pour déclarer coupables tous les accusés. Vu qu’il ne mentionne aucune autre pièce à conviction, le verdict semble bien reposer sur les aveux contestés des accusés à la police. Or le tribunal a rejeté les requêtes présentées par la défense d’enquêter sur les allégations des accusés, selon lesquelles les policiers les ont torturés et forcés à signer des procès-verbaux qu’ils n’avaient pas lus. Au lieu de cela, le tribunal a accepté l’argument du procureur, selon lequel les accusés avaient omis de demander un examen médical lors de leur première comparution devant le juge d’instruction, et qu’il s’était écoulé trop de temps depuis.

S’il est vrai queles accusés n’ont pas requis d’examen médical lorsqu’ils ont comparu devant le juge d’instruction, la plupart lui ont bien déclaré que les policiers les avaient torturés lors de leur garde à vue. Beaucoup d’entre eux lui ont également affirmé que la police les avait forcés à signer des procès-verbaux qu’ils n’avaient pas lus, ou à apposer leurs empreintes digitales sur ces documents. Les procès-verbaux de ces audiences reflètent ces allégations, mais rien dans le dossier ne montre qu’un médecin ait examiné aucun des accusés, ou que le tribunal ait enquêté sur la question, afin d’évaluer la crédibilité de ces affirmations.

Lors du procès, aucun témoin à charge n’a pu identifier un seul accusé comme responsable d’actes violents. L’accusation a présenté des armes qui auraient été saisies par la police dans le camp de Gdeim Izik, mais n’a pas fourni de preuves scientifiques ou médico-légales impliquant les accusés. Le seul lien entre les accusés et les armes se trouvait dans leurs aveux contestés.

Hormis ces aveux contestés des accusés, le ministère public a fourni très peu de preuves, voire aucune, qui puisse imputer la mort de membres des forces de sécurité à l’un des accusés. Le jugement écrit ne mentionnait pas en quoi les pièces à conviction vidéos et photographiques présentées au tribunal pourraient mettre en cause les accusés à titre individuel. Ces documents montrent des scènes de violence, mais ne semblent pas permettre d’identifier les accusés comme auteurs des crimes.

Lors d’un nouveau procès, le tribunal devrait enquêter sur les allégations de torture faites par les accusés et garantir, conformément au droit international et marocain, qu’aucune déclaration obtenue par la violence ou sous la contrainte ne soit acceptée comme preuve, a déclaré Human Rights Watch. Si le tribunal décide d’admettre comme preuve un aveu à la police qui aurait été extorqué sous la torture selon le prévenu, ou plusieurs aveux de ce type, il devrait expliquer dans son jugement écrit pourquoi il a estimé que ces affirmations de torture ou de contrainte abusive n’étaient pas crédibles.

« La justice marocaine a sapé la crédibilité de son propre procès en traduisant ces accusés civils devant les tribunaux militaires, en passant outre les normes internationales d’un procès et en les privant du droit à faire véritablement appel », a conclu Sarah Leah Whitson. « Même le Conseil national des droits de l’Homme recommande que les tribunaux militaires ne jugent pas des civils. »

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Contexte
Le Maroc a pris le contrôle de la plus grande partie du Sahara occidental en 1975, lorsque l’Espagne s’est retirée de son ancienne colonie. En 1991, le Front Polisario, qui se bat pour l’indépendance de ce territoire, et le Maroc se sont entendus sur un plan soutenu par l’ONU prévoyant un référendum d’autodétermination. Pourtant ce vote n’a jamais eu lieu et le Maroc administre la plus grande partie du Sahara occidental comme s’il faisait partie du Maroc, alors que l’ONU ne reconnaît pas la souveraineté marocaine et qualifie le Sahara occidental de « territoire non autonome ».

En octobre 2010, des Sahraouis ont créé une nouvelle zone d’habitation en dressant environ 6 500 tentes dans le désert à Gdeim Izik, à l’extérieur de Laâyoune, afin de protester contre leurs conditions sociales et économiques dans le Sahara occidental contrôlé par le Maroc. Les autorités marocaines ont entamé des négociations avec les meneurs de ce mouvement de protestation.     

