Africa - West

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RECOMMANDATIONS

A l'O.N.U.

Au Secrétaire général et au Secrétariat de l'O.N.U.

  • En ce qui concerne les programmes d'aides aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, l'O.N.U. doit améliorer et accorder la priorité à la coordination et à la coopération entre ses agences humanitaires, de développement, de défense des droits de l'Homme et de maintien de la paix. Lors de la conception de ces programmes, il est essentiel que les principes fondamentaux de protection des droits de l'Homme fassent partie intégrante de toute opération portant sur les populations déplacées.
  • Le Conseil Economique et Social de l'O.N.U. prépare actuellement des recommandations au Secrétaire général afin d'améliorer la coordination des activités de l'O.N.U. durant les urgences humanitaires. Le Secrétaire général devrait prendre des mesures afin de s'assurer que ces recommandations seront effectivement appliquées par les agences de l'O.N.U.
  • Le Représentant du Secrétaire général de l'O.N.U. responsable des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays prépare actuellement un ensemble de principes qui servira de guide non obligatoire aux gouvernements et aux institutions. Cet ouvrage rassemble les obligations en matière de droits des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, éclaire les zones d'ombre et combles les lacunes identifiables. Le Secrétaire général devrait exiger des agences qui administrent des programmes portant sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays qu'elles appliquent ces principes sur le terrain.

Au Représentant du Secrétaire général de l'O.N.U. responsable des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays

  • Le Représentant du Secrétaire général de l'O.N.U. responsable des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays devrait partir en mission au Kenya pour déclencher une prise de conscience et attirer l'attention sur la situation critique que vivent les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, et travailler avec le gouvernement et l'O.N.U. afin de trouver des solutions pour les populations toujours déplacées.
  • Le Représentant du Secrétaire général de l'O.N.U. responsable des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays devrait poursuivre sa collaboration étroite avec le P.N.U.D. et les autres agences de l'O.N.U. afin de proposer des mesures concrètes permettant d'incorporer l'ensemble de principes dans la pratique des programmes, en particulier dans le domaine de la défense des droits de l'Homme.

