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III. "NOUS SOMMES COMMES DES PRISONNIERS ICI" : LE DEPLACEMENT FORCE DES POPULATIONS CIVILES


Les officiers de l'armée qui ont organisé le coup d'Etat de juillet 1996 au Burundi ont prétendu qu'il fallait qu'ils s'emparent du pouvoir pour ramener l'ordre dans un pays qui s'enfonçait dans le chaos. Cependant, depuis le coup d'Etat, les forces armées burundaises se sont fréquemment rendues responsables de violations des droits de l'homme, du droit humanitaire et du droit de la guerre, surtout dans les zones rurales. De septembre 1996 à mars 1997, les forces armées ont tué, violé et torturé des milliers de civils hutus et elles ont pillé et détruit un nombre incalculable d'habitations dans le cadre d'un programme dit de "regroupement" qui a déplacé par la force de centaines de milliers de civils. Aujourd'hui, le gouvernement burundais continue à contraindre plus de 200.000 civils hutus à vivre dans des camps de regroupement dans des conditions extrêmement précaires, en violation flagrante des règles à appliquer en temps de guerre et du droit à circuler librement et à ne pas être arrêté arbitrairement. Les forces armées continuent à violer, torturer, commettre des exécutions extrajudiciaires et piller à l'intérieur des camps de regroupement et dans les alentours.

Un membre d'une ONG résume l'état actuel du programme de regroupement:


Dans ces camps, les Hutus sont officiellement protégés des rebelles par l'armée; en réalité, ils sont prisonniers. Cela ressemble fort à des camps de concentration. Les gens n'ont pas le droit de partir parce que s'ils le font, ils sont abattus; ils n'ont pas de terres à cultiver, pas de vêtements propres, ils n'ont rien. La gale et la faim sont présentes dans tous les camps de regroupement. En plus, il y a une épidémie de dysenterie dans tout le pays. (45)


Les Programmes de Regroupement Forcé et le Droit International

Le programme de "regroupement" du gouvernement burundais a forcé des milliers de civils hutus à quitter leurs maisons pour se rendre dans des camps gardés. Des programmes similaires avaient été mis en oeuvre par les Français en Indochine (de 1946 à 1954) et en Algérie dans les années 50; par les Britanniques en Malaisie et au Kenya pendant la même période; par les Etats-Unis et leurs alliés sud-vietnamiens dans les années 60; et au Guatemala dans les années 80. Le système de regroupement permet à l'armée de surveiller de près la population civile et de restreindre sa liberté de mouvement, d'association et d'expression, tout en cherchant à empêcher la population suspecte d'apporter un soutien aux mouvements rebelles armés. Au Burundi, les Hutus constituent cette population suspecte et leur regroupement dans des camps vise à les couper de tout contact avec les groupes rebelles tels que les Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD), lesquelles semblaient s'être acquis un soutien populaire considérable dans les campagnes burundaises suite à la tentative de coup d'Etat de 1993.

Le concept de regroupement et le terme lui-même trouvent leur origine directe dans la doctrine française de contre-insurrection développée dans les années 50. Un historien spécialisé dans la guerre d'indépendance de l'Algérie a décrit cette politique en des termes qui pourraient très bien s'appliquer au programme mis en oeuvre actuellement au Burundi:


Dans certaines zones, les soldats français ont systématiquement détruit les petits villages, forçant les citoyens à s'installer dans de nouveaux villages ou centres de regroupement. Le but de la politique de regroupement était de couper des populations entières de tout contact avec les nationalistes. Dans certains cas, il faut signaler que les villageois se sont rendus volontairement dans les centres de regroupement après avoir demandé aux autorités françaises de les protéger des exactions des rebelles. Cette protection était souvent accordée à condition que la communauté en question vienne s'implanter plus près d'un camp militaire. Toutefois, la plupart du temps, il était recouru à la force... Une fois qu'un regroupement avait été effectué, toute personne découverte dans le village abandonné était présumée coupable de liens avec les rebelles et risquait d'être abattue sur le champ. (46)


Le gouverneur de Karuzi, le Lt. Col. Gabriel Gunungu, a ordonné la création des premiers camps de regroupement burundais dans sa province en février 1996, étendant ensuite le programme au cours des mois qui ont suivi de façon à y inclure la plupart des communes de la province. Après le coup d'Etat de juillet 1996, le régime Buyoya a étendu le programme aux provinces de Kayanza, Muramvya, Bubanza, Cibitoke, Bururi et Bujumbura-Rural, y créant de nouveaux camps de regroupement entre août 1996 et février 1997. Selon les propres estimations du gouvernement, plus de 300.000 personnes vivaient dans des camps de regroupement en juillet 1997, (47) et bien que de nombreux camps aient été fermés par la suite à Kayanza et Muramvya, le Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies estimait que 570.000 personnes, soit environ dix pour cent de la population du Burundi, vivaient dans des camps, dont plus de 220.000 dans des camps de regroupement. Des informations émanant d'ONG ont fait état que de nouveaux camps de regroupement étaient en phase de création dans les provinces de Bururi et de Makamba à la fin de l'année 97. (48)

Le conflit burundais est un conflit armé interne et est régi par les lois à appliquer en temps de guerre définies dans le Protocole II aux Conventions de Genève de 1949. L'Article 17 du Protocole II interdit les déplacements forcés sauf dans des circonstances strictement limitées: "Le déplacement de la population civile ne pourra pas être ordonné pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas où la sécurité des personnes civiles ou des raisons militaires impératives l'exigent". (49) Les protections garanties par la législation des droits de l'homme restent également d'application; parmi les droits pour lesquels aucune dérogation ni suspension ne peut être autorisée en vertu de l'Article 4 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques figurent: le droit à ne pas être arbitrairement privé de la vie (Article 6); le droit à ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Article 7); le droit à ne pas être tenu en esclavage ni en servitude (Articles 8 (1) et 8(2)); le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique (Article 16); et le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (Article 18).

Le gouvernement burundais et les responsables militaires ont invoqué une série d'arguments pour tenter de justifier le regroupement conformément aux obligations imposées par le Protocole II et autres traités. Certains responsables ont nié l'existence de camps de regroupement distincts des autres camps pour personnes déplacées, affirmant que les personnes s'étaient rendues de leur plein gré dans les camps pour se protéger et que tous les camps avaient été créés uniquement à l'intention des personnes déplacées. Lors d'une interview, le Ministre de l'Intérieur et de la Sûreté Publique, le Col. Epitace Bayaganakandi, a d'abord nié le fait que les militaires avaient forcé les civils hutus à se rendre dans des camps de regroupement, prétendant que les camps avaient été crées à la demande de la population: "Le gouvernement n'a jamais incité la population à se regrouper. C'est la population elle-même qui a demandé aux forces armées de lui accorder une protection." (50) De même, le Ministre des Communications, Pierre-Claver Ndayicariye, a affirmé que s'il y avait eu regroupement, ce n'était pas sur l'ordre du gouvernement mais spontanément car la population cherchait à se protéger des FDD. (51) L'une des personnes interrogées a déclaré, "On parle du regroupement comme s'il s'agissait de quelque chose de nouveau. Mais ce n'est pas nouveau. Cela existe depuis 1993. Lorsqu'il y a une guerre, il faut protéger la population, il faut protéger les femmes et les enfants". (52)

Les témoignages recueillis par Human Rights Watch réfutent clairement l'affirmation selon laquelle la population s'est rassemblée volontairement dans des camps de regroupement. Bien que selon le Rapporteur Spécial de l'ONU pour le Burundi, certains se soient effectivement rendus dans les camps spontanément lorsqu'ils en ont reçu l'ordre, (53) les témoins qui se sont entretenus avec Human Rights Watch ont souligné qu'ils avaient été chassés de chez eux par une campagne de terreur manifeste. Les gens vivant dans les camps ont raconté que les militaires les avaient forcés à se rendre dans les camps contre leur gré, les menaçant de torture (y compris de viol) ou de mort s'ils ne le faisaient pas, et pillant, brûlant et détruisant leurs maisons. Ils ont insisté sur le fait que si les gens restaient dans les camps, c'était uniquement parce qu'ils y étaient contraints et forcés. Un homme interrogé à Karuzi a expliqué que sa famille s'était rendue dans un camp à Bugenyuzi en septembre 1996. "Nous y sommes allés à cause de l'insécurité qui régnait dans les collines. Les autorités sont venues nous encourager à aller dans les camps. Si on résistait, on était tué". (54) Un homme interrogé près du camp de Nyarurama (Kayanza) a affirmé que dans sa région, les forces armées avaient commencé à attaquer la population en décembre 1996 pour la forcer à se rendre dans les camps. "Les soldats nous ont forcés à partir en mettant le feu à nos maisons. ... Ils nous ont poursuivis. Ils ne voulaient pas que nous restions dans nos collines. Ils ont tué beaucoup de personnes. ... Les soldats nous ont encerclés et nous ont amenés dans le camp." (55) A Rutegama (Muramvya), un homme a déclaré, "Les soldats ont créé les camps. Lorsqu'ils avaient l'impression que c'était une zone où les rebelles étaient actifs, les soldats venaient et ordonnaient aux gens de se regrouper dans un endroit donné. Ils tuaient tous ceux qui refusaient." (56) Ces témoignages ont été corroborés par le personnel local et étranger des organisations religieuses, médicales et humanitaires.