Le 8 novembre 2010, les forces de sécurité sont entrées dans le campement pour le démanteler. Certains résidents du camp l’ont quitté de leur propre gré, mais d’autres ont résisté aux forces de sécurité. Cela a déclenché de violents affrontements entre Sahraouis et forces de sécurité dans le camp, qui se sont propagés à la ville de Laâyoune, où beaucoup de bâtiments publics et privés ont été endommagés, ainsi que de nombreux véhicules. Onze agents des forces de sécurité et deux civils ont été tués, d’après le bilan officiel; des dizaines d’autres personnes ont été blessées dans les deux camps. Un « Livre blanc sur les événements de Gdeim Izik » publié par le gouvernement marocain en février 2013 dénombre, parmi les tués, quatre agents de la gendarmerie, quatre des forces auxiliaires, un des forces armées, un de la sécurité nationale et un de la protection civile.

Les autorités soutiennent que des activistes indépendantistes sahraouis, associés à des éléments criminels, se sont emparés du camp de Gdeim Izik et l’ont militarisé, qu’ils ont empêché ses résidents de partir, se sont opposés aux négociations avec les autorités sur les revendications socioéconomiques, et ont amassé un stock de pierres, de bouteilles, de bombes à gaz et d’autres armes (mais pas d’armes à feu) afin de résister aux forces de sécurité entrées le 8 novembre pour évacuer les gens installés dans le campement de fortune.

Pendant et après les événements, les forces de sécurité ont arrêté des centaines de Sahraouis en lien avec les affrontements. Outre les 25 personnes déférées au tribunal militaire, les autorités ont envoyé plus de 120 Sahraouis devant le tribunal de Laâyoune. Cette juridiction civile était compétente pour les juger puisque les charges contre eux n’incluaient pas le fait d’avoir causé la mort des agents des forces de sécurité. Le tribunal a placé ces accusés en liberté provisoire et ne les a pas encore jugés.

Un observateur de Human Rights Watch a assisté à près de la moitié des audiences du tribunal militaire. Quand il était absent, les avocats de la défense et d’autres observateurs du procès lui faisaient un compte-rendu des procédures. Human Rights Watch a également examiné le dossier de l’affaire et s’est entretenue avec plusieurs avocats de la défense sur le sujet.

Les accusés
L’ensemble des 25 accusés se disent innocents des charges pesant sur eux. Dans le groupe, on trouve plusieurs personnes que les autorités avaient déjà dans leur ligne de mire et qu’elles avaient emprisonnées auparavant pour avoir plaidé pour l’autodétermination du Sahara occidental, dont Naâma Asfari, Mohamed Tahlil et Ahmed Sbaï. S’exprimant lors du procès le 9 février 2013, Asfari, qui vit près de Paris, a soutenu que la vraie raison des poursuites était son activité de militant.

Les policiers ont arrêté Asfari à Laâyoune la veille du jour où ils sont entrés dans les camps pour les démanteler et où les violences ont débuté. L’accusation a avancé qu’Asfari avait organisé la résistance violente dans les camps, sans prétendre qu’il y ait participé directement. Les autorités ont arrêté 21 autres accusés, y compris Tahlil et Sbaï, entre le 8 novembre et la fin décembre 2010. Deux autres, Mohamed Khouna Babeit et Larbi Elbakai, ont été arrêtés respectivement en août 2011 et septembre 2012. Un dernier accusé, Hassanna Alia, était jugé par contumace.

Le tribunal militaire a condamné neuf accusés, y compris Sbaï et Alia, à la prison à perpétuité; quatre, dont Asfari, à 30 ans de prison; huit, dont Tahlil, à 25 ans; et deux d’entre eux à 20 ans (y compris Mohamed El Ayoubi, placé en liberté provisoire en attendant le verdict définitif de la Cour de cassation). Les deux derniers accusés ont été condamnés à la durée d’emprisonnement qu’ils avaient déjà purgée et donc libérés. Au total 21 accusés purgent actuellement leur peine à la prison de Salé. (Jugement 2013/313 du 17 février 2013, dossiers d’affaires criminelles n°: ع ع10/2746/3063, ع ع10/2746/3063 additionnel de 1 à 10, ق س10/369/3125 additionnel et ق س10/369/3125 additionnel 1 et 2. La liste complète des accusés et de leurs peines peut être consultée ici.   