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Au P.N.U.D.
  • Le P.N.U.D. devrait reconnaître formellement la nécessité de revoir son approche traditionnelle de travail dans certains domaines afin d'aborder tous les problèmes auxquels sont confrontées les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays et de mieux appliquer ses programmes. Tout comme il s'est donné un mandat novateur pour s'atteler aux situations d'urgence humanitaire, le P.N.U.D. doit franchir le pas suivant et acquérir plus d'expérience dans le domaine de la défense des droits de l'homme et de la protection. Le P.N.U.D. doit être désireux d'apporter des changements institutionnels là où cela s'avère nécessaire pour gérer les défis qui se posent inévitablement dans les programmes visant les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Le P.N.U.D. devrait également se montrer désireux de coopérer avec les autres agences de l'O.N.U. qui disposent de l'expertise nécessaire et de coordonner ses activités avec ces dernières.
  • Les politiques identifiées par le P.N.U.D. dans sa contribution de février 1997 au processus d'évaluation de l'E.C.O.S.O.C. et qui visent à améliorer la coordination des actions de l'O.N.U. face aux urgences humanitaires devraient être largement diffusées au sein de ce programme. Tous les fonctionnaires devraient être instruits des responsabilités du P.N.U.D. dans le domaine de la défense des droits de l'Homme, telles que précisées dans son mandat.
  • Lorsqu'il entreprend de coordonner des programmes d'urgence et de développement, le P.N.U.D. doit se poser en défenseur des populations déplacées à l'intérieur de leur pays et, si nécessaire, dénoncer les violations des droits des personnes déplacées perpétrées par le gouvernement. Afin de mieux établir ce rôle de protection, le P.N.U.D. devrait être prêt à reconsidérer sa relation étroite de partenariat avec les gouvernements pour protéger les personnes déplacées et envisager les tensions qui peuvent émerger lorsqu'un Représentant Résident habitué à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement doit prendre en charge la coordination d'un programme visant les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, ce qui peut impliquer de critiquer la politique gouvernementale en la matière.
  • Les Représentants ou Coordonnateurs Résidents ainsi que le personnel de terrain du P.N.U.D. devraient être systématiquement formés aux normes en matière de défense des droits de l'Homme, ainsi qu'aux stratégies de plaidoyer permettant d'assurer l'application de ces normes. Le personnel concerné du siège du P.N.U.D. devrait être sensibilisé à certaines questions afin de s'assurer qu'il apporte bien le soutien nécessaire au personnel de terrain du P.N.U.D. Cette formation pourrait être assurée en coopération avec d'autres agences.
  • Dans le cadre de ses programmes visant les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, le P.N.U.D. devrait mettre en place une procédure systématique de retour d'informations afin d'identifier et d'enregistrer les personnes déplacées et d'établir régulièrement un rapport public sur la coopération du gouvernement ou de l'autorité de contrôle. Les constatations faites sur le terrain devraient au minimum être transmises régulièrement au Coordonnateur de l'aide humanitaire d'urgence du Département des Affaires Humanitaires, au Représentant du Secrétaire général de l'O.N.U. responsable des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, ainsi qu'au Haut Commissaire aux droits de l'Homme. Des rapports réguliers de ce type peuvent en effet dissuader les gouvernements de commettre des violences contre les déplacés et garantir que les questions liées aux droits de l'Homme ne seront pas subordonnées à des considérations politiques.
  • Une unité des droits de l'Homme devrait être créée au sein du P.N.U.D. Cette unité pourrait servir de point focal au sein de l'agence pour s'assurer que les programmes portant sur les personnes déplacées sont en mesure de gérer les problèmes qui peuvent surgir en matière de droits de l'Homme. Cette unité devrait participer à toutes les phases de conception des programmes visant les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Elle devrait également avoir pour tâche d'assurer la coopération et la liaison avec les agences de l'O.N.U. traitant des droits de l'Homme. Les questions liées aux droits de l'Homme sont la clé de solutions durables aux problèmes de déplacements de populations à l'intérieur d'un pays. Les programmes du P.N.U.D. pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays devraient plaider pour que les gouvernements garantissent le respect des droits de l'Homme, et devraient vérifier que ces droits sont effectivement respectés.
  • Des fonctionnaires choisis en interne ou détachés par d'autres agences devraient être nommés responsables de la défense des droits de l'Homme et intégrés à tous les programmes du P.N.U.D. pour les populations déplacées à l'intérieur de leur pays. Ils auraient pour tâche de faire rapport des problèmes liés aux droits de l'Homme, d'assurer l'interface entre les populations et les gouvernements ou les autorités de contrôle et d'agir pour prévenir les violations des droits de l'Homme et s'assurer que les responsables de ces violations sont poursuivis.