Certains responsables militaires et politiques ont admis que les forces armées avaient forcé les civils à se rendre dans des camps de regroupement contre leur gré, tout en affirmant que le regroupement avait été instauré "pour la sécurité des civils", comme l'autorise le Protocole II aux Conventions de Genève. Selon ces responsables, les camps ont été créés pour protéger la population, soit des exactions des FDD, soit du danger d'être pris par erreur pour des soldats FDD et d'être pris pour cible accidentellement par les troupes gouvernementales. Le Président Buyoya en personne a fait ce genre d'affirmation lors d'une interview accordée récemment au New York Times, assurant que, "Nous sommes obligés de regrouper la population pour la protéger. ... Nous devons mettre les gens là où ils peuvent vivre ensemble en toute sécurité." (57) Le conseiller principal du gouverneur de Kayanza nous a déclaré que les gens "ont été regroupés en septembre et octobre pour être protégés. C'était pour pouvoir séparer les innocents de ceux qui sont contre l'ordre public". (58) Un soldat qui était de garde dans l'un des camps de Kayanza a dit, "Avant le camp, il était difficile de faire la différence entre les civils et les rebelles. Les rebelles déposaient simplement les armes. Ils ressemblaient alors à n'importe quel autre civil et nous, nous arrivions et nous étions dans l'embarras." (59) Selon le Commandant Gabriel Bunyundo, l'assistant du gouverneur de Karuzi,


Les assaillants opéraient parmi la population.... Les assaillants réclamaient des vivres, de l'argent, de la viande. En fait, la population était prise en otage. ... A un certain moment, beaucoup d'innocents ont été tués. Lorsque les assaillants s'enfuyaient, ils étaient suivis par une partie de la population. Et quand les soldats attaquaient, beaucoup de ces personnes étaient tuées. A un moment donné, nous avons dit que ceux qui s'estimaient innocents devaient se rassembler là, là et là, où il y avait des postes militaires. Après cela, nous avons poursuivi ceux qui avaient des armes et qui refusaient de désarmer. (60)


Le recours fréquent à la violence pour forcer la population à se rendre dans les camps et le nombre considérable de personnes délibérément tuées et blessées par les militaires dans les camps prouvent que "la sécurité des civils" n'était pas la première préoccupation des autorités. Un nombre considérable de citoyens non armés ont été tués au cours du processus de regroupement. Dans chacune des provinces, après avoir ordonné à la population locale de se regrouper, les forces armées burundaises ont procédé à des opérations de nettoyage au cours desquelles elles ont tué au fusil, à la baïonnette ou à l'arme blanche des hommes, des femmes et des enfants non armés qui se trouvaient hors des camps. Une fois que les civils hutus ont été rassemblés dans les camps, les soldats ont arrêté et exécuté sommairement les personnes qu'ils soupçonnaient d'avoir des liens avec le CNDD. Un membre d'un organisme médical qui travaillait dans une zone où des camps de regroupement étaient en phase de création a fait remarquer que parmi les centaines de personnes qu'il avait soignées pour des blessures par balle ou autres pendant la création des camps, beaucoup ne venaient pas de la campagne mais de l'intérieur même des camps où les soldats continuaient à terroriser la population et à rechercher des personnes soupçonnées de soutenir les FDD. (61)

Un troisième type d'argument admet que le regroupement était une stratégie militaire mais tente de justifier le regroupement en faisant valoir qu'il s'imposait "pour des raisons militaires impératives" comme l'autorise le Protocole II. (62) Le porte-parole de l'armée, le Colonel Isaie Nibizi, a reconnu que le regroupement avait été entrepris pour des besoins stratégiques. "Le regroupement est une stratégie militaire décidée au niveau national. ... C'est seulement un problème de sécurité." (63) Après la tentative de coup d'Etat de 1993, le CNDD semble avoir fait des brèches considérables dans les campagnes. Les FDD ont reçu le soutien logistique des civils et les partisans du CNDD ont organisé des structures politiques parallèles, particulièrement dans la zone située entre la Forêt Nationale de la Kibira et le Parc National de Ruvubu et comprenant les provinces de Karuzi, Muramvya, Ngozi, Gitega, Kayanza et Bubanza, zone qui constituait un couloir important pour les mouvements de troupes FDD. (64) Le regroupement a été conçu pour isoler les FDD, limiter la possibilité des Hutus vivant en milieu rural d'apporter un soutien aux FDD et aux autres groupes rebelles hutus, et pour soumettre la population rurale hutue à la surveillance et au contrôle des militaires.

Les experts juridiques internationaux donnent pourtant aux "raisons militaires impératives" prévues par le Protocole II un sens qui se limite à l'évacuation des civils d'un lieu probable de combat direct. Ce terme n'autorise pas la détention illimitée de civils dans des zones où l'ennemi bénéficie d'un soutien de la population, comme c'est le cas de la politique de regroupement au Burundi. Les besoins militaires peuvent nécessiter l'évacuation des civils d'un lieu qui pourrait devenir un champ de bataille mais ils ne peuvent être invoqués comme excuse pour en tirer des avantages sur le plan militaire en dépeuplant des villages entiers et en gardant la population en otage contre son gré et dans des conditions sordides. Le Comité International de la Croix Rouge (CICR) adopte une position analogue dans ses commentaires sur les Protocoles de Genève qui font autorité en la matière:


De toute évidence, les raisons militaires impératives ne peuvent être justifiées par des motifs politiques. Par exemple, il serait interdit de déplacer une population afin d'exercer un contrôle plus efficace sur un groupe ethnique dissident. (65)


Le processus de regroupement bafoue de façon flagrante les droits de l'homme élémentaires de la population civile, notamment le droit de tout individu à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne stipulé à l'Article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Les nombreuses exécutions auxquelles les militaires ont procédé dans les camps ont été autant de violations du droit de la guerre et de la législation des droits de l'homme.

L'armée burundaise a créé des camps de regroupement dans des zones où elle croyait que les civils hutus soutenaient les FDD mais elle n'a suivi aucun processus de sélection pour déterminer qui devait être détenu dans les camps: l'ethnicité a été le seul facteur déterminant. Les militaires ont considéré que tous les Hutus se trouvant dans les zones où opéraient les FDD étaient des rebelles ou des sympathisants des rebelles et ils les ont condamnés à vivre dans les camps. Beaucoup de résidents des camps de regroupement ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils se considéraient "prisonniers" ou "otages" et il est vrai que les habitants des camps ne sont pas libres de rentrer chez eux ni de voyager librement. Les camps de regroupement constituent donc essentiellement une punition collective à l'encontre de la population hutue. L'Article 4 (2) du Protocole II stipule clairement et sans équivoque que les punitions collectives "sont et demeurent prohibées en tout temps et en tout lieu". (66)


Atteintes aux Droits de l'Homme Pendant la Création des Camps de Regroupement


L'Usage Généralisé de la Terreur et la Prise pour Cible de la Population Civile

Le Burundi viole de façon flagrante les règles de la guerre et les obligations qui lui incombent en vertu de la législation relative aux droits de l'homme en employant ses forces armées pour tuer des civils non armés, violer des femmes et des fillettes, piller et détruire les habitations et déplacer par la force des hommes, des femmes et des enfants non combattants. L'Article 4 du Protocole II aux Conventions de Genève stipule que "Toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités ... ont droit au respect de leur personne". L'Article 4 proscrit "les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes" et interdit en particulier le pillage et le viol. (67) Aux termes de l'Article 13(2) du Protocole II,


Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violences dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile. (68)


En dépit de ces interdictions formelles de prendre les civils pour cible dans les conflits armés internes, l'armée burundaise mène une guerre active contre sa propre population civile d'origine hutue en orchestrant une campagne de terreur.

Les témoins interrogés dans le cadre du présent rapport ont précisé que lors du regroupement, les forces armées burundaises avaient attaqué les civils sans tenir compte de leur statut de civils ou de combattants. Selon des témoins et des membres d'organisations religieuses et médicales qui travaillaient dans les zones de regroupement, dans presque tous les cas, les victimes n'étaient pas armées et n'avaient pas participé directement aux hostilités. Parmi elles figuraient un grand nombre de femmes, d'enfants et de vieillards dont le statut de non combattant était assez visible. Les soldats ont tué leurs victimes chez elles ou dans les forêts et les marais où elles avaient cherché refuge pour échapper aux attaques. Un témoin de la commune de Bugenyuzi (Karuzi) raconte, "Lorsque les soldats sont arrivés, ils ont tué tous ceux qu'ils ont vus." (69) Les viols, pillages et destructions d'habitations qui ont accompagné ces campagnes constituent également d'énormes violations de la législation internationale en matière de droits de l'homme et du droit international humanitaire.

Le processus suivi pour forcer la population civile à s'installer dans les camps de regroupement pendant leur création s'est accompagné d'actes de violence d'une grande ampleur dans toutes les provinces où les militaires ont créé les camps. (70) Dans chacune des provinces où les FDD opèrent sur une large échelle, les responsables militaires et politiques ont d'abord ordonné à la population de se rassembler dans des lieux donnés, généralement des postes militaires. Toute personne refusant d'obtempérer dans un délai déterminé, généralement deux jours, était considérée comme un agent du CNDD et donc logiquement traitée comme une cible militaire. Profondément consciente du fait que dans le passé, l'armée avait été impliquée dans des massacres et dans une situation d'oppression, dans bon nombre de zones, la majorité de la population a refusé de se regrouper aux postes militaires qui lui avaient été indiqués. Un homme qui s'était opposé à la création des camps de regroupements dans la zone où il vivait à Bururi a expliqué que, "Si nous faisons cela [aller dans les camps de regroupement], nous devenons des otages". (71) Par exemple, d'après une de nos sources à Rutegama (Muramvya), seules 7.000 personnes sur 17.000 se sont présentées à l'un des camps indiqués, seules 200 personnes sur 15.000 à un deuxième camp et seules quarante personnes sur 10.000 à un troisième. (72) Etant donné que le gouvernement burundais a créé des camps de regroupement au moment même où l'on fermait les camps de réfugiés pour Hutus rwandais et burundais dans l'Est du Zaïre et en Tanzanie, la population visée n'a pu chercher refuge hors du pays et a alors tenté de se cacher dans les champs, les marais ou les forêts. Certains sont restés chez eux, dans l'espoir que les militaires les laisseraient tranquilles.

