Africa - West

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IV. VIOLATIONS CONTINUELLES DES DROITS DE L'HOMME PAR LES FORCES ARMEES BURUNDAISES ET LES MILICES TUTSIES

Depuis le coup d'Etat de juillet 1996, les forces armées burundaises ont à leur actif une vaste gamme de violations des droits de l'homme axées d'une façon accablante sur la population civile hutue. Bien que les violations aient généralement été plus graves dans les zones où est appliquée la politique de regroupement, les forces armées se sont livrées à travers tout le pays à des attaques aveugles contre les civils, des exécutions extrajudiciaires, des viols, des pillages et des tortures. Les civils tutsis, avec le soutien des militaires, ont été impliqués dans des vols, des "disparitions" et autres exactions. La pratique du travail forcé a également pris de l'ampleur.


Attaques Aveugles contre les Civils

Les forces armées burundaises ont fréquemment tué et blessé des civils dans les zones de combat. Dans certains cas, elles ont tué des civils au cours d'échanges avec les Forces rebelles pour la Défense de la Démocratie (FDD) ou lors d'attaques aveugles au cours desquelles elles n'ont fait aucune distinction entre les civils et les combattants. Le porte-parole de l'armée a annoncé en décembre 1997 que les forces armées avaient lancé une opération "tir à vue" à Bujumbura-Rural. Il a déclaré, "Dès que nous les localisons, nous les tuons." Il a toutefois reconnu qu'il était difficile pour les soldats de pouvoir distinguer les rebelles armés des civils non combattants. "Nous ne pouvons les identifier que s'ils tirent sur nous", a-t-il dit. (148)

Pourtant, selon de nombreux témoignages émanant à la fois de sources burundaises et étrangères, dans bien des cas, les soldats ne se sont pas simplement trompés mais ils ont délibérément pris les civils pour cible, généralement pour se venger des attaques des FDD, en particulier lorsque ces attaques avaient provoqué des pertes militaires. Comme l'explique un informateur, "On n'entend jamais parler de batailles directes. Ce sont toujours les assaillants qui viennent pour voler, ils doivent le faire pour survivre. Puis, l'armée arrive et attaque la population. Elle n'attrape jamais les rebelles. C'est toujours les civils qu'elle tue". (149)

Depuis le début de la guerre civile en 1993, les forces armées ont pris les civils pour cible dans la plupart des régions où opèrent les FDD, y compris dans les zones où ont été créés les camps de regroupement, comme il est expliqué au chapitre trois, et dans d'autres zones telles que Bujumbura-Rural, Bubanza et Cibitoke et depuis avril 1997, Makamba et Bururi. Lors de son entretien avec Human Rights Watch, le gouverneur de Bururi a expliqué ce qui pourrait motiver les attaques des militaires contre les civils:


Les assaillants sont passés par Makamba et dans les communes de Nyanda et Buyengero [province de Bururi]. Lorsqu'ils sont arrivés dans la commune de Bururi, la population s'est enfuie vers les villes et les postes militaires dès qu'elle les a vus. C'est également le cas dans les communes de Rutovu et de Songa. Les soldats ont donc facilement pu s'en prendre aux rebelles plutôt qu'à la population locale... La situation à Burambi et Buyengero était plus compliquée. La confusion régnait. Là où la population s'enfuyait, les militaires savaient clairement qui étaient les rebelles. Mais dans ces secteurs, la population n'est pas allée dans les centres-- Buyengero, Rumonge, Burambi, Muyange. Là, il y a eu des problèmes parce que la population n'avait pas fui mais je n'ai pas d'informations quant à la situation exacte [il en avait sur les attaques des rebelles contre les civils]. Là, certaines personnes sont avec les assaillants. Ceux-là, s'ils ne partent pas et que les militaires passent par là, c'est à leurs risques et périls. (150)


L'opinion officielle qui prévaut est que si les civils ne suivent pas les ordres du gouvernement ou qu'ils soutiennent les rebelles, la faute leur incombe s'ils sont pris pour cible par les militaires. Certaines régions où l'armée croit que le soutien aux FDD est important, telles que Kanyosha et Itare à Bujumbura-Rural, Giheta et Bugendana à Gitega, et Burambi et Buyengero à Bururi, ont connu plusieurs attaques des militaires contre les civils et des pertes humaines énormes. Un rapport publié en octobre 1997 par l'Opération des Droits de l'Homme de l'ONU au Burundi a relevé que les attaques des FDD en août et septembre avaient "déclenché des représailles immédiates de la part de l'armée au cours desquelles des civils avaient été tués" à Bubanza, Makamba, Cibitoke et Bujumbura-Rural. (151)

Un informateur de Rutegama (Muramvya) explique comment les soldats ont réagi aux opérations des FDD dans sa région en s'attaquant aux civils hutus. "Les assaillants arrivaient la nuit. Lorsqu'ils étaient fatigués, ils se reposaient. Quand les soldats apprenaient que le CNDD était là, ils appelaient des renforts de Gitega et de Bujumbura. Quand ils arrivaient, les rebelles étaient déjà partis et alors ils se vengeaient sur la population". (152) Selon le témoin, les forces armées tiraient sur les civils, prétendant qu'ils avaient soutenu les FDD lorsqu'elles étaient passées ou qu'ils étaient eux-mêmes membres des FDD. (153) Un habitant du sud de Bujumbura-Rural a fait état du même problème de représailles dans sa région. "Les rebelles sont passés et repassés dans la région, dans les monts avoisinants, lorsqu'ils allaient de Bururi à Kibira. Les soldats arrivaient après pour un nettoyage. Mais il n'y avait plus d'assaillants [rebelles FDD] ici, ou presque plus, seulement ceux qui traversaient la région." (154)

Les exemples qui suivent décrivent des attaques de l'armée burundaise contre des civils depuis le coup d'Etat de juillet 1996:


Le 30 septembre 1996, un large contingent de troupes FDD a traversé Rutegama (Muramvya). Des combats ont éclaté entre les FDD et les troupes gouvernementales, et une partie de la population a trouvé refuge dans la paroisse catholique locale. Lorsque les combats ont diminué et que les FDD ont fui, les soldats gouvernementaux ont fouillé les lieux et encerclé la zone à la recherche de soldats FDD qui seraient restés en arrière. Arrivés à hauteur d'un groupe de femmes et d'enfants se cachant dans une maison, les soldats ont ouvert le feu, tuant instantanément cinq personnes et en blessant sept autres, dont certaines sont décédées par la suite. (155)


Selon ITEKA, la ligue burundaise des droits de l'homme, des soldats ont tué 114 personnes dans une église pentecôtiste à Kayanza le 12 décembre 1996. En raison des combats qui se déroulaient dans la région, un certain nombre de personnes avaient cherché refuge dans la paroisse de Nyabitwe à Nyarurama, Butaganzwa. Après avoir passé la nuit dans les bâtiments de l'école paroissiale, les soldats sont entrés dans l'enceinte de l'église et ont fait feu sur ceux qui se trouvaient à l'intérieur. La majorité des victimes étaient des femmes et des enfants. (156)


Dans la Commune de Giheta, Province de Gitega, des témoins disent que les forces armées ont attaqué à plusieurs reprises les civils dans cette commune d'avril à décembre 1996 et à nouveau en février et mars 1997. Après les attaques de septembre 1996, des centaines de corps gisaient sur les flancs des collines de la commune. Des centaines d'autres personnes ont été tuées lorsque les forces armées ont fait une tentative, rapidement avortée, de créer deux camps de regroupement. (157) Un groupe s'appelant SOS Génocide a publié en février 1997 une liste des noms et âges de 211 personnes dont on sait qu'elles ont été tuées là par les forces armées en novembre et décembre 1996. (158) Un responsable de la communauté estime que jusqu'à 10.000 personnes ont été tuées à Giheta depuis avril 1996, sur une population de 70.000 habitants. (159)


A Vugizo (Makamba), des témoins ont déclaré que des civils avaient été pris pour cible dans cette région en avril et mai 1997 parce que généralement, les soldats FDD opérant dans la région partaient immédiatement après leurs raids. Un homme a déclaré à Human Rights Watch: "Les soldats peuvent causer des problèmes quand ils vont dans les collines à la recherche des assaillants. Ils pillent et mettent le feu. Ils peuvent accuser les habitants d'être des assaillants. Nous avons d'abord été attaqués par les assaillants qui sont venus brûler nos maisons. Puis ce sont les militaires qui sont venus et qui ont mis le feu". (160)


