Africa - West

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V. CE QUE KABILA CHERCHE À DISSIMULER : ETUDE DE CAS

La FIDH et HRW ont visité trois villages sur quatre-vingt kilomètres de route de l'une des principales voies empruntées par les réfugiés rwandais et burundais qui fuyaient les camps de l'Est-Congo en octobre et novembre 1996. Cette même portion de route fut parcourue par les FAZ, les ex-FAR, les réfugiés, puis finalement par l'AFDL.

La FIDH et HRW sont restés plusieurs jours le long de cette route, interrogeant les villageois et les chefs des communautés qui avaient été témoins de tueries ou d'autres violations des droits de l'Homme, ou encore qui avaient participé aux inhumations. Des réfugiés civils qui avaient survécu à leur marche à travers cette région lors de leurs déplacements dans cette zone, ont été interrogés au Congo-Brazzaville et ont donné des versions qui ont corroboré celles des témoins congolais.

Plusieurs fosses communes et lieux d'exécution ont été visités. Les tueries, dans leur majorité, se sont produites sur une période de trois jours durant laquelle la ligne de front des troupes de l'AFDL progressait dans cette zone, dépassant et tuant les réfugiés civils au couteau, à la machette, et à la baïonnette. Cette période de trois jours est décrite ci-après.

Les violations au Droit international humanitaire commises par les FAZ et les ex-FAR, sur cette même portion de route sont également décrites ci-après.

Les trois villages visités en août par la FIDH et HRW ressemblent à de nombreux autres villages dans la région. La localisation exacte et les noms de ces villages ne peuvent être dévoilés, et les noms des témoins ont été changés en raison des craintes fort justifiées de représailles de la part des Rwandais, ou des personnes parlant le Kinyarwanda appartenant au mouvement de l'AFDL (voir plus loin le chapitre traitant de l'intimidation des témoins). Les vrais noms des villages et les sources utilisées par la FIDH et HRW ont été remis à l'équipe d'enquête du Secrétaire Général des Nations-unies, pour de plus amples investigations.

En plus de ceux mentionnés précédemment, de nombreux autres massacres commis par l'AFDL sont susceptibles de s'être produits sur la même portion de quatre-vingt kilomètres de route, durant la même période des trois jours de progression de ses troupes, évoquée plus haut. Comme cela est indiqué plus loin, les villageois se sont montrés réticents à donner des informations concernant les tueries perpétrées par l'AFDL, par crainte des représailles. Sur les quelques jours de visite de la région par la FIDH et HRW, les langues des villageois se sont progressivement déliées pour livrer davantage d'informations, indiquant parfois des lieux d'exécution et des fosses communes qui avaient été 'oubliées' la veille. Les villageois ont parlé ouvertement et sans crainte apparente de représailles à propos des violations commises par les FAZ ou les ex-FAR.

Les atteintes aux droits de l'Homme commises par les FAZ

Les FAZ ont débarqué dans le premier village, en petits groupes, sur une période de trois semaines approximativement. Le premier groupe comptant à peu près soixante-quinze individus, est arrivé dans environ huit véhicules, probablement volés en route; parmi eux se trouvaient de nombreux officiers, dont au moins un colonel. Les FAZ ont continué à affluer et à repartir progressivement, évitant de justesse l'arrivée de l'AFDL. Aucun combat ne s'est produit dans la région45.

Autour des villages, les mesures prises par les autorités étatiques et les chefs traditionnels semblent avoir réussi à limiter nettement les atteintes aux droits de l'Homme perpétrées par les FAZ, comparativement aux autres villes et villages situés sur leur passage, lors de leur retraite (voir plus haut). Dans le premier village, les autorités locales averties de l'arrivée imminente des FAZ, ont ordonné à la population de faire quelques dons en argent et en nature, aux soldats en fuite. A leur arrivée, et selon leurs dires, les chefs locaux et les administrateurs ont accueilli les FAZ avec de la nourriture en abondance et du ravitaillement, évitant ainsi le pillage généralisé. De nombreux habitants du village ont salué les mesures prises par les autorités locales et ont affirmé que les FAZ avaient créé peu de problèmes.

