Africa - West

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III. LES FORCES REBELLES DU LURD

Le LURD, qui existe depuis 2000, est une aggrégation d'anciens combattants des factions rebelles à Charles Taylor pendant la guerre civile du Libéria et de différents personnages politiques et dirigeants. L'aile militaire du mouvement regroupe d'anciens membres des différents groupes rebelles qui ont combattu durant la guerre civile, notamment des membres des ethnies Mandingue et Krahn de l'ancien ULIMO, ainsi que des combattants d'anciens mouvements combattants de Sierra Leone. Human Rights Watch a interrogé de nombreux anciens combattants sierra-léonais des milices Kamajors, West Side Boys et du RUF qui avaient été recrutés par le LURD comme mercenaires depuis janvier 2001.2

Créé à Freetown en Sierra Leone en février 2000, le LURD ne semble pas avoir un programme politique défini autre que de chasser Charles Taylor du pouvoir. L'organisation est minée par les luttes internes, les rivalités politiques et la corruption et il semble que qu'il y ait aussi des dissensions entre l'aide politique basée en Guinée et le commandement militaire sur le terrain. Il y a apparemment peu de clarté et de consensus sur des questions politiques-clé telles que sur le point de savoir s'il convient de négocier un arrangement politique avec le gouvernement Taylor, ou quel type de gouvernement devrait le remplacer en cas de victoire militaire du LURD. En mars 2002, lors de pourparlers de paix organisés par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à Abuja, au Nigeria, le LURD n'a pas envoyé de représentation officielle qui puisse s'exprimer en son nom.

Certains observateurs ont accusé le Gouvernement Taylor d'exagérer la menace posée par le LURD afin de détourner l'attention sur les échecs de sa politique intérieure et de justifier son appel à une levée des sanctions imposées par les Nations Unies en mai 2001. Certaines sources ont également laissé entendre que des attaques menées près de Monrovia et attribuées au LURD par le Gouvernement pourraient en fait avoir été de fausses attaques menées par les forces gouvernementales ou le résultat d'escarmouches entre les forces gouvernementales et les milices. L'absence de direction crédible et structurée du LURD ont contribué à un rejet global de l'existence du LURD par des observateurs internationaux basés au Libéria pour qui ces rebelles ne seraient que "bandits errants" ou le produit de rivalités entre différentes sections des forces gouvernementales. Il est toutefois clair, sur la base des recherches menées par Human Rights Watch au Libéria et dans les pays voisins, que le LURD est une force combattante organisée qui pose une réelle menace à la paix et à la sécurité au Libéria.

Après une série de raids éclairs en 2000, les forces du LURD ont lancé des offensives plus concertées en 2001. A partir de février 2001, les forces du LURD ont attaqué à plusieurs reprises le comté de Lofa, parfois semble-t-il depuis la Guinée. Pendant des mois de violents combats et de nombreuses offensives gouvernementales pour reprendre la zone, les forces du LURD ont réussi à s'assurer pendant des périodes assez longues le contrôle de plusieurs villes-clé dont Kolahun, Foya et Voinjama. En novembre 2001, les forces du LURD ont lancé une nouvelle offensive vers l'ouest sur les comtés de Bong, Cape Mount et Bomi. Pendant le premier trimestre 2002, les forces du LURD ont également pris le contrôle de la ville de Zorzor, dans le comté stratégique de Lofa, attaqué la ville de Sawmill et auraient aussi attaqué les villes de Klay, Suehn et Kakata, à quelque cinquante miles de Monrovia (80 km environ).

Abus commis par les forces du LURD

Bien qu'elles semblent moins largement répandues et moins systématiques que celles commises par les forces gouvernementales du Libéria, les violations des droits humains par les combattants du LURD ont été également graves, comprenant des viols et des exécutions sommaires de collaborateurs présumés du Gouvernement. Ces abus sont détaillés dans certains des témoignages obtenus par Human Rights Watch et reproduits dans le dernier chapitre du rapport. De nombreux garçons et jeunes gens ont été également recrutés de force par les unités combattantes du LURD, des civils ont été obligés de porter les vivres et des munitions et les forces du LURD ont aussi restreint la liberté de mouvement des populations.

De nombreux témoins ont déclaré à Human Rights Watch que lorsqu'ils entrent dans des villes qu'ils viennent de prendre, les rebelles du LURD font quelques efforts de senbilisation politique de la population et tentent de rassurer les civils en assurant que les forces gouvernementales et non la population étaient la cible de leur attaque. Les témoins ont également décrit comment en plusieurs occasions les combattants du LURD ont cherché à limiter les souffrances des civils en les autorisant à fuir et, dans certain cas, en les escortant hors de la zone de conflit. Dans un cas, les commandants du LURD ont rassemblé des dizaines d'enfants qui avaient été séparés pendant l'attaque et ont facilité la réunion avec leurs parents.