Les autorités ont inculpé tous les accusés d’association de malfaiteurs, un crime passible de cinq à dix ans de prison en vertu des articles 293-294 du Code pénal. La plupart répondaient également de l’accusation de violences envers des membres des forces de sécurité, « lorsque les violences entraînent la mort, avec l'intention de la donner », ce qui est passible de la peine capitale selon l’article 267 du Code pénal. Quant à ceux qui n’ont pas été accusés de violences contre les forces de l’ordre, les autorités les ont inculpés de « complicité » de ces violences, ce qui est passible des mêmes peines que s’ils y avaient participé directement, selon les articles 129-130 du Code pénal. Enfin les autorités ont ajouté une charge contre deux accusés, Mohamed Boutanguiza et Sidi Abdallah Abhah, celle de « souillure ou mutilation » d’un cadavre, passible de deux à cinq ans de prison et d’une amende, en vertu de l’article 271 du Code pénal.   

Irrégularités du procès
Le procès a débuté le 1er février, a repris le 8, puis s’est poursuivi par des audiences quotidiennes jusqu’au 16 février. Le tribunal a prononcé son verdict le 17 février vers 2 heures du matin.

Le président du tribunal, Noureddine Zehhaf, était le seul magistrat civil dans une cour de cinq juges. Le tribunal militaire s’est assuré que les audiences, tenues dans une salle de plus de 200 sièges, soient publiques et accessibles à des dizaines d’observateurs nationaux et internationaux ainsi qu’aux journalistes. Les juges ont permis aux accusés, qui ont comparu en tenue civile et sans menottes, de parler sans interruption, presque sans exception.

Toutefois, plusieurs aspects du procès font douter de son équité:

  • Le fait de juger des civils devant un tribunal militaire, en violation des normes internationales;
  • La période prolongée de détention provisoire – 26 mois pour la plupart des accusés – sans que cet état de fait ait été réexaminé périodiquement ni que le tribunal ait émis de jugements écrits pour justifier son refus de leur accorder la liberté provisoire;
  • Le fait que le tribunal n’ait pas examiné pas les allégations, faites par les accusés au début des procédures, selon lesquelles les policiers les auraient torturés ou forcés à signer de faux aveux ; et
  • Le fait qu’apparemment le tribunal ait fait confiance aux aveux contestés que les accusés ont fait à la police, se basant essentiellement – voire uniquement – sur eux pour les condamner.

Civils jugés par des tribunaux militaires
À l’ouverture du procès, le 1er février, la défense a soutenu que le fait de saisir un tribunal militaire pour juger cette affaire allait à l’encontre de la constitution marocaine de 2011, qui proscrit les « juridictions d’exception » dans son article 127. La défense a également avancé que le procès violait le principe constitutionnel d’égalité entre les citoyens, étant donné que les civils jugés par des tribunaux militaires jouissent d’un droit de faire appel bien plus restreint que s’ils étaient jugés par un tribunal civil. Le 8 février, le tribunal a rejeté ces arguments, affirmant qu’en dépit de la constitution de 2011, le gouvernement n’avait pas modifié les lois donnant compétence aux tribunaux militaires pour juger des civils et que par conséquent ces lois demeuraient en vigueur. De plus, a déclaré le juge, un tribunal militaire est une juridiction « spécialisée » et non pas « d’exception. »

Selon le Code de justice militaire du Maroc, les juridictions militaires sont compétentes pour juger les civils inculpés de causer un préjudice à des membres des forces armées royales et assimilées (article 3).

Les juges d’instruction, invoquant les articles 7 et 76 de ce Code, ont déféré les suspects au tribunal militaire le 22 décembre 2011. L’article 7 énonce : « Lorsque [quelqu’un] … est poursuivi, en même temps, pour un crime ou un délit de la compétence du tribunal militaire, et pour un autre crime ou un autre délit de la compétence des tribunaux ordinaires, il est traduit d'abord devant le tribunal auquel appartient la connaissance du fait emportant la peine la plus grave; et renvoyé ensuite, s'il y a lieu, pour l'autre fait, devant le tribunal compétent. En cas de double condamnation, la peine la plus forte est seule subie. » L’article 76(4) énonce : « Si le juge d'instruction militaire est d'avis que le fait incriminé constitue un délit de la compétence du tribunal militaire, il prononce le renvoi de l'inculpé devant [le tribunal militaire] ».

Le renvoi devant un tribunal militaire enfreint une règle de base du droit international, qui exige que les civils soient jugés par des tribunaux civils. Dans l’affaire Suleiman vs.Soudan, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a affirmé que les tribunaux militaires devraient seulement « connaître des délits d’un caractère purement militaire commis par le personnel militaire » et « ne devraient pas connaître des délits qui sont de la compétence des juridictions ordinaires ». De plus, les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, proclamés par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, énoncent : « les tribunaux militaires ont pour seul objet de connaître des infractions d’une nature purement militaire commises par le personnel militaire ». 

