<<précédente | index | suivant>> Le défiCinquante ans après sa proclamation, écrit Michael Ignatieff, la Déclaration universelle des droits de l'homme est devenue le texte sacré de ce qu'Elie Wiesel a qualifié de religion laïque mondiale.2. Le développement du mouvement des droits humains lui a donné suffisamment d'assurance pour s'attaquer à des sujets controversés et étendre la promesse de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) à des domaines jusque-là négligés. Dans bon nombre de sociétés, cette nouvelle frontière, se heurte toutefois au retour du religieux, à ce que le politologue Gilles Kepel a appelé la Revanche de Dieu3 et qui se caractérise par la réaffirmation de formes de croyances plus dogmatiques ou conservatrices au sein même et à l'extérieur des confessions religieuses dominantes. Pour la communauté des droits humains, il serait inapproprié de plaider pour ou contre un système particulier de croyance ou d'idéologie religieuse et elle aurait tort de juger ou d'interpréter les principes d'une religion ou d'une foi déterminée, mais ce serait également une erreur de sa part de fermer les yeux sur les atteintes aux droits de l'homme ou les appels à la discrimination faits au nom d'une loi ou d'un principe religieux. Définir les rapports à entretenir avec les communautés religieuses est ainsi devenu l'un des principaux défis du mouvement des droits humains. Pour paraphraser Ignatieff, les droits humains ne peuvent réellement exister au niveau mondial s'ils ne sont pas d'abord ancrés au niveau local, s'ils ne s'insinuent pas dans les philosophies et croyances plurielles qui se heurtent parfois, ou semblent résister, à leur appel aux normes universelles. Si les normes internationales des droits humains revendiquent une universalité, leur pertinence doit être démontrée dans tous les contextes, en particulier là où la religion détermine le comportement de l'Etat. Le présent essai démontre que le mouvement des droits humains doit être en mesure de fournir des réponses plus claires aux questions ardues soulevées par les revendications des croyants et des organisations religieuses qui cherchent à exercer une influence politique directe. D'une part, les militants des droits humains devraient défendre plus vigoureusement la liberté religieuse et les droits des croyants tant dans les sociétés laïques que religieuses; d'autre part, ils devraient immédiatement s'opposer aux pressions émanant de groupes religieux qui cherchent à diluer ou à supprimer les droits garantisaux femmes, aux minorités sexuelles, aux athées, aux dissidents religieux, etc.que ces groupes considèrent incompatibles avec les enseignements religieux fondamentaux et les croyances profondes. Les associations de défense des droits humains devraient s'opposer aux efforts faits, au nom de la religion, pour imposer un point de vue moral à d'autres lorsque ces derniers ne font pas de tort à des tiers et que l' offense n'existe que dans l'esprit de la personne qui a le sentiment que l'autre agit de façon immorale.4 [2] Michael Ignatieff, Human Rights as Politics and Idolatry (Princeton: Princeton University Press, 2001), p. 53. [3] Gilles Kepel, La Revanche de Dieu. Chrétiens, juifs et musulmans à la reconquête du monde (Paris: Le Seuil, 1991). [4]Comme le soulignera l'essai qui suit dans le présent volume, la défense du même principe fondamental est essentiel pour sauvegarder la dignité et l'humanité des personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles et transsexuelles, que les efforts pour restreindre leurs droits soient faits au nom de la religion ou des valeurs traditionnelles, culturelles ou sociétales.
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