La direction du LURD semble aussi avoir fait quelques efforts pour s'assurer que leurs combattants respectent les droits des civils. Les dirigeants du LURD que Human Rights Watch a interrogés en décembre 2001 en Guinée ont déclaré que toutes les unités militaires du LURD étaient dirigées par des commandants qui avaient reçu pour ordre strict de ne pas violer les droits humains. Les dirigeants du LURD ont aussi indiqué qu'ils essayaient de mettre en place un système d'administration civile dans les zones sous leur contrôle et qu'ils désignaient un prévôt qui a pour responsabilité de traiter des abus commis par les autorités dans les zones tenues par le LURD. Plusieurs combattants ont rapporté qu'ils avaient été sensibilisés par leurs commandants sur le terrain sur les Procédures Opérationnelles Standard du LURD, qui prohibent le viol, le pillage et les exécutions sommaires de civils et ont précisé que des mesures avaient été prises à l'encontre de ceux qui avaient violé les consignes à plusieurs reprises - même si certaines des méthodes utilisées pour punir les soldats, y compris l'exécution sommaire, contrevenaient clairement aux normes du droit humanitaire international. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de se procurer une copie de ces Procédures Opérationnelles Standard, malgré plusieurs demandes auprès des dirigeants du LURD.

Des témoins ont aussi rapporté qu'en plusieurs occasions des commandants du LURD étaient intervenus pour mettre fin à un viol ou un assassinat de civil et des commandants du LURD ont aussi déclaré qu'ils avaient puni ceux qui se tenaient mal au sein de leurs forces. Un chef de patrouille de hiérarchie intermédiaire du LURD a expliqué à Human Rights Watch qu'il avait exécuté plusieurs anciens membres des West Side Boys sierra-léonais qui combattaient contre le LURD et avaient perpétré des atrocités contre des civils dans un village proche de la ville de Voinjama. Deux autrs commandants du LURD ont indiqué avoir puni des contrevants aux consignes en les envoyant comme "chair à canon" au cours d'une attaque sur la ligne de front ; en conséquence, au moins l'un des deux a été tué .

Malgré cela, les forces du LURD ont commis une série d'abus :

· En juillet 2001, un combattant du LURD a violé une femme dans un village proche de Foya et d'autres combattants du LURD, selon un membre de leur unité interrogé ultérieurement par Human Rights Watch, ont violé deux jeunes filles de quinze ans et une femme en juillet et août 2001. Les auteurs de ces derniers viols ont ensuite enlevé une trentaine de civils dans la même période, alors qu'ils recherchaient de la nourriture autour de Kolahun.
· En octobre 2001, les forces du LURD près de Foya ont sommairement exécuté six hommes et deux garçons qu'ils accusaient de collaboration avec les forces gouvernementales.
· En janvier 2002, un commandant du LURD a obligé plusieurs hommes de Kolahun à porter des munitions puis a tiré dans la jambe de deux d'entre eux qui n'avançaient pas assez vite, blessement mortellement l'un des deux.
· En février 2002, le chauffeur d'une organisation de secours internationale a été tué dans une embuscade près de Klay Junction, à une trentaine de miles (48 km environ) de Monrovia ; même s'il y a encore beaucoup de contestations sur la responsabilité de l'attaque de Klay, fait du LURD ou résultat de combats entre forces pro-gouvernementales, les interviews réalisées par Human Rights Watch avec différents sources confirment la responsabilité des combattants du LURD.
· En mars 2002, les forces du LURD ont tué une vieille femme, ont frappé sa fille de trente ans à mort et ont enlevé dix hommes pour s'en servir comme porteurs pendant un raid destiné à trouver des vivres sur le village de Baladu, en Sierra Leone.

Plusieurs combattants du LURD ont indiqué à Human Rights Watch qu'alors qu'on leur donnait ordre de respecter les droits des civils, ils assistaient régulièrement à certaines formes d'abus comme des viols et des pillages. Ils ont aussi reconnu avoir enlevé des jeunes gens et les avoir contraints de rejoindre les forces du LURD, mais ont nié avoir recruté des enfants-soldats. Tandis que de nombreux jeunes gens auraient volontairement rejoint le LURD, la conscription forcée n'en a pas moins été fréquemment signalée comme l'un des des abus les plus fréquents, lors des interviews conduites par Human Rights Watch.

2 En réponse à la menace rebelle du RUF, le Gouvernement sierra-léonais a soutenu l'émergence de milices de défense civile alliées au gouvernement, tels les Kamajors (le plus important et le plus puissant de ces groupes, constitué de membres de la communauté Mende). La milice des West Side Boys regroupait d'anciens soldats de l'armée sierra-léonaise qui, en tant que membres du Conseil des Forces armées révolutionnaires (AFRC), ont dirigé le coup d'Etat de 1997 contre le Président élu Tejan Kabbah. Les West Side Boys se sont rendus coupables de très nombreuses atrocités.

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