Le groupe SOS Génocide énumère le nom et l'âge de 107 personnes ainsi que la façon dont elles auraient été tuées par les forces armées burundaises le 13 décembre 1996 à Ruvyagira, dans la commune de Mutambu à Bujumbura-Rural. La majorité des victimes étaient des femmes et des enfants. (161)


Lors d'un rapatriement forcé, les troupes gouvernementales ont tiré sur des réfugiés hutus qui rentraient de Tanzanie à Giteranyi, poursuivant ensuite les survivants avec des baïonnettes et en tuant une centaine. Selon des témoins qui ont assisté à l'incident de l'autre côté de la frontière tanzanienne, les soldats avaient prévu un équipement pour nettoyer le sang sur le lieu du massacre. (162)


Le 11 janvier 1997, le porte-parole de l'armée, le Lt. Col. Isaie Nibizi, a reconnu que l'armée avait tiré et tué 126 Hutus qui venaient de rentrer de Tanzanie. Selon Nibizi, les Hutus ont été tués alors qu'ils essayaient de s'échapper d'un camp où ils étaient détenus. Toujours selon lui, sept soldats ont été arrêtés en lien avec cet incident. (163)


Le 14 mai 1997, à Kigwena, en bordure du lac Tanganyika entre Rumonge et Nyanza-Lac, des soldats ont tiré sur des personnes qui se rendaient à la messe. L'attaque, qui n'était due à aucune provocation, a fait quarante victimes. D'après certaines sources militaires, le commandant de l'unité en question a été emprisonné. (164)


A la mi-mai 1997, après qu'un glissement de terrain ait détruit un pont sur la principale route côtière entre Bujumbura et Bururi, les FDD ont établi une position dans les collines surplombant Magara, une ville côtière à la frontière entre Bujumbura-Rural et Bururi. Le 14 mai 1997, les forces armées burundaises ont transféré des troupes à Mugendo, une colline au-dessus de Magara, dans l'intention d'y établir un poste d'où elles pourraient attaquer les FDD. Vers les quinze heures, alors que les soldats gravissaient la colline, ils sont tombés sur un groupe de personnes qui assistait au culte dans l'église pentecôtiste de Mugendo. Les soldats ont ouvert le feu, tuant au moins quarante-deux personnes. Selon les survivants et d'autres témoins, l'attaque n'était due à aucune provocation et a eu lieu alors que les victimes étaient en plein milieu de leur service religieux. (165)


Selon diverses sources, les forces armées ont tué entre soixante-dix et cent civils au cours d'une attaque menée dans la commune de Kabezi (Bujumbura-Rural) le 20 octobre 1997. Le Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies cite un membre de la Commission des Droits de l'Homme de l'Assemblée Nationale du Burundi qui déclare, "Ils recherchaient les assaillants mais ils ont tué des innocents". Le commandant régional de l'armée a reconnu la semaine suivante que vingt-cinq personnes avaient été tuées lorsque ses troupes étaient intervenues pour arrêter l'incendie d'une école primaire mais il a affirmé que parmi les morts, il y avait des membres du CNDD. Les témoignages indiquent pourtant que les victimes n'étaient pas armées. (166)


Le 17 juin 1997, les FDD ont attaqué le poste militaire de Ngara à Bubanza vers dix heures du matin, apparemment dans l'intention de s'emparer d'armes et d'autres marchandises. Un grand camp de regroupement se trouve à cet endroit et lorsque les combats ont éclaté, les personnes se trouvant dans le camp se sont réfugiées dans l'enceinte de la paroisse catholique locale ou au poste même. Selon des témoins interrogés à l'hôpital de Bubanza, plusieurs soldats ont été tués et, apparemment en guise de représailles, les militaires ont tiré sur la foule de Hutus rassemblés, faisant quinze morts ou davantage encore parmi les civils. Bien que les détails exacts de l'attaque et la réaction de l'armée ne soient pas clairs, il semble que les militaires aient tué les civils après que les FDD aient fui dans les collines après le raid. (167)


Lorsque surviennent des massacres comme ceux de Mugendo et de Ngara, l'armée cherche généralement à nier toute responsabilité, attribuant les massacres aux FDD ou soutenant que les victimes étaient elles-mêmes des soldats des FDD. Après le massacre de Ngara par exemple, Radio Burundi, la radio d'Etat officielle, a annoncé qu'onze personnes avaient été tuées par les FDD lorsque celles-ci avaient attaqué un camp de regroupement. Les journalistes et autres enquêteurs ont rarement l'occasion de se rendre sur les lieux des massacres et les survivants sont encouragés à se faire l'écho de la version officielle. Par exemple, lorsque Human Rights Watch a parlé avec des survivants de l'attaque de Ngara à l'hôpital de Bubanza, des gardes étaient postés près de leurs chambres. A cause des gardes qui se trouvaient dans les bâtiments de l'hôpital, les témoins se sont montrés peu enclins à parler et ceux qui l'ont fait ont déclaré avoir été blessés par balles par les FDD. Le manque de précisions et les contradictions dans leurs récits laissaient néanmoins à penser qu'ils ne pouvaient pas parler librement. D'autres témoins interviewés en privé, bien loin des gardes de l'armée, ont donné une version des événements différente et beaucoup plus cohérente, rejetant sans hésitation la responsabilité des morts sur les forces armées. (168)

Pour donner un exemple particulièrement frappant des efforts faits par l'armée pour rejeter la faute sur d'autres, un homme de la province de Muyinga a déclaré qu'il regardait par la fenêtre de sa maison lorsqu'un groupe de soldats a dévalisé un magasin. Une fois leur forfait accompli, ils se sont rendus dans la forêt et ont tiré en l'air en criant "Ce sont les assaillants [rebelles]!" Il a ajouté que les soldats avaient tué des personnes, dont au moins trois Tutsis, et avaient accusé les FDD de la tuerie pour couvrir le vol. (169)


Attaques Ciblées, Exécutions Extrajudiciaires et "Disparitions"

En plus des attaques menées contre les civils et des tueries aveugles perpétrées dans les zones de combat, les forces armées ont tué beaucoup de civils en dehors des zones de combat, que ce soit lors d'attaques ciblées menées sur une petite échelle ou lors d'exécutions sommaires. Les forces armées ont attaqué ou arrêté et exécuté sommairement des jeunes Hutus de sexe masculin, qui étaient selon eux susceptibles de rejoindre les FDD, ou encore des Hutus, hommes et femmes, bien en vue dans leurs communautés, tels que des hommes d'affaires, des enseignants et des politiciens, bref des personnes susceptibles d'obtenir un certain soutien de l'opinion publique et capables d'organiser l'opposition. Des témoins ont fait état de tueries sélectives de ce genre dans neuf des dix provinces dans lesquelles l'équipe de Human Rights Watch a mené ses enquêtes.

