Africa - West

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RECOMMANDATIONS


A l'attention du gouvernement du Zaïre:

1. Se conformer aux normes exécutoires du droit humanitaire international applicables à la situation actuelle de conflit armé et, notamment:

  • interdire que soient pris pour cibles des civils ou objectifs civils, lors d'opérations militaires et d'attaques aveugles, de pillages, de viols ou d'actes de destruction de propriété civile;

  • assurer un traitement humain à toutes les personnes détenues dans le cadre du conflit ou mises hors de combat, de quelque manière que ce soit; la torture et les exécutions extrajudiciaires ne peuvent être tolérées;

  • permettre et faciliter l'accès des programmes humanitaires et d'assistance, afin que la nourriture, les médicaments et l'aide en général, sous toutes ses formes, puissent être fournis aux personnes non-combattantes des régions touchées par la guerre. Les programmes humanitaires et d'assistance du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (H.C.R.), du Comité International de la Croix-Rouge (C.I.C.R.) et d'autres institutions doivent pouvoir fonctionner sans entrave, en fonction des besoins humanitaires et conformément à leurs missions respectives. Assurer la sécurité et l'accès par voie terrestre, maritime et aérienne, de l'aide humanitaire;

  • autoriser le Comité International de la Croix-Rouge à rendre visite aux personnes détenues dans le cadre du conflit;

  • interdire le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats, faciliter la démobilisation, la réintégration et le retour de ces enfants à la société civile;

  • procéder à des enquêtes sur les violations du droit humanitaire international commises par des membres des forces militaires et de sécurité gouvernementales, les considérer pénalement responsables de leurs actes. Les forces gouvernementales qui ont bloqué le passage de l'approvisionnement humanitaire, attaqué des membres d'organisations humanitaires ou, de quelque manière que ce soit, gêné le travail de ces organisations, doivent faire l'objet d'une enquête et être poursuivies;

  • apporter sa collaboration aux mesures mises en oeuvre par les Nations Unies, l'Organisation de l'Unité Africaine et les organisations internationales humanitaires ou de défense des droits de l'homme visant à superviser, enquêter et remédier aux situations d'urgence dans le domaine humanitaire et des droits de l'homme au Zaïre.

    2. Se conformer aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par le Zaïre; notamment le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, et prendre les mesures qui s'imposent à cet égard, afin de:

  • abroger les dispositions de la législation zaïroise qui violent les normes internationales, notamment:

    - les ordonnances accordant des pouvoirs de détention (c'est-à-dire un des pouvoirs des corps de police) aux autorités locales, aux fonctionnaires des administrations fédérales et à la police secrète (S.N.I.P.).

    - la loi n° 81-002 du 29 juin 1981 relative à la nationalité zaïroise, qui a eu pour effet de priver de nombreux zaïrois de leur nationalité, de manière arbitraire et uniquement en raison de leur origine ethnique;

    - le décret du ministre de l'information et de la presse du 14 février 1997, interdisant aux télévisions et radios privées de produire, de diffuser et de relayer des programmes politiques;

    - la décision prise par le gouvernement zaïrois le 14 février 1997 d'interdire toute manifestation publique et toute grève générale sur l'ensemble du territoire de la République du Zaïre.

  • amender le Décret n° 0021 du 2 août 1996 (relatif à l'identification des citoyens, le recensement et la liste électorale), de manière à ce qu'aucun zaïrois ne soit privé de son droit électoral pour des raisons relatives à sa langue, origine ethnique ou toute autre raison arbitraire et discriminatoire;

  • aborder de toute urgence le problème des traitements inhumains dans les cellules et prisons des services de police. Les mauvais traitements, sous la forme de passages à tabac, d'exposition aux éléments ou de menaces, doivent cesser. Il est nécessaire de remédier aux menaces auxquelles sont soumises la vie et la santé de nombreux personnes dans les centres de détention, menaces dues à la mauvaise qualité des conditions sanitaires, de la nutrition, de la ventilation, à l'entassement des détenus et au manque de soins médicaux. Les besoins fondamentaux des personnes détenues doivent être pris en compte; le cas échéant, les détenus doivent être libérés. Les individus coupables d'avoir administré des mauvais traitements à des prisonniers doivent faire l'objet d'une enquête et être poursuivis en justice;