    _Les FAZ sont arrivées en premier, dans à peu près dix véhicules avec dix personnes dans chaque véhicule. Entendant leur venue, la plupart des gens ont fui dans la forêt. Ils ont été accueillis par la population qui était restée au village. Les militaires ont été bien traités, on leur a donné de la nourriture, du matériel, de l'essence et de l'argent. Les militaires se sont bien comportés46".

Il est à noter que l'expérience particulière vécue dans les villages de cette région demeure une exception, comparativement au schéma général des atteintes aux droits de l'Homme que les FAZ ont commises lors de leur retraite en territoire congolais. Des témoignages solides émanant d'autres régions font état de viols, tueries, saccages et pillages perpétrés par les FAZ, comme cela est décrit plus haut.

Les atteintes aux droits de l'Homme commises par les ex-FAR et les milices Interahamwe.

Dans les villages, les chefs des communautés et les villageois ont affirmé que les autorités locales essayaient aussi de préparer l'arrivée des ex-FAR, des milices Interahamwe et des réfugiés, comme cela avait été réalisé avec les FAZ. Les villageois ont décrit l'arrivée des ex-FAR et des réfugiés comme étant calme au début :

    _Dans le premier groupe il y avait environ 3.000 personnes. Ils sont arrivés en colonne par quatre, les deux rangs à l'extérieur étant armés, certains en uniformes, encadrant deux rangées de réfugiés à l'intérieur. Les militaires parmi eux étaient forts et en bonne santé; la population civile était affaiblie, émaciée, et malade. Le chef avait préparé leur venue. Il avait donné des instructions pour leur donner des médicaments gratuitement dans l'espoir d'en obtenir le remboursement par la suite. Ils sont restés une nuit47."

Avec l'arrivée de nouveaux réfugiés le jour suivant, la situation s'est soudainement dégradée. Les employés d'une grande plantation dans la région ont créé un bureau d'enregistrement à côté du premier village, où ils ont enregistré le passage de plus de 9.000 réfugiés dans les trois premiers jours. Après cela, ils ont déclaré que les réfugiés étaient trop nombreux pour être comptés. Le flux a continué sur une période de dix-huit jours, s'achevant avec l'arrivée de l'AFDL. Le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations-unies estime entre 22.000 et 30.000 le nombre de réfugiés qui ont circulé sur cette route précisément, entre les villages, tandis que des milliers d'autres fuyaient par d'autres routes dans la même région.

Les abus commis dans cette région par les ex-FAR et d'autres personnes exilées en armes, présumées membres de la milice Interahamwe, ont largement été décrits comme ayant consisté dans des fouilles et des pillages destinés à leur auto-subsistance, des destructions, des atteintes à l'intégrité physique ainsi que des meurtres.
De nombreux habitants de la région ont prétendu que les réfugiés se livraient à des pillages de grande ampleur le long de la route principale entre les villages comme à leur périphérie. Les villageois ont déclaré que les ex-FAR en uniforme ou les réfugiés armés auraient battu ou tué des gens pour de la nourriture, quand ces derniers leur résistaient. Pareilles allégations de tueries ou de bastonnades ont été fréquentes mais peu précises. Michel, un humanitaire local, a décrit l'impact qu'ont eu les réfugiés et les ex-FAR dans le premier village :

    _Les réfugiés se sont livrés à d'abondants pillages de nourriture et de matériel. La population locale a fui dans la forêt. Les réfugiés ont tué des Congolais. J'ai entendu dire qu'une personne avait été tuée à vingt-deux kilomètres d'ici. J'ai entendu dire que deux autres personnes avaient été tuées aussi48.

Certains récits d'actes de pillages et de menaces exercés par les ex-FAR ou les exilés armés, ont été rapportés avec plus de détails. Dans une plantation locale, un employé a décrit comment sa maison avait été pillée et sa femme menacée de mort par des ex-FAR en uniforme49. La FIDH et HRW ont visité des entrepôts de la plantation, qui avaient été vidés par les ex-FAR et ont pu voir des véhicules, à présent récupérés, qui avaient été volés et très endommagés par les ex-FAR.