Les chercheurs de Human Rights Watch ont enquêté à propos de plusieurs attaques qui avaient eu lieu au cours de la troisième semaine de juin 1997 dans la Commune de Nyambuye à Bujumbura-Rural. Le samedi 14 juin, des soldats ont tué six personnes et en ont blessé quatre autres à Gishingano, une communauté rurale dans les collines situées juste au nord-est de Bujumbura. Selon des voisins qui ont assisté à l'attaque, les victimes étaient réunies dans une maison privée pour une messe de souvenir à la mémoire d'un membre de la communauté qui était décédé. A 18h50, un petit groupe de soldats a fait irruption et, apparemment sans qu'il y ait eu provocation, a abattu deux personnes se trouvant à l'entrée du bâtiment. Ils ont alors pénétré dans le bâtiment et ont tiré sur la foule réunie dans l'arrière-cour, tuant quatre personnes et en blessant quatre autres. Lorsque l'équipe de chercheurs a visité la maison trois jours après l'incident, du sang était encore visible dans la terre de la cour ainsi que sur les murs extérieurs et le parvis de la maison. Selon des témoins, les soldats ont pillé la maison avant de partir. (170)

Le lendemain de l'attaque, les corps ont été enterrés dans une grande fosse à côté de la maison. Parmi les victimes figuraient Pierre Claver Congera, un homme de vingt-sept ans qui travaillait comme catéchiste catholique, sa femme âgée de vingt-cinq ans et sa mère. Autre victime, Paul Mpawenayo dont la femme, Mpitabavuma, avait, d'après les enfants survivants, été tuée dans un autre incident un an auparavant. Parmi les blessés se trouvaient Angeline Tatu et Caroli Nyandwi. Certaines victimes n'avaient pas seulement été abattues par balles, elles avaient également été égorgées. Selon des voisins qui se cachaient à proximité, quelque treize soldats portant des bérets noirs sont retournés dans la maison la nuit de l'attaque à l'aube, accompagnés d'un commandant. Un homme qui avait passé la nuit caché dans un buisson proche du bâtiment soutient avoir entendu le commandant dire, "Eh bien, nous avons fait du bon travail." (171)

La même nuit que l'attaque à Gishingano, trois autres personnes ont été tuées sur une colline avoisinante, Gasananzuki. Selon des personnes interrogées sur place, lorsque l'attaque de Gishingano a eu lieu, les habitants de la zone ont entendu des coups de feu et sont sortis de chez eux pour se cacher dans les broussailles. Aux alentours de 20 heures, des voisins ont entendu des cris provenant du champ de manioc où se terrait un homme du nom de Shirakandi. Selon une personne cachée à proximité, "Il a crié trois fois et puis c'était tout". Le matin, des voisins ont trouvé Shirakandi, il avait eu la gorge tranchée et avait été éventré. Le corps de la plus jeune de ses deux femmes, Pascasie, a été retrouvé où elle s'était cachée, à quelques centaines de mètres de là, tout comme leur fils d'un an et demi, Willo. Tous deux avaient été tués à l'arme blanche et à la baïonnette. Il n'y avait apparemment pas eu de témoins directs de ces agressions mais des voisins ont déclaré qu'ils croyaient que l'attaque avait été le fait de soldats car des soldats étaient présents dans la zone et rien n'avait été dérobé aux victimes. Human Rights Watch a vu la tombe où les corps avaient été enterrés, près du champ où Shirakandi s'était caché. (172)

Selon des habitants de la région, des enquêteurs militaires ont été dépêchés suite à l'attaque et ils ont prétendu que l'attaque avait été l'oeuvre des FDD. Selon un homme, "Après ces événements, les soldats sont venus, ils ont emmené un certain nombre de personnes et leur ont posé des questions auxquelles elles ne pouvaient pas répondre. Ils [les soldats] prétendent qu'il y a des assaillants [rebelles] ici alors qu'il n'y en a pas". (173)

Quatre jours après les attaques de Gishingano et de Gasananzuki, une nouvelle série d'attaques a eu lieu à environ deux kilomètres de là, à Nyambuye, près de l'enceinte d'une paroisse catholique et d'une école publique. Selon de nombreux témoins interrogés par Human Rights Watch, des soldats du poste militaire de Mparo ont arrêté deux hommes jeunes, Célestin Ntamakuriro et Saban, le fils de Simon, alors qu'ils patrouillaient juste après la tombée du jour. Ils leur ont attaché les mains derrière le dos et les ont emmenés avec eux tout en continuant à patrouiller. S'approchant de la paroisse de Nyambuye et de l'école, la patrouille est passée devant un bar tenu par la famille de Ntamakuriro. La mère de Ntamakuriro, Thérèse Nsakaje, son frère, Deo Mpawanimana, et sa soeur, Célestine Uwimana, sont allés trouver la patrouille, insistant sur le fait que Ntamakuriro était de la région et qu'il n'était pas un rebelle. La réaction des soldats a été de tirer sur ceux qui s'étaient rassemblés là, tuant les trois membres de la famille ainsi qu'un homme âgé qui prenait un verre au bar, Michel Ntahoturi, le père du chef de la zone. Un autre client du bar a également été blessé. La patrouille militaire a poursuivi son chemin le long de la colline, toujours avec Ntamakuriro et Saban, arrivant alors à une maison où deux jeunes gens, Mpawenibama Emmanuel et Ntahorwamiye Deo, étaient en train de boire. D'après des témoins, les soldats ont tué les deux hommes, disant qu'ils étaient du CNDD. La patrouille a ensuite redescendu la colline en direction de son camp et a abattu Ntamakuriro et Saban. Après avoir relaté ces événements, des témoins de l'attaque ont aussi montré à l'équipe de chercheurs l'endroit, le long d'un mur en face du bar, où certaines des victimes avaient été tuées ainsi que les tombes où plusieurs des victimes avaient été enterrées. (174)

Certaines similitudes font penser que les cibles des attaques menées à Gishingano, Gasananzuki et Nyambuye n'avaient pas simplement été choisies au hasard. Toutes les victimes de ces attaques étaient hutues. En outre, tant les témoignages recueillis que les constatations faites sur place indiquaient que les cibles des tueries faisaient partie des Hutus les mieux nantis de leurs communautés. La plupart des victimes vivaient dans des maisons de briques ou de ciment alors que la majorité des maisons voisines étaient en terre. Shirakandi était un petit commerçant, la famille de Ntamakuriro tenait un bar, Congera travaillait comme catéchiste et d'autres victimes avaient un emploi non agricole. Parmi les victimes figuraient un certain nombre d'hommes jeunes. Comme l'ont déclaré à l'équipe de chercheurs de Human Rights Watch un certain nombre de personnes dans plusieurs parties du pays, le choix des cibles qui sont éliminées dans les violences actuelles suit le système établi en 1972 où les soldats ont pris pour cible les intellectuels et autres membres de la communauté appartenant à l'élite.

Les attaques sur lesquelles Human Rights Watch a enquêté ne constituaient pas des incidents isolés. Les habitants de la région et d'autres personnes ont dit à l'équipe de chercheurs que les exécutions sommaires et les attaques ciblées arrivaient presque quotidiennement dans cette commune, Isare. Une personne a déclaré que des soldats avaient tué deux autres jeunes gens dans la région le même jour que les attaques perpétrées à Gishingano et Gasananzuki. Des soldats ont abattu Donacien Bankakaje à 14 heures et Adolph Ndiwanaba à 16 heures non loin de Gishingano, apparemment sans provocation. (175) Un informateur a déclaré que des soldats avaient exécuté sommairement deux de ses proches, Nicodème, un père de cinq enfants, et Fidel, un père de quatre enfants, près du lieu de l'attaque de Nyambuye. (176)

Des habitants de Gishingano ont raconté que des soldats avaient tué neuf personnes sur une colline avoisinante, Mwikungo, au mois de mai, tandis qu'un homme dont le fils avait été blessé lors de l'attaque de Gishingano a déclaré que les soldats avaient tué un autre de ses fils, un père de deux enfants, en avril. (177) Certaines de nos sources semblent indiquer que les forces armées ont mené des attaques de ce genre de façon régulière dans plusieurs autres communes de Bujumbura-Rural, dont Kanyosha, Kabezi et Muhuta, et dans plusieurs autres régions du pays. Les témoignages recueillis par les chercheurs de Refugees International en novembre 1997 auprès de réfugiés hutus qui venaient d'arriver en Tanzanie de cinq provinces différentes de l'est du Burundi (dont une seule était une zone de combat à l'époque) font le même constat. Selon leur rapport, les réfugiés "ont décrit les exécutions de membres de leurs familles, la capture des hommes vivant dans les villages et l'incendie des maisons et des champs. ... Mises ensemble, les allégations des réfugiés peignent un tableau implacable de la terreur que répand l'armée parmi les citoyens. (178)