Au Maroc, être jugé par un tribunal militaire représente un désavantage puisqu’il n’y a pas de juridiction correspondant à une cour d’appel. La possibilité de faire appel du verdict de première instance se limite à déposer un dossier demandant la cassation du jugement par la Cour de cassation. Mais celle-ci ne revoit que les questions de procédure, de compétence judiciaire, d’abus de pouvoir et d’application de la loi, tandis qu’une personne condamnée par un tribunal civil a le droit, le cas échéant, de faire appel du jugement à la fois sur ces points et sur les faits.

Le Conseil national des droits de l’Homme a soumis en février au roi Mohammed VI une série de recommandations pour réformer la justice, dont une concernait la réforme de la justice militaire. Citant la constitution de 2011 et les traités internationaux, le Conseil proposait plusieurs amendements du Code de justice militaire, dont certains signifieraient la fin de la compétence des tribunaux militaires pour juger des civils en temps de paix. Le 2 mars, le roi s’est félicité de ces recommandations.

Détention provisoire prolongée
21 accusés ont passé au moins 26 mois en détention provisoire à la prison de Salé, à 1 200 km de Laâyoune, où vivent la majorité de leurs familles. Salé est la prison la plus proche du tribunal militaire de Rabat où ils ont été déférés.

Le Code de procédure pénale du Maroc énonce dans son article 159 que la détention préventive devrait rester une mesure « exceptionnelle ». L’article 177 du Code limite la détention préventive à deux mois pour les crimes, renouvelable pour cinq périodes supplémentaires de deux mois sur ordonnance du juge d’instruction, pour un total de 12 mois.

Pourtant cette durée limitée ne s’applique qu’à l’étape de l’instruction : une fois que le juge d’instruction a renvoyé l’affaire pour être jugée, la loi marocaine ne limite pas la durée pendant laquelle un accusé peut rester en détention; elle n’exige pas non plus de réexamen régulier du placement en détention après que le juge d’instruction a envoyé l’affaire devant le tribunal.

Dans son article 14, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par le Maroc en 1979, donne le droit à toute personne devant répondre d’accusations d’être jugée « sans retard excessif. » L’article 9 précise que quiconque est détenu de façon provisoire est en droit d’être traduit en justice dans un délai raisonnable ou bien doit être libéré. La constitution marocaine de 2011, dans son article 120, consacre le droit à « un jugement rendu dans un délai raisonnable ».

Ni le droit international, ni le droit marocain ne précisent de durée maximale pour une détention provisoire, ni ce qui constitue une détention provisoire excessive. Divers facteurs doivent être pris en compte, notamment la complexité de l’affaire et le nombre d’accusés. Ceci étant dit, un suspect maintenu en détention en attendant d’être jugé est en droit d’attendre un procès rapide ou une mise en liberté, ainsi que la révision périodique de sa situation par un juge. Celui-ci doit examiner si la détention est toujours légitime en gardant à l’esprit que la détention préventive doit être l’exception, et non pas la règle, et que les procédures de préparation du procès doivent être rapides.

Dans l’affaire de Gdeim Izik, la détention provisoire des accusés, qui a dépassé deux ans, ne semble pas avoir fait l’objet d’un réexamen transparent et périodique. Les accusés n’avaient aucun véritable recours pour contester leur maintien en détention, par conséquent cette détention provisoire prolongée a pris un caractère arbitraire, ce qui va à l’encontre de l’article 9 du PIDCP qui proscrit la détention arbitraire.

Au départ, lorsque s’est achevée la garde à vue des accusés, le juge d’instruction, colonel Mohamed Bakkali, a ordonné qu’ils soient détenus dans l’attente de leur procès, en donnant comme raison la gravité des crimes dont ils étaient accusés. Le juge d’instruction a terminé son enquête en novembre 2011, avant la limite des 12 mois. Pourtant les accusés ont dû attendre encore 15 mois en détention provisoire avant que le procès ne démarre. 

Pendant ce laps de temps, le tribunal militaire n’a pas répondu, pour autant que Human Rights Watch ait pu l’établir, aux requêtes écrites soumises par la défense, demandant de placer les accusés en liberté provisoire. Le 7 juillet 2012, Human Rights Watch a adressé une lettre au gouvernement marocain sur cette affaire, lui demandant si la loi marocaine garantissait aux accusés un réexamen judiciaire régulier et automatique de leur détention provisoire et s’ils avaient le droit d’être remis en liberté au cas où ils n’auraient pas été jugés dans un certain délai. Human Rights Watch n’a reçu aucune réponse.