L'arrivée de la population des réfugiés civils dans un état de santé et de nutrition déplorable, a eu aussi des conséquences énormes sur la population du premier village, composé de moins de quatre mille habitants50. Des réfugiés civils ont dévasté les récoltes, utilisé les écoles et les maisons abandonnées par les villageois comme abris et envahi les dispensaires locaux. Les habitants du premier village ont affirmé que la perte des biens matériels et les dommages subis par leurs propriétés avait encore aujourd'hui des conséquences importantes sur l'économie locale. Jean, employé de la plantation a décrit les répercussions de la présence des réfugiés, sur la vie des villageois :

Le chef a fourni un travail impressionnant en préparant de la nourriture et une assistance pour leur arrivée, essayant d'éviter le pillage. Quand les réserves de nourriture sont devenues insuffisantes, les réfugiés ont pillé. Ils ont menacé la population locale pour obtenir de la nourriture et ont menacé un médecin local pour qu'il leur donne tous ses médicaments. Si la nourriture était insuffisante, ils tuaient51."

En août 1997, un rapport du HCR estimait à plusieurs centaines les réfugiés civils qui se trouvaient dans les régions environnantes et qui étaient mêlés à de petits effectifs d'ex-FAR52. A cette époque, les villageois étaient inquiets de la présence dans la région, des réfugiés civils, des ex-FAR et des milices, en raison de l'immédiate menace pour leur sécurité que représentaient les éléments armés et de la crainte que les forces de l'AFDL ne reviennent pour les traquer. Plusieurs mois après le passage de la masse des réfugiés, de nombreux villageois de cet endroit n'étaient toujours pas retournés chez eux, paralysés par la peur qu'un de ces groupes ne revienne pour commettre d'autres exactions.

Les Atteintes aux Droits de l'Homme commises par l'AFDL
Les violations commises par l'AFDL aux abords des villages ont consisté essentiellement en des massacres de réfugiés civils d'une grande ampleur. Des hommes, des femmes, des enfants, trop faibles ou trop malades pour pouvoir fuir, ont été tués par les premières unités de l'AFDL qu'ils ont rencontrées. Les massacres dans les villages et sur la route entre les villages ont été perpétrés pendant trois jours à mesure que les troupes de l'AFDL avançaient et rattrapaient les réfugiés. Aucun combat n'a eu lieu dans la zone étant donné que les derniers ex-FAR, Interahamwe et FAZ étaient partis plusieurs jours avant l'arrivée de l'AFDL.
Dans la zone du premier village, les massacres ont été presque exclusivement commis au moyen de couteaux, de machettes et de baïonnettes. Selon l'hypothèse des villageois, cette stratégie délibérée de ne pas utiliser de balles visait à ne pas faire fuir les autres réfugiés qui étaient plus loin sur la route, à épargner les munitions ou à laisser moins de traces des tueries.
Les trois premiers jours de la présence de l'AFDL dans les villages sont décrits ci-après.
Premier jour : Les troupes de l'AFDL sont arrivées dans le premier village à environ 16 heures. A ce moment, presque tous les réfugiés étaient partis, à l'exception de quelques-uns qui étaient trop faibles pour continuer. Les quelque cent premiers soldats de l'AFDL sont arrivés à pied, suivis de commandants à bord de véhicules. Les villageois ont décrit le gros des troupes comme "Rwandais" ou parlant "Kinyarwanda" et très bien armées. Deux des officiers parlaient Kinyarwanda, Anglais et Kiswahili, l'un étant d'origine katangaise53 .
Une infirmière a observé l'arrivée de l'AFDL dans le premier village :

    "Les premiers soldats de l'AFDL sont arrivés à pied en un groupe d'une centaine d'hommes. Leurs véhicules sont arrivés plus tard. A leur arrivée, ils ont tué treize réfugiés, dix sur le terrain près de l'église catholique et l'école, trois là-bas près du croisement. Les réfugiés ont été tués avec des couteaux et des machettes; c'était les faibles qui étaient malades ou sous-alimentés. Les soldats qui les ont tués parlaient le Kinyarwanda et le français et ils nous ont dit que les réfugiés étaient mauvais et qu'il ne fallait pas les aider54 ."

    Photo 1 : Les soldats de l'AFDL ont tué 9 réfugiés devant cette école dans le premier village.

Un responsable de la communauté a décrit les massacres et l'enterrement des victimes :

"Les soldats de l'AFDL sont arrivés et ont trouvé le dernier groupe de réfugiés. Je n'ai pas vu les massacres parce que tout le monde s'enfuyait. Je suis allé à l'enterrement: ils étaient quinze au total. Neuf avaient été tués devant l'église catholique, près de l'école; quatre au croisement et deux autres près du bureau des travaux publics55."