Une fois écoulé le délai imparti pour se regrouper dans les camps, l'armée a mené des opérations de nettoyage au cours desquelles elle a systématiquement ratissé les collines, pillant, brûlant et détruisant les maisons, et capturant ou tuant toute personne rencontrée en chemin. Comme The Economist l'a écrit en décembre 1996, dans les zones où des camps ont été créés, "Les terres désertées sont devenues des zones de tir libre pour l'armée. Le porte-parole de l'armée l'a lui-même reconnu la semaine dernière, disant que quiconque ne s'installait pas dans les nouveaux camps serait traité comme un rebelle". (73)


Exécutions Sommaires de Civils

Le nombre exact de civils tués par les forces armées pendant la création des camps est difficile à estimer. Vu qu'un certain nombre de résidents des camps interrogés avaient d'abord refusé d'être regroupés et ne se sont installés dans les camps que parce qu'ils ont été capturés par les soldats et escortés jusque dans les camps sous la menace de leurs armes, il est clair que les soldats n'ont pas tué tous ceux qu'ils ont trouvés chez eux ou dans les forêts, les champs et les marais où ils avaient fui plutôt que de se rendre dans les camps. Néanmoins, les témoins affirment que les soldats ont tué au fusil ou à la baïonnette des centaines, voire des milliers de civils non armés qui s'opposaient au regroupement. Comme il a été mentionné plus haut, les soldats ont aussi arrêté et exécuté sommairement de nombreux civils qui se trouvaient dans les camps, les accusant de travailler pour les FDD.

Human Rights Watch a visité des camps de regroupement dans les provinces de Karuzi, Kayanza, Muramvya, Bubanza et Bururi. Dans chacune de ces provinces, des témoins ont affirmé que les forces armées s'étaient rendues responsables de nombreuses exécutions sommaires et de destruction d'habitations pendant la création des camps. Dans les provinces nord de Karuzi, Kayanza, Bubanza et Muramvya, presque chaque personne interrogée dans les camps et à proximité des camps a déclaré qu'elle avait perdu des membres de sa proche famille pendant la période de création des camps.

Par exemple, dans le camp de regroupement de Bihemba (Karuzi), une femme d'âge moyen nous a dit, "Lorsque les soldats sont arrivés, j'ai couru mais ils ont tiré sur nous". Lorsqu'on lui a demandé si des membres de sa famille avaient été tués pendant la création des camps de regroupement, elle a répondu que les soldats avaient tué son fils marié en août 1996 à Muyogoro, et un autre fils non marié en septembre à Bugenyuzi. (74) Un homme qui vivait dans le voisinage a déclaré qu'il avait perdu son frère, âgé de vingt-deux ans, en août 1996, ainsi que le fils de son frère âgé d'un an et demi. En décembre, son beau-frère de vingt-neuf ans a été emprisonné pendant deux semaines avant d'être tué. Selon le témoin, "A ce moment-là, ils prenaient n'importe qui et le mettaient en prison". (75) Un autre homme a affirmé que les militaires avaient tué douze personnes de sa famille, dont un fils, un frère et ses trois enfants, deux belles-soeurs, un cousin et d'autres. (76)

Partout où nous avons mené nos interviews, les réponses étaient similaires. A Mushikamo dans la commune de Rutegama (Muramvya), un témoin a expliqué que, "Les soldats ont pris position et ont rassemblé la population. Ils ont incendié les maisons et volé le bétail. Ils ont tué beaucoup de gens". (77) Un autre témoin a ajouté, "Les soldats sont arrivés et ont dit aux gens de venir, et les gens sont venus. Ceux qui ne l'ont pas fait ont été tués". (78) Un homme interrogé près du camp de Bugenyuzi (Karuzi) a signalé que les soldats avaient tué deux de ses neveux âgés de seize et quinze ans, et son fils de trois ans. Depuis son installation dans le camp, il a perdu un deuxième enfant mort de maladie. (79) Un homme interrogé près du camp de regroupement de Buraniro à Buteganzwa (Kayanza) a perdu sa belle-mère âgée de soixante-cinq ans et les trois enfants de sa soeur. (80)

A diverses occasions lorsque Human Rights Watch interrogeait des témoins à Karuzi, Bubanza et Muramvya, une foule de quelques personnes s'est rassemblée et les gens ont fait la file pour signaler que des membres de leurs familles avaient été tués, soit à l'endroit où ils se cachaient en dehors des camps, soit après s'être installés dans les camps--des enfants, des frères et des soeurs, des parents et des grands-parents, des oncles et des tantes, des cousins, des conjoints. Un homme du secteur de Mpira à Rutegama (Muramvya) a dit que les militaires avaient tué son père, Butahanze, âgé de soixante ans, en 1993, puis ils avaient tué sa mère, Banhua, âgée de quarante-cinq ans, en juin 1996. Lorsqu'on lui a demandé de citer le nom des proches qui avaient été tués depuis le début du regroupement, il a répondu, "Par où vais-je commencer? Il y en a tellement. Trop pour les compter. Elles [les forces armées] ont attaqué toute la colline". (81)

Aucun effort organisé n'a été entrepris pour déterminer combien de personnes étaient mortes au total pendant la création des camps de regroupement. Des sources à Bururi ont communiqué qu'en novembre 1996, des soldats avaient tué cinquante civils qui s'opposaient au regroupement à Mudende, dans la commune de Buyengero. (82) Un groupe se faisant appeler les "Chrétiens de Ntara, Kayanza" a dressé une liste avec le nom, l'âge et le lieu d'inhumation de quatre-vingt-quatre personnes tuées par les militaires entre le 2 décembre 1996 et le 15 février 1997 dans la zone de Ninga, dans la commune de Butaganzwa (Kayanza). (83) L'Agence France Presse a signalé à la mi-janvier qu'un représentant du diocèse catholique de Ngozi et un porte-parole du CNDD avaient affirmé que les militaires avaient tué plus de 3.000 personnes à Kayanza en décembre et janvier. (84) Un autre document anonyme cite le nom de 122 personnes tuées par les soldats en janvier et février 1997 sur les collines Nyarunazi, Nyakararo et Nyarukere dans la commune de Rutegama (Muramvya). (85) Un groupe connu sous le nom de "SOS Génocide" affirme que 538 personnes ont été tuées au cours de sept attaques séparées à Rutegama entre novembre 1996 et février 1997. (86) Des sources au sein de l'Eglise prétendent que les troupes gouvernementales ont tué 400 civils, rien que pendant la première semaine de janvier. (87) Le principal parti d'opposition, le Frodebu, estime "qu'au cours des huit mois qui se sont écoulés depuis l'usurpation du pouvoir par Buyoya et l'armée, plus de cinquante mille personnes sont mortes, tuées par les militaires, avec pour seule justification la poursuite des rebelles". (88)


Le viol

Outre le fait d'avoir tué des centaines de civils non armés, les forces armées burundaises se sont rendues responsables de viol sur un grand nombre de femmes et de fillettes pendant la création des camps de regroupement. Tous les informateurs à Muramvya, Karuzi, Kayanza et Bururi ont signalé des cas de viols commis par les soldats. Dans plusieurs provinces, les membres d'organisations médicales ont signalé qu'ils avaient soigné de nombreuses femmes et fillettes qui avaient été violées. Une infirmière a déclaré que le viol avait été un grave problème pendant les mois au cours desquels les forces armées avaient attaqué la population pour l'obliger à s'installer dans les camps. Lorsqu'on lui a demandé de citer le nombre approximatif de femmes et de fillettes violées pendant cette période, elle a secoué la tête en disant, "Beaucoup. Enormément. Trop pour pouvoir les compter". (89) Un témoin de Rutegama (Muramvya) a raconté qu'à partir d'octobre 1996, "Les soldats sont venus tuer les gens. Ils ont violé les femmes et puis les ont abattues. Ils ont mis le feu aux maisons, les ont détruites et ils ont volé tous les biens se trouvant à l'intérieur ainsi que le bétail". (90)

La pratique du viol en tant que tactique de guerre est une violation particulièrement grave du droit international humanitaire. (91) Dans le contexte d'un conflit armé, le viol systématique est une forme particulièrement aggravante de torture et une violation des normes les plus élémentaires de traitement humanitaire. Sur base d'informations documentées, Human Rights Watch a pu établir l'existence d'une pratique généralisée du viol, tant durant la campagne militaire visant à forcer la population à s'installer dans les camps que plus tard lorsque les personnes y résidaient déjà. Nous ne disposons d'aucune preuve indiquant que les troupes avaient été formées à violer, en dépit du fait que la pratique du viol par le personnel militaire était très répandue et notoire, ce qui laisse fortement à penser que les militaires ont fermé les yeux sur cette pratique ou qu'ils l'ont encouragée. La brutalité de la campagne militaire, comme l'atteste le recours fréquent au viol, à la torture et à l'exécution sommaire, met d'autant plus en lumière le fait que l'armée se préoccupait peu de la sécurité de la population civile lors de la mise en oeuvre de la politique des camps, même si officiellement on déclarait le contraire.


Destruction des Habitations

Durant le regroupement, les soldats ont également détruit des milliers de maisons et autres bâtiments, pillant les biens qui se trouvaient à l'intérieur. Dans certains cas, comme dans les communes de Burambi et Bugenyuzi (Bururi), les soldats ont forcé les gens à brûler leurs propres maisons avant de les conduire dans les camps. (92) De toute évidence, les militaires ont entrepris la destruction des maisons pour empêcher de rentrer chez eux les civils qui avaient reçu l'ordre de se regrouper et également pour éliminer toute cachette possible pour les combattants FDD.

Le nombre de bâtiments détruits dont les ruines sont visibles lorsque l'on circule dans les provinces de Bubanza, Kayanza, Karuzi, Muramvya et Bururi est surprenant. Dans bon nombre de zones rurales, pas un seul bâtiment n'est encore debout. Les maisons n'ont pas seulement été incendiées, leurs murs ont été démolis de façon à ce qu'il ne reste rien si ce n'est des tas de gravats. Comme l'a dit ironiquement l'une de nos sources, "Nous, les Burundais, nous sommes des spécialistes en démolition de bâtiments". (93) Un homme du secteur de Mpira à Rutegama (Muramvya) a affirmé qu'il avait eu sa maison brûlée trois fois -- une première fois en 1993, ensuite en juin 1996 et enfin lorsque les camps ont été créés à Muramvya à la fin 96. (94) De nombreux témoins affirment qu'avant de brûler les maisons, les soldats ont pillé toutes les choses de valeur qu'ils pouvaient emporter. Ils ont brûlé le reste, comme les vêtements et les meubles. Des témoins nous ont dit à plusieurs reprises, "Nous n'avons plus que les vêtements que vous voyez. Tout le reste a été pillé."

