Rapports de Human Rights Watch

L’impunité et le besoin de justice

Bien que les activités illégales des membres de la FESCI ne soient un secret pour personne en Côte d’Ivoire, les autorités gouvernementales n’ont que rarement ouvert une enquête, arrêté et poursuivi les auteurs de ces actes illicites.223 Dans de nombreux cas, les victimes de violences perpétrées par la FESCI ont déposé plainte officiellement. Néanmoins, selon des victimes interrogées par Human Rights Watch, ces plaintes n’aboutissent presque jamais ne fût-ce qu’à l’interrogatoire d’un membre de la FESCI par la police, et encore moins à son inculpation.224

Depuis l’année 2000 au moins, la Côte d’Ivoire est marquée par un climat d’impunité bien ancrée, les forces de sécurité gouvernementales ainsi que les groupes et les milices pro-gouvernementaux pouvant apparemment tuer, violer, agresser, harceler et extorquer de l’argent aux supposés partisans de l’opposition politique (et, depuis 2002, à ceux des rebelles) sans conséquences.225 En ce sens, les exactions perpétrées par les membres de la FESCI et décrites plus haut, ainsi que le fait que le gouvernement s’abstienne d’enquêter et, si les faits l’imposent, de poursuivre les auteurs de ces actes, ne sont que le reflet d’un problème beaucoup plus vaste.

Le soutien direct et indirect du gouvernement

Lors des recherches effectuées par Human Rights Watch sur les violences perpétrées par la FESCI, les personnes interrogées, qu’il s’agisse d’étudiants, de professeurs, de policiers ou encore de juges, ont fréquemment affirmé qu’une grande partie du pouvoir politique et du comportement criminel de la FESCI découlait du fait qu’elle était « protégée par le pouvoir » et « soutenue par le FPI ».226 Ces personnes prétendent que la protection et le soutien apportés par le FPI à la FESCI sont à la fois directs et indirects et qu’étant donné l’implication de la FESCI dans une longue série de délits criminels graves, l’appui du gouvernement s’avère particulièrement inopportun sous quelque forme que ce soit.

En ce qui concerne le soutien direct, bien que l’on entende souvent dire que le Bureau national de la FESCI reçoit des contributions financières soit de la présidence, soit de membres haut placés du FPI, aucune des personnes interrogées par Human Rights Watch n’a été en mesure de présenter des preuves tangibles permettant d’étayer cette affirmation.

Hormis le soutien purement financier, il existe toutefois plusieurs exemples notables d’un soutien gouvernemental direct qui sont décrits ailleurs dans le présent rapport, notamment l’aide fournie à la FESCI et d’autres membres de la « galaxie patriotique » par le chef de l’armée ivoirienne lorsqu’ils ont pris d’assaut la chaîne de télévision nationale en janvier 2006, ainsi que le soutien logistique procuré à la FESCI et d’autres « patriotes » lors des émeutes anti-ONU de janvier 2006.227

Cependant, s’il est une manière beaucoup plus insinuante d’encourager les activités de la FESCI, tant celles qui semblent être motivées politiquement que celles davantage mues par des considérations criminelles ou pécuniaires, c’est bien par l’impunité associée à presque tous les délits perpétrés par les membres de cette association.228 Sans cette impunité, a fait remarquer un professeur, la FESCI ne pourrait pas exister sous sa forme hégémonique et violente actuelle.229 Un certain nombre de professeurs et d’étudiants avec lesquels nous nous sommes entretenus affirment que la réticence affichée par le gouvernement à poursuivre en justice les membres de la FESCI est, en réalité, une forme de soutien gouvernemental indirect à cette association.

Un État dans l’État

Lors d’entretiens avec Human Rights Watch, des policiers, des fonctionnaires d’une mairie, des professeurs et des étudiants ont tour à tour qualifié les cités universitaires d’ « État dans l’État », d’ « ambassade étrangère » et de « no man’s land » en raison du contrôle absolu exercé par la FESCI et de l’incapacité ou du manque de volonté dont font preuve les forces de sécurité de l’État pour intervenir face à la conduite criminelle des membres de la FESCI.230 Un policier interrogé par Human Rights Watch a reconnu que la police est incapable de mettre un pied dans ces endroits (ou sur le campus universitaire) pour faire respecter la loi sans demander la permission du dirigeant de la FESCI.231

Certains policiers interrogés par Human Rights Watch ont fait part de leur énorme frustration face à ce qu’ils perçoivent comme leur incapacité à agir contre les exactions commises par la FESCI :