  • instituer des mécanismes de sauvegarde contre la torture, notamment en faisant comparaître sans retard tous les détenus devant l'autorité judiciaire; mettre fin à la procédure routinière de mise au secret de détenus, autoriser le prisonnier à recevoir sans tarder la visite de sa famille, de médecins et de son/ses conseiller(s) juridiques(s);

  • instituer des mécanismes additionnels de sauvegarde contre les « disparitions » et exécutions extrajudiciaires, y compris des dispositions stipulant qu'aucun individu ne sera jamais détenu en secret, que les prisonniers ne seront détenus que dans des lieux reconnus publiquement comme étant des lieux de détention, que la famille sera rapidement informée du lieu où se trouve le prisonnier, et que les prisonniers ne seront détenus que sous la supervision des tribunaux;

  • respecter la liberté d'expression, en levant les restrictions arbitraires imposées au médias écrits et à la radio et télédiffusion publique, en mettant fin au harcèlement et à la détention arbitraire de journalistes, commentateurs politiques et autres qui n'auraient fait qu'exprimer leur opinion;

  • respecter la liberté de réunion, en levant les restrictions arbitraires, imposées par la voie législative et dans la pratique, relatives aux réunions publiques et en mettant fin aux actions de police arbitraires destinées à interdire ou disperser de telles réunions et manifestations;

  • respecter la liberté d'association, en mettant fin aux arrestations arbitraires, aux intimidations et aux actes de violence à l'encontre de personnes collaborant aux activités d'organisations civiles non-violentes;

  • reconnaître aux défenseurs des droits de l'homme le droit de superviser, d'enquêter et d'exprimer leurs vues quant aux violations de ces droits, leur reconnaître le droit de s'associer librement avec d'autres, au niveau national et international, dans le but de promouvoir et de protéger les droits de l'homme;

  • libérer toutes les personnes détenues pour des raisons strictement politiques ou détenues sans avoir été accusées d'un délit pénal reconnu;

  • abolir la peine de mort, sous toutes ses formes, y compris les exécutions ordonnées de manière sommaire par des cours martiales et les exécutions extrajudiciaires réalisées par des forces placées sous l'autorité de l'état. Human Rights Watch s'oppose, dans tous les cas sans exception, à la peine capitale. Human Rights Watch considère, en effet, qu'il s'agit d'un acte cruel et très souvent réalisé de manière discriminatoire. De plus, la faillibilité de tout système de justice pénale donne parfois lieu à l'exécution d'innocents, et ce même si l'ensemble de la procédure s'est déroulée dans le respect le plus strict de la loi. De telles erreurs judiciaires ne peuvent jamais être corrigées.

    A l'attention de l'A.F.D.L.:

    1. Se conformer aux normes exécutoires du droit humanitaires international applicables à la situation actuelle de conflit armé et, notamment:

  • interdire que soient pris pour cibles des civils ou objectifs civils, lors d'opérations militaires et d'attaques aveugles;

  • assurer un traitement humain à toutes les personnes détenues dans le cadre du conflit ou mises hors de combat, de quelque manière que ce soit; la torture et les exécutions extrajudiciaires ne peuvent être tolérées;

  • permettre et faciliter l'accès des programmes humanitaires et d'assistance, afin que la nourriture, les médicaments et l'aide en général, sous toutes ses formes, puissent être fournis aux personnes non-combattantes des régions touchées par la guerre. Assurer la sécurité et l'accès, par voie terrestre, maritime et aérienne, de l'aide humanitaire;

  • autoriser le Comité International de la Croix-Rouge à rendre visite aux personnes détenues dans le cadre du conflit;

  • interdire le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats, faciliter la démobilisation, la réintégration et le retour de ces enfants à la société civile;

  • s'abstenir d'appliquer la peine de mort, sous toutes ses formes, y compris les exécutions ordonnées de manière sommaire par des cours martiales et les exécutions extrajudiciaires réalisées par des forces placées sous son autorité.

  • procéder à des enquêtes sur les violations du droit humanitaire international commises par des membres de l'A.F.D.L. et de ses forces alliées. Les considérer pénalement responsables de leurs actes, par le biais de procédures qui respectent les normes minima établies par le droit humanitaire international en matière de procès;

    Observer le normes minima inscrites à l'article 3, paragraphe 1, alinéa (d) commun aux Conventions de Genève de 1949, qui interdit, à tout moment et en tout lieu, que soit « prononcée une condamnation sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés ». Lesdites garanties doivent comprendre le droit d'appeler de la décision de justice et -compte tenu de la profonde conviction de Human Rights Watch- l'abolition de la peine de mort.