Les tactiques employées par l'armée burundaise pour gagner du terrain sur le plan militaire face à l'insurrection rebelle prennent directement pour cible la population civile à large majorité hutue. Dévaster une campagne entière n'est pas une tactique de guerre légitime et a causé des souffrances indescriptibles à des centaines de milliers de civils.


Droits de l'Homme et Conditions dans les Camps de Regroupement


Conditions de Salubrité et d'Hygiène dans les Camps de Regroupement

En créant les camps, le gouvernement burundais a fait abstraction des obligations qui lui incombent d'effectuer les préparations adéquates pour recevoir les personnes déplacées de force, comme le stipulent les cas exceptionnels prévus par l'Article 17 du Protocole II aux Conventions de Genève. "Si un tel déplacement doit être effectué, toutes les mesures possibles seront prises pour que la population civile soit accueillie dans des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'alimentation." Il ressort clairement que le gouvernement et les forces armées du Burundi n'ont pas pris "toutes les mesures possibles" pour accueillir la population soumise au déplacement forcé. Dans la plupart des cas, le gouvernement n'a absolument rien préparé au niveau du logement, de l'hygiène, de la salubrité et de l'alimentation dans les camps où il a ordonné à la population de se regrouper. Rien n'a été prévu par le gouvernement ou l'armée en ce qui concerne l'approvisionnement des camps en eau et en vivres. En raison du peu de temps imparti pour se rendre dans les camps et des restrictions ultérieures imposées à la libre circulation, les civils ont dû constuire des logements de fortune à partir des matériaux de construction qu'ils ont pu trouver près des camps. Rien n'avait été prévu au niveau des égouts, des latrines et autres aménagements nécessaires pour assurer de bonnes conditions d'hygiène. Les militaires n'ont en général accordé que deux jours à la population pour se regrouper, parfois même seulement deux heures, ce qui est tout à fait insuffisant pour arriver à se préparer.

Les conditions dans les camps de regroupement n'ont cessé de se détériorer depuis leur création. Les camps sont surpeuplés, les résidents à l'étroit, les logements précaires et les infrastuctures pour l'élimination des eaux usées et des déchets sont largement insuffisantes. Les vivres se font également rares, en partie à cause de l'interruption de la production des denrées alimentaires découlant du regroupement. Résultat, les maladies et la malnutrition sévissent. Par ailleurs, bien que les forces armées aient un moment interrompu les massacres de grande ampleur, elles ont continué à recourir à la violence sur une plus petite échelle, se livrant au viol, à la torture et aux exécutions extrajudiciaires. Les forces armées pillent régulièrement les civils dans les camps, et dans bien des endroits, ils ont institué le travail forcé.

En raison du surpeuplement et des installations sanitaires insuffisantes, les maladies sévissent dans les camps. Le nombre de personnes qu'abritent les camps peut aller de quelques milliers à plus de 22.000, comme c'est le cas au camp de Bugenyuzi dans la province de Karuzi. (95) La situation des camps a été déterminée en fonction des facteurs de sécurité--ils sont généralement situés près de postes militaires existants--sans qu'il soit tenu compte des ressources disponibles en eau fraîche ou d'autres conditions relatives à la salubrité et à l'hygiène. L'armée et le gouvernement ont consenti peu d'efforts pour assurer les infrastructures nécessaires dans les camps depuis leur création, même si l'Article 17(2) du Protocole II exige qu'ils le fassent. En conséquence, des épidémies de typhus, de choléra, de rougeole et autres maladies ont éclaté dans un certain nombre de camps, et la malaria, les maladies respiratoires, la gale et autres conditions liées au surpeuplement et au manque d'hygiène ont atteint un niveau bien plus élevé que la normale. L'Organisation Mondiale de la Santé a signalé une grave épidémie de typhus dans les camps de Kayanza, Karuzi et Muramvya en mars 1997, avec de 500 à 1.000 nouveaux cas enregistrés chaque jour. (96)

Les problèmes de santé ont été exacerbés par la malnutrition qui est devenue chronique dans certains camps. Dans de nombreuses zones, les forces armées permettent maintenant aux paysans de quitter les camps pour travailler sur leurs champs pendant la journée, à condition qu'ils rentrent au camp à une heure déterminée, généralement 17 ou 18 heures. Cependant, ceux qui vivent loin des camps ne sont pas autorisés à partir, de crainte qu'ils ne reviennent pas, (97) et les personnes provenant de zones où règne l'insécurité, telles que Bubanza, Cibitoke et certaines parties de Bururi, sont également confinées dans les camps. Même là où les paysans peuvent maintenant cultiver, la production de produits alimentaires avait été interrompue pendant quelques mois et continue à être perturbée. Un membre d'une organisation humanitaire a déclaré à Human Rights Watch que lors d'une visite récente dans un camp de Karuzi, il avait vu un homme transportant un régime de bananes non mûres, "cueillies des semaines avant la récolte normale". Lorsqu'on lui a demandé pourquoi l'homme avait récolté les bananes si tôt, il a répondu que s'il ne l'avait pas fait, elles auraient été volées dans ses champs. Etant donné que lui et d'autres résidents du camp ne vivaient pas chez eux, ils ne pouvaient pas protéger leurs récoltes contre le vol. (98)

Suite à ces perturbations, l'approvisionnement en vivres dans les camps est extrêmement limité et la malnutrition est endémique. Un rapport publié en juillet par l'Organisation Mondiale de la Santé et l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture conclut que la sécurité alimentaire n'a cessé de se détériorer depuis 1993 et confirme que la malnutrition est très répandue, tant chez les enfants que chez les adultes. (99) Les cas les plus graves de malnutrition ont été constatés à Bubanza et Cibitoke, où les combats en cours continuent d'empêcher les paysans de cultiver leurs champs, et à Karuzi, où les camps de regroupement existent depuis plus d'un an. Nous y avons vu de nombreux signes de grave malnutrition à la fois chez les enfants et les adultes--jambes et ventres gonflés, cheveux défrisés et décolorés en blanc. Certaines personnes souffrant de malnutrition étaient si faibles qu'elles avaient besoin d'être soutenues pour marcher, tandis que d'autres n'arrivaient même plus à marcher du tout. (100) Comme l'a déclaré un travailleur sanitaire, "La malnutrition infantile n'est pas rare mais quand vous vous trouvez face à la malnutrition adulte, vous savez que la situation est grave". (101)

La malnutrition et la maladie combinées conduisent à un taux de mortalité élevé dans les camps. Le personnel des organisations médicales signale que le nombre de patients est beaucoup plus élevé que la normale malgré les difficultés d'accès aux centres médicaux dues aux restrictions imposées à la libre circulation. Il signale également un taux de mortalité anormalement élevé. Beaucoup de résidents des camps ont déclaré que depuis leur installation dans les camps, ils avaient perdu des membres de leurs familles décédés de maladie ou de faim -- des enfants mais aussi beaucoup d'adultes. Selon un membre d'une organisation religieuse qui connaît bien les camps de regroupement, "Il est plus juste de dire qu'il s'agit de camps d'extermination. Il ne manque que la chambre à gaz. Vous pouvez voir les membres de votre famille mourir lentement, un par an, de tuberculose, de malaria, de dysenterie ou de faim". (102) Le principal parti d'opposition, le Frodebu, qualifie les camps de regroupement de "camps de concentration". (103)

Le gouvernement a cherché à rejeter la responsabilité des conditions désastreuses régnant dans les camps de regroupement sur la communauté internationale. A la fin 96, le régime Buyoya a fait savoir à la communauté internationale qu'il avait besoin d'aide pour établir les camps de regroupement -- matériaux de construction, installations d'eau et sanitaires, et vivres. Les gouvernements étrangers et les organisations internationales non gouvernementales ont refusé de fournir une aide, déclarant (en partie sur base de ce qui avait été observé dans les camps existant à Karuzi) que le regroupement forcé constituait une violation du droit humanitaire, que la création des camps était une stratégie militaire et que ce n'était pas à la communauté internationale de soutenir cette stratégie. Le gouvernement a alors restreint l'accès aux zones où il envisageait d'établir des camps et quelques mois plus tard, lorsque les camps étaient en place, il a refait appel à l'aide internationale, appel à nouveau rejeté. (104)

La question de l'aide aux camps de regroupement a posé un dilemne sur le plan éthique aux gouvernements étrangers, aux organismes multilatéraux et aux ONG. Les problèmes humanitaires se posant dans les camps sont graves mais les gouvernements et les organisations humanitaires ne veulent pas intervenir dans les camps si leur intervention contribue à la mise en oeuvre de la politique de regroupement qu'ils considèrent comme étant une stratégie militaire. Martin Griffiths, Coordinateur Humanitaire Régional des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs, a expliqué en mars 1997 que les agences humanitaires, "sont confrontées au dilemne de répondre aux besoins des résidents des camps sans encourager ou soutenir la politique militaire". (105) Les camps de regroupement ont été établis dans le but même de concentrer, contrôler et éliminer une population civile sur le seul critère de l'ethnicité: ce programme de regroupement forcé constitue une violation des règles de la guerre.