Des Hutus et certaines personnalités politiques modérées tutsies ont tout particulièrement été la cible d'attaques. Avant le coup d'Etat de 1996, les militaires et les milices tutsies avaient assassiné un nombre considérable de politiciens hutus. Un document publié par le parti d'opposition Frodebu en mai 1996 décrit l'assassinat de membres du Frodebu dont les Présidents Ndadaye et Ntaryamire, treize gouverneurs et gouverneurs-adjoints, vingt-deux membres du parlement dont quatre ministres, dix-huit administrateurs communaux et un grand nombre d'autres personnalités politiques entre le 21 octobre 1993 et le 15 mai 1996. (179) Un document anonyme daté d'avril 1997 donne le nom de dix autres membres de l'Uprona qui ont été assassinés, dont huit étaient des Hutus assassinés par des milices tutsies. (180) Le 2 août 1997, un autre parlementaire du Frodebu, Paul Sirahenda, était tué à Makamba. Le 30 juin 1997, la femme de Léonce Ngendakumana, le président de l'Assemblée Nationale, était blessée dans l'explosion d'une bombe à Bujumbura, explosion qui allait tuer son garde du corps. (181) D'autres politiciens -- dont certains Tutsis critiquant le Président Buyoya -- ont été arrêtés et dans certains cas torturés. Un certain nombre de politiciens hutus, dont certains travaillent actuellement dans l'administration Buyoya, ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils craignaient sérieusement pour leur sécurité personnelle et la sécurité des membres de leur famille. Un fonctionnaire hutu a dit à Human Rights Watch qu'il devait régulièrement fuir sa communauté pour éviter d'être assassiné: "J'ai des amis qui me protègent. Lorsque des extrémistes veulent m'attaquer, je suis informé et je pars". (182)

Outre des attaques et assassinats sélectifs, les forces armées se sont rendues coupables de nombreuses exécutions sommaires à travers tout le pays. Lorsque les FDD ont établi un poste près de Mugendo à Bujumbura-Rural en mai dernier, les militaires ont créé un camp de regroupement près de la côte, à côté de leur camp, à Rutumo (Bururi), et ils ont ordonné à la population de Magara et des environs de s'y rassembler. Un petit nombre de personnes ont préféré chercher refuge dans la paroisse catholique de Magara, entre autres la directrice des écoles primaires locales, Yolande Cishahayo, et ses deux filles adolescentes. Le 5 juin, le commandant du poste militaire de Rutumo a envoyé une lettre ordonnant aux personnes vivant dans la paroisse de se rendre au camp. Le groupe a obtempéré mais lors de leur arrivée au camp, les personnes ont été arrêtées, attachées et emmenées au poste militaire pour y être interrogées. Toutes les personnes interrogées ont été libérées le jour même, à l'exception de Cishahayo qui était une Tutsie mariée à un Hutu. Selon l'une des filles de Cishahayo qui se trouvait encore au poste militaire lorsque l'interrogatoire a débuté, les gardes ont demandé à Cishahayo, "Que faites-vous encore ici?, laissant manifestement entendre que les Tutsis loyaux n'auraient pas dû rester sur le territoire contrôlé par les FDD. A 20 heures environ, les personnes du camp ont entendu deux coups de feu et le matin, la fille de Cishahayo a retrouvé le corps de sa mère sur le bord de la route, près du camp. (183)

Selon des témoins de Gitaramuka (province de Karusi), les militaires ont arrêté dans cette commune un certain nombre de Hutus de la communauté qui n'ont plus jamais réapparu. Un informateur a dit à Human Rights Watch, "Les militaires prennent les gens un par un sur la route. Sur ma colline, ils ont emmené des gens". Le lundi 2 juin 1997, l'armée a arrêté un conseiller de la zone et un autre homme nommé Paul qui travaillait pour un organisme humanitaire dans un camp de regroupement. Les soldats les ont emmenés au camp militaire de Kiyange où ils les ont apparemment interrogés sur leur lien avec un troisième prisonnier qu'ils accusaient de travailler pour les FDD. Le mercredi 4 juin, les personnes vivant près du camp ont entendu des coups de feu au poste militaire et le lendemain matin, lorsque les familles des deux prisonniers sont arrivées avec de la nourriture pour eux, les soldats leur ont dit que ce n'était plus nécessaire, laissant entendre que les deux hommes étaient morts, bien qu'ils n'aient pas montré les corps aux familles. Le jour même, un autre homme, Kameteri, a été arrêté après avoir insulté l'administrateur de la commune. Lorsque sa femme est allée le voir à la prison militaire, elle a constaté qu'il ne se trouvait pas parmi les prisonniers. Les soldats ont prétendu ne pas savoir où il se trouvait. Il n'a pas été revu par la suite et son corps n'a jamais été retrouvé. (184)

A Kizuka, sur les rives du Lac Tanganyika, dans la Province de Bururi, des soldats ont tué deux femmes et quatre hommes aux alentours du 15 juin. Selon les habitants de la zone interrogés par Human Rights Watch, ces six personnes étaient descendues des collines pour se rendre à la côte au marché de Kizuka. La plupart des habitants des collines ont été regroupés autour de Kizuka, vivant chez des proches ou dans des logements de fortune. Lorsque les six personnes se sont rendues au marché, elles ont été arrêtées par des soldats qui les ont accusées d'être des rebelles, alors que les témoins ont déclaré à Human Rights Watch qu'elles étaient de simples habitants de la zone qui se rendaient au marché et non pas des rebelles. Les soldats ont torturé les quatre hommes au grand jour, puis ils ont tiré sur eux et les ont poignardés. Ils ont emmené les deux femmes à part et après les avoir violées, ils les ont tuées. Selon des témoins, l'une des victimes, Mineti, avaient trois enfants tandis qu'une autre, Kabura, en avaient quatre. Un témoin nous a dit, "Il y a des agressions de ce genre tous les jours. Ils emmènent des personnes qui viennent au marché. Les gens vivent dans la peur des soldats". (185)

Une fille du camp de regroupement de Bihemba (province de Karuzi) a raconté que son frère Damien, âgé de dix-neuf ans, s'était enfui à Ngozi lorsque les militaires avaient commencé à ouvrir des camps de regroupement. ll est revenu dans sa communauté en août 1996. Juste après son retour, un groupe de civils est arrivé et l'a arrêté, l'accusant d'être un combattant des FDD. Ils l'ont remis aux mains des autorités militaires et il a été exécuté sommairement. (186)

Lorsque les FDD ont attaqué la zone de Kigamba (Makamba) en avril 1996, la plus grande partie de la population s'est enfuie à Kayogoro, Mubera et Vugizo. Lorsque les habitants ont commencé à rentrer chez eux deux semaines plus tard, ils ont trouvé les corps de trois hommes qui avaient été exécutés sommairement. Deux des victimes étaient âgées et il se pourrait qu'elles aient eu des difficultés à fuir. Le fils de l'une d'elles a affirmé que son père avait été capturé alors qu'il tentait de fuir. Les victimes ont été retrouvées les bras attachés derrière le dos. Bien qu'aucun membre de la communauté n'ait assisté aux exécutions, des habitants de la zone ont dit à Human Rights Watch qu'ils croyaient que les tueries étaient l'oeuvre des forces armées. (187)

Les forces armées accusent souvent leurs victimes d'être des rebelles afin de justifier leurs agressions. Selon de nombreux témoins, dans les camps de regroupement, les soldats emmènent souvent des jeunes gens et des Hutus bien connus dans la localité, ils les battent, les tuent parfois, affirmant que ce sont des rebelles. Par ailleurs, quiconque n'est pas connu des soldats ou des responsables du camp est présumé être rebelle et court le risque d'être exécuté. Le cas de Léonce Nibaratu, un Hutu vivant à Bujumbura et exécuté par les soldats alors qu'il venait à Buteganzwa pour rendre visite à sa famille, est décrit au chapitre précédent. Autre exemple, celui d'un homme nommé Mubo, un petit homme d'affaires qui vendait du thé et du pain à Buteganzwa (Kayanza) avant le regroupement. Il s'était enfui dans la Forêt de la Kibira en décembre 1996 lorsque l'armée avait attaqué la population et l'avait forcée à s'établir dans les camps de regroupement. Quand Mubo est retourné à Buteganzwa au début juin, les militaires l'ont immédiatement arrêté et l'ont battu jusqu'à ce que mort s'ensuive. (188)

Les signes de malnutrition, tels que les jambes gonflées et les cheveux décolorés, sont devenus un moyen pour les militaires d'identifier les personnes qui auraient pu vivre avec les rebelles car la malnutrition chronique est apparemment un problème dans les zones contrôlées par le CNDD telles que la Forêt Nationale de la Kibira et les montagnes longeant la crête du Congo-Nil dans la province de Bururi. L'équipe de chercheurs a visité le centre sanitaire près de la forêt de la Kibira (Kayanza) où sont venus se faire soigner des enfants et des adultes souffrant d'un grave problème de malnutrition et certaines des personnes sous-alimentées ont reconnu avoir été avec le CNDD dans la forêt de Cibitoke. (189) Des cas semblables de personnes quittant les zones sous contrôle rebelle en raison d'un manque de vivres ont été signalés dans les provinces de Bururi, Bubanza et dans certains parties de Bujumbura-Rural.