Aujourd’hui, la FESCI fait ce qu’elle veut et il ne se passe rien. Elle jouit d’une impunité totale. Les membres de la FESCI ne sont jamais punis et ils ne le seront jamais parce que les gens au pouvoir les soutiennent. Il y a eu des cas où des membres de la FESCI ont été arrêtés mais ils ont été libérés peu après. Dans le cas de Habib Dodo, nous savons qui l’a fait, mais il ne se passe rien.232 Nous connaissons ceux d’entre eux qui ont tué, volé et tabassé mais nous ne pouvons rien faire contre eux dans le système actuel. Il ne se passe rien parce que les gens ont peur d’eux et des gens du gouvernement qui les soutiennent. Vous savez, ils ont même tabassé des juges en 2004 et rien n’est arrivé. Pourquoi ? Parce qu’ils sont protégés en haut lieu.

Lorsque les gens téléphonent et disent, « La FESCI est en train de causer des problèmes ici », un policier y regarde à deux fois avant d’agir. C’est comme si vous aviez affaire au diable. Si quelque chose paraît dans la presse, alors la police est appelée à mener une enquête mais ça veut juste dire que l’on interroge une ou deux personnes et on en reste là. Le chef de notre arrondissement dira, « Je vous envoie mais ne vous créez pas de problème ». Aujourd’hui, il y a même des policiers qui sont des ex-membres de la FESCI, donc vous êtes aussi aux prises avec eux quand ils disent, « Du calme, ne faites rien ». Nos dirigeants essaieront de faire croire que qu’ils font quelque chose à propos du problème mais c’est de la poudre aux yeux et nous les policiers en dessous d’eux, nous savons qu’ils ne font rien. Il y a beaucoup de policiers qui sont fatigués du système et de l’impunité mais ceux de l’autre côté sont plus nombreux et ils contrôlent les plus hauts postes.233

D’autres policiers et juges interrogés par Human Rights Watch ont apporté des témoignages similaires. Un policier haut gradé a relevé que, « Si on nous donnait le feu vert pour nous occuper des choses, nous pourrions régler le problème, mais nous ne pouvons pas agir parce que nous savons qu’ils sont protégés par le  pouvoir. »234

Pourquoi si peu est fait pour réclamer des comptes aux membres de la FESCI

Des juges et des policiers interrogés par Human Rights Watch ont expliqué que, pour toutes sortes de raisons, les autorités s’abstiennent systématiquement d’agir contre les crimes commis par les membres de la FESCI. Certains ont exprimé une crainte pour leur carrière, d’autres pour leur sécurité personnelle et celle de leur famille, et d’autres ont simplement évoqué les conséquences imprévisibles d’une action contre ceux qui, à leurs yeux, bénéficient d’une énorme protection politique.235 Un juge d’instruction a expliqué ce qui suit :

Si je commençais à interroger des membres de la FESCI, je mettrais ma carrière en danger. Quelqu’un du ministère [de la justice] viendrait probablement dire que c’en est fini pour moi. Ce n’est pas que les juges reçoivent des instructions précises leur intimant de ne pas toucher aux membres des milices comme la FESCI, mais chacun pense à sa sécurité et à sa carrière. En tant que petits juges, nous savons que si nous nous attaquons à eux, ils viendront nous chercher la nuit si nous creusons trop profond ou si nous les dérangeons. Et personne n’ouvrira d’enquête pour découvrir qui vous a fait ça.236

Se démarquant en partie des autres personnes interrogées, le Directeur Général de la Police Nationale (DGPN) de l’époque, Yapo Kouassi, a reconnu qu’il y avait eu des problèmes avec les membres de la FESCI mais il a démenti l’accusation selon laquelle la FESCI jouissait d’une impunité :

Nous devons admettre qu’il est difficile pour les autorités de les contrôler. Mais j’insiste sur le fait que les autorités n’ont jamais approuvé officiellement les actes de destruction de la FESCI et que j’ai ordonné leur dispersion lorsque cela s’avérait nécessaire. Par exemple, en 2003, j’étais directeur de la sécurité publique. La FESCI voulait la révocation du directeur de la RTI et nous les avons dispersés avec des gaz lacrymogènes. Cela a stupéfié les gens parce qu’on disait qu’ils étaient proches du pouvoir. Chacun s’attendait à ce que je sois renvoyé. Mais au lieu de cela, j’ai été promu au poste de Directeur Général de la Police Nationale peu de temps après. Les plus hautes autorités s’inquiètent donc bien des actions menées par la FESCI. Cela les expose à la communauté internationale et ne donne pas une bonne image du pays. La FESCI donne l’impression d’être un second pouvoir mais ils n’ont pas carte blanche dans le pays, même s’ils ont aidé à sauver les institutions républicaines après la crise.237

