Africa - West

Previous PageTable Of ContentsNext Page

ARRESTATIONS ARBITRAIRES ET MEURTRES EXTRAJUDICIAIRES DE MILITANTS ET PARTISANS DU RDR

Les personnes liées au RDR, dirigeants ou simples membres, ont été prises expressément pour cibles et ont reçu un traitement particulièrement dur. Lorsque interrogé directement par un journaliste du Monde le 13 octobre, le Président Gbagbo a affirmé qu'il ne pensait pas qu'Alassane Ouattara ait été impliqué dans la « tentative de coup40. » Cependant, l'opinion publique semble voir peu de différence entre le RDR et les personnes responsables des attaques. La déclaration très virulente faite par le parlementaire Ben Soumahoro, largement diffusée (voir plus haut) n'a fait qu'augmenter les divisions dans la société et la perception par le grand public que les membres du RDR constituaient des cibles légitimes.

Un militant du RDR a raconté à Human Rights Watch :

Le 27 septembre, ma voiture a été suivie ... Le lendemain, les bureaux du RDR ont été mis à sac. Depuis ce jour, les bureaux sont fermés et nos membres ont peur. Les portes ont été complètement détruites. Depuis, tous les militants sont cachés... Le 19 septembre déjà, environ dix militants ont été arrêtés. Un militant RDR a été arrêté à son travail le 24 septembre, il a été détenu pendant quarante-huit heures et accusé d'avoir donné refuge à des « assaillants ». Il a été torturé puis relâché. D'autres ont disparu41.

Human Rights Watch est préoccupé par le fait que quels que soient les liens politiques, les gens devraient faire l'objet d'une arrestation et d'une détention uniquement si des raisons existent de soupçonner leur implication dans une activité criminelle. Dans de tels cas, le suspect a droit à ne pas être détenu au-delà de la durée légalement autorisée et à être protégé contre la torture et toute forme de mauvais traitements. Dans les cas énumérés ci-dessous, il n'y avait aucune allégation d'implication dans une activité criminelle.

Beaucoup ont été arrêtés après avoir été dénoncés. On leur demande habituellement ce qu'ils pensent de la situation, s'ils connaissent Alassane Ouattara, s'il a financé ou organisé le « coup » et s'ils ont donné refuge à des « assaillants ». La plupart de ces personnes ont été libérées après quelques jours de détention par les Brigades de Recherches des diverses gendarmeries. Certaines personnes ont été accusées d'atteintes à la sécurité de l'état. D'autres semblent avoir été arrêtés mais leurs proches n'ont eu aucune nouvelles d'eux depuis leur arrestation et sont dans l'incapacité de les localiser. Par exemple, le 30 octobre, le Professeur Samuel Gadégbéku, médecin, a été arrêté dans le district Cocody d'Abidjan, à l'hôpital pendant qu'il était en consultation avec des patients. Il a été emmené par deux officiers de police, en uniformes et armés ainsi que par un homme en civil. Aucune explication n'a été fournie. Il est Secrétaire National à la Solidarité pour le RDR.

Le 12 octobre, Adama Cissé, commissaire politique du RDR à M'Bahiakro, une ville à l'Est de Bouaké, est mort peu de temps après son arrestation par les gendarmes. Son fils a été hospitalisé parce qu'il avait besoin de soins médicaux. Un témoin a expliqué à un journaliste ce qui s'était produit :

Ils sont d'abord venus pour fouiller la maison d'Adama Cissé le 11 octobre parce qu'ils cherchaient Fanny Ibrahima, maire RDR de Bouaké et ami de M. Cissé. Ces soldats cherchaient également des armes. Après avoir fouillé sa maison en vain, les soldats ont commencé à frapper M. Cissé tout en demandant des informations sur les déplacements de son adjoint, M. Moussouaré. Puis les loyalistes ont emmené avec eux le représentant local du parti de M. Ouattara jusqu'à leur camp de Yrakro. Là-bas, la torture s'est intensifiée selon notre source. A 6 heures 30 du soir, après l'intervention des autorités politiques, Adama Cissé et son fils, Abou Cissé - qui avait dans l'intervalle été arrêté et battu - ont été libérés42.

Aux premières heures du matin suivant, Adama Cissé est mort. Son fils était médicalement traité pour les blessures qu'il avait reçues.

Le 18 octobre, deux hommes ont été tués alors qu'ils enterraient un parent au cimetière Williamsville d'Abidjan. Seydou Coulibaly et Lanzeni Coulibaly étaient tous les deux des cousins de Amadou Gon Coulibaly, responsable de haut rang du RDR. L'attaque aurait été conduite par des gendarmes armés se déplaçant dans un 4x4 banalisé. Avant de tuer les deux hommes, ils auraient indiqué que la vie d'un autre parent, Amadou Coulibaly, secrétaire aux communications du parti, était menacée. Le gouvernement a affirmé que des individus agissant de leur propre initiative avaient mené à bien cette attaque43.

Cet incident montre clairement que les responsables du RDR sont en grave danger. Il est de la responsabilité du gouvernement ivoirien d'assurer la protection de tous les civils, quelles que soient leurs origines ou leurs opinions.

40 Entretien conduit par Le Monde (Paris) le 13 octobre 2002 et reproduit dans 24 Heures, 15 octobre 2002.

41 Entretien conduit par Human Rights Watch avec un militant du RDR, Abidjan, 10 octobre 2002.

42 Entretien cité dans Le Patriote (Abidjan),14 octobre 2002.

43 Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, 21 octobre 2002.

Previous PageTable Of ContentsNext Page