Jean a aidé à enterrer les corps près de l'église catholique et de l'école :

"Il y avait un mélange d'hommes et de femmes et un enfant d'environ trois ans. Nous en avons enterré douze ici dans cette tombe et nous en avons mis un dans l'autre tombe avec deux personnes mortes de maladie. Il y en a encore deux autres là-bas dans cette troisième tombe.56"

Dix-sept personnes au total auraient été enterrées, quinze tuées par l'AFDL et deux mortes de maladie. L'enquêteur de HRW / FIDH s'est rendu sur les tombes en compagnie des villageois qui avaient participé à l'enterrement et il les a photographiées. Les trois tombes mesuraient 3,5 mètres sur 3,5 mètres, 1 mètre sur 3,5 mètres et 1 mètre sur 3. Chaque tombe présentait une dénivellation de 15 à 20 centimètres de terre fraîchement retournée.

Un travailleur sanitaire local a d'abord prétendu qu'il n'y avait eu aucun massacre perpétré par l'AFDL. Lorsque nous l'avons interrogé à propos des quinze personnes enterrées dans les fosses communes que HRW / FIDH avait visitées, il a confirmé que lui aussi avait aidé à les enterrer et que les réfugiés avaient été tués avec des objets tranchants. Plus tard, il a déclaré en privé à HRW / FIDH que tous dans le village avaient peur de parler des massacres depuis l'assassinat de l'administrateur local par l'AFDL.

Deuxième jour : L'épouse d'un responsable de la communauté a expliqué que la plupart des troupes de l'AFDL avaient quitté le premier village le matin suivant et s'étaient dirigées vers le deuxième village situé à trente-huit kilomètres environ :

"Les premières troupes de l'Alliance ont quitté le premier village à environ 5 heures du matin. Les deux colonels sont restés, ils ont pris le petit déjeuner et sont partis vers 10 heures. Les massacres avaient été commis à l'aide de couteaux, de haches et de machettes.57"

Les troupes de l'AFDL sont arrivées le deuxième jour dans le deuxième village où elles sont tombées sur plusieurs groupes de réfugiés qui avaient campé pour la nuit. Les réfugiés, un mélange d'hommes, femmes et enfants, n'étaient pas armés. Un témoin congolais, qui se trouvait dans le deuxième village et a décrit les soldats de l'AFDL comme étant de langue Kinyarwanda, a déclaré :

"Les soldats de l'AFDL les ont tués devant moi avec des couteaux et des machettes. J'ai vu environ quinze cadavres mais j'essayais de ne pas regarder. Les villageois enterraient déjà des réfugiés par groupes de quatre à six dans des fosses communes. Il y a eu un très grand nombre de tués; plus de cinquante58."

Un autre témoin du premier village, qui avait accompagné l'AFDL en tant que chauffeur, a dit qu'il avait vu entre quarante et cinquante réfugiés morts dans le deuxième village lors de son arrivée. Les habitants du deuxième village auraient assisté aux massacres commis par l'AFDL et auraient ensuite jeté quatorze corps dans un ancien puits, dix adultes et quatre enfants, tous des civils non armés59. HRW / FIDH a photographié le puits dans lequel les restes humains des quatorze réfugiés étaient encore visibles.

Photo 2 : Les villageois ont jeté les restes de quatorze réfugiés dans ce puits. Certains des crânes étaient encore visibles.

A hauteur d'un pont juste après le deuxième village, les restes de plusieurs feux de camp étaient encore visibles, avec des ossements et des crânes éparpillés dans les broussailles à proximité. D'autres réfugiés, dont le nombre pourrait aller jusqu'à cinquante, ont été tués à cet endroit; les corps ont été jetés dans la rivière60.

En plus des réfugiés tués par l'AFDL, les agents humanitaires du premier village ont déclaré avoir enterré quinze autres réfugiés au moins qui étaient morts de maladie, de déshydratation ou d'épuisement entre le premier et le deuxième village.

Photo 3 : Ce crâne était parmi de nombreux ossements éparpillés autour du pont.