D'après les recherches faites par Human Rights Watch, la malnutrition chronique ne se limite cependant pas aux zones rebelles. Bien que les fonctionnaires du gouvernement que nous avons interrogés prétendent que les graves problèmes de malnutrition n'affectent que les personnes ayant vécu dans les zones rebelles--le gouverneur de la province de Bubanza, par exemple, soutient que les personnes sous-alimentées soignées dans les centres sanitaires locaux avaient été "dans la brousse avec les rebelles" (190)--, les cas de malnutrition chronique que nous avons constatés s'observaient en majorité chez des personnes qui étaient restées dans les zones contrôlées par le gouvernement mais qui avaient été déplacées et n'étaient pas en mesure de cultiver la terre en raison des combats ou des regroupements. Par exemple, les personnes sous-alimentées que nous avons interrogées à l'hôpital de Bubanza avaient vécu dans les camps de regroupement de Ngara et de Musigati pendant de nombreux mois, et c'est parce qu'elles n'étaient pas autorisées à rentrer chez elles pour cultiver la terre alors que le camp ne fournissait pas de vivres qu'elles souffraient de malnutrition. (191) Des travailleurs sanitaires de Karusi ont par ailleurs insisté sur le fait que les adultes sous-alimentés qu'ils soignaient provenaient des camps de regroupement et non du parc national (et donc pas des zones aux mains des rebelles). (192) Bon nombre des personnes souffrant de grave malnutrition et qui s'étaient rendues de Cibitoke à Kayanza pour se faire soigner n'avaient pas été avec les rebelles dans la forêt mais avaient été chassées de chez elles par les combats persistants et avaient habité avec des proches ou dans des camps de personnes déplacées (PDI) où les vivres manquaient. (193)

Quoi qu'il en soit, les soldats soupçonnent quiconque souffre de malnutrition d'avoir été avec le CNDD. Au cours de la première semaine de juin 1997, dans un centre de vivres près de Bujumbura, des soldats en civil ont interrogé des femmes qui faisaient la file pour recevoir des vivres et qui avaient des cheveux blancs, signe de grave malnutrition. Selon des témoignages apportés par les employés du centre d'alimentation, les soldats ont attendu les femmes au pied de la colline, en contrebas du centre, et au moment où elles sont passées près d'eux pour rentrer chez elles, ils les ont emmenées et les ont tuées. La semaine suivante, toutes les femmes qui venaient chercher des vivres s'étaient rasé les cheveux pour que les soldats ne puissent pas voir si elles souffraient de malnutrition chronique. Que ces femmes aient "été avec les rebelles", comme l'affirment les autorités, n'est pas du tout certain. Beaucoup semblent plutôt avoir vécu avec des familles qui leur ont offert l'hospitalité en raison de l'insécurité qui les empêchait de rentrer chez elles. (194) Dans d'autres parties du pays, la population a été prise pour cible de la même manière.

Le gouvernement burundais a effectivement le droit d'arrêter et de traduire en justice les personnes soupçonnées d'être impliquées personnellement dans des activités criminelles. Cependant, l'article 6 du Protocole II stipule que les personnes arrêtées pour des infractions pénales en relation avec le conflit armé seront traitées

avec humanité et jugées par un tribunal indépendant et impartial. Parmi les droits qu'ont les accusés lors de poursuites pénales engagées pendant un conflit armé, l'article 6(2)(b) stipule que "nul ne peut être condamné pour une infraction si ce n'est sur la base d'une responsabilité pénale individuelle". (195) Dans les cas décrits précédemment, les personnes tuées ont été exécutées sommairement. Dans ces cas et dans d'autres, les victimes ne sont pas accusées d'infractions pénales individuelles mais sont reconnues "coupables" simplement pour avoir vécu dans des zones contrôlées par les FDD ou en raison de leur importance au sein de leur communauté. Ces exécutions extrajudiciaires, meurtres sanctionnés par l'Etat, violent de façon flagrante les règles applicables en temps de guerre.


Viols

Les membres des forces armées burundaises utilisent le viol pour terroriser et humilier la population civile. Comme il a été rapporté plus haut, lorsque les militaires ont tué six personnes à Kizuka (Bururi) à la mi-juin 1997, ils ont violé les deux femmes du groupe avant de les tuer. Selon des témoignages recueillis par Human Rights Watch, lors de leurs attaques contre des civils, les membres de l'armée violent souvent les femmes et les fillettes avant de les tuer. De nombreux témoins ont rapporté que le viol avait été une pratique très répandue lors des violences ayant entourés la création des camps de regroupement et il constitue toujours un grave problème dans les camps. Le personnel médical de Kayanza signale que le viol a été extrêmement répandu lors de la création des camps de regroupement et que, bien que cette pratique soit actuellement un peu moins fréquente, il n'est pas rare que des femmes et des fillettes qui ont été violées par des soldats viennent se faire soigner dans les centres médicaux. (196)

Les viols commis par les forces armées ne se limitent pas aux camps de regroupement. Les soldats violent également les femmes tutsies qui vivent dans les camps de personnes déplacées. Dans certains cas, les soldats et d'autres hommes forcent apparemment les femmes et les fillettes déplacées à avoir des relations sexuelles avec eux en échange de nourriture et d'un abri. Les travailleurs sanitaires affirment que dans des camps de PDI tels que le camp situé près de la zone de Buyenzi à Bujumbura, ils ont constaté de nombreux cas où des filles très jeunes de quatorze ou quinze ans étaient tombées enceintes suite à un viol ou à des relations sexuelles forcées. (197)


Pillages et Vols

Les forces armées continuent à détruire les habitations des civils dans l'intention d'éliminer les lieux possibles de refuge pour les combattants des FDD, déplaçant les civils par la force et empêchant l'opposition hutue de s'organiser. Comme il a été rapporté au chapitre trois, les militaires ont brûlé des milliers de maisons pendant le processus de regroupement dans les provinces de Karuzi, Kayanza, Bubanza et Muramvya. Le pillage et la destruction des maisons sont des pratiques qui se sont répandues au sud lorsque les combats y ont éclaté. La population rurale de la zone de Kigamba, dans la Commune de Mabanda (Makamba), où de nombreuses maisons ont été incendiées, a dit à Human Rights Watch que les militaires avaient brûlé leurs maisons suite à l'attaque des FDD en avril. Dans la Commune de Vugizo (Makamba), des habitants ont signalé que les militaires avaient non seulement incendié mais aussi rasé les maisons de ceux qui avaient résisté au regroupement. (198) Les militaires ont également brûlé un grand nombre de maisons en mai 1997 dans les communes de Rumonge, Burambi, Buyengero et Songa dans la province de Bururi. La destruction des maisons était manifestement liée à la présence des FDD dans la province et aux tentatives de forcer les habitants à se regrouper. (199) Les forces armées ont détruit d'autres bâtiments en vue d'éliminer les endroits où les combattants des FDD pourraient trouver refuge. Les gens du voisinage ont signalé à Human Rights Watch que lorsque les militaires ont abandonné leur poste à Mudende (Bururi) en mai, ils ont enlevé le toit de l'école publique et démoli les murs pour que le bâtiment ne puisse pas être utilisé par les FDD. (200) L'équipe de chercheurs a visité plusieurs maisons qui avaient été brûlées récemment dans la Commune d'Isare, à Bujumbura-Rural. Les habitants ont affirmé que des soldats avaient incendié leurs maisons en mai mais ils n'en connaissaient pas la raison. Une attaque menée contre l'une des habitations dans laquelle le propriétaire tenait un petit bar dans la pièce principale semblait bien rentrer dans le cadre des attaques militaires visant les petits hommes d'affaires de la région. (201)

Le vol, commis soit directement par des membres des forces armées ou avec leur soutien ou assentiment, est également un problème important. Là où les forces armées ont détruit des habitations, elles ont d'abord pillé leur contenu, emportant vêtements, radios, ustensiles de cuisine et autres objets emportables. De nombreux habitants des camps de regroupement se sont plaints que les soldats continuaient à les voler. A Karuzi, les habitants du camp se sont plaints du fait que bien qu'ils puissent maintenant cultiver leurs champs, il n'était pas rare que les soldats leur volent leurs récoltes. (202) Les vols commis par les militaires ne se limitent pas aux camps de regroupement. Des témoins ont signalé des cas récents de vols commis par des soldats à Bujumbura, Bujumbura-Rural, Bururi, Karuzi et ailleurs.