  • Le P.N.U.D. devrait automatiquement signer, avec le gouvernement, un accord écrit précisant les conditions minimum à respecter par le pouvoir en place avant le lancement de tout programme international pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. L'aide devrait être subordonnée à des garanties fournies par le gouvernement ou les autorités de contrôle quant au libre accès permanent aux personnes déplacées, à l'intégrité physique et au droits fondamentaux des personnes déplacées et à la libre circulation de l'aide humanitaire sous contrôle de l'O.N.U.
  • Il est généralement reconnu que la création par le P.N.U.D. d'un Comité National pour les Personnes Déplacées (C.N.P.D.), qui rassemblait des représentants du gouvernement, des bailleurs de fonds, du P.N.U.D. et de la communauté des O.N.G. locales et internationales, a eu un impact significatif et positif au Kenya. Le P.N.U.D. devrait utiliser cette approche dans le cadre de futurs programmes pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.
  • Lorsque des violations passées des droits de l'Homme ont été à la source des déplacements internes de populations, le P.N.U.D. ne devrait pas gérer ses programmes comme s'il entrait en territoire vierge. Ces violations passées doivent être abordées si l'on veut trouver des solutions durables. De même, tout programme pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays doit s'atteler par priorité à s'assurer que des sanctions administratives et légales seront prises contres les responsables des violations des droits de l'Homme. Les programmes pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays doivent prévoir une assistance juridique aux O.N.G. et aux déplacés afin de leur permettre de porter plainte contre les responsables de la violence. Le P.N.U.D. devrait être prêt à faire pression sur le gouvernement pour qu'il inculpe les responsables des déplacements, y compris les hauts fonctionnaires gouvernementaux.
  • Le P.N.U.D. devrait par priorité travailler en coopération et en consultation avec les O.N.G. locales qui aident les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Les programmes pour les déplacés devraient prévoir des actions permettant de renforcer la capacité de ces groupes locaux à aider et protéger les personnes déplacées.
  • Les succès et les échecs rencontrés par le P.N.U.D. dans ses programmes passés devraient être analysés et exploités par l'agence afin d'améliorer ses programmes à venir. Le P.N.U.D. devrait mettre sur pied une unité d'évaluation, sur le modèle de l'unité "enseignements tirés" du Département des Opérations de Maintien de la Paix de l'O.N.U. Les conclusions de ces évaluations doivent être activement incorporées aux programmes pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays grâce à une procédure institutionnelle systématique.
  • Le P.N.U.D. devrait inviter le Représentant du Secrétaire général de l'O.N.U. responsable des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays à travailler en collaboration étroite avec lui et à lui apporter des conseils afin de renforcer la mise en application des programmes, en particulier dans le domaine de la défense des droits de l'Homme.
  • Le P.N.U.D. devrait prendre des mesures visant à aider les personnes encore déplacées au Kenya. Dans son plan de développement récent -Programme sur les Dimensions Sociales du Développement-, le gouvernement kényan se propose de traiter dans un même élan de la sécheresse, des vols de bétail et des victimes de la violence ethnique. Cette approche pourrait permettre au gouvernement de mieux ancrer encore le mythe selon lequel les personnes déplacées par les violences ethniques ne sont qu'un groupe parmi d'autres frappés par la pauvreté et le crime généralisés, ce qui permettrait aux autorités d'échapper à leurs responsabilités: réinsérer volontairement les personnes déplacées par les affrontements ethniques et leur permettre de rentrer chez elles. Le P.N.U.D. ne devrait participer à aucun programme d'aide aux personnes déplacées par les affrontements sans prendre de mesures pour s'assurer que le gouvernement n'en profitera pas pour appliquer sa politique d'exclusion de certains groupes ethniques de leur terres, en particulier dans la Province de la Vallée du Rift.
Aux Gouvernements Bailleurs de Fonds et aux Organisations Humanitaires Internationales
  • Les gouvernements bailleurs de fonds et les organisations humanitaires internationales devraient continuer de surveiller de près la situation des populations déplacées au Kenya. Les bailleurs de fonds devraient continuer de soulever la question des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays avec le gouvernement kényan, s'assurer que le gouvernement n'essaie pas d'échapper à sa responsabilité: s'atteler à trouver une solution aux injustices dont les déplacés continuent d'être victimes. Les bailleurs de fonds devraient en appeler au gouvernement kényan afin que celui-ci respecte les libertés de mouvement, d'association, d'assemblée et d'expression, qu'il prenne des mesures pour aider, protéger et réinsérer les personnes encore déplacées, qu'il demande des comptes aux responsables des violences et qu'il règle les contentieux liés aux transferts illégaux de propriétés foncières, de redécoupage irréguliers des terres et de ventes ou d'échanges forcés de terrains.