Comme il y est fait allusion dans le témoignage ci-dessus, les membres de la FESCI et d’autres personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont la conviction qu’en organisant des manifestations à des moments clés depuis le début de la crise en 2002, la FESCI et d’autres membres de la « galaxie patriotique » ont « sauvé les institutions de la république » en général, et le gouvernement Gbagbo en particulier. Le Directeur Général de la Police Nationale a expliqué que :

Il est vrai que la FESCI a le pouvoir de s’immiscer dans le fonctionnement de certaines institutions de l’État. Mais elle a également utilisé son pouvoir pour soutenir le gouvernement. Par exemple, suite à la crise du 19 septembre 2002, il y a eu des tas de grandes mobilisations organisées par les mouvements patriotiques. À ce moment-là, la FESCI a agi en fer de lance pour soutenir les institutions de la république.238

Bien entendu, peu de membres de la FESCI, si tant est qu’il y en ait eu, ont littéralement pris les armes pour juguler l’avancée imminente des rebelles. Néanmoins, un sentiment général semble prévaloir parmi les anciens membres de la FESCI interrogés selon lequel les énormes manifestations et mobilisations ont malgré tout porté un coup à la rébellion dans une bataille morale et médiatique. Par ailleurs, comme il est expliqué dans le présent rapport, la FESCI et d’autres membres de la galaxie patriotique ont organisé des mobilisations afin de paralyser le processus de paix à des moments clés, souvent de façon à aider le FPI à reprendre du souffle lorsque la conjoncture politique était précaire.

C’est pour cette raison que bon nombre des personnes interrogées, qu’ils s’agisse de policiers ou d’étudiants, affirment que le gouvernement est réticent à l’idée d’engager des procédures judiciaires contre des membres de la FESCI, d’une part parce qu’il entend en quelque sorte la récompenser pour les actions menées dans le passé en faveur du gouvernement, et d’autre part parce que la capacité de la FESCI à mobiliser les jeunes pourrait encore s’avérer utile à l’avenir. Comme l’a expliqué un juge :

Le plus important est de mettre fin à l’impunité. Aussi longtemps qu’ils ne devront pas payer les conséquences de leurs actes, rien ne changera. Il s’agit en grande partie d’une question de volonté politique. Mais le FPI pense qu’il a besoin des jeunes pour la « résistance patriotique ». Et la FESCI et les autres patriotes ont organisé d’impressionnantes manifestations. Donc quelque part, le régime leur doit sa survie. Nous devons reconnaître que des groupes comme la FESCI ont un poids politique énorme. Ils ont une capacité de mobiliser les jeunes que les partis politiques eux-mêmes n’ont pas.239

D’autres observateurs politiques interrogés par Human Rights Watch, notamment des professeurs et des diplomates, ont déclaré qu’il était peu probable que le FPI traduise en justice des membres de la FESCI maintenant car il peut avoir besoin de faire appel à la capacité et au pouvoir de mobilisation de l’organisation lors des prochaines élections, pour l’instant prévues fin novembre 2008.240 Plusieurs personnes interrogées estimaient qu’il était important de comprendre le sens de la loyauté réciproque née d’une part de la lutte commune menée dans les années 1990 par la FESCI et le FPI en faveur de la démocratie multipartite et d’autre part de la persécution subie par les deux groupes.241 Par exemple, un ancien haut fonctionnaire du ministère de la sécurité a confié à Human Rights Watch, « La raison pour laquelle la FESCI n’est pas jugée et punie est que le FPI l’a créée lorsqu’il était dans l’opposition et que maintenant, il ne peut pas se retourner contre sa propre création. »242 Un défenseur des droits humains a exprimé une idée similaire : « Jusqu’à ce que la guerre prenne fin, ce serait difficile pour le gouvernement d’arrêter des membres de la FESCI. La FESCI verrait cela comme une trahison puisqu’elle a amené le FPI au pouvoir. »243