Dans certains cas, des civils tutsis, avec le soutien des militaires, ont mené des attaques contre les Hutus. Suite à l'assassinat du Président Ndadaye en 1993, des gangs rivaux de jeunes hutus et tutsis se sont constitués à Bujumbura et ailleurs et ont commencé à tuer et à voler les gens. Bien que certaines attaques menées par les gangs pourraient s'être fondées sur des motifs politiques -- tenter de chasser du quartier les membres de l'ethnie opposée --, d'autres semblent avoir été motivées davantage par l'appât du gain. Tant les gangs hutus que tutsis se sont rendus responsables d'atrocités mais des témoins affirment que les gangs tutsis -- généralement connus sous le nom des "Sans Echec" ou des "Sans Défaite" -- ont reçu l'aide des militaires sous forme d'entraînement et d'armes. Alors qu'elles toléraient les délits commis par les milices de jeunes tutsis, les forces armées ont cherché activement à réprimer les milices de jeunes hutus telles que les Chicago Bulls. (203)

Après le coup d'Etat de juillet 1996, les militaires ont finalement tenté de placer les gangs tutsis entièrement sous leur contrôle en incorporant la plupart de leurs membres dans les forces armées (voir chapitre sept). Les membres de l'armée ont néanmoins continué à tolérer ou à appuyer activement les violences contre des cibles hutues. Des témoins à Gitega et Bujumbura se sont plaints que des Hutus étaient victimes d'un nombre effrayant d'attaques à main armée. (204) Une source à Bujumbura a déclaré à Human Rights Watch que des habitants de son quartier sont dévalisés presque chaque jour, et les victimes sont généralement des Hutus, "Parce qu'ils n'ont pas de contacts qui les protègent dans l'armée ou la police". Elle a affirmé qu'il semblait y avoir une complicité de la police dans la criminalité qui sévit dans la capitale. (205)

Human Rights Watch tient de ses sources à Gitega et Karuzi que des civils tutsis des camps de PDI ont été impliqués à la fois dans le vol et le meurtre de Hutus dans ces provinces. Selon des informateurs à Gitega, des Tutsis du camp de PDI de Butezi (Ruyigi) ont participé à des attaques contre des civils à Ruyigi et Gitega. Un Hutu, Cyprien Nzigirabarya, a "disparu" le 24 mars 1997 alors qu'il était parti visiter la propriété qu'il possédait à Ruyigi. D'après les recherches menées par son épouse, des témoins ont vu deux Tutsis de Butezi, connus pour être impliqués dans les activités des milices tutsies, arrêter Nzigirabarya, apparemment pour essayer de le dévaliser. Ils l'ont emmené dans leur camp et on ne l'a plus revu depuis lors. (206)


Tortures

Le droit à ne pas être torturé est un droit de l'homme fondamental. L'Article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 interdit, "en tout temps et en tout lieu, les mutilations, traitements cruels et tortures". Par ailleurs, "les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants" sont interdits par ce même Article 3. De même, l'Artice 4(2)(a) du Protocole II interdit formellement

les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles.


La torture est également interdite par de nombreux instruments des droits de l'homme, dont l'Article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'Article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipulent que "Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants".

Des informateurs hutus se sont généralement plaints à Human Rights Watch du fait que les forces armées burundaises recouraient à la torture et aux mauvais traitements contre la population. A Muramvya, des habitants du camp et d'autres personnes ont signalé que la menace de torture et de mauvais traitements était un moyen de forcer les gens à participer aux patrouilles de nuit. Ceux qui n'y participaient pas étaient condamnés à une amende, battus et parfois même tués. (207) A Kayanza, Karuzi et Muramvya, des témoins ont rapporté que les personnes autorisées à travailler dans leurs champs étaient battues si elles rentraient après le couvre-feu commençant généralement à 17 ou 18 heures. Les habitants du camp de la Commune de Buteganzwa (Kayanza) ont déclaré que les gardes du camp battaient régulièrement tant les femmes que les hommes pour des délits mineurs. (208)

Des témoins à travers tout le Burundi ont déclaré à Human Rights Watch que le fait que les forces armées battaient les personnes qu'elles arrêtaient était une pratique courante. Un homme de Kayanza a signalé qu'il avait été sauvagement battu lorsqu'il avait été arrêté et détenu sans procès pendant une semaine. (209) La Ligue ITEKA, organisation burundaise des droits de l'homme, rapporte que Domitien Ndayizeye, le secrétaire exécutif permanent du principal parti d'opposition, le Frodebu, a été torturé après avoir été arrêté le 22 février 1997. (210) D'après une autre source, les soldats qui ont torturé Ndayizeye essayaient de le forcer à révéler le mot de passe d'un ordinateur du Frodebu qu'ils avaient confisqué. (211)


Violations du Droit à Circuler Librement

Contrairement au regroupement, qui force les gens à s'installer dans les camps contre leur gré, dans certaines régions du pays, la population a choisi de fuir de chez elle et de chercher refuge dans des camps pour personnes déplacées. Bien que la plupart des personnes déplacées aient été des Tutsis, certains Hutus ont également cherché à se regrouper dans des lieux d'asile, certains fuyant les zones de combats persistants telles que Cibitoke, d'autres chassés de chez eux suite aux attaques perpétrées par les milices ethniques et aux combats interethniques entre gangs rivaux de jeunes. Au cours de ses déplacements à travers le Burundi, l'équipe de chercheurs de Human Rights Watch a rencontré quelques zones où Hutus et Tutsis continuaient à vivre ensemble en relative harmonie -- surtout dans les provinces de Gitega, Makamba et Bururi -- mais ces zones multiethniques constituaient des exceptions. Depuis fin 95, suite aux actes de violence des milices et des gangs, la plus grande partie du Burundi a appliqué une ségrégation entre groupes ethniques. Les attaques hutues contre des Tutsis dans les campagnes ont amené la plupart des Tutsis à rejoindre les villes ou les camps pour personnes déplacées où ils peuvent être protégés par l'armée. Les attaques menées par les milices tutsies telles que les Sans Echec et les Sans Défaite ont poussé la plupart des Hutus à quitter les villes. La plupart ont fui dans les campagnes ou dans des camps de réfugiés en Tanzanie ou au Zaïre, mais certains Hutus de Bujumbura et des environs ont organisé des camps, principalement sur des terrains appartenant à l'Eglise où ils croyaient être en sécurité en raison de leur nombre et du pouvoir de l'Eglise. Dans certaines zones telles que Cibitoke et Bubanza, les Hutus se sont rassemblés dans des camps après avoir fui les combats dans leurs communautés d'origine.

Depuis qu'il s'est emparé du pouvoir, le régime Buyoya a essayé de fermer les camps pour personnes déplacées hutues à Bujumbura et ailleurs. En mars 1997, les militaires sont venus dans les deux camps de Kamenge et ont forcé tous ceux qui n'étaient pas de la province de Bujumbura à partir, sous prétexte qu'il fallait que chacun vive dans sa province d'origine. 4.000 personnes ont été chassées de l'un des camps et 3.000 de l'autre, la plupart provenant des collines proches de Bujumbura-Rural. (212) Des habitants des camps ont expliqué à Human Rights Watch qu'ils s'étaient réfugiés dans les camps parce que les soldats ou les milices tutsies avaient attaqué leurs quartiers et détruit leurs maisons et ils avaient peur d'être tués s'ils rentraient chez eux. (213) Dans les quartiers qui avaient été à prédominance hutue, à Kamenge par exemple, la destruction était bien visible.