Troisième jour : La ligne de front des troupes de l'AFDL a progressé de vingt-deux kilomètres pour aller du deuxième au troisième village au cours de leur troisième journée dans la zone61. L'équipe HRW / FIDH a vu et photographié des restes humains appartenant à au moins trente réfugiés sur ce tronçon de route. Des témoins des massacres ou des villageois ayant aidé à désinfecter les lieux ont accompagné HRW / FIDH et ont expliqué les circonstances de certains massacres ou ont décrit la nature des blessures des victimes. La cause du décès n'était pas toujours connue; la plupart du temps cependant, les témoignages décrivant comment certains réfugiés avaient été tués ont été corroborés par des preuves matérielles trouvées sur les lieux, telles que des crânes fracassés ou autres traumatismes physiques.
Des témoins de la zone estiment que des centaines de réfugiés ont été tués rien qu'entre le deuxième et le troisième village mais qu'on avait déjà procédé à un nettoyage. Un médecin ayant une grande expérience dans la région a estimé que le nombre de personnes tuées entre le deuxième et le troisième village pouvait s'élever à 1.700. Les habitants de la région se sont montrés particulièrement réticents à accompagner l'équipe HRW / FIDH sur ce tronçon de route par peur des représailles de l'AFDL.
Tous les corps ou ossements photographiés se trouvaient sur la route ou à quelques mètres de la route, parfois par groupes pouvant aller jusqu'à huit personnes, souvent dans ce qui restait des campements. Beaucoup de crânes présentaient des trous ou des fractures, semblant indiquer que les victimes avaient été frappées avec un objet lourd. Tous les corps étaient plus ou moins dans le même état de décomposition très avancée ou étaient déjà réduits à l'état de squelettes. De nombreux restes humains ont clairement été identifiés comme appartenant à des femmes ou des enfants62.
HRW / FIDH a eu pour guides des personnes qui avaient accompagné les troupes de l'AFDL ou avaient participé aux activités de nettoyage. Jean-Pierre, qui a désinfecté les corps dans le secteur, a décrit un lieu de massacre situé à sept kilomètres du deuxième village :
"Nous avons désinfecté les corps dans ce secteur pendant environ une semaine. Juste ici, il y en avait huit au total, là où les réfugiés avaient été mis dans des campements. Certains sont partis maintenant; je pense qu'il se peut que des animaux aient emmené les os. Les corps portaient tous des blessures faites au couteau."

Photo 4 : Ce réfugié et au moins 7 autres sur ce site ont été tués par les soldats de l'AFDL pendant leur fuite à travers le Congo.

Un autre témoin qui avait transporté de l'essence pour l'AFDL a accompagné HRW / FIDH sur un lieu situé à environ un kilomètre de ce secteur, où un garçon réfugié avait été tué alors qu'il préparait à manger sur le bord de la route.

"Il préparait à manger lorsque les soldats de l'AFDL sont arrivés et ils l'ont tué avec un couteau et une machette. Ils lui ont d'abord coupé le cou et lui ont ensuite fracassé le crâne ici sur le côté gauche63."

Photo 6 : Le coup de machette a laissé une fracture près de la tempe gauche.

Photo 5 : Ce garçon réfugié se préparait à manger sur son lieu de campement, quand les soldats de l'AFDL l'ont tué avec un couteau et une machette.

Une photo des lieux prise par HRW / FIDH confirme une fracture de la région temporale gauche du crâne. Le squelette du garçon gît au milieu des restes du camp.

Sept kilomètres plus loin, en se dirigeant vers le troisième village, se trouve un deuxième pont où HRW / FIDH a photographié les restes de six réfugiés. Les crânes étaient partiellement fracassés ou présentaient des trous et ils se trouvaient à proximité de nombreux feux de camp. Un villageois a expliqué qu'après les massacres, il avait accompagné jusqu'au pont un soldat qu'il a décrit comme étant un colonel de l'AFDL s'exprimant en Kinyarwanda. Il prétend avoir vu au moins vingt et un cadavres près du pont mais que beaucoup d'autres avaient été jetés à l'eau.

    Nous avons quitté [le premier village] avec un camion DAF et une moto. Nous étions dans le deuxième groupe avec le Colonel Cyiago. Il y avait beaucoup de cadavres près du deuxième pont. La nuit, les soldats de l'AFDL faisaient des exercices physiques et allaient dans la forêt. Pendant la journée, ils avaient beaucoup de réunions. Je me souviens d'un groupe de huit personnes, d'un autre de douze personnes et d'une personne seule, mais beaucoup d'autres avaient été jetées à l'eau.