Le tribunal militaire de Rabat avait prévu à l’origine que le procès s’ouvre le 13 janvier 2012, 14 mois après les événements. Pourtant, le 12 janvier, la défense a déclaré avoir reçu un coup de téléphone l’avertissant que le tribunal militaire avait reporté l’ouverture du procès sans fixer de nouvelle date.

En août, le tribunal militaire a annoncé que le procès s’ouvrirait le 24 octobre. Mais le 23 octobre, il a encore annoncé un report sine die, soi-disant parce qu’Elbakai, arrêté en septembre, s’était ajouté aux autres accusés de l’affaire, ce qui demandait plus de temps pour examiner le dossier.

Le 31 décembre, les accusés ont été informés que le procès s’ouvrirait le 1er février. Cette fois il s’est bien ouvert comme prévu et s’est clos deux semaines plus tard.

Absence d’enquête sur les allégations de torture
Le Maroc a ratifié la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En 2006, il a promulgué des amendements de son Code pénal qui proscrivaient la torture et en donnaient une définition plus proche de celle de la Convention. L’article 231(1) se réfère désormais à :

Tout fait qui cause une douleur ou une souffrance aiguë physique ou mentale, commis intentionnellement par un fonctionnaire public ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, infligé à une personne aux fins de l'intimider ou de faire pression sur elle ou de faire pression sur une tierce personne, pour obtenir des renseignements ou des indications ou des aveux, pour la punir pour un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis ou lorsqu'une telle douleur ou souffrance est infligée pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit.

Le Code de procédure pénale marocain, article 293, énonce que tout aveu obtenu « par la violence ou sous la contrainte ne doit pas être admis comme élément de preuve » par le tribunal. L’article poursuit : « L’auteur de la violence ou de la contrainte doit être soumis aux peines prévues dans le Code pénal ». Cette disposition rappelle l’article 15 de la Convention contre la torture, qui stipule que les États parties de la Convention doivent veiller à ce que « toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n'est contre la personne accusée de torture pour établir qu'une déclaration a été faite. »

Dans son rapport au Comité des Nations Unies contre la torture en 2009, le Maroc a déclaré : :

Tout aveu obtenu par la violence, la contrainte ou la torture est nul. De même, tout aveu donnant lieu à un lien de causalité entre les déclarations faites et un recours à [de telles méthodes] doit être écarté. Pour prononcer l’irrecevabilité d’un aveu, le tribunal doit avoir la preuve qu’un tel lien existe. (…) Cette disposition [vise à] protéger aussi bien l’intérêt des individus que l’intérêt général. Non seulement le législateur marocain ne reconnaît pas les aveux obtenus par la contrainte (…), mais il déclare aussi pénalement responsable toute personne ayant eu recours à la contrainte, afin d’empêcher tout acte et pratique préjudiciables aux droits de l’homme.

Au procès de Gdeim Izik, dès qu’on leur a permis de s’exprimer, les accusés ont démenti, l’un après l’autre, les dépositions qu’ils avaient faites à la police. Ils ont déclaré que les forces de sécurité les avaient torturés et forcés à signer des procès-verbaux qu’ils n’avaient pas lus. Ils ont dit avoir découvert plus tard que les procès-verbaux ne reflétaient pas ce qu’ils avaient vraiment dit. À l’ouverture du procès, la défense a demandé à la cour d’enquêter sur ces allégations.

Le 14 février, le procureur a préconisé au juge de rejeter cette demande, soutenant que la défense aurait dû émettre la requête avant, lors de l’instruction de l’affaire. S’il est vrai que les accusés n’avaient pas spécifiquement demandé au juge d’instruction d’ordonner un examen médical pour rechercher des traces de torture, la plupart lui avaient bien dit, lors de leur première audition sur le fond, que les policiers les avaient torturés.  

Conformément aux procédures normales de la loi marocaine, les suspects, à la fin de leur période de garde à vue par la police, comparaissent devant le juge d’instruction pour une brève audition visant à établir leur identité, à les informer des charges pesant contre eux et à leur demander s’ils plaident coupable ou non coupable. Presque tous les accusés de cette affaire ont comparu à cette première audition sans avocat. Puis a lieu une seconde audition, plus longue, où le juge d’instruction interroge les accusés de façon plus détaillée sur les chefs d’accusations et où ils sont normalement secondés par des avocats.