Exécutions Sommaires, Tortures, Viols et autres Exactions Commises dans les Camps de Regroupement

Outre le fait qu'elles ont provoqué une catastrophe humanitaire en forçant la population hutue à s'installer dans les camps, les forces armées qui surveillent les camps continuent à se livrer à de nombreux massacres, viols, tortures et vols. Dans les zones de Kayanza, Karuzi et Muramvya où il existe des camps de regroupement, les forces armées ne se livrent plus à des attaques aveugles contre la population civile comme elles l'avaient fait au moment où elles ont forcé les gens à sortir de leurs cachettes et à se rendre dans les camps, car toute la population vit maintenant dans les camps et les militaires contrôlent complètement les campagnes. Néanmoins, elles continuent à recourir à la violence dans les camps de façon sélective. Elles se livrent à des tortures, des exécutions extrajudiciaires et à des "disparitions", visant généralement les personnes qui mettent en question leur autorité ou causent d'autres problèmes et dont la punition peut servir d'exemple aux autres résidents des camps. Un certain nombre de Hutus ont souligné les similitudes existant entre la violence actuelle dans les camps et le "génocide sélectif" de 1972. Comme l'a fait remarquer un dirigeant hutu:


Dans les camps de regroupement, ils tuent d'abord les plus intelligents-- enseignants, catéchistes, petits commerçants, ceux qui peuvent faire des commentaires. C'est la même chose qu'en 1972. Dans ces régions, on ne va plus à l'école. (106)


Selon le gouverneur de Kayanza, le gouvernement a utilisé les camps de regroupement pour dissuader la population de soutenir les FDD et pour la convaincre de collaborer avec le gouvernement. Selon le gouverneur, la population a été "intoxiquée" par la propagande des FDD. Dans les camps, "il y a eu une rééducation de ceux qui travaillaient avec les bandes armées, une désintoxication de la population. ... Il faut qu'ils se remettent sur le droit chemin. Quatre-vingt-quinze pour cent sont déjà sur le droit chemin. La population et les forces de l'ordre travaillent ensemble". (107) Le commandant du camp de Nyarurama s'est fait l'écho de ce sentiment. "La population doit être resensibilisée, rééduquée, parce qu'elle a été entraînée sur une mauvaise pente. Ce que nous faisons ici, c'est rééduquer la population." (108)

Les enquêtes de Human Rights Watch indiquent toutefois que la principale leçon que les forces armées ont inculqué aux résidents des camps est la peur. Les résidents des camps de Nyarurama et de Buraniro ont rapporté à Human Rights Watch que les soldats arrêtaient et torturaient souvent des gens. Une vieille femme interrogée près du camp de Nyarurama a décrit comment chaque jour, des femmes et des hommes sont emmenés au poste militaire et y sont torturés. Elle a expliqué qu'on les couchait sur le ventre et qu'on les frappait avec un bâton sur le dos, sur les reins et sur les fesses. Les gens sont battus s'ils rentrent en retard de leurs champs, s'ils violent le règlement du camp, ou simplement s'ils agacent les gardes du camp. "Si vous dites quelque chose qui ne leur plaît pas, si vous riez, ils vous arrêtent", a raconté une femme. La femme a ajouté que l'un de ses fils avait récemment été emmené par les gardes et qu'il avait été battu. (109) D'autres témoins ont corroboré ses affirmations sur le caractère généralisé des brutalités auxquelles se livrent les forces armées. Selon les témoins, les personnes sont parfois frappées si violemment que cela entraîne une incapacité permanente ou le décès de la personne. Le processus de "rééducation" dans les camps de Kayanza consiste apparemment à insuffler la peur au sein de la population et à enseigner l'obéissance par la violence.

Le passage à tabac et la torture sont pratiqués également dans les camps d'autres provinces. Dans les camps de Bihemba et Bugenyuzi, des témoins ont rapporté que les soldats battaient régulièrement les gens dans les camps. Selon un témoin interrogé à Butenyuzi, "Les soldats viennent chaque nuit, ils battent des gens et réclament de la bière et des filles". (110) A Muramvya, des témoins ont déclaré que tous les hommes sont obligés de participer à des patrouilles de nuit. Ceux qui ne participent pas reçoivent des amendes et sont battus. (111)

Outre les coups et les tortures, des témoins ont fait état d'exécutions sommaires fréquentes, de "disparitions" et de détentions arbitraires dans les camps. A Rumonge (Bururi), un témoin a déclaré que "Si les soldats rencontrent quelqu'un qu'ils ne connaissent pas, ils le tuent immédiatement". (112) La vieille femme de Nyarurama dont le témoignage sur la torture est cité plus haut a signalé qu'un autre de ses fils, un homme de trente-cinq ans, marié et père de deux enfants, avait "disparu" en janvier 1997 et était présumé mort. Elle en a parlé aux autorités qui lui ont prétendu qu'il devait s'être enfui pour rejoindre les rebelles, "Mais je sais qu'il ne s'enfuirait pas et qu'il n'abandonnerait pas sa femme et ses deux petits enfants". (113) Un homme du camp de Nyarurama (Kayanza) a rapporté que le nombre d'exécutions et de "disparitions" au camp avait diminué depuis mars, "Mais ils battent encore les gens. Ils m'ont même emprisonné pendant une semaine, justement la semaine dernière. Des arbres avaient été coupés et quelqu'un m'a accusé. J'ai été arrêté et battu violemment le premier jour [de ma détention]". (114) A Nyarurama, une grand-mère de cinquante-huit ans a déclaré à un reporter du Guardian, "Ils nous ont fait venir ici. ... Ils nous disent que c'est pour notre bien mais ils ne nous traitent pas bien. Ils nous battent et ils tuent des gens". (115) A Bihemba et Bugenyuzi (Karuzi), des témoins ont également signalé que les soldats tuent les gens moins fréquemment qu'en 1996 et qu'au début 97 lorsqu'ils mettaient en place les camps et massacraient les chefs des communautés et les personnes soupçonnées d'appartenir aux FDD, mais ils continuent à arrêter arbitrairement les gens et parfois, les personnes emprisonnées "disparaissent". Au camp de Bihemba, un jeune homme a rapporté que des groupes de Tutsis appartenant à l'un des trois camps de Karuzi pour personnes déplacées viennent périodiquement dans les camps, accompagnés de quelques soldats. Ils emmènent les gens qu'ils soupçonnent d'avoir participé à des attaques contre des Tutsis de la région après la mort de Ndadaye en 1993. Ceux qui sont emmenés, le plus souvent des hommes jeunes, ne réapparaissent plus jamais et, d'après les témoins, ils sont tués. Selon les témoins, "Chaque semaine, ils viennent et emmènent des gens". (116)

Un témoin du camp de Buraniro (Kayanza) a dit que "les disparitions" et les exécutions sommaires se poursuivaient au camp. Il a donné l'exemple de Léonce Nibarutu, un Hutu qui était originaire de Buteganzwa où son frère était conseiller de la Zone de Nyabibuye. Nibarutu vivait à Bujumbura mais au début juin, il était revenu à Buteganzwa pour rendre visite à sa famille. Selon le témoin, Nibarutu "avait tous ses papiers [d'identité et de voyage] mais il a croisé sur son chemin quelqu'un qui ne l'aimait pas. Cet homme a contacté les soldats. Ceux-ci l'ont emmené au camp militaire où il a été battu toute la nuit. Le lendemain matin, il était mort". (117) Le témoin, qui était un ami de la victime, était parmi ceux qui ont enterré le corps et ont constaté qu'il était décédé des suites de tortures.

Les résidents des camps et autres informateurs ont signalé que le viol était un problème encore bien réel dans les camps de regroupement. Bien que certains témoins des camps se soient montrés peu disposés à discuter du thème de la violence sexuelle en raison des sérieux tabous sociaux qui incriminent les victimes de viol, (118) d'autres témoins ont signalé que les soldats violaient régulièrement des femmes et des fillettes. Dans plusieurs provinces, les membres d'organisations médicales ont signalé qu'ils rencontraient souvent des cas de viol. Selon leurs déclarations, bien que le viol était plus répandu lors de la création des camps, les soldats continuent à violer des femmes et des fillettes presque chaque jour. Les forces armées semblent utiliser la violence sexuelle contre les femmes comme moyen de soumettre la population, humiliant à la fois les femmes et leurs familles et contribuant à créer un climat de peur généralisée. Par ailleurs, selon certaines déclarations, les soldats semblent considérer que les femmes font partie du butin auquel ils ont droit suite à leur victoire sur la population. (119)


Le Travail Forcé dans les Camps de Regroupement

Le travail forcé dans les camps est une pratique très répandue. Dans les camps de regroupement de Karuzi, des témoins ont signalé que les soldats les obligent à transporter de l'eau, à leur fournir des vivres et à faire du charbon de bois pour eux, processus qui exige une main d'oeuvre abondante. S'ils ne fournissent pas ces services, ils sont battus ou arrêtés. Les gens se sont plaints du fait que bien qu'ils souffrent eux-mêmes de la faim, le peu qu'ils arrivent à récolter dans leurs champs leur est pris par les soldats. (120) Selon Léonce Ngendakumana, président de l'Assemblée Nationale et Hutu membre du Frodebu, "Les gens sont traités en esclaves. Ils doivent travailler pour les soldats et d'autres. Ils moissonnent les champs mais n'ont pas le droit de garder leurs récoltes". (121)


Bilan Actuel de la Politique de Regroupement

Du point de vue du régime Buyoya, les camps de regroupement ont été un immense succès sur le plan de la stratégie militaire. Nombreuses sont les personnes interrogées par Human Rights Watch qui ont confirmé que le gouvernement prétendait que les FDD opéraient dans les campagnes avant la création des camps et que l'établissement des camps et les violences qui se sont ensuivies dans quelques régions, dont la plus grande partie des provinces de Kayanza, Karuzi et Muramvya, ont presque entièrement soumis la population et chassé les FDD, du moins pour l'instant. A Rutegama (Muramvya), un informateur a signalé que les FDD étaient très actives dans la région avant le regroupement. Elles avaient organisé une administration parallèle et recevaient un soutien logistique de la population. "Mais ils sont tous partis. Ils ont été chassés de cette région." (122) A Karuzi et Kayanza, des informateurs ont également rapporté que les FDD avaient été actives dans leur région mais qu'elles n'y étaient plus présentes.