    Respecter les dispositions qui font autorité en matière de normes minima de procès prévues à l'article 6 du Protocole Additionnel aux Conventions de Genève (Protocole II), relatif aux poursuites pénales et à la répression d'infractions pénales en relation avec le conflit armé et, notamment, le paragraphe 2:

    Aucune condamnation ne sera prononcée ni aucune peine exécutée à l'encontre d'une personne reconnue coupable d'une infraction sans un jugement préalable rendu par un tribunal offrant les garanties essentielles d'indépendance et d'impartialité. En particulier:

    a) la procédure disposera que le prévenu doit être informé sans délai des détails de l'infraction qui lui est imputée et assurera au prévenu avant et pendant son procès tous les droits et moyens nécessaires à sa défense;

    b) nul ne peut être condamné pour une infractions si ce n'est sur la base d'une responsabilité pénale individuelle;

    c) nul ne peut être condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne peut être infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. Si postérieurement à cette infraction la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier;

    d) toute personne accusée d'une infraction a le droit d'être jugée en sa présence;

    e) nul ne peut être forcé de témoigner contre lui-même ou de s'avouer coupable.

  • apporter sa collaboration aux mesures mises en oeuvre par les Nations Unies, l'Organisation de l'Unité Africaine et les organisations internationales humanitaires ou de défense des droits de l'homme visant à superviser, enquêter et remédier aux situations d'urgence dans le domaine humanitaire et des droits de l'homme au Zaïre.

    A l'attention de toutes les forces d'opposition:

    L'A.F.D.L. et toutes les forces d'opposition doivent s'engager, dès qu'un gouvernement aura été formé, à:

  • se conformer aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels le Zaïre est partie et ratifier la Convention contre la Torture et les Autres Traitements ou Peines Cruelles, Inhumaines ou Dégradantes, ainsi que le Protocole Additionnel aux Conventions de Genève (Protocole II).

  • donner toute priorité au développement d'un système judiciaire indépendant;

  • garantir la comparution rapide devant l'autorité judiciaire de toute personne arrêtée;

  • garantir qu'aucun individu ne sera détenu sans avoir été accusé d'un délit pénal reconnu, garantir que ledit individu sera jugé sans retard inutile par un tribunal indépendant;

  • mettre en oeuvre des programmes de formation à l'attention des responsables de l'application des lois et des militaires, dans le domaine des normes applicables en matière de droits de l'homme. Dans le même temps, instituer des procédures garantissant que les violations des droits de l'homme feront l'objet d'enquêtes et de poursuites pénales efficaces. La formation doit être dispensée dans le respect des normes du Code de Conduite pour les Responsables de l'Application des Lois (adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 17 décembre 1979), des Principes Directeurs pour la mise en oeuvre efficace dudit Code de Conduite (adoptés par le Conseil Economique et Social des Nations Unies le 24 mai 1989) et des normes telles que les Principes de Base sur le Recours à la Force et l'Utilisation des Armes à Feu par les Responsables de l'Application des Lois (adoptés par le huitième Congrès des Nations Unies pour la Prévention du Crime et le Traitement des Délinquants, le 7 septembre 1990).

  • introduire de toute urgence des mesures de base permettant de protéger toutes les personnes privées de liberté, de quelque façon que ce soit, en respectant les normes inscrites dans l'Ensemble de Principes pour la Protection de Toutes les Personnes Soumises à une Forme Quelconque de Détention ou d'Emprisonnement (adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 9 décembre 1988) et en respectant, dans tous les centres de détention, les normes inscrites dans l'Ensemble de Règles Minima pour le Traitement des Détenus (résolutions adoptées le 31 juillet 1957 par le Conseil Economique et Social des Nations Unies) et les Procédures pour la Mise en Oeuvre Efficace de l'Ensemble des Règles Minima;

  • déroger aux dispositions de la loi Zaïroise qui violent les normes internationales;

  • désavouer les mesures arbitraires destinées à priver de leur nationalité les zaïrois de langue Kinyarwanda, à savoir les Banyarwanda, ainsi que tous ceux appartenant à une autre minorité. Nul individu ne peut être privé de sa nationalité sur base de raisons ethniques ou de toute autre raison discriminatoire.