Les procès-verbaux de ces auditions montrent clairement que dès cette étape, près de deux ans avant l’ouverture du procès, au moins 17 accusés avaient informé le tribunal de la torture et des mauvais traitements que selon eux ils ont subis et qui, d’après la majorité, les ont conduits à signer de faux aveux. Le dossier ne montre aucun signe que le tribunal ait effectué une expertise médicale, à aucun moment et sur aucun des accusés, afin de rechercher des traces d’abus; les avocats de la défense l’ont confirmé à Human Rights Watch.

Il est même possible que des accusés aient fait des allégations de torture de façon plus détaillée et avant que ne l’indiquent les procès-verbaux du tribunal. Par exemple un accusé, Sid Ahmed Lemjayid, a déclaré au tribunal qu’il avait de fait informé le juge d’instruction de sa torture par la police dès sa toute première comparution devant lui, le 28 décembre 2010, ce à quoi le juge aurait répliqué qu’il n’était pas médecin. Le procès-verbal de cette audience ne mentionne pas les allégations de torture de  Lemjayid.

Le jugement écrit indique que le tribunal a accepté l’argument du procureur, préconisant de rejeter la requête de la défense concernant l’enquête sur les allégations de torture, au motif qu’il était trop tard pour mener une telle enquête. Le juge Zehhaf n’a pas ordonné d’investigation, ni mené sa propre enquête, se contentant seulement de poser aux accusés quelques questions courtes sur la torture qu’ils disaient avoir subie.

Toutefois ce refus du tribunal apparaît infondé. Bien que la date d’une allégation de torture puisse être pertinente pour évaluer les motifs et la crédibilité de son auteur, le fait qu'elle soit faite tardivement dans le processus judiciaire ne devrait pas être une raison de l’écarter sommairement. Les autorités marocaines, en particulier le tribunal et les juges d'instruction, ont l’obligation absolue de rejeter toute preuve obtenue par la torture, et doivent tenir compte de cette obligation chaque fois qu’il existe une raison de croire qu’une preuve a été obtenue par la torture.

De fait un accusé peut avoir de bonnes raisons d’attendre avant de clamer qu’il a été torturé. Dans d’autres affaires au Maroc, des accusés ont expliqué à Human Rights Watch que s’ils n’avaient pas mentionné la torture lors de leur première comparution par le tribunal après la garde à vue, c’est parce que l’audience s’était terminée avant qu’ils n’aient pu réagir. Elle n’avait duré qu’une minute ou deux, face à un juge qui levait à peine les yeux du dossier de police sur son bureau. D’autres détenus ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils n’avaient pas parlé de torture parce que, sortant à peine de garde à vue, ils craignaient les représailles policières.

Rien, dans le droit marocain ou international, n’empêche un accusé d’introduire de nouveaux arguments, à n’importe quel moment d’un procès, y compris lors de l’appel. Il n’y a pas non plus de délai limite, dans la loi marocaine, pour exercer son droit de demander un examen médical pour rechercher des signes de torture, d’après l’article 88(4) du Code de procédure pénale. Un juge peut écarter la requête s’il justifie son refus d’ordonner un examen médical, mais rien dans la loi ne dit qu’il doit rejeter la demande simplement parce qu’elle a été déposée « trop tard ».

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan Méndez, a déclaré dans son rapport sur le Maroc publié le 28 février :

Le Rapporteur spécial a (…) appris que les tribunaux et les procureurs ne respectaient pas l’obligation d’ouvrir d’office une enquête lorsqu’il y avait des motifs raisonnables de croire que des aveux avaient été obtenus par la torture et des mauvais traitements, ou d’ordonner immédiatement un examen médical indépendant (voir art. 74 8) et 135 5) du Code de procédure pénale) s’ils soupçonnent que le détenu a été soumis à des mauvais traitements. Les juges semblent disposés à accepter des aveux sans essayer de les étayer par d’autres éléments de preuve même si la personne se rétracte au tribunal et affirme avoir été torturée. En outre, les témoignages reçus indiquent que de nombreuses affaires soumises aux tribunaux reposent entièrement sur les aveux de l’accusé, en l’absence de toute preuve matérielle. Cela crée des conditions qui encouragent la torture et la maltraitance des suspects.