Alors que les camps de regroupement ont servi les intérêts militaires et stratégiques du gouvernement à court terme, il n'est pas exact de dire, comme le font certains responsables du gouvernement et de l'armée, que la population est plus en sécurité. Comme l'a dit un homme au camp de Bihemba (Karuzi), "On ne peut pas parler de sécurité ici parce que nous sommes comme des prisonniers. Nous sommes des otages". (123) La population est retenue dans les camps contre son gré et continue à subir détentions arbitraires et exécutions extrajudiciaires, viols, pillages, malnutrition et maladies. Les résidents des camps font montre d'une frustration et d'une colère croissantes face à leur internement prolongé. Un groupe de témoins du camp de Bihemba s'est plaint bruyamment, "Les autorités ne nous laissent pas rentrer chez nous. Il y avait de l'insécurité avant, mais maintenant, il n'y a plus de problème [avec les FDD]. On devrait donc pouvoir retourner chez nous". (124)

Les camps restent un handicap diplomatique majeur pour le régime Buyoya. La poursuite d'une politique qui prive de liberté plusieurs centaines de milliers de personnes et encourage d'autres atteintes aux droits de l'homme sape les efforts faits par le gouvernement pour apparaître modéré et pour obtenir une reprise de l'aide bilatérale et la fin des sanctions. L'ambassade des Etats-Unis a pris clairement position contre les camps de regroupement et tant l'Agence américaine pour le développement international (USAID) que l'Office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO) ont subordonné l'aide à l'élimination des camps. (125)

Suite à ces pressions et au succès de la politique menée pour mettre un frein aux activités des FDD dans certaines régions, le gouvernement a pris quelques mesures pour modifier sa politique de regroupement. Dans les provinces de Muramvya et Kayanza, quelques camps ont déjà été supprimés et dans la province de Karuzi, le gouvernement a commencé à transférer les résidents dans des camps plus petits, plus proches de chez eux. Malheureusement, bien que les changements opérés actuellement dans la politique de regroupement puissent résoudre certains problèmes humanitaires tels que l'approvisionnement en vivres et en eau potable, dans une large mesure, ils n'abordent pas les autres problèmes liés aux droits de l'homme car le droit de circuler librement est toujours restreint et la population continue à être exposée aux détentions arbitraires, aux tortures et aux massacres. En outre, le gouvernement n'envisage pas de fermer les camps de regroupement dans les régions où les FDD sont encore en activité, à Bubanza par exemple, et il a créé de nouveaux camps dans les provinces de Makamba et de Bururi où les activités des insurgés se sont intensifiées.

Les forces armées ont commencé à créer des camps de regroupement dans la commune de Rutegama (Muramvya) en octobre 1996 et elles ont continué à recourir largement à la violence dans la commune jusqu'en février 1997, date à laquelle elles avaient réussi à se débarrasser de la présence des FDD dans la région et la population hutue ne montrait plus de signe évident de résistance. Dès février 1997, les militaires ont commencé à autoriser une partie de la population à quitter le camp de Mushikamo. Cependant, ils n'ont pas autorisé les gens à rentrer simplement chez eux. Ces derniers ont pu reconstruire leurs maisons et ils peuvent maintenant cultiver leurs champs pendant la journée mais la nuit, ils doivent se regrouper. Les femmes et les enfants de chaque colline (l'une des divisions de la structure politique) doivent se rassembler dans une maison chaque nuit tandis que les hommes de chaque colline sont organisés en groupes qui patrouillent dans la zone. Toute femme ou tout enfant qui ne se présente pas au lieu désigné ou tout homme qui ne rejoint pas sa patrouille est battu et condamné à une amende et risque d'être considéré comme un agent des FDD et d'être tué. Une situation analogue se présente au camp de Mpira où quatre grands pavillons ont été construits pour héberger les femmes et les enfants pendant la nuit mais toutes les autres activités se réalisent à la maison. (126)

Dans la province de Kayanza, le gouverneur a annoncé en juin 1997 qu'il envisageait de vider les camps de regroupement en l'espace de quelques mois. Néanmoins, selon le plan prévu, les gens n'allaient pas être autorisés à reconstruire leurs maisons là où elles étaient situées à l'origine, éparpillées sur les coteaux comme le veut la tradition burundaise. Au lieu de cela, le gouvernement a dit qu'il organiserait la construction de nouvelles habitations, regroupées le long des routes, là où les forces armées pourraient "mieux les protéger". Selon le bureau du gouverneur, plusieurs organisations non gouvernementales locales et internationales allaient collaborer à la construction de ces habitations en fournissant des fenêtres, des portes et des matériaux pour les toitures. (127)

En fait, dans certaines communes de Kayanza, la population a commencé à quitter les camps à la fin août, dans le cadre d'une initiative mise sur pied par le gouvernement et où ceux qui quittaient les camps bénéficiaient d'une aide du Programme Alimentaire Mondial et de plusieurs ONG. Au départ, les gens ont été autorisés à rentrer chez eux, bien que le gouvernement ait lancé une campagne pour construire des habitations le long des routes où il pouvait forcer les gens à se réinstaller. Toutefois, dès que le retour organisé par le gouvernement a commencé, des milliers de personnes ont commencé à quitter les camps spontanément et la fermeture des camps a été suspendue à la fin septembre, soi-disant pour des raisons de sécurité. (128)

Dans la province de Karuzi où les camps de regroupement existent depuis plus longtemps et où les conditions de salubrité sont les plus déplorables, le gouvernement a annoncé qu'il envisageait de décentraliser le programme de regroupement. (129) L'assistant du gouverneur a déclaré à Human Rights Watch en juin 1997 que le gouvernement provincial envisageait de diviser les grands camps qui contenaient jusqu'à 22.000 personnes en camps plus petits "plus proches des collines où vivent les gens". (130) A la fin novembre 97, le gouverneur de Karuzi s'est engagé à démanteler entièrement les camps avant la fin de l'année et il a affirmé que plusieurs milliers de personnes avaient déjà été autorisées à rentrer chez elles. En fait, les forces armées n'autorisaient pas les gens à retourner chez eux mais les concentraient dans de petits camps le long des routes principales, comme l'ont signalé des sources humanitaires au Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies. Les changements opérés dans la politique de regroupement à Karuzi consistent en une décentralisation et non en une élimination des camps. (131)

Il se peut que les changements opérés dans la politique de regroupement à Muramvya, Kayanza et Karuzy contribuent à atténuer les problèmes humanitaires mais ils n'élimineront pas les violations des droits de l'homme inhérentes aux camps. Dans ces trois provinces, le gouvernement soutient qu'en vertu de son plan, les gens devraient bénéficier de meilleurs logements et accéder plus facilement à leurs champs, ce qui devrait diminuer le risque de maladies et de famine. Cependant, les militaires continueront à opérer une surveillance et un contrôle stricts sur la population. Celle-ci continuera à être exposée aux exactions des forces armées contre leur personne et leurs biens et sera toujours privée des libertés fondamentales telles que la liberté de résider où elle le souhaite. Ces trois propositions visent à apaiser la communauté internationale mais elles ne constituent en fait qu'un simple ajustement de la politique de regroupement, et non pas son élimination.

Dans le cas de la province de Muramvya, d'anciens résidents du camp de Mushikamo ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils étaient contents que le camp ait été fermé quelques mois plus tôt. Comme l'a expliqué un vieillard appartenant à la communauté, "Nous étions regroupés. Nous nous sommes rassemblés sur ordre des militaires. Mais il n'y avait pas d'abri pour nous. Beaucoup sont morts dans le camp. Nous voulions partir parce que beaucoup étaient malades et avaient faim, et nous serions morts là-bas." (132) Toutefois, les personnes interrogées ont clairement montré qu'elles continuaient à vivre dans la peur parce que les militaires continuent à les surveiller de près et à limiter leur liberté. Les patrouilles obligatoires pour les hommes permettent aux militaires de contrôler de près leurs allées et venues, tandis que les soldats continuent à intimider la population. Bien qu'il n'y ait plus de camp en tant que tel, la situation des droits de l'homme ne s'est pas améliorée de façon significative et les gens sont toujours privés du droit de vivre dans leurs propres maisons. (133)

Dans les cas de Kayanza et de Karuzi, tant les sources diplomatiques que celles émanant d'ONG se sont inquiétées du fait que le projet prévoyant la concentration des habitations des villages le long des routes ne constituait qu'une simple décentralisation des camps. Les militaires continueront à surveiller et à harceler la population. (134) Les patrouilles de nuit obligatoires pour les hommes existaient déjà à Kayanza et le gouverneur a fait clairement comprendre que cette pratique continuerait. (135) L'attitude du gouvernement dans son programme de reconstruction soulève des inquiétudes. Alors que le gouverneur et son assistant ont dit à Human Rights Watch que le gouvernement avait déjà commencé la construction des logements en vue de la fermeture des camps, des témoignages recueillis dans les communes de Rango, Muhanga et Butaganzwa ont révélé que les maisons en construction à ce moment-là étaient exclusivement destinées aux déplacés tutsis et non aux Hutus des camps de regroupement. (136) Bien que l'intention du gouvernement de construire des logements pour quiconque en a besoin soit légitime, la discrimination dans les programmes de réinsertion semble confirmer les doutes planant sur l'intérêt réel que porte le gouvernement à la population hutue.

Les projets de démantèlement des camps de Kayanza, Karuzi et Muramvya constituent des modèles qui pourraient éventuellement s'appliquer aux camps de Bubanza, Bururi et ailleurs pour améliorer l'image de marque du Burundi sur le plan international tout en maintenant un contrôle strict sur la population hutue. La communauté internationale doit surveiller de près tout ce qui touche à la politique de regroupement et, si le gouvernement burundais acceptait d'inclure la fermeture des camps à l'ordre du jour des négociations, elle devrait s'assurer que les camps sont réellement fermés et que la liberté de mouvement et autres droits de l'homme sont pleinement respectés. Il faut par ailleurs s'assurer que le gouvernement burundais mène à terme tous les projets de fermeture, étant donné qu'en mars 1997, les autorités gouvernementales avaient dit au Coordinateur Humanitaire des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs que la plupart des camps seraient fermés pour le mois de juin mais en juillet, Human Rights Watch a découvert qu'un seul camp avait été fermé. (137)

Alors que la politique de regroupement était parvenue avec succès à venir à bout de la résistance visible de la population hutue et à réprimer le soutien actif apporté aux FDD, ce qui a conduit le régime Buyoya à modifier le programme dans les provinces de Kayanza, Karuzi et Muramvya, cette politique de regroupement s'est poursuivie et étendue dans les régions où les FDD continuent à opérer. En fait, alors que les camps sont démantelés ou décentralisés dans le nord du Burundi, de nouveaux camps continuent à être créés dans le sud du pays. Depuis que les FDD ont lancé une grande campagne dans les provinces de Makamba et de Bururi en avril 1997, le régime Buyoya a forcé des milliers d'habitants de ces provinces et de certaines parties de Bujumbura-Rural à se rendre dans de nouveaux camps de regroupement. Bien que les témoignages recueillis en juin et juillet 1997 indiquaient que la création de ces nouveaux camps avait entraîné au départ moins de violences que lors de la vague antérieure de création de camps, la population se conformant généralement aux injonctions du gouvernement et des militaires, la création ultérieure de camps à Bujumbura-Rural, Bururi et Makamba s'est apparemment faite en recourant à des moyens plus énergiques.

