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Monsieur le Président,

Nous vous écrivons en raison de notre profonde préoccupation au sujet de ce qui se passe en Côte d'Ivoire. Les recherches les plus récentes de Human Rights Watch, telles qu'exposées dans le communiqué de presse et le mini-rapport ci-joints, témoignent de la situation très tendue qui règne dans ce pays et du potentiel de déclenchement d'un conflit à grande échelle.

En tant que membre de la délégation de l'Union africaine, vous avez un rôle crucial à jouer pour aider à résoudre cette crise politique. De toute urgence, nous vous demandons d'insister auprès du président sortant Laurent Gbagbo pour qu'il exhorte ses troupes à cesser immédiatement les attaques armées contre les manifestants pacifiques, ainsi que les partisans réels ou supposés de son rival, Alassane Ouattara.

Human Rights Watch a documenté l'assassinat par les forces de sécurité de Laurent Gbagbo d'au moins 11 personnes depuis le 19 février, notamment des manifestants et des passants, ainsi que l'enlèvement et le meurtre de personnes blessées emmenées d'un hôpital d'Abidjan, et les actes d'intimidation et de harcèlement ainsi que les exactions commises par des miliciens armés. Les meurtres de membres des forces de Laurent Gbagbo dans les quartiers soutenant Alassane Ouattara ont également été signalés ces derniers jours. Dans le même temps, les deux parties continuent de recruter de nouveaux membres dans leurs rangs, créant ainsi davantage de possibilités de conflit.

Ce travail complète une enquête menée en janvier par Human Rights Watch sur les violations perpétrées dans la capitale commerciale, Abidjan, qui a révélé une campagne de violence souvent organisée par les forces de sécurité de Laurent Gbagbo prenant pour cible des membres de la coalition politique d'Alassane Ouattara, les groupes ethniques du nord de la Côte d'Ivoire, les musulmans et les émigrants issus de pays voisins d'Afrique occidentale. Human Rights Watch a également documenté des exactions commises par les Forces Nouvelles et des militants pro-Ouattara, mais il est clair que la période postélectorale a été dominée par des violations graves commises par les forces fidèles à Laurent Gbagbo, tandis qu'il s'accroche au pouvoir.

Human Rights Watch ne prend pas position sur l'issue de l'élection. Toutefois, vous n'êtes pas sans connaître le consensus international selon lequel le vote a été libre et équitable et qu'Alassane Ouattara a remporté la majorité des voix. L'Union africaine et la CEDEAO, les deux plus grandes voix de l'Afrique sur la situation, ont depuis décembre appelé Laurent Gbagbo à mettre fin à l'effusion de sang et à se retirer. Nous espérons que l'Afrique du Sud examinera attentivement les coûts humains de la crise actuelle et les graves violations commises par les forces de Laurent Gbagbo, au mépris de l'unité presque totale de  la communauté africaine sur la question. Nous savons aussi grâce à notre observation étroite des événements sur le terrain que la situation est susceptible de dégénérer en hostilités à grande échelle si une véritable solution n'est pas trouvée prochainement. Nous vous demandons donc, en tant que membre du panel respecté, de recommander une solution qui prenne en compte les violations des droits humains postélectorales, et qui précise que de futures violations par les deux parties ne seront pas tolérées et que les responsables devront rendre compte de leurs actes. Seule une résolution enracinée dans ces questions permettra à la Côte d'Ivoire de sortir d'années de guerre civile et de crise, plutôt que de rester embourbée dans un système marqué par l'impunité.

Nous serions heureux de vous informer personnellement de nos conclusions. Nous espérons que votre mission s'est déroulée dans de bonnes conditions sécuritaires et qu'elle sera fructueuse.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération.

Siphokazi Mthathi
Directrice, bureau de l'Afrique du Sud

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