Photo 7 : Ces restes de réfugiés appartiennent à un groupe d'au moins 21 hommes, femmes et enfants tués près du second pont par l'AFDL.
Photo 8 : De ce groupe montré à la photo 7, les crânes de ces 5 hommes, femmes et enfants étaient écrasés et criblés de trous.

A cinq kilomètres du second pont se trouve le troisième village où, selon les estimations du HCR, entre 22.000 et 30.000 réfugiés auraient transité dans un camp provisoire. De nombreux témoignages provenant de Congolais, de membres d'organisations humanitaires internationales et de réfugiés au Congo-Brazzaville ont parlé de massacres à grande échelle de réfugiés par l'AFDL au troisième village. Un témoin qui avait accompagné l'AFDL au troisième village a déclaré qu'il avait vu plusieurs centaines de cadavres dans le camp ou à proximité du camp lors de son arrivée.

"Sur la route menant [au troisième village], il y avait des tas de cadavres. Il y en avait encore beaucoup d'autres au camp, plusieurs centaines. Ils avaient été tués avec des couteaux et des machettes mais dans le camp, ils avaient aussi été abattus par balles64."

Des réfugiés civils survivants, interrogés au Congo-Brazzaville, ont déclaré que les ex-FAR étaient parties bien avant l'arrivée de l'AFDL et qu'aucun combat n'avait eu lieu dans le troisième village65. Des Congolais de la région ont également démenti que des combats aient eu lieu près du troisième village.

HRW / FIDH a visité l'ancien camp de réfugiés du troisième village qui s'étendait sur plus de 800 mètres de route et dans la forêt. Le camp était jonché de vêtements, de chaussures, de matériel et de beaucoup de douilles de balles. Aucune trace de cadavres ou de charniers n'était décelable. Selon des villageois et des membres d'organisations humanitaires, les lieux ont été nettoyés par l'AFDL et les corps des réfugiés, s'élevant à des centaines, ont été précipités dans une rivière voisine.

D'après des témoins, la majorité de ces massacres ont été perpétrés par des membres de l'AFDL parlant le Kinyarwanda et appartenant à l'ethnie tutsi du Rwanda, d'Ouganda et de l'Est du Congo. Des villageois ont constamment décrit les éléments de l'AFDL ayant participé aux massacres comme étant des "Rwandais". Lorsqu'on leur a demandé d'expliquer comment ils savaient qu'il s'agissait de Rwandais, les témoins ont affirmé que souvent les seules langues parlées par les soldats étaient le Kinyarwanda ou le Kiswahili, et leur morphologie était différente de celle des Congolais : beaucoup étaient grands, très foncés et leurs visages avaient des traits caractéristiques de certains Tutsi.






45 Témoignages recueillis par HRW / FIDH auprès des villageois, des responsables de l'ONU et des organisations humanitaires de la région, août 1997.

46 Témoignage recueilli par HRW/ FIDH dans le premier village, 16 août 1997.

47 Témoignage recueilli par HRW / FIDH dans le premier village, 16 août 1997.

48 Témoignage recueilli par HRW / FIDH dans le premier village, 16 août 1997.

49 Témoignage recueilli par HRW / FIDH dans le premier village, 15 août 1997.

50 Selon les autorités locales de santé.

51 Témoignage recueilli par HRW / FIDH dans le premier village, 16 août 1997.

52 Entretien de HRW / FIDH avec un représentant du HCR des Nations Unies, Congo, 19 août 1997.

53 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, premier village, 17 août 1997.

54 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, premier village, 16 août 1997.

55 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, premier village, 18 août 1997.

56 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, premier village, 16 août 1997.

57 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, près du premier village, 18 août 1997.

58 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, près du premier village, 19 août 1997.

59 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, deuxième village, 18 août 1997.

60 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, deuxième village, 17 août 1997.

61 Témoignage recueilli par HRW / FIDH près du premier village, 18 août 1997.

62 En raison de leur grandeur, de restes de vêtements et dans certains cas, grâce aux témoignages de témoins oculaires.

63 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, route entre le deuxième et le troisième village, 18 août 1997.

64 Témoignage recueilli par HRW / FIDH, premier village, 19 août 1997.

65 Témoignages recueillis par HRW / FIDH, camp de réfugié de Loukolela, Congo-Brazzaville, 9 août 1997.

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