  • mener des enquêtes et faciliter celles organisées par des organismes indépendants dans le but de récolter des éléments relatifs aux violations des droits de l'homme dont se sont rendus coupables les forces du gouvernement actuel et les forces rebelles, afin de rendre publics les éléments mis à jour dans le cadre desdites enquêtes et la responsabilité pénale des individus coupables de violations graves;

  • prendre sans tarder des mesures afin de créer les conditions permettant d'organiser des élections libres et équitables, notamment en garantissant un contrôle civil des forces militaires et de la gendarmerie nationale, en restaurant au sein de l'administration régionale et locale les notions d'impartialité et de représentation nationale et en affirmant le respect des libertés politiques fondamentales, y compris les libertés d'expression, d'association et de réunion;

  • encourager le travail indépendant des organisations locales et nationales de défense des droits civils, y compris les organisations non-gouvernementales qui se consacrent à la promotion et la protection des droits de l'homme; supprimer les obstacles légaux et administratifs qui limitent leur capacité d'action;

  • encourager l'exercice, par les médias zaïrois écrits, de radiodiffusion, télédiffusion et autres, du droit à la libre expression que leur reconnaissent les normes internationales applicables en la matière;

  • mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires afin de permettre une participation aussi large que possible, de la part de tous les Zaïrois, à la vie politique de leur pays.

    A l'attention de tous les membres de la Communauté Internationale, y compris les Nations Unies, l'Union Européenne et ses états membres, les Etats-Unis et l'Organisation de l'Unité Africaine:

  • Appeler les deux parties au conflit à autoriser que soient menées, sans obstruction ni limite aucune, des enquêtes internationales relatives aux allégations indiquant que de nombreux massacres de civils ont été commis au Zaïre;

  • Insister pour que la responsabilité du gouvernement zaïrois et de l'A.F.D.L. dans les violations des droits de l'homme commises dans les territoires sous leur contrôle ne soient pas sacrifiée sur l'autel d'une solution négociée au conflit actuel. Les individus responsables de massacres ethniques et d'autres violations graves ne peuvent se voir accorder l'impunité dans le cadre d'un arrangement donnant priorité à l'opportunisme politique à court terme, au détriment du respect à long terme de l'autorité de la loi.

  • Tenir toutes les parties au conflit pour responsables des attaques envers les civils commises par leurs combattants. Des pressions doivent être exercées pour qu'à la fois le gouvernement et les rebelles enquêtent sur ces attaques, rendent publiques les conclusions des enquêtes et poursuivent les coupables en justice.

  • Conditionner l'apport de toute aide au gouvernement actuel ou futur, y compris celle devant permettre d'organiser des élections, à la mise en oeuvre de mesures concrètes visant à assurer le respect des droits de l'homme et à mettre en place les conditions nécessaires à l'organisation d'élections libres et équitables, y compris:

  • procéder à la réforme de l'armée et de la gendarmerie nationale, qui doivent être non partisanes, représentatives de la nation toute entière et soumises à un contrôle civil;

  • garantir le respect des libertés politiques fondamentales, y compris la liberté d'expression, notamment en ouvrant les ondes des radios et télévisions à toutes les opinions; et

  • procéder à la réforme des administrations régionales et locales, qui doivent être des institutions non partisanes et représentatives de la nation toute entière.

  • Assurer une supervision étroite et la publication de rapports relatifs aux progrès réalisés dans la mise en oeuvre de programmes destinés à préparer des élections;

  • Soutenir les programmes mis en oeuvre par des organisations de la société civile zaïroise dans le but de promouvoir le respect des droits de l'homme, propager une culture démocratique et former, dans l'optique des élections, des observateurs indépendants.

    Recommandations spécifiques, à l'attention des Nations Unies:

    A l'attention du Conseil de Sécurité:

  • Nommer immédiatement une commission chargée d'enquêter sur les allégations indiquant que de nombreux massacres ont été commis par les deux parties au conflit, dans l'est du Zaïre, et rendre public le rapport de la commission.

    A l'attention du Centre des Nations Unies pour les Droits de l'Homme:

  • Garantir que le Bureau des Nations Unies pour les Droits de l'Homme situé à Kinshasa puisse mener à bien sa fonction essentielle de supervision. Contribuer à son budget de telle manière que le Bureau puisse financer les nombreux déplacements internes nécessaires à la réalisation de sa mission et améliorer les communications.

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