Les crimes de la FESCI sont bien connus du gouvernement et du public

Les divers crimes exposés par Human Rights Watch dans le présent rapport ne surprendront personne en Côte d’Ivoire. En effet, bon nombre des activités de la FESCI ont été rapportées par les médias locaux et étaient bien connues des autorités judiciaires et policières interrogées par Human Rights Watch.244 Les plus hautes sphères gouvernementales n’ignorent rien des crimes perpétrés par la FESCI. Dans un éditorial publié dans la presse locale en août 2006, le Ministre de la Sécurité de l’époque, Dja Blé, a dénoncé la « culture [générale] de violence entretenue par une quasi-impunité » en Côte d’Ivoire et cité comme exemple « les nombreux actes de vandalisme, d'agressions physiques allant jusqu'aux meurtres commis par des élèves et étudiants de la FESCI [qui] sont et demeurent toujours impunis ».245

Pour leur part, les membres de la FESCI semblent se délecter de l’impunité dont ils jouissent. Comme l’ont confié des dizaines d’étudiants, des professeurs et autres personnes interrogés par Human Rights Watch, ils disent fréquemment d’un ton sarcastique : « Nous pouvons vous tabasser et il n’arrivera rien. Nous pouvons vous tuer et il n’arrivera rien. »246 Un étudiant s’est vanté du fait qu’un seul coup de fil suffit dans bien des cas pour libérer un membre de la FESCI qui a des problèmes avec la police :

Si quelqu’un se fait arrêter, disons pour avoir tabassé un chauffeur de taxi, nous allons en masse au poste de police et annonçons que nous sommes de la FESCI et nous libérons la personne. Le 8e arrondissement coopère généralement, donc la plupart du temps, le secrétaire général peut juste les appeler. Par exemple, une fois j’ai été envoyé par le secrétaire général au 8e. Un étudiant refusait de payer son taxi, alors le chauffeur l’a emmené au poste de police. Mais en fait, dès que j’ai confirmé son identité de membre de la FESCI, ils l’ont libéré.247

Il faut noter qu’au moins en deux circonstances en 2007, le Secrétaire général de la FESCI, à l’époque Serge Koffi, a volontairement livré à la police des membres de la FESCI accusés de crimes. Dans le premier cas, ils étaient impliqués dans le meurtre, en juin 2007, d’une personne accusée de vol sur le campus ; dans le second, ils étaient accusés du passage à tabac, en octobre 2007, de deux chauffeurs de bus de la Société des transports abidjanais (SOTRA). Même si l’on peut se réjouir de ces actions, elles n’en restent pas moins l’exception plutôt que la règle.

Les relations avec la police

Depuis le début de la crise en 2002, la FESCI entretient parfois des relations contradictoires avec la police et avec les autorités qui, dans un nombre limité de circonstances, cherchent à réfréner les activités les plus viles de la FESCI, mais plus souvent ferment les yeux devant la réalité. En d’autres occasions encore, des frictions entre policiers et membres de la FESCI ont dégénéré en attaques et échauffourées. Les événements d’août 2006 et d’août 2007 illustrent bien cette dynamique.

En août 2007, des membres de la FESCI ont attaqué et saccagé un commissariat de police d’Abidjan, brisant les vitres des voitures et des bâtiments du voisinage, afin de libérer deux de leurs camarades qui venaient d’être appréhendés pour n’avoir pas arrêté leur voiture à un contrôle de police. Un policier qui se trouvait au commissariat cette nuit-là a déclaré à Human Rights Watch que quelques heures après que les deux membres de la FESCI eurent été amenés au commissariat, des centaines d’autres membres de l’association ont pris d’assaut le commissariat, accompagnés d’un député de l’Assemblée Nationale membre du parti au pouvoir, William Attéby :

Tout a commencé lorsqu’un poste de contrôle de l’UIR [Unité d’Intervention et de Recherche] a sifflé une voiture pour qu’elle s’arrête. Le véhicule a refusé de s’arrêter et la police l’a poursuivi jusqu’à la Cité Rouge. Les policiers ont réussi à arrêter deux personnes et les ont emmenées au poste du 8e arrondissement. À leur arrivée, les étudiants ont dû s’asseoir sur un banc et on leur a demandé d’expliquer la situation. Entre-temps, ils avaient passé des coups de fil à la FESCI. Aux alentours de 2h30 du matin, au moins trois cents membres de la FESCI et le Député Attéby en personne sont arrivés au poste. Ils sont entrés de force et ont cassé la porte. L’un d’eux a pris une Kalash [fusil d’assaut Kalashnikov AK-47] du commissariat. Attéby était en short et en t-shirt. Il a dit, « Libérez ces gosses immédiatement. Sinon, il y aura des suites. » Nous avons répondu, « On ne peut pas les libérer juste comme ça. » Alors il a dit, « Vous les forces de sécurité ‘n’avez pas gagné la guerre.’ C’est le président lui-même qui l’a dit.248 Ce sont ces gosses là dehors qui ont mis le gouvernement en place. »