  • Les bailleurs de fonds devraient soutenir les O.N.G. locales dans leur effort d'assistance aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Des programmes d'assistance juridique devraient en particulier être financés pour aider les déplacés à porter plainte contre les responsables des violences ethniques et à s'opposer aux transferts de terres illégaux ou forcés.
  • Les gouvernements bailleurs de fonds et les groupes humanitaires devraient s'abstenir de financer des programmes pour personnes déplacées par les violences ethniques, à moins que des mesures ne soient prises pour s'assurer que le gouvernement n'en profitera pas pour appliquer sa politique d'exclusion de certains groupes ethniques de leur terres, en particulier dans la Province de la Vallée du Rift. Un tel risque est présent dans le Programme sur les Dimensions Sociales du Développement, par lequel le gouvernement Kenyan se propose de traiter dans un même élan de la sécheresse, des vols de bétail et des victimes de la violence ethnique. Cette approche pourrait permettre au gouvernement de mieux ancrer le mythe selon lequel les personnes déplacées par les violences "ethniques" ne sont qu'un groupe parmi d'autres frappés par la pauvreté et le crime généralisés, ce qui lui permettrait d'échapper à ses responsabilités: réinsérer volontairement les personnes déplacées par les conflits ethniques et leur permettre de rentrer chez elles.
Au Gouvernement Kenyan
  • Le gouvernement doit prendre des mesures afin de remédier à la situation dramatique dans laquelle se trouvent les dizaines de milliers de personnes qui sont toujours déplacées à cause des violences ethniques. Il faut assurer à ces personnes une aide supplémentaire suffisante ainsi que sécurité et protection aussi longtemps qu'elles ne seront pas en mesure de retourner volontairement et définitivement sur leurs terres. Le gouvernement doit concentrer son action dans les régions où les déplacés ne peuvent rentrer sur leurs terres par peur de nouvelles violences. C'est le cas en particulier des régions de Olenguruone-Molo, Enosupukia, du Mont Elgon et de la Burnt Forest.
  • Le gouvernement doit arrêter de disperser et de persécuter les personnes déplacées à l'intérieur du pays et ceux qui leur portent assistance. Les personnes déplacées qui ont été dispersées sous la menace ou par la force par les autorités gouvernementales devraient être volontairement ramenées à leur lieu de résidence précédent. Lorsqu'il existe de bonnes raisons pour déplacer ces personnes, elles doivent être prévenues et des sites alternatifs doivent leur être proposés.
  • La Police et les fonctionnaires du K.A.N.U. qui se sont rendus coupables de brutalités ou de persécutions contre les populations déplacées, plus particulièrement lors des incident du camp de Maela en 1994, doivent être sanctionnées.
  • Le Bureau du Procureur Général devrait mettre sur pied une commission indépendante charger d'enquêter sur les rapports persistants de transferts illégaux de propriété foncière, de redécoupage irréguliers des terres et de ventes forcées de propriétés foncières. Lorsque les personnes déplacées ont vendu leurs terres à des prix inférieurs au cours du marché à cause de l'insécurité réelle ou ressentie liée aux affrontements "ethniques," le gouvernement devrait instaurer un processus qui permette de reconsidérer ces opérations foncières, tant il est vrai que ces transferts de propriété peuvent en réalité cacher des évictions forcées et organisées. Les victimes devraient avoir le droit de rentrer chez elles partout où c'est possible, et elles devraient recevoir une compensation suffisante dans le cas contraire. Cette commission devrait également apporter une aide aux victimes déplacées à cause de la violence, et si nécessaire verser une compensation financière aux personnes qui ont perdu leurs terres.
  • Les incidents ethniques persistants et les attaques passées devraient faire l'objet d'une enquête approfondie et les individus soupçonnés d'être directement responsables des tueries ou des destructions de propriétés devraient être poursuivis. Le droit pénal doit en toutes circonstances être appliqué sans distinction ethnique, politique ou autre. Tous les fonctionnaires gouvernementaux soupçonnés d'avoir participé aux actes de violence doivent être soumis à enquête et inculpés si des preuves directes suffisantes sont accumulées contre eux pour les traduire en justice.
  • Le gouvernement doit prendre des mesures pour éviter les poussées de violence périodique qui se produisent encore actuellement et s'assurer qu'aucun fonctionnaire gouvernemental ne se rendra coupable d'incitation à la violence "ethnique" sous couvert des élections nationales qui doivent se tenir avant mars 1998.

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