rapports

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LA CONDAMNATION ET L'EXECUTION DES NEUF OGONI


Le 10 novembre 1995, Ken Saro-Wiwa, président du Mouvement pour la Survie du Peuple Ogoni (MOSOP - Movement for the Survival of the Ogoni People) et huit autres militants ogoni ont été pendus à Port Harcourt suite à leur condamnation pour le meurtre de quatre chefs ogoni tués par la foule le 21 mai 1994. Ils ont été condamnés à mort en deux groupes les 30 et 31 octobre par un tribunal spécialement constitué pour traiter la cause en vertu du Décret No. 2 de 1987 relatif aux Troubles Sociaux (Tribunaux Spéciaux). Les procédures suivies par le tribunal, dans les deux procès simultanés qui ont abouti aux condamnations, violaient de façon flagrante les normes internationales en matière d'équité, au point que l'équipe de défenseurs de Saro-Wiwa s'est retirée du procès en signe de protestation à la mi-juin 1995. (72) Il n'y a pas eu d'appel à la condamnation pour des raisons de droit ou de fait, bien que les condamnations à la peine capitale aient fait l'objet d'une confirmation du PRC.


Seul un des condamnés aurait été présent sur le lieu des meurtres et le tribunal n'a cité qu'un seul témoin pour appuyer l'allégation selon laquelle Saro-Wiwa et les autres auraient activement incité au meurtre. Aucun témoin n'a été cité pour indiquer que les personnes présentes au rassemblement au cours duquel Saro-Wiwa aurait incité au meurtre étaient également présentes le jour où les meurtres ont eu lieu. Le tribunal n'a pas tenu compte des témoignages indiquant que les accusés avaient essayé d'arrêter la violence des groupes d'autodéfense des jeunes de la NYCOP; il n'a pas non plus tenu compte des déclarations d'un certain nombre de témoins à charge qui ont signalé avoir été soudoyés pour témoigner contre les accusés. Le dossier complet du jugement confirme la nature partiale et injuste du procès. Dans son analyse, un éminent juriste tirait la conclusion suivante:


Le jugement du Tribunal n'est pas simplement mauvais, illogique ou pernicieux. Il est carrément malhonnête. Le Tribunal n'a cessé d'avancer des arguments qu'un avocat expérimenté ne pourrait absolument jamais estimer logiques ou justes. Je crois que le Tribunal a d'abord rendu son verdict et puis, il a cherché les arguments qui le justifieraient. Il en a été réduit à chercher les moindres petits éléments qui pouvaient le conforter dans son jugement. (73)


Les personnes exécutées sont les suivantes: Ken Saro-Wiwa, président du MOSOP; Barinem Kiobel, ancien préfet de police de l'Etat de Rivers; John Kpuinen, vice-président de la branche jeune du MOSOP, le National Youth Council of the Ogoni People (NYCOP); Baribor Bera; Saturday Dobee; Nordu Eawo; Paul Levura; Felix Nuate; et Daniel Gbokoo. Six des quinze accusés jugés au cours des deux procès ont été acquittés, dont Ledum Mitee, vice-président du MOSOP ("sur base d'arguments qui mettaient à mal et contredisaient entièrement les arguments avec lesquels le Tribunal avait justifié la condamnation de Kpuinen"). (74)



72. Pour les discussions des procédures, voir Human Rights Watch/Africa, "The Ogoni Crisis: A Case-Study of Military Repression in Southeastern Nigeria" A Human Rights Watch Short Report, vol. 7, No. 5, juillet 1995, p. 25-31, et Michael Birnhaum Q.C., Fundamental Rights Denied: Report of the Trial of Ken Saro-Wiwa and Others (Londres: article XIX, juin 1995).

73. Michael Brinhaum Q.C., A Travesty of Law and Justice: An Analysis of the Judgement in the Case of Ken Saro-Wiwa and Others (Londres: Article XIX, décembre 1995), p.2.

74. Ibid.

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