Le Rapporteur spécial a été informé que souvent, lorsque les défendeurs essayaient de prouver devant le tribunal qu’ils avaient subi un préjudice corporel, le juge réagissait en mettant en doute la crédibilité de ceux d’entre eux qui n’avaient pas soulevé la question plus tôt, lors de la première présentation au procureur ou au juge d’instruction après la garde à vue.

Et en ce qui concerne le Sahara occidental :

Le Rapporteur spécial a trouvé que la torture et les mauvais traitements étaient pratiqués pour extorquer des aveux et que les agents de la force publique faisaient un usage excessif de la force à l’égard des manifestants. Les témoignages reçus indiquent que les membres de la population sahraouie sont victimes de telles violations sans qu’ils soient les seuls à l’être.

Condamnations basées sur des aveux contestés
Dans sa plaidoirie du 14 février, le procureur, colonel Abdelkarim Hakimi, a affirmé que la preuve la plus importante accablant les accusés était leurs aveux à la police, où ils s’accusaient eux-mêmes et mutuellement. Il a déclaré que la police n’avait pas obtenu ces déclarations par la contrainte et que les accusés avaient confessé leurs crimes d’eux-mêmes. Il a soutenu enfin que même si les accusés parlaient désormais de torture au tribunal, ils avaient omis de le faire devant le juge d’instruction.

Les accusés ont signé ou apposé leurs empreintes au bas des procès-verbaux, ce qui est censé confirmer l’authenticité de leur contenu. Mais la formulation des dépositions attribuées à ces accusés, qui ont dit au juge d’instruction avoir été torturés par la police, fait douter du caractère spontané de leurs déclarations. Les procès-verbaux de Naâma Asfari et de Mohamed Lamine Haddi sont fournis ici comme exemples.

Les dépositions d’Asfari à la police, qui le 12 janvier 2011 avait dit au juge d’instruction que les policiers l’avaient torturé, lui attribuent des déclarations comme celle-ci: l’objectif de l’installation du camp de protestation était de « propager la discorde et la terreur, et déstabiliser la sécurité de [Laâyoune] et des environs… » Dans ce but, « j’ai commencé à quémander et à recevoir des fonds de gens impliqués dans des associations à l’étranger, qui pensaient que leur argent serait employé à des fins caritatives, alors que le véritable objectif était de financer le plan du campement, d’organiser des volontaires parmi les gens de la région, et de les recruter pour des missions qui devaient menacer la sécurité publique et restreindre la liberté de mouvement de ceux qui seraient enfermés dans le camp, tout en démentant l’image d’une ville calme et pacifique. »

Haddi a lui aussi déclaré au juge d’instruction, le 25 mars 2011, que la police l’avait torturé; lors d’une autre comparution, le 25 novembre 2011, il a dit au juge qu’il avait les yeux bandés lorsqu’il avait apposé ses empreintes sur le procès-verbal de police. Dans cette déposition, Haddi est censé avoir déclaré qu’Asfari et Mohamed Bourial, les prétendus meneurs de la révolte, « étaient poussés par des parties étrangères, dont le seul but est de déstabiliser la sécurité dans les régions sahraouies et de porter atteinte à la sécurité nationale du Maroc ». La déclaration de Haddi à la police continue ainsi:

Les autorités locales ont fait des efforts louables pour disperser de façon pacifique les habitants du campement, après avoir consenti aux exigences des citoyens et permis à une partie d’entre eux de concrétiser leurs aspirations. Par conséquent, de nombreux citoyens ont exprimé leur souhait de quitter le camp. Confronté à ce problème, Asfari et ses auxiliaires [ont donné] des ordres stricts pour empêcher tout citoyen de quitter le camp, par l’intimidation ou même en le retenant de force si besoin.

L’accusation a fourni très peu d’éléments de preuve en dehors des dépositions des accusés à la police; le jugement écrit du tribunal montre clairement que le verdict de culpabilité repose sur elles. Le tribunal n’a entendu qu’un seul témoin à charge, Redouane Lahlaoui, un sapeur-pompier. Le 13 février, il a témoigné que le jour des affrontements, il avait aidé à évacuer des agents blessés des forces de sécurité. Il a déclaré qu’il avait été blessé à l’épaule et qu’un groupe de civils l’avaient retenu pendant un moment. Cependant il a dit au tribunal qu’il ne pouvait reconnaître aucun des accusés.