Le 11 septembre 1997, l'armée a annoncé qu'elle envisageait de fermer complètement les deux camps pour personnes déplacées de Kamenge. Les militaires soutenaient que la fermeture était nécessaire pour des raisons de sécurité parce que les camps abritaient des criminels impliqués dans des meurtres et des attaques à main armée. Pourtant, selon l'ONG des droits de l'homme, la Ligue ITEKA, les seize attaques ayant eu lieu entre avril et juillet 97 ont été attribuées aux membres des forces armées. (214) Les enquêtes de Human Rights Watch dans la région confirment qu'un certain nombre de vols et de tueries dans la région ont été le fait de soldats.

Le week-end des 18 et 19 octobre 1997, les forces armées ont mené une campagne visant à évacuer les personnes non autorisées de Gatumga, un faubourg situé à 15 kilomètres de Bujumbura dont la population était passée de 6.000 personnes avant 1993 à plus de 100.000, avec entre autres des réfugiés de la République Démocratique du Congo et des Hutus burundais de Bujumbura, Cibitoke et d'autres endroits où ils étaient confrontés à la violence. Ce week-end là, en ratissant la zone, la police a arrêté plus de 10.000 personnes qui ne possédaient pas de permis de résidence valable. Bien que la plupart d'entre elles aient été relâchées par la suite, beaucoup après avoir payé une amende, plusieurs milliers d'autres sont demeurées en détention. (215)

Le problème du refus d'asile et du retour forcé de la population ne se limite pas à Bujumbura. Certains Hutus de Makamba ont également signalé à Human Rights Watch qu'ils avaient été forcés de quitter les camps pour PDI où ils s'étaient rendus volontairement dès le début des attaques des FDD dans la région. Les Tutsis ont été autorisés à rester dans les camps. (216)

Human Rights Watch a visité un camp créé en juin 1997 à Rwegura (Kayanza) par des personnes fuyant les combats à Cibitoke et dans la Forêt de la Kibira. Beaucoup de ceux qui sont arrivés à cet endroit, situé sur un coteau en-dessous d'un centre médical, étaient gravement sous-alimentés et étaient venus chercher des soins médicaux et des rations alimentaires. En novembre 1997, les forces armées ont fermé le camp, forçant les 5.300 résidents à retourner à Cibitoke. Le porte-parole de l'armée a déclaré que les résidents du camp étaient partis "de leur propre chef car ils savent qu'ils seront mieux chez eux que dans le camp". Pourtant, Médecins Sans Frontières a signalé que "la population du camp avait été envoyée à Cibitoke accompagnée de soldats et que le camp avait ensuite été complètement brûlé". (217) Un certain nombre de résidents du camp ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils avaient peur de rentrer chez eux en raison des menaces incessantes de violences émanant des forces armées burundaises ou des groupes d'insurgés. Plusieurs ont dit qu'un responsable des forces armées leur avait ordonné de quitter leurs maisons. (218) Réagissant aux critiques de Médecins Sans Frontières, du Coordinateur Humanitaire de l'ONU pour le Burundi, Hussein Khan, et d'autres, le porte-parole de l'armée a tenté de lier les expulsions à la fermeture des camps de regroupement. "Lorsque les gens sont regroupés pour leur sécurité, les organisations non gouvernementales crient aux violations des droits de l'homme. ... Lorsqu'ils rentrent chez eux, c'est la même chose. Mais que veulent-ils donc?" (219)

En novembre 1997, les forces armées du Burundi et du Rwanda, avec le soutien des autorités congolaises, ont lancé une campagne pour expulser les Hutus qui vivaient autour d'Uvira et de Bukavu en République Démocratique du Congo. Selon le Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, plus de 2.000 personnes ont été forcées de se rendre au Burundi, y compris au moins 125 citoyens congolais pris dans la rafle. Des membres d'organisations humanitaires ont rapporté que le gouvernement prétend que les personnes forcées à rentrer sont "des agents infiltrés, des voleurs de bétail", mais parmi ces personnes rapatriées de force se trouvent des enfants en bas âge. (220)

Tout comme dans le cas du regroupement, forcer des personnes qui cherchent refuge à rentrer chez elles contre leur gré constitue une violation du droit de circuler librement et de choisir librement sa résidence tel qu'il est garanti en vertu de l'Article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). La protection de la sécurité nationale et de l'ordre public ne peut être invoquée pour justifier le retour forcé pratiqué par les forces armées burundaises. Leur motivation a plutôt été d'affirmer leur contrôle sur la population hutue et ne peut être justifiée en vertu des obligations découlant du PIDCP.

De surcroît, le retour forcé des civils hutus a clairement mis en danger l'intégrité de leur personne. Un certain nombre d'habitants de Bujumbura-Rural ont expliqué à Human Rights Watch qu'ils avaient été chassés des camps de Kamenge. Après avoir été forcés de rentrer chez eux, ils n'ont reçu aucune aide pour reconstruire leurs maisons. Depuis que la population est retournée dans ses collines, des soldats sont régulièrement venus harceler les habitants, les arrêter et procéder à des exécutions sommaires. (Plusieurs cas sont décrits précédemment.) Un certain nombre de personnes ont dit qu'elles retourneraient dans les camps de Kamenge si on les y autorisait car elles ne se sentent pas en sécurité dans leurs communautés. Au moment où Human Rights Watch a visité la région en juin 1997, les gens dormaient dehors dans la brousse, de peur que les soldats ne les tuent dans leurs maisons. (221) A Makamba, les résidents hutus ont fait part de leur souhait de rester dans les camps pour PDI pour être protégés contre les attaques des FDD qui survenaient la nuit dans la région mais ils ont été renvoyés chez eux en juin par les militaires alors que les Tutsis restaient dans les camps. A Makamba, les gens passaient également la nuit dehors par peur des attaques. (222)


Travail Forcé

En vertu de l'Article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, "Nul ne sera astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire". (223) La Convention de l'Organisation Internationale du Travail sur l'Abolition du Travail Forcé de 1959 interdit expressément le travail forcé "en tant que mesure de coercition ou d'éducation politique" et "en tant que mesure de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse". (224)

Au Burundi, depuis le coup d'Etat de juillet 1996, les forces armées ont demandé aux civils hutus de travailler sans compensation, en violation flagrante des obligations précitées. Le travail forcé est surtout répandu dans les camps de regroupement où les forces armées exercent un large contrôle sur la population. Des témoins à Karuzi ont rapporté que, entre autres tâches, ils devaient apporter de l'eau pour les soldats du camp et leur fournir du charbon de bois. Un informateur au camp de Bugenyuzi (Karuzi) a déclaré à Human Rights Watch, "Nous n'avons pas de problèmes avec les soldats aussi longtemps que nous travaillons pour eux". Selon ce témoin et d'autres, si les habitants du camp ne travaillent pas pour les soldats, ils sont battus ou risquent d'en payer autrement les conséquences. (225)

Le travail forcé n'est pas limité aux camps de regroupement. Des témoins à Gitega ont rapporté que les forces armées ont exigé que les habitants de cette province leur fournissent du charbon de bois pour les troupes sans être payés en retour. La production de charbon de bois est un processus qui requiert énormément de temps car il s'agit d'abord de chercher du bois vert, puis de le couper et de le préparer, de construire et de surveiller les feux pour produire le charbon de bois, et ensuite d'emballer le produit fini pour le transporter. Dans des circonstances ordinaires, les familles ne produiraient du charbon de bois que quelques fois par an. Cependant, comme les effectifs des forces armées ont augmenté, les militaires ont exigé que chaque colline leur fournisse du charbon une ou deux fois par semaine. (226) Ce travail forcé n'est exigé que des citoyens hutus et viole donc les obligations interdisant l'application discriminatoire du travail forcé.





148. "Burundi army hunts down rebels in Bujumbura area", Agence France Presse, 19 décembre 1997.

149. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 10 juin 1997.

150. Entretien de Human Rights Watch avec André Ndayizamba, gouverneur de Bururi, Bururi, 20 juin 1997.

151. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Weekly Round-Up 25-97 of Main Events in the Great Lakes Region", 3-9 octobre 1997.

152. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, juin 1997.

153. Ibid.

154. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura-Rural, le 28 juin 1997.

155. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, juin 1997.

156. ITEKA, "Des militaires burundais massacrent 114 personnes dans une église pentecôtiste", Bulletin d'Information de la Ligue Burundaise des Droits de l'Homme "ITEKA", janvier-mars 1997.

157. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Giheta, Gitega, les 12 et 30 juin 1997.

158. SOS Génocide, "Spécial Cadeau de Fin d'Année", février 1997. Le document dresse également une liste de cinquante-six personnes tuées dans la Commune de Mutaho et de 141 personnes tuées dans la Commune de Bugendana, où Human Rights Watch n'a pas mené d'enquêtes, ainsi que des personnes tuées lors du regroupement à Rutegama (Muramvya) dont il est fait mention au chapitre précédent.

159. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, juin 1997.

160. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Kigamba, Mabanda, le 19 juin 1997.

161. S.O.S. Génocide, "Spécial Cadeau de Fin d'Année", février 1997.

162. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 15 juin 1997.

163. "Burundi Army Admits It Killed 126 Hutu Refugees", New York Times, 12 janvier 1997, p.5.

164. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bururi, le 20 juin 1997.

165. Rapport d'ITEKA et témoignages recueillis par Human Rights Watch à Bujumbura le 26 juin 1997 et à Bujumbura-Rural le 28 juin 1997. Le rapport d'Iteka cite le nom de quarante-deux personnes dont le décès a été constaté mais d'autres témoins affirment que le nombre de victimes pourrait s'élever à soixante-treize.

166. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Emergency Update No. 276 on the Great Lakes", 23 octobre 1997; Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Emergency Update No. 279 on the Great Lakes", 28 octobre 1997.

167. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Bubanza, le 27 juin 1997.

168. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à l'hôpital de Bubanza, le 27 juin 1997.

169. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, juin 1997.

170. Interviews et enquêtes de Human Rights Watch à Gishingano, Isare, Bujumbura-Rural, 17 juin 1997.

171. Ibid.

172. Interviews et enquêtes de Human Rights Watch à Gasanzuki, Isare, Bujumbura-Rural, le 17 juin 1997.

173. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Gazanzuki, Isare, Bujumbura-Rural, le 17 juin 1997.

174. Enquêtes menées par Human Rights Watch à Nyambuye, Isare, Bujumbura-Rural, le 26 juin 1997. Alors que l'équipe de Human Rights Watch visitait le lieu des premières tueries, une patrouille de trois soldats s'est approchée et l'a interrogée. Après le départ des soldats, les habitants qui n'avaient pas fui ont déclaré que les trois hommes venaient du poste militaire de Mparo et faisaient partie de ceux qui étaient impliqués dans l'attaque. La patrouille s'est rendue sur le lieu du second massacre, attendant les chercheurs, mais les résidents ayant insisté pour que les chercheurs partent, ces derniers ont fait ce qui leur était demandé.

175. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 15 juin 1997.

176. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 26 juin 1997.

177. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Gishingano, Bujumbura-Rural, le 17 juin 1997.

178. Refugees International, "Findings of RI Mission to Camps in Tanzania", 15 décembre 1997.

179. Parti Sahwanya Frodebu, "Génocide en Cours au Burundi: Cas des Intellectuels Hutu", Bujumbura, 15 mai 1996.

180. Document anonyme, "Liste des Représentants du Peuple Suppléants du Parti Uprona qui sont déjà morts depuis le 21 octobre 1993 jusqu'au 4 avril 1997".

181. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Burundi: Humanitarian Situation Report, July 31-August 6, 1997", 6 août 1997.

182. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, juin et juillet 1997.

183. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Bujumbura le 26 juin 1997 et à Bujumbura-Rural le 28 juin 1997.

184. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Karusi, le 13 juin 1997.

185. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Kizuka, Bururi, le 1er juillet 1997.

186. Témoignage recueilli par Human Rights Watch dans le camp de regroupement de Bihemba, Commune de Bugenyuzi, Karuzi, le 13 juin 1997. La jeune fille n'a pu préciser si les voisins qui ont arrêté son frère faisaient partie d'une patrouille hutue ou de Tutsis provenant du camp de personnes déplacées (PDI) tutsies situé dans la zone, mais selon d'autres témoignages recueillis dans le camp, la seconde hypothèse semble plus probable.

187. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Mabanda, Makamba, le 19 juin 1997.

188. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Musema, Buteganzwa, Kayanza, le 23 juillet 1997.

189. Enquête de Human Rights Watch, Kayanza, le 24 juin 1997.

190. Entretien de Human Rights Watch avec le Gouverneur de Bubanza, le Lt. Colonel Gérard Haziyo, le 10 juin 1997.

191. Enquêtes menées dans la province de Bubanza les 10 et 27 juin 1997.

192. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Karusi, le 13 juin 1997.

193. Enquête de Human Rights Watch, Kayanza, le 24 juin 1997.

194. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 10 juin 1997.

195. Articles 6 et 7, Protocole II aux Conventions de Genève du 12 août 1949.

196. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Kayanza, les 23 et 24 juin 1997.

197. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 10 juin 1997, et autres témoignages.

198. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Makamba, le 19 juin 1997.

199. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Bururi, le 21 avril 1997.

200. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Bururi, le 21 avril 1997.

201. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Nyambuye, Isare, Bujumbura-Rural, le 26 juin 1997.

202. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Karuzi, le 13 juin 1997.

203. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Kigali en 1996 et à Bujumbura, les 17 et 25 juin 1997.

204. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Gitega, le 12 juin 1997 et à Bujumbura le 7 juin 1997.

205. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Bujumbura, le 7 juin 1997.

206. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Gitega, le 12 juin 1997. Human Rights Watch a essayé d'enquêter à propos de ces déclarations mais l'administrateur communal n'a pas autorisé l'organisation à interroger des témoins à Butezi.

207. Témoignages recueillis par Human Rights Watch dans la Commune de Rutegama, Muramvya, le 11 juin 197.

208. Témoignages recueillis par Human Rights Watch dans la Commune de Buteganzwa, Kayanza, le 24 juin 1997.

209. Témoignages recueillis par Human Rights Watch dans la Commune de Buteganzwa, Kayanza, le 24 juin 1997.

210. ITEKA, "Le secrétaire exécutif permanent du FRODEBU arrêté, torturé et relâché", Bulletin d'Information de la Ligue Burundaise des Droits de l'Homme "ITEKA", janvier-mars 1997.

211. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 25 juin 1997.

212. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Bujumbura, les 8 et 16 juin 1997.

213. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Bujumbura, le 16 juin 1997.

214. "Burundi shuts down two 'displaced people' camps near capital", Agence France Presse, le 11 septembre 1997.

215. "Police Arrest Thousands in Burundi Identity Checks", Agence France Presse, 21 octobre 1997; "Burundi: Thousands Said Detained for Identity Checks", Radio-Télévision Nationale du Burundi, 22 octobre 1997.

216. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Makamba, le 19 juin 1997.

217. "Army expels 5,000 displaced people from Burundi camp: MSF", Agence France Presse, 7 novembre 1997; Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Emergency Update No. 288 on the Great Lakes", 8-10 novembre 1997; Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Weekly Round-Up 31-97", 14-20 novembre 1997.

218. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Kayanza, le 24 juin 1997.

219. "Army expels 5,000", Agence France Presse.

220. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Update No. 293 for Central and Eastern Africa", 15-17 novembre 1997; Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Update No. 316 for Central and Eastern Africa", 18 décembre 1997.

221. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Bujumbura-Rural, les 17 et 26 juin 1997.

222. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Makamba, le 19 juin 1997.

223. Article 8, 1a, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, résolution 2000 A (XXI) de l'Assemblée Générale des Nations Unies, 16 décembre 1966. Entrée en vigueur: le 23 mars 1976.

224. Article I, Convention sur l'Abolition du Travail Forcé, Organisation Internationale du Travail No.105, 320 UNTS 291, entrée en vigueur le 17 janvier 1959.

225. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Bugenyuzi, Karuzi, le 13 juin 1997.

226. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Gitega, le 30 juin 1997.

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