Nous nous sommes branchés sur la radio de la police et avons dit que nous étions attaqués par la FESCI et que certains d’entre eux étaient même armés. Notre chef est venu à la radio et a dit, « Ne touchez pas à un seul cheveu d’un étudiant. Laissez-les partir. » Cela m’a vraiment dérangé. Alors que les gens partaient, un étudiant nous a dit, « Vous verrez. Vous n’êtes rien. Nous sommes le gouvernement. Nous cassons des trucs et il ne nous arrivera rien. »249

Personne n’a été interrogé ou arrêté en lien avec l’attaque. Dans un entretien avec Human Rights Watch, le Directeur Général de la Police Nationale de l’époque, Yapo Kouassi, a déclaré qu’il avait donné l’ordre de libérer les étudiants car « il y a des extrémistes à la FESCI qui pourraient déchaîner la violence partout dans Abidjan, ce qui mettrait en danger notre paix fragile. »250 Au cours d’une interview accordée à un journal local, le Secrétaire général de la FESCI à l’époque, Serge Koffi, a décliné toute responsabilité pour l’attaque : « Je suis donc étonné que l’on m’accuse d’être celui qui a incité à la violence.  Si je l’avais voulu vraiment, les choses auraient été beaucoup plus terribles. »251

En d’autres occasions, les frictions entre la FESCI et la police ont dégénéré en batailles sanglantes. Fin août 2006, des membres de la FESCI ont passé à tabac un élève policier à un arrêt de bus après qu’il eut apparemment essayé de resquiller dans la file d’attente.252 En représailles, un groupe d’élèves policiers, dont l’académie est toute proche de l’université, a pris d’assaut le campus de l’université de Cocody, abattant au moins un étudiant et en blessant grièvement jusqu’à 20 autres.253 Certains policiers affirment qu’il y a eu un échange de tirs entre la FESCI et la police.254 Au cours d’un entretien avec le Président Gbagbo après les incidents, selon ce qu’a rapporté un journal pro-FPI, Serge Koffi de la FESCI aurait exigé le licenciement de plusieurs hauts responsables de la police, ainsi que du ministre de la sécurité, qu’il accusait d’en vouloir à la FESCI parce qu’il avait dénoncé publiquement l’impunité dont elle jouissait.255 Peu de temps après, le directeur de l’académie de police a été suspendu et sept policiers auraient été accusés de coups et blessures et de viol.256




223 Une exception fréquemment citée est celle d’un groupe de cinq étudiants de la FESCI en détention depuis fin 2005 parce qu’ils auraient tué le neveu d’un proche conseiller du président, Kadet Bertin. Les étudiants, qui clament leur innocence, auraient été dénoncés par le Secrétaire général de la FESCI, Serge Koffi. « Détenus depuis 2 ans à la Maca ; Des étudiants réclament une grâce », Le Jour (Abidjan), 3 août 2007.

224 Entretiens de Human Rights Watch avec des victimes de la violence perpétrée par la FESCI, août, septembre et octobre 2007.

225 Le problème de l’impunité en Côte d’Ivoire a été analysé dans un certain nombre de rapports antérieurs de Human Rights Watch. Voir, par exemple, Human Rights Watch, « Parce qu’ils ont des fusils… il ne me reste rien. » Le prix de l’impunité persistante en Côte d’Ivoire; Côte d’Ivoire: « Mon cœur est coupé » Violences sexuelles commises par les forces rebelles et pro-gouvernementales en Côte d’Ivoire.

226 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

227 Voir Blocage du processus de paix ainsi qu’Intimidations et attaques à l’encontre de la presse, infra.

228 Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, des professeurs, des policiers, des juges et des défenseurs des droits humains, août, septembre et octobre 2007.

229 Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 5 août 2007.

230 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

231 Aux termes de la loi ivoirienne, la police a besoin d’obtenir la permission du président de l’université avant d’intervenir sur un campus. C’est le principe de la « franchise universitaire ». Néanmoins, comme l’a expliqué un policier : « Si nous entendons des tirs sur le campus, nous appelons Serge Koffi pour avoir la permission d’y aller, pas le président de l’université. Cette affaire de la franchise universitaire, c’est terminé ». Entretien de Human Rights Watch avec un policier, Abidjan, 21 octobre 2007.