L’accusation a projeté des vidéos au tribunal, le 14 février, la plupart filmées des hélicoptères qui survolaient le camp. Elles montrent des civils jetant des pierres, beaucoup d’entre eux masqués. Dans une scène, on voit une personne jetant des pierres sur un agent des forces de sécurité couché par terre; dans une autre, on voit une personne masquée uriner sur un agent des forces de sécurité qui est à terre.

Un des accusés reconnu coupable de profanation de cadavre est Mohamed Bachir Boutanguiza. Dans sa déposition à la police, il avoue avoir jeté des pierres sur les policiers et uriné sur le corps d’un autre. Mais Boutanguiza avait protesté de son innocence auprès du juge d’instruction lors de sa première comparution et, lors de la deuxième, avait déclaré au juge que les policiers l’avaient torturé pour lui faire signer un procès-verbal qu’il n’avait pas lu. Au procès, le 11 février, Boutanguiza a réitéré ces allégations et affirmé qu’il n’était pas la personne qui profanait un cadavre sur la vidéo. Il a demandé au tribunal de faire déterminer par un expert s’il était la personne qu’on voyait sur la vidéo. Le tribunal n’en a rien fait. Son jugement écrit n’indiquait pas que les vidéos en tant que telles puissent constituer une preuve contre un seul des accusés.

Le 8 février, l’accusation a également présenté au tribunal des armes prétendument saisies dans le campement, dont des armes blanches, mais pas d’armes à feu. Mais l’accusation n’a présenté aucune preuve permettant de lier ces armes aux accusés, à part leurs « aveux » qui admettent qu’elles étaient en leur possession et qu’ils les avaient utilisées. La défense a demandé à la cour d’ordonner des tests d’ADN sur les armes pour voir si cela pouvait les relier aux accusés. Là encore le tribunal n’en a rien fait.

Pas un seul policier n’a témoigné pendant le procès. Le tribunal a rejeté les requêtes de la défense de citer à comparaître les policiers qui avaient recueilli les dépositions contestées des accusés.

Plus grave encore, aucun rapport d’autopsie n’a été introduit au procès afin d’élucider comment et quand chaque agent des forces de sécurité était décédé. Le tribunal n’a pas pu établir que chaque agent de police décédé avait été tué à cause d’actes de violence des protestataires, et n’a pas établi spécifiquement lequel les accusés aurait causé la mort de chaque agent.

Recommandations

  • Les autorités marocaines concernées devraient soit libérer, soit faire rejuger rapidement les accusés par un tribunal civil;
  • Avant tout nouveau procès, il convient de partir du principe que les accusés seront en état de liberté jusqu’à ce qu’ils soient jugés. Tout accusé que le ministère public voudrait placer en détention doit avoir droit à une audition rapide devant un juge pour que ce dernier se prononce sur la légalité de sa détention, en partant d’une présomption de liberté. Toute décision judiciaire de détenir l’accusé dans l’attente de son procès devra être fondée sur des motifs valables, par exemple s’il est  dangereux ou s’il risque de récidiver, de falsifier les preuves à charge ou de prendre la fuite;
  • En cas de nouveau procès, le tribunal devrait examiner les allégations de torture des accusés et garantir, conformément au droit international et marocain, qu’aucune déclaration obtenue par la violence ou sous la contrainte ne soit admise comme preuve. Le tribunal devrait mener ces enquêtes même si les traces physiques de torture se sont déjà probablement effacées. Ces investigations devraient respecter les critères internationaux d’enquête sur les plaintes individuelles de torture, notamment ceux du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le « protocole d’Istanbul »);
  • Si le tribunal décide d’admettre comme preuve une déposition de police dont l’accusé affirme qu’elle a été extorquée sous la torture, il devra expliquer dans son jugement écrit pourquoi il a décidé que ces allégations de torture ou de contrainte abusive n’étaient pas crédibles;
  • Les législateurs devraient mettre en œuvre la recommandation du rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans son rapport sur le Maroc publié le 28 février, il recommande d’amender le Code de procédure criminelle pour indiquer qu’en cas d’allégation de torture ou de mauvais traitement, c’est à l’accusation que revient la charge de la preuve : à elle de prouver que les aveux qui ont été faits n’ont pas été obtenus par des moyens illégaux; et
  • Les législateurs devraient amender le Code de justice militaire de façon à ce que les civils accusés soient toujours jugés par des tribunaux civils et non militaires, comme l’a récemment recommandé le Conseil national des droits de l’Homme du Maroc.

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