Rapports de Human Rights Watch

La responsabilité juridique du gouvernement

Aux termes du droit international des droits humains, le gouvernement ivoirien a l’obligation de respecter le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique, le droit à la liberté et la sécurité de la personne, ainsi que le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion.257 Ces protections sont garanties dans un certain nombre de traités ratifiés par la Côte d’Ivoire, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. La Côte d’Ivoire est également un État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui stipule que « l'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés ».258

Dans certaines circonstances, les forces de sécurité de l’État ont agi en tandem avec la FESCI et d’autres groupements non-gouvernementaux pour commettre des violations des droits humains. Parfois, les membres de la FESCI ont bénéficié de la complicité de policiers ou d’autres autorités, impliquant aussi le gouvernement dans des atteintes aux droits humains.

Mais des organisations telles que la FESCI, même si elles appuient le gouvernement, ne sont pas des acteurs étatiques et par conséquent, aux termes du droit international, elles ne sont pas directement responsables de l’application et de la violation des traités internationaux. Plus exactement, les membres de la FESCI responsables d’actes tels que le meurtre, le viol, les coups et blessures et l’extorsion devraient être forcés par l’État de répondre de ces actes aux termes du droit pénal ivoirien.

Comme il est expliqué dans le présent rapport, depuis 2002 au moins, le gouvernement ivoirien fait preuve d’un esprit partisan en se mettant constamment en défaut d’ouvrir des enquêtes, de poursuivre ou de punir les délits criminels qu’auraient perpétrés des membres de la FESCI. Ceci est particulièrement vrai lorsque ces crimes sont dirigés contre des citoyens originaires du nord, des musulmans et d’autres personnes perçues comme des opposants au parti au pouvoir, le FPI.

Le droit international reconnaît la responsabilité de l’État lorsque celui-ci omet de protéger les personnes contre les violations de leurs droits et les violences commises par des acteurs privés. Selon le Comité des droits de l’homme de l’ONU, organe international spécialisé qui supervise le respect du PIDCP, les États ont l’obligation « de respecter et de garantir » les droits reconnus dans le pacte. Afin d’honorer cette obligation, un État ne doit pas seulement protéger les personnes contre les violations de ces droits par ses agents, mais « aussi contre des actes commis par des personnes privées, physiques ou morales, qui entraveraient l'exercice des droits énoncés dans le Pacte ». Un État peut violer les droits humains en ne protégeant pas la population, notamment s’il « tolère de tels actes ou s'abstient de prendre des mesures appropriées ou d'exercer la diligence nécessaire pour prévenir et punir de tels actes commis par des personnes privées, physiques ou morales ».259

En définitive, le sentiment partagé par beaucoup d’Ivoiriens selon lequel les groupes pro-gouvernementaux tels que la FESCI sont effectivement « au-dessus de la loi » en raison de leur allégeance au parti au pouvoir sape le respect envers des institutions qui constituent les fondements essentiels de l’État de droit, notamment des tribunaux indépendants et impartiaux et une police respectueuse des droits. Cette situation fait également naître le sentiment que les droits que le gouvernement ivoirien est tenu de respecter au regard du droit international ne sont en fait pas des droits garantis à tous, mais uniquement à une classe politique privilégiée.




257 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté le 16 décembre 1966, Rés. AG 2200A (XXI), 999 U.N.T.S. 171 (entré en vigueur le 23 mars 1976 ; ratifié par la Côte d’Ivoire in 1992) ; Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin 1981, Doc. OUA CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58 (1982), (entrée en vigueur le 21 octobre 1986 ; ratifiée par la Côte d’Ivoire en 1992).

258 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), adopté le 16 décembre 1966, Rés. AG 2200A (XXI), 993 U.N.T.S. 3 (entré en vigueur le 3 janvier 1976 ; ratifié par la Côte d’Ivoire en 1992), Art. 13(2)(c).

259 Comité des droits de l’homme, Observation générale No. 31, La nature de l'obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, Doc. ONU CCPR/C/21/Rev.1/Add.13 (2004), para. 8. Voir également  la Recommandation générale No.19 du Comité CEDAW : « Les États peuvent être également responsables d'actes privés s'ils n'agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer. » Recommandation générale No. 19, Violence à l’égard des femmes, Doc. ONU A/47/38 (1992) para. 9.