Dans la commune de Muhuta (Bujumbura-Rural), à trois reprises, les militaires ont forcé la population locale hutue à se rendre dans les camps suite aux attaques des FDD. En novembre 1996, le commandant du camp militaire de la région a forcé la population à se rendre dans un camp après que les FDD aient tendu une embuscade à un camion militaire sur la route du Lac Tanganyika. Les militaires ont autorisé les personnes à rentrer chez elles en décembre mais en février 1997, ils les ont à nouveau forcées à retourner dans les camps suite à l'assassinat d'un fonctionnaire du gouvernement local. Cette fois, l'officier qui avait donné l'ordre de se regrouper n'a accordé que deux heures à la population pour s'exécuter. Après un mois, les autorités laissaient la population rentrer chez elles. Lorsque les FDD ont établi une présence militaire dans les collines surplombant Magara en mai 1997, les militaires ont forcé la population de la région à se rendre une troisième fois au camp de Rutundo, et cette fois le camp semble s'être installé de façon plus permanente. (138)

Dans certaines communes de Makamba et de Bururi où le risque de représailles des troupes était visible, la population s'est rendue volontairement aux points de rassemblement du gouvernement lorsque les FDD ont attaqué la région en avril et mai 1997. Les responsables du gouvernement de ces deux provinces ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils avaient communiqué à la population avant les attaques l'endroit où elle devait se rassembler en cas d'attaque, et lorsque les attaques ont effectivement eu lieu, la population a fait ce qu'ils lui avaient dit. L'administrateur de la commune de Makamba a déclaré à Human Rights Watch, "Ici [dans le sud], nous avons été attaqués en dernier lieu, nous avons donc eu la possibilité de préparer la population. Nous avons dit aux gens de se réfugier ensemble dans les postes militaires où ils pouvaient bénéficier d'une protection". (139) De même, le gouverneur de Bururi a déclaré, "Les deux ethnies ont fui ensemble et restent ensemble". (140)

Les témoignages recueillis par Human Rights Watch dans ces provinces ont confirmé que la majorité des gens s'étaient réfugiés volontairement dans les camps mais que dans certains cas, ceux qui résistaient avaient été forcés de s'y rendre ou avaient été tués. L'administrateur de la zone de Vugizo (Makamba) a dit à Human Rights Watch que la population s'était réfugiée de son plein gré dans les camps après que les FDD aient attaqué la commune à la mi-avril 1997. Cependant, 800 personnes ont été "prises en otages" par les FDD mais les militaires sont partis les chercher et "les ont ramenées". (141) Toutefois, d'après les civils hutus interrogés à Vugizo, ces personnes n'avaient pas été retenues en otages mais avaient choisi de s'enfuir dans la brousse plutôt que de se rendre dans les camps. Les militaires ne les ont pas délivrées des FDD, comme l'a prétendu l'administrateur, mais les ont forcées à se rendre dans les camps. Un certain nombre d'autres Hutus se sont rendus dans les camps uniquement parce qu'ils y ont été contraints par les militaires. (142) Les forces armées ont invoqué des histoires analogues de "libération" de personnes "retenues en otages" par les FDD dans d'autres régions. Le 9 novembre 1997, elles ont affirmé qu'elles avaient libéré plus de 2.000 personnes retenues en otages par les FDD à Cibitoke. (143)

Lorsque les FDD ont attaqué Vugizo (Makamba), elles ont pillé les maisons, volant le bétail, la nourriture et d'autres biens, et la population s'est enfuie. Certains se sont rendus de leur plein gré aux camps prévus à cet effet mais beaucoup d'autres ont fui dans la brousse. Au cours des quelques semaines qui ont suivi, les militaires sont partis à leur recherche dans la brousse et les ont ramenés de force dans les camps. Selon un informateur de Vugizo, "Aux alentours de 20 heures à Karonge (Vugizo), elles [les FDD] ont commencé à tirer et à brûler les maisons. Les gens se sont cachés lorsque les tirs ont éclaté. Ceux qui ont refusé de se cacher ont été tués. Les assaillants [FDD] n'ont pas tué mais ils ont mis le feu aux bâtiments. Ceux qui sont restés chez eux ont été tués par les militaires". (144) Un autre homme a confirmé que les soldats avaient tué son père à Mbizi. Mais apparemment, plutôt que de les tuer, les militaires ont forcé beaucoup de ceux qui se cachaient dans la brousse à se rendre dans les camps. Dans certaines parties de la province de Bururi, les militaires ont brûlé un grand nombre de maisons pour obliger les Hutus à s'installer dans les camps. (145)

Depuis que Human Rights Watch a visité Makamba et Bururi en juin et juillet 1997, les forces armées ont créé un certain nombre de nouveaux camps de regroupement dans les communes de Buyengero et Burambi (Bururi) et à Nyanza-Lac et Mabanda (Makamba), et peut-être aussi dans d'autres endroits dont des régions de Bujumbura-Rural. Bien que certains aient peut-être suivi de leur plein gré les ordres du gouvernement, des sources humanitaires indiquent que la population s'est opposée au regroupement et que les forces armées ont dans une large mesure recouru à la force. (146) Malheureusement, en raison de l'insécurité régnant dans ces régions, nous ne disposons pas d'informations circonstanciées sur la création des camps et sur les conditions qui y règnent actuellement.

Dans certains cas, les forces armées ont créé des camps de regroupement à titre provisoire seulement, afin de rechercher les combattants FDD dans la région et dénicher leurs partisans. Un témoin a déclaré à Human Rights Watch, "A Buruhukiro, le gouverneur a voulu faire un nettoyage. Ils leur ont donc donné dix minutes ou une demi-heure pour se rendre au centre. Ils les ont renvoyés après une semaine". (147)





45. Communication personnelle de Bujumbura, le 16 décembre 1997.

46. Alf Andrew Heggoy, Insurgency and Counterinsurgency in Algeria (Bloomington: Indiana University Press, 1972), p. 183. Heggoy (p. 214) cite des documents officiels qui estiment à plus d'un million le nombre de personnes réinstallées dans des camps de regroupement en Algérie à la mi-avril 1959. Pour une analyse sur le déplacement forcé en tant que stratégie dans les opérations de contre-insurrection, voir Michael McClintock, Instruments of Statecraft: U.S. Guerrilla Warfare, Counter-insurgency, and Counter-terrorism; 1940-1990 (New York: Pantheon Books, 1992). Au chapitre 11, McClintock parle des mesures de contrôle de la population adoptées au Sud Vietnam et au Guatemala avec le soutien des Etats-Unis.

47. Entretien de Human Rights Watch avec le Ministre de l'Intérieur et de la Sûreté Publique, le Colonel Epitace Bayaganakandi, Bujumbura, le 3 juillet 1997.

48. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, Integrated Regional Information Network, "Emergency Update on the Great Lakes", 28 octobre 1997; communication personnelle, 16 décembre 1997.

49. Article 17, Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) du 8 juin 1977. Le Burundi a adhéré aux quatre Conventions de Genève de décembre 1971 lorsqu'il a accepté la ratification de l'ancienne puissance coloniale, la Belgique. Le Burundi a également adhéré aux Protocoles additionnels I et II aux Conventions de Genève et est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

50. Entretien de Human Rights Watch avec le Col. Epitace Bayaganakandi, Ministre de l'Intérieur et de la Sûreté Publique, Bujumbura, le 3 juillet 1997.

51. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, "Burundi: Humanitarian Situation report, July 16-July 23."

52. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 6 juin 1997.

53. Paulo Sergio Pinheiro, Rapport provisoire sur la situation des droits de l'homme au Burundi remis par le Rapporteur Spécial de la Commission des Droits de l'Homme, conformément à la décision 1997/280 du Conseil Economique et Social (New York: Nations Unies, 7 octobre 1997), A/52/505, p. 13.

54. Témoignage recueilli par Human Rights Watch près de Bugenyuzi, Karuzi, le 13 juin 1997.

55. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Buteganzwa, Kayanza, le 23 juin 1997.

56. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Rutegama, Muramvya, le 11 juin 1997.

57. Cité dans James C. McKinley, "Hutu Families Pay Price in Burundi's Crackdown Against Guerrillas", New York Times, 12 août 1997.

58. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Kayanza, le 23 juin 1997.

59. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Butaganzwa, Kayanza, le 23 juin 1997.

60. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Karuzi, le 13 juin 1997.

61. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, juin 1997.

62. Article 17, Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) du 8 juin 1977.

63. Entretien réalisé par Human Rights Watch avec le Colonel Isaie Nibizi, Bujumbura, le 17 juin 1997.

64. Des responsables du gouvernement ont affirmé que l'activité du CNDD était importante dans les zones visées par le regroupement et nombreux sont les civils que nous avons interrogés qui ont confirmé que c'était effectivement le cas.

65. Comité International de la Croix Rouge, Commentaire sur les Protocoles Additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (1987), para. 4854, p. 1473 (italique ajouté). [Ndt: traduction non officielle de l'anglais]

66. Art. 4(2)(b), Protocole II aux Conventions de Genève du 12 août 1949. Les protections reprises à l'Article 4 figurent sous les "garanties fondamentales". Comme le dit le commentaire du CICR, "Les interdictions sont formelles et ne souffrent aucune exception ... Ce sont des obligations absolues." CICR, Commentaire, para. 4528, p. 1372.

67. Article 4, Protocole II aux Conventions de Genève du 12 août 1949.

68. Article 13(2), Protocole II aux Conventions de Genève du 12 août 1949. L'Article 13(3) stipule que "Les personnes civiles jouissent de la protection accordée par le présent Titre, sauf si elles participent directement aux hostilités et pendant la durée de cette participation".

69. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Bugenyuzi, Karuzi, le 13 juin 1997.

70. En fait, l'organisation et la fonction des camps varient d'un endroit à l'autre. Par exemple, dans les provinces de Karuzi, Bubanza et Kayanza, les camps sont organisés par petits villages, la plupart des activités publiques ayant lieu dans les camps, alors qu'à Muramvya, les camps sont aujourd'hui à peine plus qu'un endroit pour dormir. A Bururi, les gens ont été regroupés dans des villes, beaucoup d'entre eux vivant avec des familles locales, seul un petit nombre vivant dans des logements de fortune.

71. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bururi, le 21 juin 1997.

72. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 6 juin 1997.

73. The Economist (Londres), 14 décembre 1996, p. 43-44.

74. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Bihemba, Karuzi, le 13 juin 1997.

75. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Bihemba, Karuzi, le 13 juin 1997.

76. Ibid.

77. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Mushikamo, Rutegama, Muramvya, le 11 juin 1997.

78. Ibid.

79. Témoignage recueilli par Human Rights Watch près de Bugenyuzi, Karuzi, le 13 juin 1997.

80. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Musema, Kayanza, le 23 juin 1997.

81. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Rutegama, Muramvya, le 11 juin 1997.

82. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bururi, le 21 juin 1997.

83. Abakristu bo mu Ntara ya Kayanza, "Urutonde rw'amazina y'abanyagihugu bamwe bamaze kugandagurwa n'igisoda c'uburundi muri Commune Butaganzwa--Zone Ninga".

84. Cité dans "Emergency Update on the Great Lakes", no. 82, 20 janvier 1997, Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, Integrated Regional Information Network, et dans "U.N. Humanitarian Situation Report -- Burundi (01/14-28)", 31 janvier 1997, Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies.

85. Document anonyme sans titre fourni à Human Rights Watch par des sources à Bujumbura. Le document se termine sur la remarque suivante: "Ces personnes ont été tuées lors de la chasse à l'homme menée dans le cadre du regroupement forcé de la population. Nombreuses sont les victimes qui ont résisté et sont restées sur leurs collines pour cultiver leurs champs car c'était la saison des semis. D'autres qui étaient trop vieux espéraient que les soldats les laisseraient tranquilles. Ce fut une erreur fatale."

86. SOS Génocide, "Spécial Cadeau de Fin d'Année", février 1997.

87. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, "U.N. Humanitarian Situation Report -- Burundi (01/14-28)", 31 janvier 1997.

88. Parti Sahwanya, Secrétariat Général du Frodebu, "Mémorandum sur la situation qui prévaut au Burundi, avril 1997".

89. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, juin 1997.

90. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Rutegama, Muramvya, le 11 juin 1997.

91. Pour une analyse détaillée de la pratique du viol en tant que crime international pendant un confit interne, voir Human Rights Watch et la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, Sexual Violence during the Rwandan Genocide and its Aftermath (New York: Human Rights Watch, 1996).

92. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Bururi, le 21 juin 1997.

93. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, juin 1997.

94. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Rutegama, Muramvya, le 11 juin 1997.

95. D'après les statistiques fournies par le bureau du gouverneur de Karuzi, un total de 139.682 personnes vivent dans vingt-deux camps, une vaste majorité étant des Hutus résidant dans des camps de regroupement forcé, bien que ce chiffre comprenne un petit nombre de Tutsis résidant dans des camps de déplacement volontaire. A la mi-juin, les plus grands camps de regroupement de cette province étaient Bugenyuzi avec 22.289 résidents, Ntunda qui en comptait 16.646, Gihogazi 14.960, Bihemba 14.224, Mugogo 13.339, Cantikiro 10.407, Rusamazo 9.574 et Miyogero 9.105. Dans la province de Kayanza, deux camps visités par Human Rights Watch, Nyarurama et Buraniro, comptaient respectivement 15.000 et 16.000 résidents (dont environ 3.000 Tutsis déplacés dans une section séparée). Le nombre total de personnes dans les camps de regroupement à Kayanza en juin 1997 s'élevait à 76.000.

96. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, Integrated Regional Information Network, "Emergency Update on the Great Lakes", no. 124, 11 mars 1997.

97. Dans la province de Karuzi, il arrive que certaines personnes habitent à cinq heures des camps où elles doivent vivre. Un homme interrogé à Bugenyuzi au moment où il rentrait au camp a expliqué qu'il venait de marcher pendant plus de six heures avec un lourd sac de manioc qu'il avait acheté au marché.

98. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Gitega, le 12 juin 1997.

99. Cité dans "Weekly Roundup", no. 15-97, 28 juillet-4 août 1997, Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, Integrated Regional Information Network.

100. Enquêtes de Human Rights Watch à Bubanza, les 10 et 27 juin 1997, et à Karuzi, le 13 juin 1997.

101. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, juin 1997.

102. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 10 juin 1997.

103. Voir Parti Sahwanya Frodebu, Secrétariat Général, "Mémorandum sur la situation qui prévaut au Burundi: avril 1997".

104. Témoignages recueillis par Human Right Watch, Bujumbura, les 9 et 17 juin 1997.

105. Cité dans "Emergency Update on the Great Lakes", no. 121, 9 mars 1997, Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, Integrated Regional Information Network.

106. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, juin 1997.

107. Entretien réalisé par Human Rights Watch avec le Colonel Daniel Nengeri, gouverneur de Kayanza, Kayanza, le 24 juin 1997.

108. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Nyarurama, Kayanza, le 23 juin 1997. McClintock, op. cit., écrit qu'en Algérie, les Français ont utilisé le regroupement dans le cadre d'un programme de guerre psychologique qui avait quatre objectifs: "contrer l'effet de la propagande ennemie sur leurs propres forces; attaquer le réseau politique de l'ennemi; aider à détruire les forces ennemies; et, ce qui est le plus extraordinaire, organiser et rééduquer l'ensemble de la population suspecte" (p. 261). Les objectifs du regroupement au Burundi sont calqués sur le modèle français.

109. Témoignage recueilli par Human Rights Watch près de Nyarurama, Kayanza, le 23 juin 1997.

110. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Karuzi, le 13 juin 1997.

111. Témoignage recueilli par Human Rights Watch dans le Secteur de Mpira, Commune de Rutegama, Muramvya, le 11 juin 1997.

112. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Kizuka, Bururi, le 1er juillet 1997.

113. Témoignage recueilli par Human Rights Watch près de Nyarurama, Kayanza, le 23 juin 1997.

114. Témoignage recueilli par Human Rights Watch près de Nyarurama, Kayanza, le 23 juin 1997.

115. Chris McGreal, "No Fences, but Hutus are in Prison", The Guardian and Mail, 18 juillet 1997.

116. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Makamba, le 19 juin 1997.

117. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Musema, Buteganzwa, Kayanza, le 23 juillet 1997.

118. Un jour à Karuzi, lorsque Human Rights Watch a interrogé un groupe d'hommes à propos des viols commis dans le camp, ils ont d'abord prétendu que c'était un problème dans d'autres camps mais pas dans le leur. Ils ont ensuite déclaré que cela dépendait de la "faiblesse des filles". D'autres témoins ont toutefois confirmé que le viol était un grave problème.

119. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Karuzi et Kayanza, juin 1997.

120. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Karuzi, le 13 juin 1997.

121. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bujumbura, le 17 juin 1997.

122. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Rutegama, Muramvya, le 11 juin 1997.

123. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bihemba, Karuzi, le 13 juin 1997.

124. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bihemba, Karuzi, le 13 juin 1997.

125. Voir déclaration commune de USAID et d'ECHO du 13 mai 1997.

126. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Muramvya, le 11 juin 1997.

127. Entretiens de Human Rights Watch avec le conseiller général et le gouverneur de Kayanza, Kayanza, les 23 et 24 juin 1997.

128. Services du Secours Catholique, "Situation Report for Burundi/Rwanda/Uganda", septembre 1997; Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Emergency Update No. 234 on the Great Lakes", 22 août 1997; Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Emergency Update No. 245 on the Great Lakes", 10 septembre 1997; Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Emergency Update No. 245 on the Great Lakes", 6 octobre 1997.

129. Entretiens de Human Rights Watch avec des sources diplomatiques et membres d'ONG, juin 1997.

130. Entretien de Human Rights Watch avec le Com. Bunyundo Gabriel, assistant du gouverneur de Karuzi, Karuzi, le 13 juin 1997.

131. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Update No. 298 for Central and Eastern Africa", 22-24 novembre 1997; Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, IRIN, "Weekly Round-up 27-97 of Main Events in the Great Lakes Region", 24 octobre 1997; communication personnelle, décembre 1997.

132. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Mushikamo, Muramvya, le 11 juin 1997.

133. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Mushikamo, Muramvya, le 11 juin 1997.

134. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Bujumbura et Kayanza, juin et juillet 1997.

135. Entretien de Human Rights Watch avec le Col. Daniel Nengeri, Kayanza, le 24 juin 1997.

136. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Kayanza, les 23 et 24 juin 1997.

137. Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies, Integrated Regional Information Network, "Emergency Update on the Great Lakes", no. 121, 9 mars 1997.

138. Témoignages recueillis par Human Rights Watch à Bujumbura le 26 juin 1997 et à Bujumbura-Rural le 28 juin 1997.

139. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Mabanda, Makamba, le 18 juin 1997.

140. Entretien de Human Rights Watch avec André Ndayizamba à Bururi, le 20 juin 1997.

141. Entretien de Human Rights Watch avec Joseph Bahendozi à Vugizo, Makamba, le 19 juin 1997.

142. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Vugizo, Makamba, le 19 juin 1997.

143. "Radio Reports Security Forces Free Over 2,000", Rapport journalier FBIS, 9 novembre 1997.

144. Témoignage recueilli par Human Rights Watch à Vugizo, Makamba, le 19 juin 1997.

145. Témoignages recueillis par Human Rights Watch, Bururi, les 20 et 21 juin 1997.

146. Communication personnelle, le 16 décembre 1997.

147. Témoignage recueilli par Human Rights Watch, Bururi, le 20 juin 1997.

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