232 Voir Meurtre, agressions et actes de torture commis contre d’autres étudiants, infra.

233 Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la police judiciaire, Abidjan, 21 octobre 2007.

234 Entretien de Human Rights Watch avec un policier haut gradé, Abidjan, 26 octobre 2007.

235 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

236 Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 9 août 2007.

237 Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 25 octobre 2007.

238 Ibid.

239 Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 26 octobre 2007.

240 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, 1er et 25 octobre 2007.

241 Par exemple, lors d’une interview récente accordée à un journal, Charles Blé Goudé a expliqué que : « Pendant qu'on nous mettait en prison, il y avait un monsieur qui était à la tête d'une formation politique. Il s'appelle Laurent Gbagbo. Il a été en prison pour nous. Il a organisé une marche en 1992 pour nous soutenir. Pour nous, sa voiture a été incendiée ; pour nous, sa femme a été battue ; pour nous, il a été emprisonné ; pour nous, son fils l'a été également parce qu'il a exigé la libération des étudiants… A partir de là, un lien fort s'est tissé entre notre génération et ce monsieur. » « Charles Blé Goudé, leader des jeunes patriotes: ‘Les problèmes de désarmement avant élection ne sont que de l’animation politique’ », Sidwaya (Ouagadougou), 1er avril 2008.

242 Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 22 octobre 2007.

243 Entretien de Human Rights Watch, Abidjan, 3 août 2007.

244 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

245 « Mes deux premières propositions pour une sortie de crise apaisée », Fraternité Matin (Abidjan), 20 août 2006.

246 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, août, septembre et octobre 2007.

247 Entretien de Human Rights Watch avec un membre de la FESCI, Abidjan, 4 octobre 2007.

248 En août 2007, le Président Gbagbo s’est entretenu avec des soldats qui réclamaient des primes de guerre. Lors des discussions, il aurait dit aux soldats que parce qu’ils n’avaient pas gagné la guerre, ils ne recevraient même pas cinq francs. « Rencontre entre le Chef de l'Etat et les FDS, mardi - Gbagbo refuse de récompenser des soldats qui n'ont pas gagné la guerre », Le Nouveau Réveil (Abidjan), 16 août 2007.

249 Entretien de Human Rights Watch avec un policier, Abidjan, 21 octobre 2007.

250 Entretien de Human Rights Watch avec Yapo Kouassi, alors Directeur Général de la Police Nationale, Abidjan, 25 octobre 2007.

251 Cité dans « Un Commissariat de police attaqué », Soir Info (Abidjan), 27 août 2007. Serge Koffi soutient que le commissariat de police a été pris d’assaut parce que des étudiants avaient été passés à tabac par la police et que lui et son adjoint Attéby se sont rendus au commissariat pour calmer le jeu.

252 Dans plusieurs gares routières d’Abidjan, les membres de la FESCI s’octroient le rôle de gardiens de l’ordre, organisant les files d’attente et punissant les éventuels fraudeurs. Eux-mêmes ne doivent pas faire la file. Entretiens de Human Rights Watch avec des étudiants, septembre et octobre 2007.

253 « Ivory Coast police academy director suspended after clashes », Agence France-Presse, 2 septembre 2006.

254 Entretien de Human Rights Watch avec un officier de police haut gradé, Abidjan, 24 octobre 2007.

255 « Reçue hier par le chef de l'État, la FESCI exige le départ de Dja Blé et des responsables de la Police », Notre Voie (Abidjan), 4 septembre 2006. Serge Koffi faisait probablement allusion à un article du Ministre de la Sécurité de l’époque, Dja Blé, paru le 20 août 2006 et dans lequel il dénonçait « une culture de la violence entretenue par une quasi-impunité » et citait comme exemple « les nombreux actes de vandalisme, d'agressions physiques allant jusqu'aux meurtres commis par des élèves et étudiants de la FESCI [qui] sont et demeurent toujours impunis. « Mes deux premières propositions pour une sortie de crise apaisée », Fraternité Matin (Abidjan), 20 août 2006.

256 « Sept agents inculpés dans l'affaire ‘affrontements policiers-étudiants’ », Fraternité Matin (Abidjan), 17 novembre 2006. En mai 2007, la police a dispersé une tentative de sit-in organisée au Ministère de l’Intérieur par des étudiants réclamant des indemnités de 300 millions de francs (environ 600 000$US) en lien avec les violences d’août 2006 . « FESCI : La responsabilité des autorités, la police en colère », Soir Info (Abidjan), 9 mai 2007.